dimanche 29 juin 2025

exposition José Antonio da Silva au musée de Grenoble


Le 10 juin 2025, avec l'Association "Malentendant38", nous visitons l'exposition "Pintare O Brasil" de José Antonio Da Silva.

Notre guide préféré Eric va nous faire découvrir ce peintre.

L'exposition se tient du 12 avril au 6 juillet 2025 au Musée de Grenoble. Elle est organisée dans le cadre des échanges culturels avec le Brésil.

C'est un commissaire espagnol, Gabriel Pérez-Barreiro, qui a travaillé sur l'exposition.

Il met en relief les liens entre Da Silva et l’art brut (Jean Dubuffet) et son intégration au programme Brésil‑France.

Cette rétrospective est la première exposition monographique en Europe consacrée à ce peintre brésilien, avec environ 40 tableaux provenant de collections muséales et privées au Brésil.

Dans la salle d’introduction, Eric nous présente l’artiste.

José Antônio da Silva est né à São Paulo, dans la région rurale de São José do Rio Preto.
Il est issu d’un milieu très modeste, il est autodidacte et a travaillé comme ouvrier agricole, coupeur de canne à sucre et laboureur avant de peindre.

Il appartient au mouvement de l'Art Naïf parfois rattaché à l’art brut, mais avec une dimension sociale et politique forte.

Il a peint sans formation académique, avec une grande liberté de composition et des couleurs vives.

Son style a évolué d’une naïveté narrative (des scènes de plantations, de récoltes, de fêtes villageoises) vers une peinture plus expressive, gestuelle et symbolique.

Il a peint des paysages agricoles, la condition des travailleurs ruraux, la nature menacée par l’industrialisation et aussi des scènes religieuses et des portraits intimes.

Son œuvre plonge directement ses racines dans son quotidien de travailleur rural brésilien. Il se définissait lui-même comme pintor caipira (peintre campagnard).

En plus de peindre, il a écrit des récits et des poèmes en portugais, souvent centrés sur la vie à la campagne et les injustices sociales.

Il n’a pas eu de maître, mais son travail a parfois été rapproché de Dubuffet et de l’art brut. Il admirait aussi Van Gogh pour sa liberté de geste et de couleur.

Il a dit : "« Pinto o que vejo, o que vivo, o que sinto. O mundo da roça, da gente da terra. » (Je peins ce que je vois, ce que je vis, ce que je ressens. Le monde des champs, des gens de la terre).»

Ses signatures sont ostentatoires, caractéristiques et intéressantes à observer, car elles reflètent son identité de peintre autodidacte et son rapport direct à son œuvre.

L’écriture est souvent manuscrite, peinte directement au pinceau, assez lisible, parfois maladroite ou irrégulière, ce qui renforce l’aspect naïf de son travail.

Sur certaines œuvres, la signature est placée librement, presque intégrée à la composition.

Son œuvre est aujourd’hui présente dans plusieurs musées brésiliens (MASP à São Paulo, Musée d’Art de Rio) ...

Dans cette salle d'introduction sont exposées ses premières œuvres – autoportraits, portraits de famille, qui illustrent son style naissant.
Portrait de ma femme Rosinh_1957_don de Theon Spanudis_Collection Museo de Arte Contemporâna da Universitade de Sao Paulo

Autoportrait_1973_Collection Orandi Momesso

Autoportrait_1976_Collection particulière

Malgré les éloges qui l'accompagnent depuis ses débuts et sa participation aux premières éditions de la biennale de Sao Paulo en 1957, Silva est rejeté par le jury qui a modifié les critères de sélection afin d'homogénéiser les oeuvres présentées.

Cette décision est une rude épreuve pour l'artiste qui vit très mal cette décision. Dans une réaction de colère il se peint ballonné comme muselé par les organisations officielles et dans le tableau "les pendus
de la Biennale", il représente le jury pendu à une potence.

Dans ce portrait, Da Silva se représente censuré par les autorités de la biennale de Sao Paulo.
Le texte inscrit sur le bandeau dit : "Cette bouche est bâillonnée, la Biennale m'a réduit au silence, vous voyez ?".

L'artiste s'est emparé de toutes les occasions qui se présentaient à lui pour exprimer sa rage envers les élites culturelles qui avaient soutenu son travail à ses débuts pour se détourner de lui ensuite.
Autoportrait_1973_Collection Orandi Momesso

Les pendus de la Biennale_s.d_Collection particulière


Boîte de couleurs_1957_Collection José Roberto Bortoletto Junior

La deuxième salle “la vie rurale”, présente des oeuvres de l’après-guerre abordant les plantations de café et coton, le travail des champs, et les conditions sociales difficiles.

Sa région d'origine est une terre d'agriculture intensive, lié à la croissance rapide de l'industrialisation et de la consommation au Brésil après la 2e guerre mondiale.

Ces champs s'organisent en ligne de fuite vers un horizon dégagé à l'infini.

Il peint de manière expressionniste, associant palette lumineuse et formes simples.
Les queimadas (brûlis) sont d'autres paysages récurrents dans l'oeuvre de Silva.

Pour représenter cette pratique de terre brûlée Silva crée des compositions quasi abstraites par l'association de couleurs chaudes des flammes aux modelés tortueux des troncs calcinés.

Il écrit "A tort ou à raison je suis Silva, et pour parler du Silva que je suis, je vous amène moi-même toute une série de nouveautés. Nous allons voir notre Brésil riche en fleurs... je suis le Brésil et je peins le Brésil... je suis le sol même du brésil."
Champ de coton_1974_Collection Vilma Eid

Sans titre_1977_Collection Lucas Arruda

Sans titre_1977_Collection Lucas Arruda

Champ de coton avec arbres coupés_1975_Collection privée

Champ de coton _1953_Collection privée

Brûlis _1950_Collection particulière

Brûlis _1971_Collection particulière

Brûlis _1980_Collection Orandi Momesso

Brûlis _1970_Collection privée

La salle “écologie et mondialisation” présente les tableaux de la période 1950–1960.
Ses palettes s’enrichissent de couleurs vives, horizons hauts, pointillisme influencé par Van Gogh.

Ce sont des figures de plantations intensives et de paysages dégradés par le climat, la mondialisation.

La destruction de la nature est un message très actuel.

Il commence par peindre des villages, un thème abordé toute sa vie.

Il montre la dure vie des communautés de sa région et leur soumission aux aléas climatiques comme les sècheresses et les inondations qui affectent les récoltes.

Parallèlement, il témoigne de l'intense travail de récolte et le traitement des cultures avec des scènes rurales avec des personnages stylisés.

il témoigne de son fort attachement à la vie et aux valeurs de ces villages.

Il écrit : " Dans mes tableaux je dépeins toujours quelque chose de concret et d'utile, surtout les lieux magiques de notre Brésil, avec notre vie et en particulier la vie dans les campagnes brésiliennes. Tout ce que j'ai vu et vécu dans mon enfance, je le mets aujourd'hui sur mes toiles."
Troupeau se reposant dans l'enclos_1956_Collection Vilma Eid

Sans titre_1980_Collection Alexandre Martins Fontes

Sans titre_1979_Collection Vilma Eid

Battre le coton_1975_Collection Vilma Eid

Champ de coton_1969_Collection Vilma Eid

Opération chirurgicale_1956_Collection Orandi Momesso

L'abattage_1949_Collection Marta et Paulo Kuczynski

Destruction par la sècheresse_1951_Collection Orandi Momesso

Paysage rural et paysans avec des houes_1948_Collection Orandi Momesso

La salle “technique et geste” fait un focus sur son énergie expressive avec les couleurs intenses, la présence du geste, les touches spontanées.
Il peint de nombreuses natures mortes illustrant son goût pour les choses simples du quotidien.

Ces peintures témoignent de sa capacité à créer des compositions synthétiques fortes à partir d'objets comme un bouquet de fleurs ou une corbeille de fruits.

dans certaines de ses peintures l'introduction d'une touche de pointillisme donne un rythme particulier sur la toile.

Il écrit : "Avec de la peinture à bois pour peindre les portes et les fenêtres, j'ai fait de la vraie peinture car le monde en avait besoin."
Sans titre (pastèque et main)_1968_Collection Alexandre Martins Fontes

Panier de fleurs_1976_Collection Ladi Biezus

Vase de fleurs_1976_Collection Orandi Momesso

Panier de fleurs_1966_Collection Orandi Momesso

Sans titre_1981_Collection Alexandre Martins Fontes

Pastèque_1956_Don de Theon Spanudis_Collection Museu de Arte Contemporanea da Universidade de Sao Paulo

A plusieurs reprises au cours de sa carrière, Siva s'essaye au pointillisme.
Aux yeux de certains critiques d'art, il renie son style "populaire" ou "naïf" qui ne doit selon eux souffrir d'aucune influence. Silva défend alors sa liberté d'utiliser le langage visuel qu'il veut.
Dans ce tableau, comme dans beaucoup d'autres, Silva choisit comme couleurs le vert et le jaune du drapeau brésilien.
Nature morte en pointillisme_1951_DCollection privée

Dans la salle “traditions religieuses”, on voit qu'elles sont profondément ancrées dans les campagnes brésiliennes. L'année est rythmée par les fêtes auxquelles toute la communauté participe, et l'église est au centre de la vie sociale.
Silva interprète souvent les scènes de la crucifixion qu'il évoque sur la place du village ou des prophètes ou des saints dans les plantations de coton. Les tableaux sont connectés à une religiosité populaire.
L'entrée dans Jérusalem_1975_Collection particulière

Le Christ Rédempteur dans la baie de Guanabra_1980_Collection Ladi Biezus

Jésus sur la croix_1956_Collection Orandi Momesso

La sainte cène_1968_Collection Orandi Momesso

Tempête pour la mort de Jésus_1977_Collection Ladi Biezus

Descente de la croix_1955_Collection Orandi Momesso

Dans la dernière salle sont exposés les épouvantails qui sont un motif récurrent et très parlant chez José Antônio da Silva.
Ils incarnent plusieurs couches de sens dans son univers rural et symbolique.

Ils ont un élément du monde rural car ils protègent les plantations de maïs, de coton ou de canne à sucre.

Pour celui qui peignait la vie des champs qu’il connaissait intimement, l’épouvantail fait partie du décor quotidien.

Mais chez lui, l’épouvantail dépasse la simple fonction agricole, c’est un double du paysan, figé, seul dans le champ, exposé au soleil, à la pluie, au vent, comme le travailleur de la terre, exposé et vulnérable.

Il incarne aussi la solitude du monde rural, la dureté de la survie.

Certains critiques voient l’épouvantail comme un symbole de résistance, un être « debout », planté là pour défendre les cultures.

Il devient aussi parfois, l'alter ego de l’artiste, fragile mais obstiné, rustique, modeste et relié à la terre.

Il les peint souvent, au centre du champ, dressé au milieu de plantations de coton ou de maïs avec des bras en croix, des haillons, un vieux chapeau, parfois presque humain.

Les couleurs sont vives, les traits naïfs, le décor est foisonnant, mais l’épouvantail reste immobile, un point d’ancrage.
Epouvantail dans un paysage_1950_Collection Ana Paula et José Luiz Carneiro Vianna

Epouvantail _1951_Collection Orandi Momesso

Ouragan_1973_Collection Orandi Momesso

Troupeau de moutons sous la pluie_1980_Collection Lucas Arruda

Pâturage _1968_Collection Orandi Momesso

Sans titre_1981_Collection Alexandre Martins Fontes

Petit train du "grand palais"_1986_Collection particulière

José Antonio da Silva  écrit :

"Je me compare à une feuille séchée ballotée par le vent.

Je vis sur terre, je suis né dans la terre.

J'ai grandi dans la terre, et je vais à la terre.

Je suis le Brésil, je suis la flore, je suis un tronc déraciné.

Je suis une route déserte.

Je suis une vieille cabane sur le bord de la route.

Je suis un arbre sec sans branches.

Et à la fin je suis Silva."


Silva n'a jamais quitté sa région natale.

Fier de son identité il se nourrit de l'histoire du Brésil en qualité de peintre et aussi en tant qu'auteur, poète, chanteur, compositeur.

Son existence voit se succéder des périodes de grandes pauvretés et la reconnaissance nationale et internationale.

Il a connu le désaveu de ses pairs, puis la reconnaissance artistique.

Quelques soient les sujets choisis, scènes de villages, paysages, épouvantails, nature morte, la narration est toujours riche en couleurs à l'image de son personnage.

Dans son oeuvre, sous l’apparente gaieté de ses couleurs, il critique la modernisation agricole, la déforestation et l’exploitation du monde rural.

Ses toiles dénoncent, les plantations intensives, l’exode rural, l’impact du climat, les inégalités sociales au Brésil.

Son œuvre a donc une forte résonance écologique et sociale, bien avant que ces thèmes ne deviennent actuels.

Il faut voir cette exposition car c'est une première en Europe qui met en lumière un artiste majeur de l’art naïf brésilien et elle offre un regard poignant sur l’agriculture, l’écologie et les impacts sociaux à travers un art vibrant et engagé.

Il est considéré comme l’un des plus grands représentants de l’art naïf brésilien et est parfois surnommé « le Van Gogh brésilien ».


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Gérard Gleyze

samedi 21 juin 2025

Voyage dans la Région des Marche en Italie_Ripatransone, Offida



Le 11 mai 2025 nous continuons notre découverte de la région des Marches et partons pour visiter Ripatransone, Offida et Ascoli Piceno.

Ripatransone dans la province d'Ascoli Piceno est perchée à plus de 500 mètres d'altitude entre mer et montagnes,

C'est l’un des bourgs médiévaux les plus emblématiques de la région des Marches. Surnommée le “Balcon des Marches”, elle offre des panoramas spectaculaires s'étendant de la mer Adriatique aux sommets des Apennins.

Les collines qui l'entourent produisent des vins réputés, dont le Rosso Piceno Superiore DOC, ainsi que d'autres produits typiques comme l’huile d’olive, les truffes et les fromages fermiers.




Elle a des origines médiévales, avec des racines romaines et picènes. Elle était un centre important au Moyen Âge, et à partir du XVIe siècle un siège épiscopal.

Son importance historique se reflète dans ses nombreux Palazzi (palais) Renaissance et baroques.

En flânant dans les ruelles de Ripatransone, on découvre une ville au tissu urbain médiéval typique, entrelacé de maisons en brique, d'escaliers en pierre et d'arcs anciens.

Nous commençons la visite par un délicieux capuccino dans un coquet café de la place.


Les rues racontent le quotidien d’un village bâti au rythme du terrain.

Le cœur de Ripatransone est un véritable labyrinthe de ruelles en pente pavées, étroites et sinueuses, qui serpentent le long des pentes de la colline en donnant à la ville un caractère vertical.




Dans ce réseau de ruelles certaines sont bordées d’arches, de passages voûtés et de galeries couvertes.

Ils permettaient de relier les différents quartiers mais il permettaient aussi de créer des raccourcis sécurisés en cas d’attaque, de soutenir les étages supérieurs des maisons sans occuper trop de place au sol (on parle parfois de “ponti abitati”, ou ponts habités) et de protéger les denrées, les bêtes ou les outils du climat.

Ripatransone est fière d’abriter la ruelle la plus étroite d’Italie, voire d’Europe. Elle mesure 43 cm de large par endroits.

Elle est devenue une véritable attraction. Une plaque la signale et les visiteurs aiment tenter de la franchir… parfois de profil !

Les remparts érigées dès le XIIIe siècle puis renforcées aux XVe et XVIe siècles, sont des murailles défensives qui ceinturent encore une grande partie du centre historique.

Construites principalement de briques rouges, elles témoignent de l’importance stratégique de la ville à l’époque médiévale, notamment lors des rivalités entre cités voisines et des incursions venues de la mer.

Les remparts sont ponctués de tours de guet, de portes fortifiées (comme la Porta di Monte Antico ou la Porta San Michele) et de chemins de ronde. Ces structures, en grande partie restaurées, permettent aujourd’hui une promenade panoramique tout autour du bourg ancien, entre nature et patrimoine.


La Piazza XX Settembre trapézoïdale est la place centrale.
Elle est entourée de bâtiments historiques, dont le Palazzo del Podestà,  le Palazzo Municipale, l'église San Rocco, l'église et le clocher de San Agostino et la cathédrale des Saints Grégoire et Marguerite.

Parmi les monuments remarquables on trouve le Palazzo del Podestà construit en 1304 dans un style romanico–gothique.

Il se distingue par son imposante façade et son portique à sept arches en briques rouges.

L'arche centrale est ogivale, les autres en plein cintre, ce qui donne une impression de grandeur tout en conservant l’équilibre visuel.

Le rez-de-chaussée abrite aujourd’hui une Bottega del Vino (cave à vin), point de rencontres conviviales pour déguster vins et spécialités locales.

Diverses restaurations entre le XVIe et le XIXe siècle ont modifié son profil avec l'abaissement du sol du portique, l'ajout de l’aile gauche, la symétrisation de la façade et l'élévation du deuxième étage.

La tour civique a été transformée et a perdu son aspect médiéval initial.

Au sommet de la tour se trouve un campanone (grosse cloche) de deux tonnes, fondu à Ripatransone en 1706. Il sonne les heures de la journée.

Une cloche plus petite datant du XVe siècle rythme les quarts d’heure.

Le premier étage a été transformé en théâtre municipal en 1790, inauguré en 1824 sous le nom de Teatro del Leone, aujourd’hui rebaptisé Teatro Luigi Mercantini.
L’entrée principale, donnant sur la piazza XX Settembre (septembre).

Le Palazzo Municipale (la Mairie) est l’un des bâtiments civils les plus anciens et les plus représentatifs de l’histoire politique de la ville.

Construit au XIIIe siècle, il a longtemps été le centre administratif de la commune.
Il a été mairie, tribunal et lieu de réunion du Conseil des anciens.

Sur sa façade austère en brique est d’inspiration romanico-gothique se trouvent d'anciens cadrans solaires muraux.

Son portail en pierre a été rajouté à la Renaissance et son double escalier monumental extérieur mène à l’étage noble, typique de l’architecture municipale des Marches.

Aujourd’hui, le bâtiment abrite le Musée archéologique civique, qui expose des objets picéniens, romains et médiévaux, la bibliothèque municipale, située à l’étage, dans des salles à hauts plafonds boisés et grandes fenêtres donnant sur la piazza et il sert à des réunions publiques et culturelles.


L'église San Rocco, construite au XVIe siècle, est dédiée à Saint Roch (San Rocco), protecteur contre la peste, très vénéré dans la région.
Elle est située sur la même place.

Son style est sobre, typique des petites églises de campagne et des bourgs des Marches à la Renaissance.

Sa façade est simple, avec un portail en pierre souvent attribué à l’architecte Giacomo da Varese, reconnu pour ses œuvres dans la région.

Aujourd’hui, c'est un lieu de culte actif et un témoin de la foi populaire locale.


Le clocher de San Agostino adjacent à l’église San Agostino, autre édifice religieux important de Ripatransone. est une tour élancée, typique des architectures religieuses des Marches, souvent avec une structure en brique et pierre.

Il se distingue par sa silhouette élancée visible depuis plusieurs points de la ville, symbole de la présence augustinienne.

Son style mêle des éléments gothiques tardifs avec des ajouts Renaissance.
Outre sa fonction d’appel à la prière, il servait parfois de point de repère.

La cathédrale des Saints Grégoire et Marguerite a été édifiée entre 1597 et 1623 sur les fondations d’une église antérieure dédiée aux mêmes saints.

Sa façade néoclassique est achevée en 1842 et le clocher de 52 m élevé de 1884–1902.
Il est surmonté d’une statue en cuivre doré du Rédempteur.


L'intérieur est sur un plan à trois nefs en croix latine avec une coupole centrale.
Les fresques dans la coupole et le tiburium sont des frères Bedini (1959–1960).





Des maisons nobles et loggias entourent la piazza du XX Settembre comme la Casa Benvignati, Bruni, Teodori‑Maroni, Massi‑Mauri, etc. qui sont d'élégantes résidences du XVe–XVIIIe siècle, aux portiques en briques et bois, arcatures gothiques et terracotta décorative.

Elles illustrent la richesse civique et résidentielle de Ripatransone à travers les siècles.





Ripatransone, surnommée "le balcon du Piceno", est un lieu hors du temps, où chaque ruelle semble raconter une histoire, où les clochers rythment encore les heures, mais ce n’est pas une ville-musée figée, c’est un bourg vivant, attaché à ses traditions, fier de son passé.

Nous quittons Ripatransone pour Offida, charmante petite ville médiévale fortifiée, nichée dans la province d’Ascoli Piceno, construite sur un promontoire rocheux.

Son cœur historique est préservé, avec ses remparts, ses églises romanes et ses bâtiments civils Renaissance.




Elle est connue pour son patrimoine historique et architectural riche, ainsi que pour son artisanat traditionnel, notamment la dentelle au fuseau.

 Offida possède des origines préromaines, probablement picènes. Des vestiges antiques confirment une présence humaine dès le VIIe siècle avant notre ère.
Au Moyen Âge (XIIe siècle), elle devient une commune libre.

Elle passe ensuite sous le contrôle de l’abbaye de Farfa, ce qui explique la richesse de ses institutions religieuses et elle fait partie des États pontificaux jusqu’à l’unification de l’Italie.
Aujourd'hui Offida est connue pour sa production viticole (vin DOCG Offida) et sa production artisanale (dentelle).

A l’entrée du centre historique, près des anciennes murailles, se trouve le Monument aux brodeuses (Merlettaie), également appelé Fontana monumento alla Merlettaia, réalisée par le sculpteur local Aldo Sergiacomi en 1983.

Cette sculpture en bronze, représente un groupe de trois femmes de générations différentes (enfant, jeune, âgée), toutes occupées à travailler le merletto a tombolo (dentelle aux fuseaux).

Il célèbre la transmission intergénérationnelle d’un art artisanal unique et profondément enraciné dans la culture d’Offida. La fontaine symbolise aussi le partage, la communauté et la persévérance de cette tradition féminine.

L’art de la dentelle au fuseau s’est développé dès le XVe siècle, notamment chez les classes populaires, puis s’est propulsé auprès des communautés religieuses notamment les bénédictines au XVIIe siècle.

Cette tradition a été protégée et promue au fil des siècles par des coopératives, des écoles et des musées (notamment le Musée du Merletto à tombolo, ouvert en 1998, dans le Palazzo de Castellotti).



Les remparts et portes d’Offida ont été érigés principalement entre le XIIIe et le XVe siècle.

Ils servaient à protéger la ville des invasions et des conflits régionaux. Ils jouent un rôle important dans l’identité architecturale de la ville. car ils ont influencé l’organisation urbaine.

Ils ont été renforcés à différentes époques, notamment sous les États pontificaux.

Ils sont en briques rouges, typiques de l’architecture militaire médiévale des Marches et intègrent des tours circulaires et des bastions bien conservés.

Il est possible de faire une balade circulaire le long des remparts, surtout dans la zone est et sud de la ville.
Ils sont classés au patrimoine culturel régional.




Nous débutons la visite du coeur historique par le Monastère de San Francesco, situé à deux pas de la Piazza del Popolo.

C'est un site emblématique mêlant histoire religieuse, architecture franciscaine et culture locale. Il a été fondé au XIIIᵉ siècle par les Clarisses, puis repris par les Franciscains en 1517.

Il est de style Gothique tardif, modifié ensuite aux époques Renaissance et Baroque. La façade sobre en brique est typique de l’ordre des Franciscains.

D’importantes restaurations ont eu lieu en 1775, puis plus tard après la période napoléonienne et l’Unité d’Italie. Il a été converti en école, puis en prison, en four, en moulin… avant d’être classé et restauré dans les années 1990 .

Le cloître achevé au début du XVIIᵉ siècle est de plan quadrangulaire, avec quatre portiques à voûte en croisée d’ogives et 20 arcs en plein cintre portés par des colonnes à chapiteaux corinthiens .





Il est agrémenté en 1625, grâce au mécénat d'une trentaine de familles locales qui ont financé la décoration du cloître. 

Ce sont 17 lunettes peintes illustrant des épisodes de la vie de saint François, encadrées de frises dorées et guirlandes vertes. Les fresques sont attribuées à un frère peintre, peut-être le « maître Stefano peintre ». 

Elles sont particulièrement dégradés.



Le cloître est intégré à l'Enoteca (caveau à vin).

Ce monastère souligne l’empreinte spirituelle des Franciscains dans la ville.

Depuis la sécularisation des biens religieux, le monastère a été reconverti pour accueillir le musée de la dentelle (Museo del Merletto a Tombolo), qui retrace l’histoire de la dentelle à Offida, avec des pièces anciennes, outils traditionnels et démonstrations.

Il accueille aussi le musée Archéologique “G. Allevi” avec des collections d’objets retrouvés dans la région d’Offida : nécropoles picènes, objets étrusques, céramiques hellénistiques, pièces romaines.

Il abrite aussi la pinacothèque avec l'exposition d'oeuvres d’art sacré et des expositions temporaires d’art contemporain ou d’histoire locale.

Nous avançons en direction de la Piazza del Popolo. 
Au nord de cette place sur la place Valorani se trouve la Fontana del Rè appelée aussi el Mietitore.

Édifiée vers 1800, en même temps que l’arrivée de l’aqueduc de la ville (1887), elle a été réalisée dans une fonderie française.

De style classique, cette fontaine en fonte représente un jeune moissonneur tenant une faucille et des gerbes de blé, évoquant le visage agricole d’Offida rappelant l’importance de la terre et des cultures locales.

La Fontana del Re (Mietitore) est un petit joyau historique et symbolique.




Nous arrivons Piazza del Popolo qui est le centre névralgique d’Offida et le cœur historique et social d’Offida, souvent considérée comme la place principale de la ville.

Construite au Moyen Âge, elle est un exemple typique des places triangulaires médiévales.

Elle a été façonnée au XVIIIᵉ siècle après la démolition d’anciennes structures, elle a toujours été un lieu de rencontre, de marché et d’événements public.

La Piazza del Popolo est entourée d’un mélange harmonieux de bâtiments historiques remarquables, publics, religieux ou résidentiels, tous témoins de l’histoire d’Offida.

Il y a la Fontana del Re, le Palazzo Comunale (hôtel de ville), le Teatro Serpente Aureo,  la Chiesa dell’Addolorata, la Chiesa della Collegiata (Église Collégiale de Santa Maria della Rocca),  de Maisons et Palais Historiques.

La place est piétonne, ce qui permet de s'y promener tranquillement.

Le Palazzo Communale est implanté au cœur de la Piazza del Popolo.

Ses origines remontent vraisemblablement aux XI–XIIᵉ siècles, comme en témoignent les styles médiévaux de la façade.

À l’origine, le palais comprenait trois niveaux (rez-de-chaussée, premier étage, grenier) soutenu par une charpente en bois, avec en base des cachots médiévaux.

Au XVᵉ siècle, un portique supérieur a été ajouté avec 13 petites colonnes en travertin et chapiteaux, élégamment ouvragés.

Le portique du rez-de-chaussée date du XVIIIᵉ siècle.

La tour carrée, coiffée de créneaux gibelins dits « queue d’hirondelle », est typique du XIIIᵉ siècle, et a été conservée lors des multiples rénovations.

Le palais a servi de siège administratif (podestat, consuls) dès la fin du XIIIᵉ siècle, après l'autonomie donnée par le pape Nicolas IV en 1291. Sous la tour se trouvaient des prisons, preuve de sa fonction judiciaire.

La cloche actuelle a été offerte par le cardinal Felice Peretti (futur pape Sixte V).

À partir du XIXᵉ siècle, notamment vers 1800, un théâtre (le Serpente Aureo) a été aménagé dans la cour intérieure. Ce théâtre baroque, surnommé la « Bomboniera », existe toujours à l’intérieur du palais.

Le Palazzo del Popolo d’Offida incarne l’identité historique, culturelle et sociale de la ville, mêlant styles médiévaux et renaissants. 

La structure est d’origine médiévale, les portiques du XVᵉ et XVIIIᵉ siècle, la tour XII–XIVᵉ, le théâtre Serpente Aureo intérieur du XIXᵉ siècle.

Le Palazzo del Popolo est toujours occupé par la municipalité.




Sur la place, sur l’emplacement de l’ancien Oratoire della Trinità, se trouve la Chiesa della Collegiata (Santa Maria Assunta), construite entre 1785 et 1798.

Elle a été conçue par Lazzaro Giosafatti et consacrée le 19 avril 1801. Elle est néoclassique et s'intègre dans une place médiévale.

Sa façade mêle des influences grecques, romaines, lombardes et baroques.

La grande lunette centrale contient une mosaïque représentant l’Assunta, posé en 1950 par le Laboratorio Vaticano à l’occasion du centenaire du miracle de la Madonna qui a bougé les yeux.


L'intérieur est conçu en plan en croix latine à 3 nefs.


La nef centrale est surmontée d’une coupole de plus de 38 m.

Derrière l’autel, on admire des stalles en noyer de deux ordres, réalisé par Alessio Donati, anciennement dans Santa Maria della Rocca





Plusieurs chapelles latérales abritent des œuvres remarquables : un tableau de Simone de Magistris, une copie du Caravaggio, un sépulcre en mémoire du capitaine Nicola Palmucci, etc.





La crypte, accessible par des escaliers au transept, abrite une grotte de Lourdes créée en 1920, avec eau, ambiance mystique.



et même une crèche napolitaine mécanique permanente.

Le Santuario Diocesano del Miracolo Eucaristico, c’est-à-dire la Chiesa di Sant’ Agostino près du Palazzo Communale a été construit au XIVᵉ siècle en brique sur l’emplacement d’une ancienne église dédiée à Santa Maria Maddalena.

Le bâtiment présente aujourd’hui un style majoritairement baroque. Le dôme octogonal et clocher de style byzantin,

La façade sobre dotée d’un portail monumental en bronze, réalisé par Aldo Sergiacomi en 1994.
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La chapelle est à nef unique avec stucs élégants et des décorations baroques.
L'autel principal et la chaire sont de style baroque.
Les stucs sont raffinés, et les stalles du XVIIIᵉ siècle sont en noyer.



L’église Sant’Agostino, abrite l’une des plus précieuses reliques eucharistiques d’Italie.

Derrière l’autel, protégée par une grille en fer et deux vantaux en bois du XVe siècle, se trouve la croix reliquaire et un reliquaire de facture régionale du XVe siècle.

La croix-reliquaire en argent doré, oeuvre de l’orfèvrerie vénitienne du XIVᵉ siècle contient les reliques : l’hostie et la nappe pliée, de lin blanc du XIIIᵉ siècle toujours tâchée de sang, témoignant physiquement de l’événement. dans lequel la femme avait caché l’hostie ensanglantée.

L’histoire commence à Lanciano, dans les Abruzzes, où une femme nommée Ricciarella, poussée par la jalousie et des conseils d'une sorcière, décide d'accomplir un acte sacrilège pour ramener l'amour de son mari. Elle vole une hostie consacrée à l’église, la ramène chez elle, et la jette dans une poêle pour la brûler. Immédiatement, l’hostie commence à saigner abondamment, imprégnant la nappe sur laquelle elle reposait. Terrorisée, elle cache le tout dans un pot en terre cuite, muré dans un mur de la maison.

Des années plus tard, le miracle est découvert et les reliques sont confiées aux moines augustiniens.

En 1280, un religieux originaire d’Offida, frère Pierre de Offida, les transporte dans sa ville natale.

Ce miracle est reconnu par l’Église comme authentique.


A quelques pas de la Piazza del Popolo nous entrons dans la boutique à l'ambiance familiale de Rosina.


Rosina est une dame charmante qui à plus de 80 ans, et qui perpétue toujours et ce depuis plus de 70 ans la tradition héritée de sa grand-mère.

Elle nous parle de son art avec passion avec un magnifique sourire. Il lui a fallu par exemple plus de quatre ans pour réaliser un châle.

Elle est un véritable savoir-faire vivant.

Elle expose et nous montre avec enthousiasme ses oeuvres d'une incroyable finesse.






Nous pouvons voir des ouvrages en cours de création sur ses tambours


et ses photos souvenirs.






Le passage dans cette boutique et l'échange avec Rosina était un véritable moment hors du temps.

Après la visite de Ripatransone et d'Offida, deux perles nichées dans les collines des Marches, où nous avons découvert leur riche patrimoine, leurs palais, leurs églises, leurs ruelles et places pittoresques et la chaleur de leurs habitants, nous partons pour Ascoli Piceno qui est située non loin d'Offida, à environ 30 km de la mer Adriatique, afin de continuer à découvrir l’âme de cette belle région.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze