Le Grand Palais propose du 17 septembre 2014 au 02 février 2015, la plus grande exposition consacrée à Niki de St Phale depuis vingt ans et un nouveau regard porté sur son travail.
Pour écrire cet article je me suis largement inspiré du catalogue de l'exposition.
Niki de Saint Phalle, née Catherine-Marie-Agnès Fal de Saint Phalle, à Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine, le 29 octobre 1930, est la deuxième des cinq enfants d’un père français et d’une mère américaine. Elle est décédée à La Jolla, comté de San Diego, Californie (États-Unis) le 21 mai 2002.
Elle est élevée dans une famille bourgeoise et catholique, entre France et Etats-Unis. En réaction à sa famille ; elle se marie en cachette en 1949 avec le poète Harry Mattews. Les deux jeunes époux viennent vivre à Paris en 1952 car ils sont en désaccord avec la politique américaine, aussi bien la chasse aux sorcières du Mac Cartisme ainsi que la ségrégation raciale qui a encore cours.Niki de Saint Phalle est l’une des artistes les plus populaires du milieu du XXe siècle, à la fois mannequin, plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice de films.Elle travaille d'abord comme mannequin, pour Vogue, Life et Elle encouragée par le peintre Hugh Weiss.
Elle est surtout connue du grand public pour ses célèbres « Nanas ».
Son œuvre s’impose aussi par son engagement politique et féministe et par sa radicalité.
C’est à la suite d’une grave dépression et un séjour en hôpital psychiatrique que Niki de St Phalle décide de se consacrer à l’art dont elle reconnait les effets thérapeutiques. «J'ai commencé à peindre chez les fous… J'y ai découvert l'univers sombre de la folie et sa guérison, j'y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l'espoir et la joie».
"Après avoir rejetés mes parents et leur classe, j'ai été confrontée à l'énorme problème de devoir me réinventer et me recréée; je ne me sentais aucun sentiment national défini, je me sens à moitié française, à moitié américaine".
Elle cache un lourd secret, le viol par son père à l'âge de onze ans, qu'elle révèlera en 1994, à l'âge de soixante-quatre ans, dans son livre
Son lourd secret, a nourrit sa violence interne retranscrite dans son œuvre et a alimenté le regard acéré qu’elle porte sur les relations hommes-femmes.
Les pièces utilisées pour créer cette œuvre, accentuent l’image d’un corps en morceaux et d’une âme tourmentée.
autoportrait 1958-1959. peinture et objets divers(galets, grains de café, fragments de vaisselle
Lorsqu’elle découvre à Paris l’art américain au travers de Jackson Pollock, De Kooning elle est bouleversée et se met à créer de grands paysages à la manière de Dubuffet avec des matériaux organiques.
Pink Nude in landscape 1956-1958_huile et objets trouvés (coquillage, perles, clous, grains de café...) sur bois
Assemblage landscape-1959_Peinture, plâtre, objets divers (vaisselles, coquilles d'huitres, clé pour boîtes de sardines....)
Niki décide d’être une héroïne. Elle ne se contente pas de représenter la femme mais elle s’interroge aussi sur sa place dans le monde.
Elle lit Jean Genet, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Samuel Beckett, mais aussi Marguerite Yourcenar et Simone de Beauvoir dont le « deuxième sexe » (1949) l’impressionne tout particulièrement.
L’émancipation de la femme est un sujet majeur chez elle et dans son œuvre mais c’est aussi un objectif, comme la lutte pour les droits civiques et le sida.
Les tirs, durant lesquels Niki de saint Phalle tire à la carabine sur des poches de peintures qui vont éclabousser ses tableaux assemblages, la rendent célèbre internationalement dès 1960.
Elle attribue ces tirs à un chagrin sentimental. Pour le portrait cible intitulé Saint Sébastien; elle inverse les rôles, de la femme objet à l’homme victime « c’est une pièce vaudou. Un exorcisme. J’avais quelqu’un dans la peau, qui je le savais, n’était pas bon pour moi. Ma manière de sortir de cette relation : je lui ai volé une chemise. Je l’ai collé sur un panneau. J’ai mis une cible pour la tête et je l’ai tué de manière rituelle en lui lançant des fléchettes, çà m’a guérit rapidement »
martyr nécessaire : saint sébastien/portait of my lover-début 1961-peinture sur bois et objet divers
De là elle a imaginé la peinture se mettant à saigner. Pour elle la peinture devenait une personne avec des sentiments et des sensations. Elle décide de tirer sur les tableaux sur les quels elle a préalablement collé des objets et des sacs remplis de couleurs puis recouverts de plâtre blanc. Sous l’impact des tirs, les sacs explosent, la couleur éclabousse les bonds blancs, les objets apparaissent sous le plâtre ou sont recouverts de peintures. L’oeuvre se crée par un geste mais laisse place au hasard.
kennedy-khrouchchev-1962-peinture grillage et objets divers
L’un des derniers tirs, King Kong est le plus grand.
L’œuvre représente une ville de gratte-ciel bombardé par le feu ennemi, tandis qu’on aperçoit un drapeau américain et des avions qui s’écrasent contre les tours. Prémonition 40 ans avant les faits ?
Heads of state (1963). Niki saint Phale utilise des masques typiques de la fête d’halloween pour créer cette œuvre. Le spectre de la guerre froide la hante, elle aligne les têtes des hommes politiques les plus puissants de l’époque : Kennedy, Krouchtchev, Castro et elle tire sur la tête de Kennedy. Il sera assassiné quelques mois plus tard.
En 1963, Niki de St Phalle décide de mettre fin aux tire et va commencer un travail en trois dimensions dont le thème est la femme.
Simone de Beauvoir vient juste d’aborder la question essentielle : « on ne naît pas femme, on le devient ». Cela va être les étapes du « devenir femme » auxquelles va s’attaquer l’artiste ;
Elle se met à sculpter des mariés, des accouchements, des putains …
la mariée ou Eva Maria-1963
Leto ou la crucifixion
accouchement rose
Vient ensuite une période où elle crée des créatures joyeuses à la gloire des femmes : les Nanas.
Les Nanas sont dansantes et colorées.
Elles évoquent les déesses-mères premières œuvres d’art de l’humanité.
Elles sont à l’inverse des stéréotypes de la beauté féminine prônés par les magasines de mode. Les Nanas sont le manifeste d'un monde nouveau, dans lequel la femme détiendrait le pouvoir.
Au début des années 70 alors qu’elle travaille à son 1er long métrage, Daddy où elle affiche l’inceste infligé par son père, elle travaille à une nouvelle série de sculptures : les mères dévorantes et les pères prédateurs. Elle enterre le père.Les mères sont vieillies, grossies, tristes, elles s’ennuient.
Une série de sérigraphies sur papier offset est exposée. Il s'agit d’œuvres des années 1968/1970.
la fin de sa vie Niki de St Phale, elle résume son parcours en disant "j'ai eu de la chance de rencontrer l'art parce que j'avais, sur un plan psychique, tout ce qu'il fallait pour devenir une terroriste"
Elle laisse une œuvre riche ou son imaginaire a su évoquer la guerre froide, la violence, le patriarcat, le mariage, le rôle des femmes...
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette et Gérard Gleyze
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