16 mai 2019, AM, D G et moi continuons notre périple.
Aujourd'hui notre destination est le sentier des ocres près de Roussillon dans le Luberon.
Le sentier est aménagé dans les anciennes carrières à ciel ouvert avec des falaises aux couleurs naturelles "sang et or" qui vont du blanc au rouge en passant par l'ocre.
Nous nous promenons, nous flânons, nous nous émerveillons une heure durant au cœur de cette curiosité géologique.
La légende raconte que les couleurs de la roche de Roussillon proviennent du sang de Dame Sermonde qui se précipita du haut de la falaise quand elle a appris qu'elle avait mangé le cœur de son amant que lui avait servi son mari jaloux et cruel, Raymond d'Avignon.
Le paysage est sculpté par l’érosion mais aussi par des années d’exploitation en galeries et en carrières à ciel ouvert.
Jusque dans les années 1800 le village de Roussillon vivait essentiellement de l’agriculture.
La découverte de l’ocre a entraîné à ce moment-là une exploitation industrielle qui a transformé le panorama et le paysage social du village.
L'ocre est un pigment naturel mêlé aux sables des falaises. L'oxyde de fer le colore du jaune au violacé.
C'est Jean Etienne D’Astier né à Roussillon qui a découvert le procédé d’extraction de l’ocre. Il a eu l'idée à la fin du 18e siècle de laver le sable ocreux pour extraire le pigment pur. De là est né l'industrie des ocres.
Outre la fabrication des pigments, l'ocre est utilisé dans diverses applications industrielles.
Mélangé à l'hévéa elle entrait dans la composition du caoutchouc (des pots de stérilisation), de la peau des saucisses de Strasbourg ou encore dans le papier des cigarettes Gitane papier maïs.
A ses débuts, l’extraction était effectuée par de petits exploitants et ouvriers saisonniers en complément de leur activité agricole. Avec la révolution industrielle du XIXe siècle, de gros exploitants sont apparus et les carrières et usines se sont multipliées.
A Roussillon, il y a eu jusqu’à 16 carrières, lieux de lavage et usines de traitement
La concurrence des colorants artificiels provoque le déclin de la production en 1929.
Au XXe siècle les mines ferment, mais le tourisme prend la suite et les sites se transforment :
Le sentier des ocres est aménagé en sentier de découverte.
Les ruelles du village attirent les artistes. L’usine Mathieu devient le conservatoire des ocres et de la couleur.
Le départ de la balade sur le sentier des ocres se fait devant le cimetière. Le sentier est aménagé, balisé et commenté. Nous descendons d'abord un escalier en bois, et sommes immédiatement saisis par la beauté du site et la splendeur des couleurs.
Le paysage, façonné par les années d’exploitation, conserve sur d’anciennes cartes son appellation de cheminées de fées, de cirque des aiguilles ou de chaussée des géants...
Tout le long du sentier nous ne voyons que des merveilles de la nature
La boucle effectuée, nous visitons le village de Roussillon qui fait partie des plus beaux villages de France.
Sous l’occupation, il a été terre d’asile de l’écrivain Samuel Beckett et aujourd'hui elle est une terre pour les artistes.
Le village est bâti sur une élévation un peu à l'écart de la route qui relie Apt et Avignon, et, au temps de romains, la Via Domitia.
Les façades ocres des maisons, patinées par le soleil et le vent lui donnent un cachet exceptionnel.
La place du village est vivante avec de jolies boutiques et des restaurants.
Dans le village, les ruelles sont étroites et même parfois en escaliers. Les façades sont badigeonnées d'ocre.
Nous découvrons de charmantes boutiques et des galeries d'artistes.
La Tour de l'horloge marque l'entrée du vieux bourg, nous passons sous la tour du Beffroi.
L'église Saint Michel est bâtie au sommet du village au bord d'une falaise, sa façade est du 17ème siècle.
Il reste quelques vestiges des remparts et les ruines du vieux château qui dominait le village.
Nous arrivons sur le Castrum où se trouve une table d'orientation.
De là, nous avons une belle vue panoramique avec au nord le mont Ventoux, et au sud le Lubéron.
Après la visite du village, nous nous rendons au Conservatoires des ocres et pigments appliqués.
Avec son moulin du rouge, son moulin du jaune, ses bassins, ses batardeaux, l’usine Mathieu est devenue depuis 1994, une coopérative pour faire découvrir les métiers de la couleur et des matériaux.
Nous faisons la visite guidée de l'ancienne usine.
En 1921, Camille Mathieu fait construire l'usine.
Les moulins ont fonctionné jusqu'en 1954 et les lavages jusqu'en 1963, date de la fin du fonctionnement de l'usine.
L'ocre est utilisée depuis la Préhistoire dans les peintures rupestres, puis dans les peintures artistiques et décoratives.
En 1929, l'industrie du Vaucluse compte une cinquantaine de carrières, une vingtaine d'usine, produit 4 000 tonnes d'ocre et emploie 1000 ouvriers.
Cette industrie a subi trois crises en 10 ans : une crise politique en 1919 avec la fermeture des frontières avec l'Est, une crise technique en 1925 avec la fabrication de l'oxyde de fer synthétique, et une crise économique en 1929 avec le crash boursier.
Malgré cela, l'industrie de l'ocre perdure encore aujourd'hui avec une usine et les centres de visites qui emploient une cinquantaine de personnes.
L'ocre était extraite dans les carrières
et transportée des carrières jusqu'à l'usine en camions.
la première étape consistait à éliminer un maximum de sable en déversant l'ocre dans des bassin rempli d'eau. L'eau était pompée dans le bassin situé en contrebas et projetée sur le minerai. Le mélange s’écoulait vers le malaxeur.
Après le malaxage, l'eau, le sable et l'ocre sont stoppés dans le batardeau.
Le sable se dépose au fond et l'ocre, plus légère, reste en suspension dans l'eau.
Par un jeu de bouchons, on évacuait le mélange d'ocre et d'argile vers des bassins de décantation (des reposoirs).
L'argile se déposait et l'eau était évacuée. Plusieurs couches successives étaient amenées.
L'ocre était ensuite mise à sécher. Quand elle avait la consistance de la pâte à modeler, elle était découpée en briques et cuites au four pour terminer le séchage.
L'ocrier entrait dans le four et disposait les briques en quinconce. Sous l'action de l'air chaud, la cuisson se fait en deux temps : jusqu'à 250° l'humidité s'évapore, puis entre 250 et 450°, la couleur change et l'ocre jaune devient rouge.
Pour finir elle était amenée au moulin pour être broyée et mise en sacs ou en tonneaux.
Pour ne pas mélanger les couleurs, l'usine dispose de plusieurs moulins. Dans chacun d'eux, l'ocre est concassée, broyée et tamisée.
Pour transporter le pigment, les machines sont reliées entre elles par des vis sans fin et des chaînes à godets.
Pour que l'ocre soit bien tassée, les tonneaux passent trois fois sous la presse.
L'ocre est mise en sac pour l’expédition dans le monde entier
Pour notre plus grand plaisir, nous avons eu droit au cours de cette visite à un cours sur les matériaux de la couleur.
Ils se distinguent par leur origine :
- Minérale ou métallique : ocre, blanc de plomb, lapis lazulli
- Végétale : charbon de bois, garance, indigo, gaude
- Animale : noir d’os, carmin de cochenille, pourpre
- Synthétique ou artificielle : bleu outremer, rouge de cadmium, vert de phtalocyanine.
Quelle est la différence entre le pigment et le colorant ?
Le pigment se mélange mais ne se dissout pas dans un liquide, il se dépose.
Le colorant est une substance colorée soluble naturelle, synthétique ou artificielle.
Les pigments sont utilisés en peinture et les colorants en teinture.
L’ocre entre depuis la préhistoire dans la composition des peintures.
La peinture est composée de pigments (qui donnent la couleur), de liant (qui fixe le pigment) et d’un diluant ou solvant qui permet de mélanger.
Toute la palette des composants nous est présentée et commentée.
Y’a plus qu’à ….
Quelques idées de motifs de décoration.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette et Gérard Gleyze