jeudi 25 mai 2023

Le château de Bon Repos à Jarrie (Isère)


En ce dimanche 21 mai 2023, nous visitons le château de Bon Repos à Jarrie (Isère).

Le château est ouvert pour la visite le 3e dimanche de chaque mois.

La légende veut que le Château porte ce nom grâce au roi Louis XI qui y aurait dormi et dit qu'il "y avait pris un bon repos". 

Au milieu du XIVe siècle, Louis futur roi Louis XI, est dauphin du Dauphiné où son père, Charles VII, l'a exilé.
Il met à profit ses 10 ans d'exil pour structurer et transformer la province du Dauphiné.
Le Dauphin connaissait bien Antoine Armuet propriétaire du château. 
Quand il sera roi de France, Louis XI le nommera "Maître des Requêtes de son Hôtel Particulier", ce qui lui donnait la seconde place dans les défilés officiels.
Il deviendra aussi "Procureur général des Trois Ordres" lors de la réunion qui confirmera le rattachement du Dauphiné à la France.
Louis XI

Situé au coeur du territoire de la commune de Jarrie, dans une zone préservée de l'extension urbaine, cette maison forte a été construite entre 1460 et 1470, par Guillaume Armuet, chevalier, auditeur à la Chambre des comptes du Parlement du Dauphiné.

Le blason de la famille est composé d'azur à trois heaumes d'argent.
Louis XI a dit : "Arma Mihi Requies" qui signifie "Les armes sont mon repos" qui vont devenir la devise de la famille.


Le château de Bon Repos est un bon exemple de résidence de la petite noblesse dauphinoise.
Il a été remaniée au XVIIe et XVIIIe siècle.


Le château change six fois de propriétaires.
Les Armuet et leurs descendants le conservent pendant 350 ans jusqu'à la fin du XVIIe siècle, les Auberjon de Murinais de 1673 à 1811, les Ruelle jusqu'en 1816, les Reynaud puis les Vidaud de la Tour jusqu'en 1826, les Noailles jusqu'en 1874 puis enfin Jules Jouvin, gantier de Grenoble.

Le château est abandonné après la mort de son dernier occupant, descendant de Jules Jouvin.
Il se délabre et son toit s'effondre en 1917. Les dégâts étant trop importants pour les finances des propriétaires, le bâtiment est délaissé et devient une ruine.

Le pillage commence. Les boiseries, les planchers en noyer, les pierres de tailles, les corbeaux de supports de poutre disparaissent.
Les fresques qui ornaient les murs disparaissent aussi soit par pillage, soit à cause des intempéries.

En 1964, Georges Vivier, un habitant de Jarrie, contacte l'émission "Chefs d'oeuvre en péril" et ravive ainsi l'intérêt du château chez les habitants.

La commune achète le château en ruine en 1976 aux descendants de la famille, pour le franc symbolique.

Des photos de 1978 montrent le haut des murs qui s'effrite, les toitures des tours sont crevées, le site est envahi par la végétation et l'intérieur du bâtiment rempli de près de deux mètres de terre et de gravats.
Seules les caves étaient à peu près intactes, mais d'importantes infiltrations d'eau laissaient craindre l'écroulement des voûtes.


"L'Association du château de Bon Repos" créée en 1978 pour sa sauvegarde, sa restauration et son animation va faire renaître le château.

L'association qui dispose de deux troupes de théâtre, organise des spectacles dans le château qui permettent, en lien avec la municipalité, de financer des travaux depuis 40 ans pour le sauvegarder et le restaurer.

Les premiers travaux sont entrepris. On va chaîner et consolider les murs et le vider de ses gravats.
Grâce à l'argent récolté des premiers spectacles et à un emprunt, les toitures des quatre tours ont été refaites.
Une aide de la Fondation des Pays de France (Fondation du Crédit Agricole) a permis de reconstruire la voûte en briques de la chapelle et de restaurer le sol en albâtre.
D'autres pièces ont ensuite été revoûtées dans leur forme et leurs matériaux d'origine.


La commune a acheté en 2009 les terrains autour du château aux héritiers de la famille Jouvin. Avec l'installation d'un maraîchage biologique elle souhaite redonner au domaine une fonction agricole.

Depuis 2011, le domaine de Bon Repos est devenu un Refuge LPO (Ligue de Protection des Oiseaux).
Une forte colonie de choucas des tours (oiseaux protégés) s’y est installée.

En 2018, le château a été retenu par la "Mission Stéphane Bern - Patrimoine en péril".

La commune de Jarrie a planifié différentes tranches de travaux, le toit étant la priorité. Une maquette nous montre le projet de restauration.

Le château se dresse au bout de son chemin au milieu des champs. C'est un haut logis rectangulaire flanqué de quatre tourelles d'angle et comprend une chapelle castrale de style gothique du XVe siècle.

L'escalier à vis du château est le seul accès possible aux étages. Il a vraisemblablement été intégré au XVe siècle.
Aux alentours des XVIIIe et XIXe siècle, un autre escalier a été construit afin de relier entre eux les deux premiers étages. Il se trouvait au croisement des quatre pièces du château et a été taillé dans la maçonnerie des murs. Aujourd'hui rien ne subsiste.

Le château possédait quatre étages. Nous sommes ici dans le corps du bâtiment non restauré. C'est là que se trouvaient la salle à manger et les chambres.






La voûte de la cuisine a résisté en partie (un tronçon d'environ 1 mètre) jusqu'à sa restauration en 1993.
Au Moyen Âge, la pièce la plus vivante du château était la cuisine. La population importante du château imposait de grandes cuisines où œuvraient outre les cuisiniers et les marmitions, les porteurs d'eau et les gens de service.

Par crainte des incendies, la cuisine du château de Bon Repos a été voûtée dans la 2e moitié du XVIIe siècle. Au sol, des carreaux de terre cuite du XVIIe siècle couvrent toute la surface de la pièce.


Dans la cave voûtée se tiennent des concerts et des spectacles.



Des chapelles privées ont souvent été installées dans les manoirs et les petits châteaux au début de la Renaissance.
Le château de Bon Repos n'a pas échappé à cette mode qui reflète l'état d'esprit de cette époque où la noblesse voulait se démarquer de ses sujets en ne partageant pas les offices religieux avec eux, et en extériorisant leur richesse par le biais de l'art dans leur chapelle.

La chapelle privée de Bon Repos, dédiée à Notre dame de Grâce et de Pitié, possédait des fresques très colorées d'un intérêt majeur pour l'histoire religieuse de la fin du Moyen Âge. Hélas, ces peintures ont disparues peu à peu après l'effondrement du toit en 1917.
Des photographies avaient été prises, ce qui permet de rendre compte de cette iconographie dont on peut voir quelques reproductions.
Saint Sébastien




Le thème de la Vierge portant sur ses genoux le corps décharné du christ symbolise la vie entière de Dieu fait homme, de sa naissance à sa crucifixion. cette représentation s'est répandue en Dauphiné après 1450.



Sur la voûte, le Christ.

Il n'y a pas de date de l'exécution des fresques, mais l'analyse de la procession donne des indices. On voit saint Antoine recouvrir la tête d'Antoine Armuet de son manteau. Cela signifie qu'Antoine Armuet était décédé au moment de la réalisation de la fresque. De plus seuls trois enfants de Guillaume Armuet sont représentés, cela indique que les autres n'étaient pas encore nés. Les experts pense que la peinture a  été réalisée après la mort d'Antoine et avant celle de Guillaume, et estiment qu'elle a été réalisée aux alentours de 1480.
Les donateurs (les propriétaires fondateurs du château) sont entourés de leurs saints patrons convergeant vers une Pietà, thème classique de la fin du 15e et du début du 16e siècle.
On voit probablement Antoine Armuet, prévôt de la Collégiale Saint André de Grenoble, son frère Guillaume Armuet avec sa femme Marguerite de Villard, qui lui amena à son mariage la seigneurie de Saint Martin d'Hères.

Dans cette chapelle se trouve la copie des volets du retable dont l'original se trouve au Musée de l'Ancien Evêché de Grenoble.
Le retable de la chapelle placé au-dessus de l'autel en albâtre, comportait trois parties: une Nativité sculptée en haut relief dans le renfoncement du mur entourée de deux volets en bois peints que l'on pouvait fermer. Ces deux volets sont les seuls vestiges conservés au musée de l'Ancien évêché à Grenoble. Il représente Jacob et sept de ses douze fils, patriarches de l'ancien testament ayant donné naissance aux douze tribus d'Israël. Ils sont en habits orientaux.




Le château de Bon Repos a été classé à l'inventaire complémentaire des monuments historiques en 1986.

Malgré sa toiture effondrée, Le Château de Bon Repos a encore fière allure avec ses quatre tourelles d'angle, ses façades de galets et de schistes et ses fenêtres à meneaux élégamment soulignées d'un encadrement de pierres blanches.

C'est une belle découverte.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire