vendredi 20 mai 2022

Le château de Bussy Rabutin



Le 08 mars 2022, lors de notre périple en Bourgogne nous visitons le château Bussy-Rabutin de style Renaissance, aménagé par Roger Bussy-Rabutin au XVIIe siècle.

Au XIIe siècle, dans un vallon boisé non loin d'Alésia et de l'abbaye de Fontenay, le Seigneur Renaudin de Bussy fait construire une maison forte. Au XIVe siècle il est reconstruit en château d'habitation puis remanié par Henri II et Louis XIII.

Au cours des siècles il passe aux mains de nombreuses familles.

Durant la première moitié du XVIe siècle, le manoir médiéval est reconstruit à "l'italienne" avec des galeries ornées de motifs végétaux et de putti (angelots). C'est le style Renaissance Française.

En 1600, le château de Bussy est acheté par François de Rabutin, père de Roger de Bussy-Rabutin.

François Rabutin (vers 1545-1618) est Chevalier et Seigneur de Vaux et D'Epiry, et fait de Bussy le patronyme de sa maison, issue d'une famille connue depuis 1147. Il est Chevalier de l'ordre du roi, maréchal de camp de l'armée de Bourgogne. Son fils Léonor (1587-1645) est homme de Chambre de Henri IV. C'est à son épouse Diane de Cugnac que l'on doit la façade du corps de logis principal datée de 1649.
Diane de Cugnac

Après la mort de sa mère, Roger Bussy-Rabutin (1618-1693) hérite d'un château où tout l'intérieur est à faire. Il va transformer cette demeure en château.

C'est son appartement privé que Bussy-Rabutin aménage pour son plaisir. Les quelques 300 portraits qui s'y trouvent montre son intérêt pour l'histoire et la généalogie royale et familiale. Les portraits sont effectués à partir de tableaux originaux ou de recueil de gravures. Les tableaux répartis dans quatre pièces sont encastrés dans des menuiseries.

La meilleure description de la visite est écrite par Roger Bussy-Rabutin lui-même :

le 24 août 1671 il écrit dans une lettre à Madame du Bouchet l'étendue de son programme : "Il y a des choses fort amusantes que l'on ne trouve point ailleurs, par exemple j'ai une galerie où sont les portraits de tous les rois depuis la dernière race, depuis Hugues Capet jusqu'au roi, et sous chacune d'eux un écriteau qui apprend tout ce qu'il faut savoir de leurs actions...d'un autre côté sont les grands hommes d’État et de Lettres. Pour égayer tout cela on trouve dans un autre endroit les maîtresses et les bonnes amies des rois depuis la belle Agnès, maîtresse de Charles VII. Une grande antichambre précède cette galerie, où sont les hommes illustres à la guerre depuis le comte de Dunois, avec des souscriptions qui en parlant de leurs actions apprennent ce qui s'est passé dans chaque siècle où ils ont vécu. Une grande chambre est ensuite, où est seulement ma famille, et cet appartement est terminé par un grand salon où sont les plus belles femmes de la cour qui m'ont donné leurs portraits. Tout cela compose quatre pièces fort ornés, et qui font un abrégé d'histoire ancienne et moderne, qui est tout ce que je voudrois que mes enfants sussent en cette matière".
Roger Bussy-Rabutin en empereur romain

Le comte de Dunois (1590-1649)

Les enfants de Roger Bussy-Rabutin achèvent les travaux d'aménagement intérieur à la mort de leur père, avant de vendre le domaine en 1733.

Le château va connaître une alternance de périodes d'abandon et de transformation. Certains tableaux disparaissent au XVIIIe siècle.

Il va être repris en main au XIXe siècle d'abord par Jacques Dormau, maire de Bussy, puis en 1835 par le comte Jean-Baptiste-César de Sarcus (1787-1875), qu'il achète aux enchères. Il le fait classer Monument Historique en 1862.

Militaire érudit, amateur d'art, il entreprend sa restauration en préservant l’œuvre de Roger de Rabutin. Il fait remettre en état les jardins et restaurer les façades du château. Il tente de racheter les collections dispersées au XVIIIe siècle et complète certains décors, comme celui de la galerie des rois. Ses ajouts sont signés d'un "S"

Son fils Félix-Hyacinthe (1818-1887) s'investit aussi dans la restauration du domaine. Ils s'installent dans l'aile Est du château et préservent l'aile Bussy pour en faire un "musée".

Ceci a permis de sauver le château et de lui donner l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui.

En 1929, le château est acheté par l'État et géré par le Centre des monuments nationaux du ministère de la Culture.

Le château de Bussy-Rabutin a été sélectionné par la Mission Bern, en vue de soutenir sa restauration.

Le premier projet réalisé en juin 2020 a été, la restauration des appartements de Roger Bussy-Rabutin à l'étage dans la partie Ouest. C'est la partie qui est aujourd'hui ouverte au public.

Les chantiers de curage des douves et de drainages sont été réalisés à l'automne 2020.

Les travaux des appartements du Comte de Sartus et de la galerie Renaissance, dans la partie Est du château sont en cours.

Le château est classé Monument Historique depuis1862 et labellisé Maisons des Illustres. Le domaine quant à lui est classé monument historique le 29 mars 2005.

Le monument est entouré de douves et se compose d'un corps de logis et de deux ailes autour d'une cour carrée.

L'arrière du château donne sur les jardins à la française à plusieurs étages de terrasse. La vue est magnifique.

Le château doit sa renommée au comte Roger de Bussy-Rabutin (1618-1693), homme de guerre et homme de lettres du XVIIe siècle.

Il était Général des armées royales du roi Louis XIV, courtisan de la cour de France, philosophe et écrivain épistolaire, pamphlétaire, et membre de l'Académie française.

À Pâques 1659, il participe à une orgie au château de Roissy, où il médit sur les mœurs de la cour, sur le roi et sur la famille royale. Le jeune Louis XIV le condamne à un premier exil de la Cour de France dans son château familial de Bussy.

En 1660, incorrigible, il écrit sans vouloir le publier un pamphlet satirique et calomnieux « Histoire amoureuse des Gaules ». C'est une chronique sur les frasques de certaines personnes de la cour et sur les premières amours du jeune Louis XIV et de Marie Mancini nièce du premier ministre, le Cardinal de Mazarin, qu'il tourne en ridicule. La Marquise de la Baume fait secrètement copier l’œuvre et la publie en 1665, à l'insu de Bussy-Rabutin.
L'œuvre parvient à la cour et au jeune roi qui fait arrêter Roger Bussy-Rabutin en 1666, le destitue de toutes ses charges et le fait enfermer pendant treize mois à la Bastille avant de le faire exiler dans son château en Bourgogne et le disgracier à vie.

Bussy-Rabutin venait d'être élu à l'Académie française.

Il y passera ses dix-sept années d'exil et la fin de sa vie. Il rédige alors ses mémoires, et entretient une très importante correspondance avec ses amis et notamment avec sa cousine Madame de Sévigné avec qui il invente le "rabutinage".

Dans ses écrits tardifs Roger Bussy-Rabutin montre le prestige de sa lignée et justifie la place qu'il souhaite retrouver à la cour. Dans "l'histoire généalogique de la maison Rabutin (1685), il fait remonter sa lignée à d'anciennes ascendances royales.
Dans "Les discours à sa famille" (1691), il rédige une variation sur le thème de sa disgrâce et se place dans la généalogie "d'illustres malheureux" parmi lesquels les rois Saint Louis et François Ier.

Nous visitons la partie la plus enchanteresse du château.

L'extérieur ne laisse pas supposer le raffinement de l'intérieur.
Les boiseries sont peintes et sont un témoignage de l’atmosphère de l'époque et de la personnalité du Comte de Roger Bussy-Rabutin.

Plus de 300 portraits des membres les plus importants de la cour de France et des portraits des dames qu'il a aimées sont agrémentés de devises piquantes et acerbes.

Au centre de la salle des devises et emblèmes, sur le manteau de la cheminée se trouve le portrait de Roger Bussy-Rabutin dans son armure de lieutenant général du roi. Tout autour du portrait des devises et des emblèmes relatifs à son histoire.

Cette "peinture parlante" montre la culture de Bussy-Rabutin.
La salle des devises

On peut lire dans la salle la devise "Je plie mais je ne rompt pas" Elle reflète l'état d'esprit de Bussy, en effet, si l'exil lui interdit l'action, il ne l'empêche pas de s'exprimer !

Quelques exemplaires d'allégories
"Elle fuit le mauvais temps"

"Elle attire pour perdre"

"L'ardeur donne de l'audace" devise du maréchal de Bassompierre

"Je me renferme en moi-même" devise illustrée par un escargot auquel se compare Bussy


Sur les boiseries il fait également reproduire les châteaux prestigieux de France auxquels il associe une allégorie.

Au 1er étage de l'appartement de Roger Bussy-Rabutin, dans la grande antichambre, la salle des Hommes de guerre. Deux rangs de portraits de 65 "hommes" illustres.
La salle des hommes de guerre

Roger Bussy-Rabutin

En haut, Hugues de Rabutin, chevalier de Malte oncle de Roger Bussy-Rabutin

La chambre de Bussy-Rabutin est la pièce qui a subit le plus de modifications. L'état actuel date des années 1950, les représentations des dames de la famille, des maîtresses des rois de France sont mêlées avec des acquisitions du XIXe siècle.

Sont représentées, Madame de Maintenon, Madame de Fontanges, Agnès Sorel....

Cette pièce a été appelé "chambre Sévigné", car il s'y trouve le portrait de Madame de Sévigné, cousine de R Bussy-Rabutin.

Avec Marie de Rabutin-Chantal (1626-1696), sa cousine, il entretient pendant 47 ans une correspondance, faites de brouilles et de réconciliations.
Marie de Rabutin-Chantal, Madame de Sévigné

Madame de Maintenon sur le portrait du haut


Dans la tour dorée, "le plus beau salon de France" selon R Bussy-Rabutin, il s'y fait représenter auprès de neuf "belles femmes de la cour".

Le plafond est orné de l'armorial de la famille Bussy-Rabutin

Parmi les "neuf belles femmes de la cour", Madame d'Olonne et Madame de Châtillon, héroïnes de son "Histoire amoureuse des Gaules".
Madame de Châtillon et Madame d'Olonne qui se voit gratifié du commentaire "moins fameuse pour sa beauté que pour l'usage qu'elle en fit"

Madame de la Beaume "la traitresse" qui est responsable en 1662 de la diffusion frauduleuse de son roman satirique.
Madame de la Baume

Ainsi que Madame de Montglas. En 1653, R Bussy-Rabutin rencontre Cécile Élisabeth Hurault de Cheverny, marquise de Montglas. Elle devient sa maîtresse, il lui voue une folle passion et fidélité pendant 12 ans. Lorsqu'elle le quitte après son envoi en exil en 1665, il s'en trouve très affecté. Bussy-Rabutin rajoute à son portrait une devise vengeresse.
Madame de Montglas, "plus légère que le vent"

Nous pouvons voir les rois Louis XIII et Louis XIV
Louis XIII

Louis XIV

Y figurent encore de nombreuses autres personnalités de la cour : Les cardinaux Richelieu et Mazarin, Louis de France, Marie Thérèse d’Autriche...
Cardinal de Richelieu

Cardinal Mazarin

Anne d'Autriche femme de Louis XIII

La marquise de Thury

Louise-Antoinette de la Châtre "femme d'une vertu qui sans être austère et rustique eut contenté les plus délicats"

Pour terminer la visite, une longue galerie étroite, La galerie des Rois conserve plusieurs dizaines d'effigies de la famille Rabutin, de rois, d'hommes illustres, d'hommes de lettres...
La famille


Les rois de France

Les hommes de lettres
René Descartes

Blaise Pascal

Des hommes illustres
Michel de l’hôpital

Benjamin Franklin (rajouté plus tard)

St François de Salles

Le château Bussy-Rabutin a été une agréable découverte, il faut prendre son temps lors de cette visite pour admirer mais aussi pour lire les devises et légendes savoureuses et souvent acerbes avec l'orthographe de l'époque qui sont surtout dédiées à l'amour déçu :
"Tout le monde en amour est toujours dupe..."
"La honte, le secret, la mort, l'adversité, sont d'ordinaire prix de la témérité..."
"Les femmes font mille façons pour duper les pauvres garçons..."
"L'amour languit sans jalousie"
"Les noises des amans augmentent leur amour"



Texte : Paulette Gleyze

Photos : Anne, Paulette et Gérard Gleyze





























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