mercredi 24 avril 2019

Le musée d'art brut à Lausanne


En ce 07/06/2018, notre amie B... nous fait découvrir la collection de l'art Brut à Lausanne.
Cette exposition exceptionnelle se trouve depuis 1976 dans le château de Beaulieu qui date du XVIIIe siècle.
Pour les commentaires, je me suis inspirée de wikipedia et des explications données tout le long du parcours dans le musée.

Au XIXe siècle en Angleterre, en Suède et en France on nommait cet art l’art des fous.
En France, le docteur Philippe Pinel (1745-1826) aliéniste à l'hôpital Bicêtre souhaitait abolir les méthodes de traitement brutales. C’est grâce à lui que les activités artistiques ont été encouragées dans les hôpitaux psychiatriques.

En 1875, le docteur Jean-Martin Charcot collectionne les œuvres des malades qu'il soigne à l'hôpital de la Salpêtrière.
Les surréalistes ont eu un véritable engouement pour « l'art des fous », notamment André Breton qui achète en 1926 des œuvres d'Augustin Lesage exposées à la galerie Vavin-Raspail.

C’est au peintre français Jean Dubuffet que l’on doit le concept d’Art Brut.

En 1922, il s'intéresse aux travaux du docteur Hans Prinzhorn qui a rassemblé les œuvres de ses malades mentaux, constituant un Musée d'art pathologique à Heidelberg.

Jean Dubuffet constitue dès 1945 une collection d’objets créés par des pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, mais aussi celui de marginaux de toutes sortes : prisonniers, reclus, mystiques, anarchistes ou révoltés

C’est le 28 août 1945 que Dubuffet baptise cet art d' « art brut ».
Il organise plusieurs expositions des œuvres de sa collection entre 1947 et 1951. D'abord dans les sous-sols de la galerie Drouin qui devient le Foyer de l'art brut. Puis, en 1948, le foyer est transféré dans un pavillon de la Nouvelle Revue française, 17 rue de l'Université. Le Foyer devient ensuite la Compagnie de l'art brut dont les membres fondateurs sont Jean Dubuffet, André Breton, Jean Paulhan, Charles Ratton, Henri-Pierre Roché, Michel Tapié et Edmond Bomsel.

En 1951, la compagnie est transférée aux États-Unis à East Hampton (New York) .
En 1962, la collection est rapatriée en France au 137 rue de Sèvres qui est le siège de la Fondation Dubuffet. L'artiste souhaitait vivement que sa collection reste à Paris. On lui avait fait plusieurs promesses dont aucune n'a été tenue.
« Devant les atermoiements de l'administration française, Dubuffet a finalement accepté l'offre de la ville de Lausanne qui proposait des conditions idéales de conservation de ces œuvres.
Le 28 février 1976, en présence des autorités municipales, l'installation est inaugurée à Lausanne au château de Beaulieu. »

Le château et le musée sont inscrits comme bien culturel suisse d'importance nationale.

Les artistes comme les oeuvres sont multiples, sculptures, peintures....
Emile Ratier (1894-1984) traverse une période de dépression à partir de 1960 alors que sa vue baisse jusqu'à devenir aveugle. Il commence à travailler le bois particulièrement l'ormeau avec lequel il fabrique des mobiles animées de manivelles et autres mécanismes sonores. Ses travaux représentent des charrettes des manèges des animaux...et des véhicules insolites.

Clément Fraisse (1901-1980). A l'âge de 24 ans il tente d'incendier la ferme de ses parents et il est enfermé dans un hôpital psychiatrique. Son attitude protestataire et violente entraine sa réclusion de 1930 à 1931 dans une étroite cellule dont les murs sont lambrissés de bois brut. Il entreprend de les sculpter pendant 2 ans à l'aide d'un manche de cuillère, ou quand on lui confisque avec la anse de son pot de chambre. Chacun des 20 panneaux de la rangée supérieure représente un personnage dont les dents, les doigts et les orteils sont représentés de façon schématique.

Chiyuki Sakami est née au Japon en 1861. Dans son autobiographie elle affirme être née il y a 6 milliards d’années dans la mer précambrienne. Elle dit dessiner des personnages qu’elle a connus dans une vie antérieure. Ses œuvres sont dominées par le bleu. Sa fragilité psychiatrique l’a contraint à plusieurs hospitalisations. Elle trace des formes automatiques et elle rajoute ensuite une multitude de traits et de points.

Madame Bouttier (dates inconnues) est née à Lyon. Elle pratique le spiritisme et dans un état de transe elle réalise des dessins à la mine de plomb. Ses œuvres sont d’étranges créatures et de motifs végétaux, dont le feuillage se transforme en insectes et en larves.

Stanislaw Zagajewski (env 1927-2008) a été abandonné par sa mère à l’âge de 2 ans devant une église de Varsovie puis placé dans divers orphelinats.
Il apprend le métier de maçon et parallèlement il modèle la terre glaise.

En 1952 il abandonne son emploi, aménage dans un bâtiment en ruine et se consacre au modelage.
Grâce au parrainage du directeur d’une fabrique de céramiques il peut faire cuire ses pièces. Le musée de Wloclaweck met aussi à sa disposition un atelier et dès 1970 il va sculpter des bas-reliefs monumentaux à caractères religieux. Il tire ses thèmes de la religion catholique. Il attribue sa création à une inspiration divine.

August Walla (1936-2001) est né en Autriche.

A 16 ans il menace de se suicider et de mettre le feu à sa maison, il est enfermé dans un établissement psychiatrique.

Ses œuvres allient écritures et dessins. Démons, dieux, divinités imaginaires, prophètes…peuplent son imaginaire.

Oswald Tschirtner (1920-2007) est né en Autriche. Dès son plus jeune âge il manifeste son désir de se faire prêtre. Il est placé dans un séminaire mais à son adolescence malgré son souhait de rentrer à l’université de théologie, il est enrôlé par l’armée allemande. A son retour de la guerre il est enfermé dans un hôpital psychiatrique.

Ses compositions sont minimalistes faites d’abréviations et de synthèse. Ses sujets sont des silhouettes fines et allongées.

Pascal-Désir Maisonneuve (1863-1934) est né à Bordeaux. Connu pour son esprit frondeur, anarchiste et anticlérical. Il confectionne entre 1927 et1928 dans un esprit de dérision les effigies des souverains et hommes politiques avec des coquillages assemblés avec du plâtre.

Magali Herrera (1914/1992) est née en Uruguay, dans une famille de notable.

Elle pratique la danse, le théâtre, la photographie, organise des soirées consacrées à la poésie.

Au début des années 1950 elle commence à peindre et se consacre à cette art jour et nuit dans un état second.

Ses compositions sont réalisées à l’encre de chine noire ou colorée.

Elle a une technique proche du pointillisme. Ses compositions représentent un univers utopiste.

Philippe Dereux (1917/2001) est né à Lyon. Instituteur, il enseigne jusqu’à sa retraite en 1973.

En 1955, il rencontre jean Dubuffet à Vence, et collecte pour lui des papillons et l’aide à réaliser des tableaux composés d’ailes de papillons.

Fasciné par les résidus végétaux il va concevoir ses propres tableaux avec des pelures de fruits ou de légumes et de graines de toutes sortes. Il ajoute ensuite de la couleur avec du brou de noix, de l’huile ou de la gouache.

Baya, née en Algérie (1931/1998) est issue d’une famille kabyle. Orpheline à l’âge de 5 ans, elle est recueillie par sa grand-mère qui l’amène à Alger.

Adoptée en 1942 à l’âge de 11 ans, elle se met à réaliser des têtes de femmes où s’entremêlent des oiseaux et des personnages magiques.
En 1947, André Breton découvre ces œuvres et rédige une préface du catalogue de l’exposition de ses œuvres à la galerie Maeght à Paris.

Elle va également réaliser des poteries et des céramiques aux côtés de Picasso à Vallauris en 1949.

A l’âge de 22 ans elle se marie. Elle cesse toute activité artistique et se consacre à sa famille.

Ted Gordon né en 1924 aux Etats Unis dans le Kentucky, il est d’origine lituanienne. Il suit des études à l’université et a un travail administratif jusqu’à sa retraite.

Il commence à dessiner à l’âge de 26 ans sur des morceaux de serviettes dans un restaurant

Il se met ensuite à produire des milliers de compositions au stylo bille, au feutre, au crayon de couleur qu’il date et conserve dans des sacs plastiques.

Il présente de manière obsessionnelle des visages aux expressions variées.

Ses œuvres peuvent être interprétées comme des autoportraits. Il s’agit d’un travail de remplissage compulsif qui plonge l’auteur dans un état d’hypnose.

Paul Duhem est né en Belgique (1909/1999). Il quitte l’école à 14 ans puis travaille comme valet de ferme.

Durant la 2e guerre mondiale il part pour l’Allemagne où il est affecté à la pose des rails de chemin de fer. A son retour en Belgique, à la fin de la guerre, il est arrêté pour collaboration avec les Allemands. Comme il n’a pas toutes ses facultés il est transféré de la prison à un hôpital psychiatrique.

En 1973, il est admis dans un foyer où il se consacre à l’horticulture, puis à l’âge de 70 ans il se met à réaliser des dessins et ce jusqu’à son décès.

La figure humaine est un motif récurrent chez lui. Il trace obsessionnellement le même portrait que l’on peut interpréter comme un autoportrait.

Scottie Wilson (1938/1972) est né en Écosse. Il est analphabète.

A l’âge de 16 ans il s’engage dans l’armée puis travaille dans les fêtes foraines et les cirques. Vers 1928, après un exil en Irlande, il est contraint d'émigrer au Canada où il devient revendeur.
Il se met à dessiner dans son arrière-boutique à l'âge de 40 ans. De retour à Londres après la guerre, il vend ses œuvres à bas prix sur les marchés ou dans des expositions organisées par ses soins.
Il trace le contour de ses dessins en noir ou blanc, puis les traite avec des hachures avec des encres de couleurs.

Jules Doudin (1887-1946) est né en Suisse dans une famille de 10 enfants.

Son père se suicide alors qu’il a 10 ans. Pour subvenir à ses besoins il quitte l’école très tôt et se fait employer comme aide de campagne, manœuvre….

En 1910, il est interné à l’asile de Cery sur Lausanne en raison de son alcoolisme.

Après 20 ans d’hospitalisation il se met au dessin.

Il dessine au crayon des personnages, des animaux, des êtres fantastiques et des autoportraits.

Ces dessins sont toujours accompagnés d’annotations.

Thérèse Bonnelalbay (1931-1980) est née dans l’Hérault. Elle est infirmière et mère de deux enfants.

En 1953, lors d’une réunion au PC où elle est affiliée, elle se met à dessiner sur un bout de papier. Son entourage l’encourage et elle ne cesse de dessiner.

En février 1980, elle disparait, on la retrouve quelques jours plus tard, noyée dans la Seine.

Ses dessins à l’encre de chine montrent des figures ou des formes aléatoires.

Ses dessins sont d’une grande finesse.

Clyde Eugene Merritt dit Gene Merritt (1936-2015) est né en Caroline du Sud. A l'âge de 5 ans il est atteint d'une forte fièvre dont il garde un handicap mental. Son enfance est marquée par l'alcoolisme de ses parents et le suicide de sa mère. Il sombre lui aussi dans l'alcool. A l'âge de 36 ans il se retrouve seul, il s'installe dans une caravane et commence à réaliser des dessins au stylo. Il dessine les visages de vedettes de télévision, de cinéma.

Une salle est consacrée aux origines du musée.

Les œuvres qui y sont exposées appartiennent à l’ensemble historique légué par jean Dubuffet en 1971. Ces oeuvres ont permis l’ouverture de la collection de l’art brut le 26 février 1976.
Jean Dubuffet en 1979

Henri-Anton Müller

Nicole Bayle

Alain Ameodo

Marie Morel

Une salle est consacrée à une exposition sur les œuvres de Ernst Kolb (1927-1993)

Avant d’être reconnu pour ses œuvres, il se fait remarquer en assistant à toutes sortes d’évènement culturels ou politiques. Il devient un personnage public trimballant toujours avec lui des sachets plastiques remplis d’objets et de papiers récupérés.

Il utilise le verso de ses prospectus comme support à ses dessins.

Très discret personne ne connait sa vie. C’est à son décès que ses carnets et journaux intimes livrent ses secrets.

On découvre qu’il dessine depuis l’âge de 50 ans. La maladie a été le déclencheur. Il illustre son affection par des croquis et des dessins.

Ses compositions se distinguent par le mouvement.

L’exposition est composée de dessins mais aussi ses carnets de notes, ses journaux
 intimes et des photos.

Je ne peux présenter ici toutes les œuvres exposées.
Il y en a encore de nombreuses à voir et à découvrir dans ce riche musée purement exceptionnel et fantastique à tous les sens du terme.

Si l'art brut vous plait vous pouvez aussi découvrir au Mucem à Marseille, du 24 avril au 02 septembre 2019, l'exposition "Jean Dubuffet, un barbare à Paris".


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze