Par une belle journée estivale, nous effectuons ce 20 juin 2018, avec un guide de l'office du tourisme de Grenoble une visite des salons de réception de la Préfecture de l'Isère.
Mon article s'inspire des commentaires de cet excellent guide.
La préfecture est située place de Verdun à Grenoble.
Jusqu'en 1866, elle partageait avec la mairie les locaux de l'hôtel Lesdiguières.
En 1857, l'idée est avancée de construire une nouvelle préfecture et une nouvelle mairie à l'emplacement de l'hôtel de Lesdiguières dans le bois du jardin de ville.
Ce projet n'est pas retenu et le Conseil Général dans sa séance du 26 août 1857 décide de construire la nouvelle préfecture sur la place d'Armes qui prendra en 1870 le nom de place de la Constitution, puis de place de Verdun.
Elle a été construite de 1861 à 1866, sous le Second Empire par l'architecte parisien Charles Questel.
Le premier préfet à prendre ses fonctions dans ce bâtiment a été Daniel Pastoureau en décembre 1866.
Elle est de style Néoclassique et est partiellement classée au monument historique depuis 1998 et inscrite depuis 1995.
Sur la façade, figurent des bustes sculptés pour la plupart par Aimé Charles Irvoy.
(Aimé Charles Irvoy, (1824-1898) est un sculpteur français qui a vécu, travaillé et est mort à Grenoble.)
Les bustes représentent des personnalités dauphinoises : le chevalier Bayard, le connétable de Lesdiguières, Abel Servien et Hugues de Lionne ministres de Louis XIV, Condillac, Vaucanson,
les juristes Barnave et Mounier, le général royaliste Marchand et le Maréchal Dode.
Les deux entrées monumentales de chaque côté du bâtiment correspondent pour l'une à l'entrée du public avec les bureaux et pour l'autre à l'entrée des invités avec les salons d'apparat.
Nous prenons cette dernière, et arrivons sous un porche qui donne face à nous sur la cour et les jardins.
A gauche quelques marches nous mènent à un magnifique escalier d'honneur.
Nous visitons d'abord le rez de chaussée.
Nous commençons par les salons côté place de Verdun.
Dans l'antichambre, deux grands vases de Sèvres.
Dans ce salon, nous voyons un siège appartenant à un ensemble de six pièces de style Empire.
Le dossier est en volute et les accoudoirs sont supportés par des cariatides portant le némès (coiffure égyptienne). Au dessus de ce canapé, une photo du président Félix Faure.
L'antichambre ouvre sur une grande galerie que Questel, l'architecte, appelait la galerie d'introduction.
C'est une vaste salle tout en longueur avec d'imposants lustres en cristal de baccarat.
Cette galerie débouche sur le salon rouge, qui était l'ancien salon de jeu.
Le guide nous informe qu'il y avait ici le billard qui a été déplacé et que nous verrons plus tard.
C'est dans ce salon que les messieurs se retrouvaient.
Dans ce salon aux décors 17e siècle, avec ses lustres en cristal de baccarat et sa tapisserie rouge en toile de jute, trône une grande table et des sièges en noyer de l'ébéniste grenoblois Pierre Achard (1748-1833).
(Issu d’une famille de sculpteurs, Pierre Achard se forme avec un menuisier grenoblois et ouvre son propre atelier rue du Lycée. Il passe maître en 1784.)
Ses sièges sont inspirés par les styles Louis XVI, Directoire et Empire.
En bois naturel, les fauteuils reposent souvent sur des pieds postérieurs carrés et antérieurs ronds, cannelés et ont un dossier renversé typique du style Directoire.
Nous continuons la visite par l'enfilade des salons côté jardin.
Le grand salon était auparavant la salle de bal.
On l'appelle aussi le salon de l'horloge en raison de la pendule incrustée dans la grande cheminée beige.
Au plafond, une enfilade de lustres en cristal de baccarat donne un air majestueux à la pièce.
Ce salon affiche les couleurs napoléoniennes avec son aigle au plafond qui semble retenir le lustre central dans ses serres,
Et avec l'aigle dans sa niche à l'angle de la pièce.
Il y avait aussi un buste de Napoléon mais il a été remplacé par le buste de Marianne.
Il y a peu de meubles dans ce salon, sans doute pour laisser évoluer plus aisément les danseurs sur ce magnifique plancher en pointe de Hongrie.
Aujourd'hui, dans ce salon se trouve une commode de style napoléonien avec ses bronzes et son placage en acajou.
C'est une copie d'une commode de 1787 de Guillaume Benneman qui se trouve au musée du Louvre.
(Guillaume Beneman (ou Benneman) (1750 - 1811), originaire d'Allemagne, était un ébéniste français reçu maître en 1785 à la cour de France par Louis XVI.
Il devient rapidement l'un des ébénistes les plus célèbres de son temps.)
Tout autour de la pièce, des médaillons de bouquets et des angelots qui tiennent des frises de fleurs.
Chaque angle du plafond est orné de Lyres sculptés par Benedict (de son vrai prénom Benoît) Rougelet (1834-1894. Chacun d'eux symbolise la science, la guerre, les arts et les richesses produites par le travail.
Tout autour de la pièce huit tapisseries d'Aubusson représentant des motifs floraux. Elles sont encastrées dans les boiseries. Au XVIIe siècle la manufacture royale d'Aubusson s'était spécialisée dans les tapisseries à "verdure"
La pièce suivante est le Salon Carré appelé Salon des quatre saisons peint par Alexandre Dominique Denuelle (1818-1879) qui a souvent travaillé avec Charles Questel.
Cependant les voussures du plafond qui représentent les quatre saisons sont peintes par Jules Eugène Lenepveu (1819-1898).
Il obtient le premier prix de Rome en peinture en 1847 avec La mort de Vitellius. Il est célèbre pour ses compositions historiques et allégoriques.
Il a peint le plafond de l'Opéra de Paris (1869-1871), camouflé depuis 1964 par une œuvre de Marc Chagall, et celui du théâtre d'Angers (1871).
Entre 1883 et 1894, il participe au palais du Louvre aux décorations de l'escalier Daru qui conduit à la Victoire de Samothrace.
Il peint la fresque monumentale relatant la vie de Jeanne d'Arc au Panthéon de Paris entre 1886 et 1890.)
Les quatre allégories des quatre saisons représentant une femme dans la nature.
Six médaillons peints en camaïeu bleu ornent les trumeaux au-dessus des portes et des miroirs. Ils représentent les arts et les métiers.
A l'angle, l'aigle emblème du Département de l'Isère.
Un faux miroir permet de voir ce qui se passe dans le grand salon.
Le parquet en marqueterie allie différentes essences de bois.
Nous passons dans le salon suivant qui est la salle à manger.
Là aussi nous pouvons admirer les superbes lustres de baccarat ainsi que la cheminée en marbre bleu clair, surmontée de l’emblème du Dauphiné.
Nous empruntons l'escalier d'honneur pour accéder à l'appartement d'honneur du 1er étage. La rampe est en fer forgé.
Cet escalier est décoré d'une tapisserie d'Aubusson.
et d'angelots dans des niches surmontées d'un aigle, portent des torches
C'est en haut de cet escalier que se trouve le billard annoncé plus tôt.
Sur le palier, à gauche, se trouve l'appartement d'honneur.
Il était destiné à loger des représentants étrangers en visite officielle, ainsi que le chef de l'Etat ou les ministres en déplacement.
Nous accédons au petit salon.
Les murs sont peints et représentent des panoramas de l'Isère : la Grande Chartreuse, les trois Pucelles dans le Vercors... Ces peintures datent de la première moitié du XXe siècle.
Ce salon est richement meublé et décoré.
un piano Pleyel en quart de queue avec des peintures de 1855.
Des meubles empire
Des fauteuils Directoire
Une console Louis XVI
Un miroir Louis XIII
Un tableau d'après Velasquez.
Et un magnifique et imposant cabinet florentin en poirier noirci et en écailles de tortue du XVIIe siècle
Le salon suivant occupe toute la largeur du bâtiment et donne sur la place de Verdun.
L'aspect général de ce salon est aussi très luxueux.
Le mobilier et les boiseries sont de style Louis XVI et datent de 1791.
Ils sont classés monuments historiques.
Le magnifique plancher, composé de différentes essences de bois, date du XVIIIe siècle.
Une table à jeu attribuée à JF Hache
Et un assortiment de sièges, canapés et bergères.
Cet ensemble est en bois peint en gris et garnis de tapisserie d'Aubusson représentant des scènes champêtres, et des illustrations de fables de La Fontaine.
A l'origine ces motifs avaient été créés à la manufacture de Beauvais à partir de dessin de Jean Baptiste Oudry.
Tous les ateliers d'Europe les copient et ceux d'Aubusson ont fabriqués ceux-ci.
C'est le dernier salon que nous visitons car les autres ne sont pas accessibles.
Nous terminons la visite par un coup d’œil aux jardins de la Préfecture.
C'est une grande chance d'avoir pu effectuer cette visite car ce sera la dernière.
Désormais, la visite des salons ne sera possible que pour la journée du patrimoine.
Texte et photos de Paulette Gleyze
Les magnifiques salons ont des décors qui s’inspirent de l’architecture des XVIIe et XVIIIe siècles.