Du 14 novembre 2024 au 30 mars 2025 se tient l'exposition "Modigliani/Zadkine, une amitié interrompue" au musée Zadkine, au 100 bis rue d'Assas, Paris 6e.
Nous visitons cette exposition le 01 mars 2025.
À travers près de 90 œuvres, peintures, sculptures,
dessins, photographies et documents d'époque, l'exposition explore pour
la première fois l'amitié artistique du temps de leur jeunesse, entre le
sculpteur Ossip Zadkine et le peintre Amedeo Modigliani, et propose de
suivre les parcours croisés de Modigliani et Zadkine, dans le contexte
mouvementé et fécond du Montparnasse des années 1910 à 1920.
Elle retrace leurs parcours croisés depuis leur arrivée à
Paris jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Les deux artistes, arrivés
respectivement en 1906 et 1910, se sont rencontrés en 1913 à Montparnasse et
ont partagé une quête commune de renouveau artistique, s'inspirant de l'Égypte
ancienne, des arts khmers et africains pour rompre avec l'esthétique
académique.
Modigliani formé à la peinture, rêve de devenir
sculpteur. Il réalise des têtes en pierre précédé de dizaines de dessins
préparatoires. Il invite Zadkine dans son atelier pour lui montrer son travail.
Ainsi naît une amitié artistique bientôt interrompue par
la 1er Guerre Mondiale. Modigliani, réformé, s'est tourné vers la peinture,
tandis que Zadkine, mobilisé en 1915, a été gazé en 1916.
Modigliani meurt prématurément en janvier 1920.
L'exposition explore également comment Zadkine a
contribué à forger le mythe de Modigliani, conservant précieusement un portrait
que ce dernier avait réalisé de lui.
Pratiquement contemporain, Amadeo Modigliani est né en 1884 à Livourne et Ossip Zadkine en 1888 à Vitebsk.
Modigliani arrive à paris en 1906 et Zadkine fin 1910.
Avant 1910, Modigliani peint à la manière de Toulouse-Lautrec. En 1909-1910, il se met à sculpter des têtes archaïsantes qu'il expose au salon d'automne de 1912. Ce sont des têtes stylisées et allongées dans l'esprit de Constantin Brancusi. Il emprunte à l'art égyptien, africain et khmère.
Zadkine se fait connaître par des sculptures "primitives".
Dans l'esprit de Zadkine "archaïsme" veut dire retour aux formes et à l'esprit des arts égyptiens ou grecs qu'il a découvert au British Museum et aussi de la sculpture romane et des sculpteurs africains et océaniens.
Il est marqué par le style Modigliani.
Peu avant la première guerre mondiale, les deux artistes évoluent vers le cubisme sous l'influence de Pablo Picasso qui habite à Montparnasse.
L’exposition débute par la présentation d'une sélection
d’œuvres de Modigliani et Zadkine réalisées entre leur arrivée à
Paris et les débuts de la Première
Guerre mondiale.
Amadeo Modigliani (1884+1920)_Tête de femme, 1911-1913_calcaire_Paris, Centre Pompidou
"Tête héroïque" a été taillée par Zadkine dans un bloc de granit sur lequel il se souvient avoir cassé "tous ses ciseaux". Faire avec la nature est la marque de Zadkine. Il utilise les irrégularités de la pierre pour suggérer les yeux et la bouche. Les traits stylisés, les yeux en amande et le nez en trapèze donnent un effet de haut-relief
Ossip Zadkine (1888-1967)_Tête héroïque_1909-1910_Granit_Paris, musée Zadkine
Ce grand dessin Rosa Mistica exécuté vers 1916 par Modigliani, était peut-être destiné à illustrer un ouvrage de Max Jacob, poète d'origine juive et converti au catholicisme en 1915 que connaissait également Zadkine. Dans la sainte famille taillée vers 1912-1913, Zadkine donne aux figures de Jésus, Marie, Joseph un aspect simple et stylisé très proche de la maternité dessinée par Modigliani.
Ossip Zadkine (1888-1967)_La sainte famille, 1912-1913_Mortier de plâtre et pigments_Paris, musée Zadkine
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Rosa Mistica, vers 1916_Crayon graphite gras sur papier vélin_Paris, Musée Bourdelle
Ossip Zadkine (1888-1967)_Ephèbe, 1918_Bois d'orme partiellement peint_Collection particulière
Ossip Zadkine (1888-1967)_Femme à la mandoline, 1914_Bois laqué noir_Paris, Musée d'Art Moderne
Ossip Zadkine (1888-1967)_Tête de femme, 1924_Calcaire, incrustations de marbre gris, rehauts de couleur_Paris, musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Hermaphrodite, 1914_Bronze, Susse Fondeur, tirage 1/5_Paris, Musée Zadkine
Entre 1912 et 1914, Modigliani réalise près d'une centaine de dessins préparatoires à ses têtes sculptées. Perfectionniste acharné, il reprend inlassablement le même motif de tête, dont les traits symétriques et stylisés évoquent les masques africains. Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête de femme avec un collier, vers 1911-1914_Crayon noir gras sur papier_Collection privée, ancienne collection du Docteur Paul Alexandre
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête et épaules de face avec boucles d'oreilles, vers 1911-1914_Crayon noir gras sur papier_Collection privée, ancienne collection du Docteur Paul Alexandre
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête de face sur un socle_Crayon noir gras sur papier_Collection privée, ancienne collection du Docteur Paul Alexandre
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête de face, vers 1911-1913_Crayons, noir, bleu, vert sur papier_Londres, Victoria et Albert museum
En 1914, la Première Guerre mondiale met un terme brutal à l’amitié des deux artistes.
Quoiqu'étrangers tous les deux, ils tentent de s'engager dans l'armée française.
Trop fragile, Modigliani est réformé.
Zadkine s’engage dans la Légion étrangère. Il est affecté à l’ambulance russe en 1915 comme brancardier.
Il est gazé en 1916, et réformé en octobre 1917.
De retour à Paris il retrouve Modigliani, mais ce dernier, sur les conseils de son marchand Paul Guillaume, renonce à la sculpture et revient à la peinture. Il est en passe de devenir un peintre célèbre, soutenu par les marchands Paul Guillaume et Leopold Zborowski.
En 1918, les deux artistes quittent Paris. Modigliani part avec sa compagne, Jeanne Hébuterne pour le sud de la France.
Zadkine se réfugie dans le Quercy.
Ils se recroisent à Paris au printemps 1919, mais leur amitié n'est plus.
Quand Modigliani meurt prématurément à l'âge de 35 ans en 1920, Zadkine ne participe pas à ses obsèques. Il vient de rencontrer sa future femme, Valentine Prax, et sa carrière prend son envol.
Il continue sa voie sans renoncer à l'idéal que Modigliani a abandonné.
Si certaines de ses sculptures portent encore la marque du cubisme, il s'en éloigne progressivement.
Plusieurs hypothèses expliquent leur éloignement :
Est-ce une rivalité artistique ? Modigliani aurait pu voir en Zadkine un concurrent dans la sculpture,
Un différend personnel ? Certains récits évoquent des tensions liées à leur mode de vie ou à des désaccords artistiques.
L’état de santé de Modigliani ? Son alcoolisme et sa tuberculose l’éloignent peu à peu de son entourage.
Zadkine, qui survivra longtemps à son ami, gardera une certaine réserve sur leur relation passée.
Dans cette partie de l'exposition, dessins et portraits peints de Modigliani et des gouaches de Zadkine, illustrent la divergence des chemins qu’empruntent Zadkine et Modigliani à la fin de la Première Guerre
mondiale.
Ossip Zadkine (1888-1967)_Musicienne, 1919_Pierre d'Euville_Paris, musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Maternité, 1919_Marbre partiellement teinté_Paris, musée Zadkine
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Pélagie, vers 1917_Graphite sur papier_Musée de Grenoble
Béatrice Hastings a été présentée à Modigliani par le poète Max Jacob en 1914.
Entre 1914 et 1916 sa passion tumultueuse pour "la belle anglaise", lui inspire des portraits peints et nombre de dessins. La peinture en 1915 montre plusieurs traits hérités de la période sculpturale : style sévère, visage ovale sur un long cou, larges yeux en amande sans pupille, nez droit, bouche pincée.
Le dessin au contraire montre Béatrice tout en courbes et arabesques accoudée dans un fauteuil.
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Beatrice Hastings, 1915_Huile sur carton marouflé sur bois_Milan, museo del Novecento
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Béatrice Hastings dans un fauteuil, vers 1916_Graphite sur papier_Milan, Galleria d'Arte Moderna
En 1914, sous l'influence de son marchand, Paul Guillaume, Modigliani renonce à la sculpture et redevient peintre. "La femme au ruban de velours" possède un visage-masque qui évoque les sculptures africaines. Avec ses yeux en amande, la tête de femme réalisée par Zadkine, dix ans plus tard, présente une physionomie très proche.
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Femme au ruban de velours, vers 1915_Huile sur papier collé sur carton_Paris, Musée de l'Orangerie
Modigliani peint sans distinctions des modèles professionnelles, nombreuses à Montparnasse, des bourgeois fortunés ou des personnages plus populaires. Artisans, commerçants, servantes, apprentis peuplent son oeuvre. Le peintre donne à certains de ses portraits des titres comme "La marseillaise" (1915), "La Bourguignonne"(1918).
Amadeo Modigliani (1884-1920)_La Bourguignonne, 1918_Huile sur toile_Collection particulière
Ossip Zadkine (1888-1967)_Deux nus, 1920_Aquarelle sur papier_Paris, musée d'Art Moderne
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Nu debout de profil_Crayon noir gras sur papier_Collection particulière
Comme Modigliani, Zadkine reprend ici le thème du nu féminin couché dans un intérieur qui évoque un atelier. Le drapé de l'arrière plan, le lit garni d'un coussin, la tête reposant sur un plan replié, répondent aux conventions du genre.L'influence du cubisme se fait sentir avec les corps massifs.
Ossip Zadkine (1888-1967)
En haut: Nu allongé, 1924_Graphite, plume et lavis, gouache sur papier.
En bas : Trois figures féminines, 1920_Gouache sur papier
Paris, musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Deux buveurs attablés, 1922_Fusain, aquarelle, gouache sur papier_Musée d'Art Moderne et contemporain de la Ville de Strasbourg
Ossip Zadkine (1888-1967)_Le Musicien, 1923_Graphite, gouache, plume et encre sur papier_Paris, musée Zadkine
Ce dessin réalisé l'année de la mort de Modigliani témoigne de l'influence exercée par le cubisme sur Zadkine au début des années 1920. Les figues stylisées sont traitées en volumes géométriques simples, tout comme l'intérieur aux lignes obliques. Les attitudes et les tons rappellent les oeuvres de Modigliani peintes en 1918 dans le sud de la France, notamment "la fillette en bleu" très proche de la petite fille représentée par Zadkine.
Ossip Zadkine (1888-1967)_Personnages, 1920_Aquarelle sur papier_Paris, musée d'Art Moderne
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Fillette en bleu, 1918_Huile sur toile_Collection particulière_Photo Josse/Bridgeman Images
Parmi les œuvres exposées, un ensemble de « portraits d’amitié » dessinés par Modigliani, met en scène les « Montparnos » que Zadkine et Modigliani ont fréquenté tous deux au temps de leur amitié, tels Max Jacob, André Salmon, Chana Orloff, Chaïm Soutine... tous exécutés par Modigliani qui avait pour habitude de dessiner ses amis aux terrasses de cafés.
Il échangeait ces portraits contre un verre ou d’un café, ou simplement en gage d’amitié et de reconnaissance.
Modigliani, reconnu pour ses portraits aux cous allongés et
aux yeux en amande, a notamment réalisé un portrait de Zadkine vers 1918,
témoignant de leur proximité.
Fuyant les ghettos de l'Empire Russe, Chaïm Soutine (1893-1943) arrive à Paris en 1912. Modigliani le considère comme son protégé et le recommande à Leopold Zborowski, son marchand. Ce premier portrait de son ami datant de 1915 est étonnant de vérité. La pupille des yeux reflète la lumière, la bouche laisse entrevoir les dents et le nez est large et épaté. D'autres portraits suivront, témoignant de leur amitié.

Amadeo Modigliani (1884-1920)_Portrait de Chaïm Soutine, 1915_Huile sur bois_Stuttgart, Staatsfgalerie
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Portrait de Chana Orloff, vers 1916_Plume et encre noire sur papier, Paris_Ateliers-musée Chana Orloff
Dans ce dessin, sans doute préparatoire à son portrait peint, on reconnait le peintre et poète, Max Jacob à son visage ovale au nez busqué, et à son allure de dandy portant cravate et chapeau haut-de-forme. Son oeil gauche n'est pas représenté comme pour signifier sa capacité à voir au-delà du visible.
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Max jacob, 1915_Graphite sur papier_Quimper, Musée des Beaux-Arts
C'est à l'occasion de son mariage, mais aussi pour aider financièrement Modigliani, que le sculpteur Jacques Lipchitz lui commande son portrait avec sa femme. Le peintre demande alors en paiement 10 francs ainsi qu'une ration d'alcool. Il a fait une vingtaine d'études préparatoires, dont ce dessin.
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Portrait de Jacques Lipchitz, vers 1916_Graphite sur papier_Musée de Grenoble
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Portrait d'André Salmon, vers 1914_Graphite sur papier_Milan, Castello Sforzesco dei disegni
Ce portrait a sans doute été dessiné peu de temps après la rencontre de Zadkine et Modigliani au printemps 1913. Il fait partie des portraits d'amitié réalisé par Modigliani qui, toujours à court d'argent avait coutume d'échanger ses dessins contre un verre ou un repas. Modigliani parvient à saisir les traits du jeune sculpteur, coiffé d'une épaisse frange, lui donnant une allure de bohème. Ce portrait précieusement conservé par Zadkine, jusqu'à sa mort, fait parti aujourd'hui des trésor du musée.
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Portrait de Zadkine, vers 1913_Graphite sur papier_Paris, musée Zadkine
Marie Vorobieff, dite Marevna (1892-1984)_Portrait de Zadkine, 1955_Huile sur toile_Genève, Petit Palais
Modigliani rencontre Constantin Brancusi vers 1908 et noue une vraie amitié avec le sculpteur, qui lui trouve un atelier et l'aide à organiser une exposition de sculptures en 1911. Privilégiant les formes simples, la sculpture de Brancusi fait une forte impression sur Modigliani. Ce dessin épuré d'une femme à la tête penchée, au large oeil en amande, souligne leur parenté de langage pictural.Constantin Brancusi (1876-1957)_Buste de femme, vers 1918_Crayon de couleur sur papier_Paris, musée d'Art moderne
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Paul Alexandre de profil au café, une pipe à la main, 1909_Crayon noir gras sur papier_Rouen, Musée des Beaux-Arts
Après sa mort prématurée en 1920, se constitue rapidement une légende autour du peintre connu pour ses portraits et nus aux formes allongées et aux
yeux souvent vides.
Modigliani incarne le stéréotype de l’artiste maudit. Il
mène une vie de bohème à Montparnasse, souffrant de pauvreté et d’une santé
fragile. Il est atteint de tuberculose, ce qui contribue à son image tragique.
Il est réputé pour son mode de vie dissolu, marqué par
l’alcool et la drogue, notamment le haschisch et l’absinthe. On dit qu’il
menait une vie tumultueuse, ce qui alimente la légende d’un artiste torturé.
Sa relation passionnée avec Jeanne Hébuterne, jeune artiste
et muse, se termine de manière dramatique : enceinte de leur deuxième enfant,
elle se suicide en se jetant par la fenêtre deux jours après la mort de
Modigliani en 1920.

Chana Orloff (1888-1968)_Vierge ou Jeanne Hébuterne, vers 1914-1915_Bronze_Paris, Ateliers-musée Chana Orloff
De son vivant, il vend peu et peine à être reconnu. C’est
seulement après sa mort que son travail est véritablement apprécié, atteignant
aujourd’hui des prix records.
Ce mélange de talent, de malheur et de mystère a fait de
Modigliani une figure légendaire du monde de l’art.
Revers de la célébrité, les oeuvres de Modigliani suscitent une production de faux.
Ses anciens compagnons de bohème assistent à "la revanche du mort" selon les mots de Francis Carco en 1920. Le peintre qu'ils ont connu pauvre et incompris devient après sa mort l'un des artistes mythiques de l'art moderne.
Zadkine a gardé toute sa vie un intérêt particulier pour son ancien camarade, qu'il décrit dans ses mémoires comme "un authentique bourgeon mont parnassien qui n'a pas duré longtemps".
A côté de photographies et d'archives dont certaines inédites sont rassemblés des oeuvres évoquant le mythe Modigliani.
Des extraits d'archives filmées permettent d'entendre les voix de Zadkine et de Blaise Cendrars qui évoquent le Modigliani qu'ils ont connu dans leur jeunesse.
Anciennement attribué à Amadeo Modigliani (1884-1920)_Femme brune, 1919-1920_Huile sur toile_Nancy, Musée des Beaux-ArtsLes recherches effectuées lors de la préparation de l'exposition ont mis en lumière un ensemble de documents concernant Modigliani dans les archives de Zadkine.
Ce sont, notamment, les pages manuscrites de Zadkine dédiées à Modigliani et la photo du peintre.

Max Vaud (1895-1971)_Portrait de Modigliani_Contretype avec retouches au correcteur blanc et stylo-bille bleu_Paris, Musée Zadkine
Anonyme_Modigliani dans son atelier rue Ravignan_Fonds d'archives Alain Bourret_Musée d'Orsay
Anonyme_Modigliani dans son atelier, rue Ravignan_Vers 1915_Photographie_Parie, Musée de l'Orangerie
Chana Orloff (1888-1968)_Buste de Modigliani, 1949_Plâtre_Paris, Ateliers-musée Chana Orloff
Des correspondances permettent d'évoquer la naissance du mythe Modigliani, comme la lettre du marchand Paul Guillaume au poète Max Jacob, où il évoque sa découverte du peintre.
Paul Guillaume (1891-1934)_Lettre à Max Jacob_Lettre dactylographiée datée du 19 mars 1930_Paris, Musée de l'Orangerie
Ossip Zadkine (1888-1967)_Lumière de Paris_Texte dactylographié inédit_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Texte sur Modigliani_Année 1950, texte manuscrit_Paris, Musée Zadkine
André Salmon (1881-1969)_Lettres à Ossip Zadkine_Lettre manuscrite et lettre dactylographiée_Paris, Musée Zadkine
André Salmon (1881-1969)_Lettres à Ossip Zadkine_Paris, Musée Zadkine
André Salmon (1881-1969)_La vie passionnée de Modigliani, 1957_Livre imprimé_Paris, Musée Zadkine
Jean Cocteau (1889-1963)_Modigliani, Picasso et Salmon à Montparnasse le 12 août 1916_Tirage au gélatino-bromure d'argent_Paris, musée Carnavalet, Histoire de Paris
Constantin Brancusi (1876-1957)_Autoportrait dans son atelier avec sa chienne_1923_Tirage au gélatino-bromure mat_Paris, Musée d'Art Moderne
La dernière section est dédiée à un projet ambitieux imaginé par Amedeo Modigliani, la conception d'un "temple pour l'humanité".
Ce temple, bien qu'il n'ait jamais été réalisé, reflète la vision de l'artiste pour un espace sacré célébrant la volupté et la tendresse.
La relation de la sculpture à l'architecture passionne Modigliani et Zadkine.
Au salon d'automne de 1912, Modigliani expose sept têtes sculptées qu'il dispose dans l'espace. Dans son esprit, il s'agit des prémices du projet du "temple en l'honneur de l'humanité" dont il a parlé à son marchand Paul Guillaume.
Il imagine des femmes-cariatides gracieuses sculptées formant des "colonnes de tendresse" intégrées dans un "temple de la volupté".
Il n'en réalise que deux, en revanche il en peint plusieurs.
Ce motif de la cariatide, a également inspiré Ossip Zadkine. Ce dernier a repris ce thème à plusieurs reprises, créant des œuvres majeures où il réinterprète les divinités antiques à travers des sculptures modernes en bois. L'exposition met en lumière cette fascination commune pour l'architecture sacrée et le motif du temple.
Au centre de l'atelier sont présentées trois têtes taillées par Zadkine en 1918 et 1919. leurs visages allongés, leurs traits stylisés et leurs orbites pleines évoquent les têtes sculptées par Modigliani avant 1914.
Leur disposition dans l'espace rappelle la présentation des sept têtes exposées en 1912 par Modigliani au salon d'automne, "échelonnées comme des tuyaux d'orgue pour réaliser la musique qui chantait dans son esprit", selon le sculpteur Jacques Lipchitz.
Ossip Zadkine (1888-1967)_Tête aux yeux de plomb_pierre,1919_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Tête d'homme_1918, pierre_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Tête d'homme_1918, pierre_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Les vendanges_1918, Bois d'orme_Paris, Musée Zadkine

Ossip Zadkine (1888-1967)_Rebecca ou la grande porteuse d'eau_1927, plâtre peint_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Torse agenouillé_1927, calcaire de Pouillenay_Nancy, musée des Beaux-Arts
Ossip Zadkine (1888-1967)_Venus cariatide_1919, pierre_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Femme à la cruche ou Porteuse d'eau_1923, pierre_Paris, Musée Zadkine
Ces deux masques aux yeux évidés évoquent les arts extra occidentaux, qui sont pour Zadkine une source d'inspiration importante. Il les découvre au British Museum à Londres puis comme Modigliani au musée d'ethnographie du Trocadéro à Paris. Il possède des objets africains comme ce masque
Ossip Zadkine (1888-1967)_Masque_1924, Bois de buis_Paris, Musée Zadkine
Ossip Zadkine (1888-1967)_Masque_1924, Bois de buis_Paris, Musée Zadkine
Anonyme_Masque_Bois peint, métal, fibre végétale tressée_Paris, Musée Zadkine
Amadeo Modigliani (1884-1920)_cariatide_1913_graphite sur papier_Collection particulière
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Femme nue de profil, les bras croisés_vers 1912-1913_fusain sur papier_Collection privée, ancienne collection Docteur Paul Alexandre
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête de profil surmontée d'un élément d'architecture_Entre 1911 et 1913_Plume et traits d'encre noire sur papier_Rouen, musée des Beaux-Arts
Amadeo Modigliani (1884-1920)_cariatide agenouillée, les bras levée_Entre 1911 et 1913_crayon noir gras_Collection privée, ancienne collection Docteur Paul Alexandre
Si la tête de cette cariatide est celle d'une sculpture, la finesse du torse et l'arabesque qui l'anime et les jambes montrent que l'artiste donne une autonomie à ses dessins, pensés d'abord comme des sculptures.Amadeo Modigliani (1884-1920)_cariatide_Vers 1913-1914_graphite, lavis d'encre et pastel sur papier_Paris, Musée d'Art Moderne
Amadeo Modigliani (1884-1920)_femme nue de face les mains en avant_Entre 1911 et 1913_crayon noir gras sur papier_Collection privée, ancienne collection Docteur Paul Alexandre
Amadeo Modigliani (1884-1920)_Tête de profil avec chignon et boucle d'oreille_Entre 1911 et 1913_crayon noir gras sur papier_Collection privée, ancienne collection Docteur Paul Alexandre
Le musée a été le lieu de vie et l’atelier de Ossip Zadkine et de sa femme Valentine Prax.
Le jardin abrite une collection impressionnante de ses sculptures.
Elles reflètent la quête artistique de Zadkine pour exprimer l'harmonie entre l'homme et la nature. Il était influencé par le cubisme, le primitivisme et l'art abstrait, et ses œuvres dans ce jardin sont des exemples de sa façon de jouer avec la forme et l'espace.
Elles évoquent des corps humains stylisés, souvent fragmentés ou métamorphosés.
Ossip Zadkine (1888-1967)_Projet de monument à guillaume Apollinaire,1948_Epreuve 1/8_Legs de Valentine Prax,1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_La forêt humaine_Vers 1957-1958_Bronze, fonte Susse_Epreuve 1/5_Legs de Valentine Prax, 1981

Ossip Zadkine (1888-1967)_Grande figure drapée ou la Mélancolie, vers 1929-1937_Bronze, fonte Susse, Epreuve 0/3_Legs de Valentine Prax,1981

Ossip Zadkine (1888-1967)_Rebecca ou la grande porteuse d'eau, vers 1927__Bronze, fonte Susse, Epreuve 2/4_Legs de Valentine Prax,1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_Naissance de Vénus, vers 1930__Bronze, fonte Susse, Epreuve 3/8_Legs de Valentine Prax,1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_Orphée, 1956__Bronze, fonte Susse, Epreuve 0/3_Legs de Valentine Prax,1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_Torse de la ville détruite, 1951__Bronze, fonte Susse, _Legs de Valentine Prax,1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_Statue pour un jardin ou musicienne couchée, vers 1943-1944__Bronze, fonte de la Tallix, foundry à New York, Epreuve d'artiste 1/1_Don de M et Mme Greer, 1991
Ossip Zadkine (1888-1967)_Projet de monument aux frères Van Gogh, 1963_Bronze doré, fonte Susse, Epreuve 5/8_Legs de Valentin Prax, 1981
Ossip Zadkine (1888-1967)_Girouette, 1965_Bronze doré, fonte Susse, Epreuve 1/6_Legs de Valentin Prax, 1981
Cette exposition met en lumière la relation artistique et
personnelle entre Amedeo Modigliani et Ossip Zadkine, deux figures majeures du
Montparnasse des années 1910.
Ils partageaient une proximité artistique et humaine
jusqu’à la 1er Guerre Mondiale.
Leurs échanges se traduisent dans leurs œuvres respectives,
notamment à travers les portraits que Modigliani a réalisés, et la manière dont
Zadkine a intégré certaines influences picturales dans sa sculpture.
Le portrait de Zadkine par Modigliani vers 1918 est une pièce clé, illustrant
leur lien et la capacité du peintre à capturer l’essence de ses sujets.
À travers 90 œuvres (peintures, sculptures, dessins,
archives), cette exposition est une occasion rare d’explorer le dialogue entre
peinture et sculpture à travers deux figures emblématiques de l’avant-garde.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Anne, Paulette et Gérard Gleyze