mercredi 9 avril 2025

Exposition Suzanne Valadon à Beaubourg Paris


Du 15 janvier au 26 mai 2025, le Centre Pompidou à Paris présente une exposition dédiée à Suzanne Valadon.

L'exposition "Suzanne Valadon. Un monde à soi" initiée par le Centre Pompidou-Metz en 2023, a ensuite été présenté au Musée d'Arts de Nantes, puis au Musée National d'Art de Catalynya Metz en 2023, se poursuit au Centre Pompidou sous le titre "Suzanne Valadon".

Nous visitons cette exposition le 28 février 2025.
Le Centre Pompidou

Vue sur paris, la tour Eiffel et la Défense depuis le Centre Pompidou

Le parcours comprend près de 200 œuvres, s'appuyant sur la richesse des collections nationales, notamment celles du Centre Pompidou, du musée d'Orsay et de l'Orangerie.

Suzanne Valadon de son vrai nom Marie-Clémentine Valadon est née en 1865 à Bessines-sur-Gartempe dans le département de la Haute-Vienne. Elle grandit dans un milieu modeste à Montmartre.

Elle doit travailler très jeune et exerce divers petits métiers avant de devenir modèle dès l'âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins.
Elle pose pour des peintres célèbres reconnus comme Pierre-Auguste Renoir, Pierre Puvis de Chavannes et Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammée. C'est lui qui lui donne le prénom de Suzanne en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards.

C'est en posant pour ces artistes qu'elle observe, écoute apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture et s'imprègne du monde de l'art et développe son propre talent.

Le peintre Paul-Albert Bartholomé l'encourage à montrer ses dessins à Edgar Degas.
Impressionné par son talent, il lui déclare : "Vous êtes des nôtres". Elle ne posera jamais pour Degas mais il lui ouvre son atelier et lui apprend la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achètera de nombreux dessins.

Elle commence à peindre et à exposer ses œuvres. Son style se caractérise par des portraits et des nus masculins expressifs, loin des idéaux de beauté idéalisée de l’époque.

Elle explore aussi le nu féminin avec un regard nouveau, réaliste et décomplexé, souvent en s'inspirant d’elle-même ou de ses proches.

Ses œuvres se distinguent par des couleurs vibrantes et des contours marqués.

Contrairement à beaucoup de femmes artistes de l’époque, elle parvient à se faire un nom dans un milieu dominé par les hommes.

Elle mène une vie personnelle tumultueuse. Elle a un fils, Maurice Utrillo, qu’elle élève seule et qui deviendra lui aussi un peintre célèbre. Elle entretient des relations passionnées, notamment avec le peintre André Utter, de vingt ans son cadet. Valadon, Utrillo et Utter forment un trio artistique surnommé "le trio infernal".

Malgré les préjugés de son époque, Valadon obtient la reconnaissance du monde de l’art. Elle devient la première femme admise à la Société nationale des Beaux-Arts en 1894.

Ses œuvres sont exposées et appréciées pour leur audace et leur modernité. Elle continue de peindre jusqu’à sa mort en 1938.

Son parcours est fascinant, marqué par une ascension sociale atypique et une forte indépendance d'esprit.

Malgré les critiques de certains contemporains, son travail a influencé de nombreux artistes et reste une référence du postimpressionnisme et du modernisme.
Anonyme_Suzanne Valadon à Paris, 26 janvier 1881_Epreuve argentique en noir et blanc_Centre Pompidou, MNAM-CCI Bibliothèque kandinsky_Fonds Robert Le Masle

Modèle sous le prénom de Maria, Peintre sous le nom de Suzanne Valadon, est remarquée par Edgar Degas pour ses premiers dessins à la ligne "dure et souple".
Dans les autoportraits qu'elle peint toute sa vie, elle se représente sous des traits durs avec une sévérité assumée.
Elle écrit : "Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face". En 1892, elle se lance dans la peinture et réalise des portraits sans concession de sa famille, sa mère, son fils, son mari, sa soeur, sa nièce.
la notoriété venant elle va peindre sur commande à partir des années 1920.
Après avoir posée nue c'est son tour de peindre des nus masculins et féminins thème longtemps réservé aux hommes.

Tout au long du parcours, les tableaux d'artistes qui lui sont contemporains dialoguent avec son oeuvre.
Cette exposition souligne la richesse du parcours de Suzanne Valadon.

Dès le début de sa carrière l'autoportrait joue un rôle central dans son oeuvre. Celui-ci réalisé en 1883 à l'âge de 18 ans, est l'une des premières oeuvres qui soit parvenue jusqu'à nos jours.
Elle ne cherche pas à mettre la féminité en avant, elle se présente d'une manière directe, énergique et sans flatterie. C'est la première fois qu'elle signe "Suzanne Valadon".

Contrairement aux représentations idéalisées des femmes de son époque, Valadon se peint avec une grande honnêteté. Elle ne cherche pas à masquer les marques du temps ou à embellir son image. Son travail témoigne d'une volonté d'affirmation de soi, à la fois dans son art et dans sa vie.

Son usage des couleurs vives et des contours marqués montre l'influence du postimpressionnisme et du fauvisme.

Ses autoportraits ne sont pas seulement des études d’elle-même, mais aussi des déclarations artistiques puissantes sur l’image des femmes et sur le rôle des femmes artistes dans la société. Elle revendique son identité avec force.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Autoportrait, 1883_Mine graphite, fusain et pastel sur papier_Centre Pompidou, Musé National d'Art Moderne, Paris_Acquisition de l'Etat, 1936

Suzanne Valadon (1865-1938)_Autoportrait, 1911_Huile sur toile_Collection particulière_Courtesy Acturial, France

Suzanne Valadon peint le portrait d'une femme moderne, libérée des conventions de son temps. L'oeuvre rappelle les représentations de la figure de l'odalisque.
Sa forte stature, son pyjama rayé, son attitude nonchalante lui enlèvent toute forme d'érotisme. Ce tableau brise les représentations habituelles de la féminité pour inventer un nouveau genre de femme émancipée.
Suzanne Valadon (1865-1938)_La chambre bleu, 1823_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musé National d'Art Moderne, Paris_Don de Lord Joseph Doveen, 1926_En dépôt au Musée des beaux Arts de Limoges

Suzanne Valadon (1865-1938)_Autoportrait, 1916_Huile sur carton, fin contrecollé sur toile_Collection Douglas Green

Suzanne Valadon représente souvent les corps dans des positions complexes. L'Acrobate tranche par son dynamisme et sa liberté dans la touche. Cette oeuvre rappelle certaines compositions d'Edgar Degas et de Henri Toulouse-Lautrec. Suzanne Valadon a été une éphémère artiste de cirque avant de devenir modèle pour peintres.
Suzanne Valadon (1865-1938)_L'Acrobate ou la roue, 1916_Huile sur toile_Collection Douglas Green_Weisman & Michel Collection

On ne sait pas si Suzanne Valadon a rencontré Juliette Roche. Elles ont participer toutes les deux au Salon des Indépendants au début des années 1920, elles exposent aussi toutes les deux, mais pas en même temps à la galerie Berthe Weill en 1920.
Juliette Roche se présente en femme moderne au milieu d'une campagne, dos à la ville sous les traits d'une garçonne.

Juliette Roche (1884-1980)_Autoportrait à Serrières, vers 1925_Huile sur carton_Centre Pompidou, Musé National d'Art Moderne, Paris_Don de la Fondation Albert Gleizes, 2023

L'oeuvre peinte et dessinée de Suzanne Valadon est marqué par l'exécution de nombreux portraits de ses proches.
Elle n'a pas les moyens d'avoir recours à des modèles tarifés, elle peint et dessine ses proches.
Ses portraits familiaux n'ont rien de complaisants, elle les peint comme elle les perçoit.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Mère et enfant, vers 1993_Crayon gras sur papier_Musée d'Art Moderne de Paris_Don Marcelle Berr de Turique, 1979

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo enfant, 1986_Sanguine et mine graphite sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Acquisition de l'Etat , 1937

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo nu assis sur un divan, 1895_fusain sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo essuyé par sa grand-mère, 1892_Mine graphite sur papier calque collé sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo de face, 1925_fusain sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo de trois quart, 1925_fusain sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Utrillo pensant, 1911_fusain sur papier-calque_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de jeune fille, 1920_fusain et tampon_Collection particulière

Suzanne Valadon (1865-1938)_André Utter et ses chiens, 1932_Huile sur toile_Musée Municipal Paul Dini de Vllefranche sur Saône_Donation Muguette et Paul Dini, 1999

Assise sur un fauteuil, Marie Coca, la nièce de Suzanne Valadon, se tient près de sa fille Gilberte, assise à ses pieds. La construction particulière du tableau en quinconce, le sol bascule vers le regard du spectateur et les personnages sont projetés vers l'avant, renforce la différence de taille entre les modèles. Valadon recourt aussi au jeu du "tableau dans le tableau" en reproduisant une estampe d'"Une répétition d'un ballet à l'Opéra" d'Edgar Degas.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913_fHuile sur toile_Musée des Beaux-Arts, Lyon

On retrouve ici les mêmes personnages, peints huit ans plus tard. La poupée qui était sagement assise sur les genoux de la fillettes 8 ans plus tôt, gît ici sur le sol.
Suzanne Valadon (1865-1938)_La poupée délaissée, 1921_Huile sur toile_Washington DC, National Museum of Women in the Arts_Don de Wallace et Wilhelmina Holladay

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Maurice Utrillo, 1921_Huile sur papier marouflé sur toile_Collection de la ville de Sannois, Val d'Oise_En dépôt au musée Montmartre

Au début des années 1890, Suzanne Valadon fréquente le compositeur Erik Satie, qui habite comme elle rue Cortot, à Montmartre. Après six ans d'une relation passionnée, le couple se sépare. Dévasté, Satie compose "Variations", une partition obsédante dont le motif doit être répété 840 fois et peut durer jusqu'à 24 heures selon le tempo adopté. Retrouvée à son domicile après sa mort, l'oeuvre n'a jamais été jouée de son vivant.

Dans un entretien avec Huguette Garnier de l'Excelsior elle dit le 10 mai 1922 : "Rester soi-même, tâcher de traduire les multiples et changeants aspects de la vie, de la lumière, des formes, c'est pour l'artiste la seule loi"
Suzanne Valadon (1865-1938)_Erik Satie, 1866_Encre sur papier à Musique_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_La famille Utter, 1921_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Maurice Utrillo, 1921_Huile sur papier marouflé sur toile_Collection de la ville de Sannois, Val d'Oise_En dépôt au Musée Montmartre

Suzanne Valadon (1865-1938)_Germaine Utter devant sa fenêtre, 1926_Huile sur toile_Collection particulière

Suzanne Valadon (1865-1938)_La mère de l'artiste, 1912_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Leg du Docteur Albert Charpentier, 1935

Suzanne Valadon (1865-1938)_Grand-mère et petit-fils, 1910_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Don de Cahen Salvador, 1976

Suzanne Valadon met en scène la nouvelle cellule familiale après son divorce en 1909 d'avec son premier mari. Il s'agit de l'unique représentation de l'artiste avec sa famille. Représenté debout, le regard tourné se tient André Utter, son futur époux, devenu le gestionnaire des affaires commerciales de l'artiste. Utrillo, son fils, est représenté le regard perdu la main sous le menton, maman Madeleine l'air impassible et marquée par les ans et au centre, Valadon complète le tableau.

Ils sont peints dans une mise en scène figée et théâtrale, dans un intérieur bourgeois,  côte à côte, mais visiblement détachés émotionnellement les uns des autres.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portraits de famille, 1912_Huile sur toile_En dépôt au Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Don de Cahen Salvador, 1976

Dans les années 1920, Suzanne Valadon entame une série de portraits bourgeois sur commande.
Ce sont des portraits de femmes de "la haute société". Les portraits d'hommes sont plus rares, mais ils représentent des personnes qui ont compté dans sa vie : Le Dr Robert Le Masle qui sera auprès d'elle jusqu'aux derniers jours, le collectionneur Charles Wakedield-Mori, Louis Moysès, le fondateur du cabaret, "le bœuf sur le toit"... Ces portraits suggèrent la position sociale de leurs sujets.

Dans un entretien avec Huguette Garnier de l'Excelsior elle dit, le 10 mai 1922 :"Quelle que soit la dureté des temps, il faut peindre dans la vérité, avec amour."

Ce portrait fait partie de la série des premiers portraits peints dans les années 1890, qui se distingue par une touche fluide et irisée. Il représente la mère de l'artiste Montmartrois, Louis-Bernard Lemaire. Voisin et proche de Valadon, ce dernier expose quelques années plus tard avec Picasso à la galerie Berthe Weill.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894_Huile sur panneau_ Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise_Dépôt au Musée Montmartre

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de petite fille, 1892_Huile sur toile_ Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne_Don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de femme, 1893_Huile sur toile_ Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne_Don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007

Suzanne Valadon (1865-1938)_Bernard Lemaire, 1892-1893_Huile sur toile_ Centre Pompidou, Musée national d'Art Moderne, Paris_Leg Dr Robert le Masle, 1974

Réalisé en 1852, "Jeune fille faisant du crochet" est le plus ancien tableau qui nous soit parvenu. Le thème de la couture lui est familier. Sa mère a exercé le métier en arrivant à Paris. Elle-même, très jeune, a appris le métier et l'a pratiqué dans une maison de haute couture. La composition à contre-jour, les couleurs assourdies et la technique proche du pastel sont caractéristiques de ses premiers tableaux. Elle reprendra en 1914 ce thème avec le tableau "la couturière".
Suzanne Valadon (1865-1938)_Jeune fille au crochet, Vers 1892_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée national d'Art Moderne, Paris_Leg Dr Robert le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_La couturière, 1914_Huile sur toile_ Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne de Paris_Achat de l'Etat, 1938_En dépôt au Musée des Beaux Arts de Limoges

Suzanne Valadon (1865-1938)_Femme à la contrebasse, 1908_Huile sur toile_ Association des Amis du petit Palais, Genève

Surnommée "la femme bilboquet", Anaïs Marie Bétant dite Mauricia de Thiers est une ancienne vedette du cirque et de music-hall, connue pour ses acrobaties spectaculaires en voiture ou à cheval. Grande personnalité mondaine, elle noue des liens avec de nombreux artistes. En 1916 elle devient l'épouse et l'associée du collectionneur et critique d'art Gustave Coquiot.
La personnalité fantasque du personnage transparaît dans ce portrait.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Mauricia Coquiot, 1915_Huile sur toile_ En dépôt au Musée des Beaux Arts de Menthon_Donation de M Charles Wakedield-Mori, 1939

Peinte en 1917, "La dame au petit chien", représente une personne androgyne, seule et sensuelle. Le modèle pourrait être son époux André Utter. Ce tableau est rarement montré.
Suzanne Valadon (1865-1938)_La dame au petit chien, 1917_Huile sur toile_ Musée des Beaux Arts de Limoges_Achat de la ville de Limoges grâce au don de Benoît Bourdeix, 2002

Les années 1930 sont celles de la reconnaissance et des premiers succès commerciaux pour Valadon. Cette relative aisance lui permet d'embaucher une gouvernante anglaise du nom de Lily Walton. Elle est assise dans un appartement bourgeois
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de miss Lily Walton, 1922_Huile sur toile_ Musée National d'Art moderne, Paris_Achat de l'Etat, 1938_En dépôt au musée des Beaux Arts de Limoges

Proche des compositeurs Erik Satie et Maurice Ravel, des artistes Marie Laurencin et André Dunoyer de Segonzac, Robert Le Masle (1901-1970) vouait une dévotion particulière à Valadon. Il se rencontre par l'intermédiaire de Pierre Noyelle, élève de Valadon. Naît alors une amitié fidèle avec la famille qui perdurera jusqu'au décès de l'artiste. Ce portrait représente le docteur posant dans un fauteuil recouvert d'un tissu multicolore. A son décès il lègue la majeure partie de sa collection à l'Etat français.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Le Dr Robert Le Masle, vers 1930_Huile sur toile_ Centre Pompidou, Musée national d'Art Moderne, Paris_Leg Dr Robert Le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Louis Moysès, fondateur du "Bœuf sur le toit", vers 1924_Huile sur toile_ Weisman & Michel Collection

Nora Kars est l'épouse du peintre tchèque Georges Kars dont Valadon est très proche. Suzanne Valadon peint ici un portrait peu flatteur d'une femme aux lèvres pincées et au menton disparaissant dans son cou. Mais c'est aussi l'image d'une femme simple, qui a été à de nombreuses reprises d'un grand soutien dans les épreuves que traverse Valadon avec son fils.
Ce portrait dédicacé, "Amicalement à Mme Kars" a toujours été conservé par Nora Kars avant d'être légué au Musée National d'Art Moderne en 1966.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Nora Kars, 1922_Huile sur toile_ Centre Pompidou, Musée national d'Art Moderne, Paris_Leg Mme G Kars, 1966

Suzanne Valadon (1865-1938)_Les deux sœurs, 1928_Huile sur toile_ Collection particulière

Charles Wakefield-Mori, marchand mais aussi collectionneur d'art ancien et moderne, est représenté ici dans un riche intérieur bourgeois. Sa pose, ses vêtements, l'assurance de son regard témoignent de sa réussite. Sa collection personnelle comprend trois oeuvres de Valadon, son portrait (1922), celui de Mauricia Coquiot (1915) et Vénus noire (1919). Conservateur du palais Princier de Monaco puis fondateur du Musée National des Beaux-Arts de Monaco en 1935, il lègue sa collection à l'Etat français en 1939.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Charles Wakefield-Mori, 1922_Huile sur toile_ Centre Pompidou, Musée national d'Art Moderne, Paris_Donation M Charles Wakefield-Mori, 1939_En dépôt au Musée des Beaux-Arts de Menton

Elève de Henri de Poincaré et champion de la physique quantique, le chimiste Richmond Chaudois est un voisin montmartrois de Valadon et ami d'Utrillo. Habitué du cabaret "Le Lapin Agile" où il joue parfois du piano, il revient de la grande Guerre défiguré.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Portrait de Richmond Chaudois, vers 1931_Huile sur toile_ Fondation de l'Hermitage, Lausanne_Don du Dr John D et Françoise Geiser, 1907

Suzanne Valadon (1865-1938)_Femme dans un fauteuil (Portrait de Madame G), 1919_Huile sur toile_ Collection Weisman & Michel

Suzanne Valadon (1865-1938)_Les dames Rivière, 1924_Huile sur toile_ Collection Particulière

Suzanne Valadon (1865-1938)_Femme aux bas blancs, 1924_Huile sur toile_ Musée des beaux Arts Nancy_Leg Henri Galilée, 1965

Les nus de Suzanne Valadon sont parmi les œuvres les plus marquantes de son œuvre.

À une époque où les nus féminins étaient principalement peints par des hommes sous un regard souvent idéalisé et érotisé, Valadon apporte une approche révolutionnaire et une perspective unique en tant que femme artiste.

Elle montre des corps naturels, avec leurs imperfections, sans chercher à flatter le regard masculin. Elle peint des corps aux formes robustes, charnels et vivants, loin des figures lisses et parfaites des canons classiques.
Les corps féminins ont une représentation affirmée.

Ses modèles ne sont pas passifs ni soumis au regard du spectateur. Ils ont une présence forte et assumée. Elle les représente souvent dans des postures naturelles, en mouvement ou dans l’intimité du quotidien.

La palette de couleurs vibrantes, audacieuses, avec des contrastes marqués et un dessin expressif. Son regard est novateur et féministe.

Installé en 1884 à Montmartre, Henri de Toulouse-Lautrec loue un atelier dans le même bâtiment où habitent Marie (Suzanne) Valadon et sa mère. Marie pose pour lui et ils entament une liaison intense et orageuse.
Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901)_La grosse Marie, 1884_Huile sur toile_Von der Heydt-Museum, Wuppertam

S. Valadon rompt avec les codes traditionnels de la féminité en peinture. A 66 ans c'est ici son dernier autoportrait.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Autoportrait au seins nus, 1931_Huile sur toile_Collection particulière, Suisse

Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901)_Femme tirant son bas, vers 1894_Huile sur carton_Musée d'Orsay, Paris, Donation André Berthelemy, 1930

Edgar Degas (1834-1917)_Femme nue, assise par terre, se peignant, 1896-1890_Pastel et fusain sur papier vergé_Musée d'Orsay, Paris_Achat, 1967

Pierre Auguste Renoir (1841-1919)_La Toilette : femme se peignant, 1907-1908_Huile sur toile_Musée d'Orsay, Paris_Leg Isaac de Camondo, 1911

Edgar Degas (1834-1917)_La toilette après le bain, sans date_Fusain sur papier vergé_Musée d'Orsay, Paris_Leg Marcel bing, 1922

A partir des années 1870 et jusqu'à la fin de sa vie, Paul Cézanne multiplie les compositions ayant pour sujet les baigneurs ou les baigneuses. L'attention du peintre ne porte pas sur la chair mais sur les corps qui structurent l'espace.
Paul Cézanne (1839-1906)_Cinq baigneuses, 1877-1878_Huile sur toile fine, avec une préparation blanche mixte_en réserve Musée National Picasso Paris, collection particulière de Pablo Picasso_Donation Picasso, 1978

Précurseur du Symbolisme, Puvis de Chavannes a eu une grande importance sur toute une génération d'artistes modernes. Valadon a 14/15 ans quand elle le rencontre. Elle va pendant plus de dix ans lui servir de modèle. Il bénéficie d'une reconnaissance officielle et est co-fondateur de la nouvelle Société Nationale des Beaux-Arts, mais il ne la soutient pas quand elle souhaite se lancer dans la carrière artistique. Il lui dit : "tu es un modèle, pas une artiste".
Pierre Puvis de Chavannes (1824-1898)_Jeunes filles au bord de la mer, vers 1879_Huile sur toile_Musée d'Orsay, Paris_Leg de Isaac de Camondo,1911

Une correspondance se noue entre Suzanne Valadon et Henri Matisse. Entre 1921 et 1925, Henri Matisse entreprend une série d'odalisques. Au même moment, Valadon réalise plusieurs grands nus allongés dans des intérieurs.
Henri Matisse (1869-1954)_Nu drapé étendu, 1923-1924_Huile sur toile_Musée de l'Orangerie, Collection Walter Guillaume, Paris_Achat, 1963

Dans le dessin comme dans la peinture, le motif du nu féminin se coiffant est récurrent chez Valadon. Valadon campe un personnage au corps qui n'est pas idéalisé. Gilberte, petite nièce de Suzanne Valadon, lui a servi de modèle à plusieurs reprises.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Gilberte nue se coiffant, 1920_Huile sur toile_Collection particulière

Contrairement à la tradition académique du nu féminin idéalisé, Suzanne Valadon propose une vision beaucoup plus réaliste, intime et non sexualisée.

Ses nus représentent des femmes avec des corps vrais, parfois âgés, souvent loin des canons esthétiques classiques. Elle ne cherche pas à flatter ni à érotiser, mais à montrer la chair, la pesanteur, la vérité.

Valadon est l'une des premières femmes à peindre des nus féminins avec un regard féminin. Ses modèles ne posent pas "pour plaire",  elles existent et s’affirment.

Elle peint aussi des nus masculins, ce qui était encore plus rare pour une femme artiste à l’époque.

Elle brise plusieurs tabous. Elle représente la vieillesse, la maternité, la sexualité féminine sans filtre et montre que le nu peut être un espace d’expression pour les femmes, pas juste un objet de désir masculin.

Après Puvis de Chavanne, Degas, Renoir, Cézanne, Matisse, Valadon exploite le thème des baigneuses dans un paysage champêtre. Elle donne ici une vision inédite d'un regard féminin sur un thème jusque là dominé par des hommes et destiné au regard voyeur masculin. Elle introduit une figure masculine nue dans le tableau, son amant André Utter. Il existe une seconde version de "La joie de vivre" où Utter est accompagné d'un chien.
Suzanne Valadon (1865-1938)_La joie de vivre, 1911_Huile sur toile_ The Metropolitan Museum of Art of New York_Leg Madame Adélaïde Milton de Grot, 1967

Le miroir, élément indispensable pour la toilette, est un motif récurrent dans de nombreuses représentations de baigneuses chez Valadon. Le corps juvénile et adolescent est un sujet central chez elle.
Suzanne Valadon (1865-1938)_La petite fille au miroir, 1909_Huile sur toile_ Collection of Emilia Wilson, MA History of Art, Courtauld Institute of Art

Présenté au salon d'automne de 1909, "Nu au miroir" est l'une des premières peintures à l'huile de Valadon représentant des jeunes filles à la puberté.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Nu au miroir, 1909_Huile sur toile_ Weisman & Michel Collection

Représentée en pied, regardant fixement le spectateur, La vénus Noire semble sortir de son bain en pleine nature. C'est avec un regard féminin que Valadon représente une femme noire, sans exotisme, ni condescendance.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Vénus noire, 1919_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Donation M Charles Wakedield-Mori, 1939_En dépôt au Musée des Beaux Arts de Menton

Suzanne Valadon (1865-1938)_Nu assis sur un canapé, 1916_Huile sur toile_Weisman & Michel Collection.

Suzanne Valadon (1865-1938)_Les Baigneuses, 1923_Huile sur toile_Musée d'art de Nantes_Don de la Société des Amis du Musée des Beaux Arts de Nantes, 1957

Marie Laurencin (1883-1956)_Danseuse couchée, 1937_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Achat de l'Etat, 1937

Suzanne Valadon (1865-1938)_Nu allongé à la draperie rouge, vers 1914_Huile sur toile_Collection B Courtaigne

Cette toile offre une sorte de résumé des sujets de prédilections de Valadon. Cerné d'un trait noir, le corps nu de sa domestique Catherine, aux formes pleines et à la peau striée d'une multitude de couleurs, est présenté selon un dispositif particulier, peut-être inspiré de Courbet.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923_Huile sur toile_Lucien Arkas Collection

Suzanne Valadon (1865-1938)_Nus au miroir, vers 1914_Fusain et pastel sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Acquisition de l'Etat, 1936

Suzanne Valadon (1865-1938)_Nus assis, vers 1908_Fusain et pastel sur papier_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Leg Docteur Robert Le Masle, 1974

Suzanne Valadon (1865-1938)_Jeune fille nue, appuyée sur un fauteuil, vers 1908_Pastel, crayon et craie sur papier marouflé sur toile_Weisman & Michel Collection

Suzanne Valadon (1865-1938)_La toilette, 1906_Pastel _Collection Particulière, Courtesy galerie de la Présidence.

Suzanne Valadon (1865-1938)_La toilette, 1908_Pastel et crayon noir sur papier_Musée de Montmartre, Collection le Vieux Montmartre, Paris

Suzanne Valadon (1865-1938)_Le Bain, 1908_Pastel et crayon noir sur papier_Musée de Montmartre, Collection le Vieux Montmartre, Paris

Georgette Agutte (1867-1922)_La Japonaise nue, 1910_Huile sur toile_Collection du Musée de Grenoble_Don d'Andrée Hayart, famille Agutte-Sembat, 2005

Valadon reprend ici un classique du nu académique qu'elle détourne dans une veine contemporaine. Elle représente le corps nu de son amant André Utter lançant un filet de pêche. Le même geste sous trois angles différents est décliné dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes esthétiques du modèle.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Le lancement du filet, 1914_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Achat de l'Etat 1937, en dépôt au Musée des Beaux arts de Nancy

L'iconographie religieuse traditionnelle d'Adam et Eve se teinte d'une couleur charnelle et érotique. Valadon se peint avec son amant André Utter.
Suzanne Valadon (1865-1938)_Adam et Eve, 1909_Huile sur toile_Centre Pompidou, Musée National d'Art Moderne, Paris_Achat de l'Etat, 1937


Suzanne Valadon est aujourd’hui considérée comme une figure majeure de l’art moderne.

Elle a brisé les conventions et laissé une empreinte forte dans l’histoire de la peinture française.

Cette rétrospective majeure met en lumière l’œuvre d’une artiste restée dans l’ombre des grands noms d'artistes de son époque.

Elle retrace son parcours exceptionnel depuis ses débuts en tant que modèle jusqu'à sa reconnaissance en tant que peintre reconnue, en insistant sur son regard novateur sur le nu tant féminin que masculin, représentant les corps sans artifice ni voyeurisme et le portrait.

Suzanne Valadon était une artiste libre et audacieuse qui avait réussi à s'affranchir des conventions de son temps pour imposer une vision réaliste et expressive du corps humain.

Cette exposition participe à remettre Suzanne Valadon à la place qu’elle mérite dans l’histoire de l’art.

Aujourd’hui, ses œuvres sont exposées dans de nombreux musées, dont le Centre Pompidou et le musée d’Orsay.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Anne Paulette et Gérard Gleyze