Le 25 août 2025, avec Nicole et Christian nous visitons le château et les jardins du château du Touvet.
L'origine du château du Touvet remonte au XIIIᵉ siècle. Il a été construit comme forteresse défensive à la frontière entre le Dauphiné et le duché de Savoie.
Le Dauphiné est une principauté indépendante dès le XIᵉ siècle, dirigée par les dauphins de Viennois.
Le Duché de Savoie, quant à lui a été fondé au XIᵉ siècle autour de la Maison de Savoie. Le duché devient très puissant car il contrôle les Alpes, entre la France et l'Italie.
Ces deux territoires partagent une longue frontière accidentée et leurs positions stratégiques expliquent les nombreux conflits féodaux et militaires du Moyen Âge au XVIIᵉ siècle.
Aux XIIIᵉ et XIVᵉ siècles, Dauphiné et Savoie se disputent la vallée du Grésivaudan et les châteaux frontaliers dont Le Touvet, La Terrasse, Avalon, Montmélian.
Les dauphins fortifient leurs terres pour contenir les Savoyards, d’où la construction du château du Touvet au XIIIᵉ siècle comme poste avancé défensif.
L'année 1349 voit un tournant majeur. Le dernier dauphin Humbert II, ruiné et sans héritier, vend le Dauphiné au roi de France, le futur Charles V. Le Dauphiné devient alors une terre du royaume de France. Dès lors, les guerres opposent la France et la Savoie, mais le Dauphiné reste la zone frontalière stratégique.
Au XVIᵉ siècle, la Savoie, alliée des Habsbourg (Espagne et Autriche), affronte régulièrement la France.
Le Dauphiné étant une des portes d’invasion françaises vers l’Italie, François Ier envahit la Savoie et le Piémont en 1536, le Dauphiné servant de base arrière militaire.
Aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, le Dauphiné fortement marqué par les guerres de Religion, reste une zone militaire. La Savoie tente d’influer dans la région, mais les places fortes dauphinoises tiennent bon.
En 1528, le château du Touvet est acquis par Guigues Guiffrey, compagnon du chevalier Bayard, puis transmis par descendance aux familles Monteynard et Marcieu, devenant ainsi une possession familiale continue depuis plus de cinq siècles.
A la fin du XVIIᵉ et au XVIIIᵉ siècles avec les traités européens (notamment Utrecht en 1713), la frontière Dauphiné Savoie se stabilise. Les châteaux frontaliers perdent alors leur rôle défensif et se transforment en demeures de plaisance.
Sous Pierre de Marcieu, lieutenant général du Dauphiné, le château du Touvet est transformé en demeure de plaisance. Des travaux majeurs ont lieu entre 1753 et 1762, notamment la création dans le jardin, du fameux escalier d’eau à l’italienne par le maître d’œuvre Potin et le maçon Venture. Les plans précis sont encore conservés aujourd’hui.
Le château est aujourd’hui encore la résidence de la même lignée familiale, les Pourroy de Lauberivière de Quinsonas-Oudinot, descendants directs du maréchal Oudinot (1767-1847), né à Bar-le-Duc en Lorraine, dans une famille de brasseurs, soldat volontaire dès la Révolution française.
Il monte très vite en grade grâce à son courage et ses blessures répétées (il sera blessé 34 fois au combat).
C'est un fidèle de Napoléon Bonaparte qui l’apprécie pour sa bravoure et sa ténacité.
Napoléon le fait duc de Reggio en 1809, puis Maréchal d’Empire en 1809 (après Wagram),
Il est nommé Pair de France sous la Restauration et enfin Gouverneur des Invalides (1842–1847).
Son fils Charles-Nicolas-Victor Oudinot épouse en 1839 la comtesse de Quinsonas, issue de la lignée propriétaire du Château du Touvet. Par cette alliance, la famille Oudinot devient co-héritière du domaine.
Le château reste aux mains des descendants de Guigues Guiffrey, les Monteynard, les Marcieu et de nos jours les Quinsonas.
C'est le Marquis Oudinot–Quinsonas–Pourroy de Lauberivière qui en assure la gestion et la préservation.
Au temps de Pierre de Marcieu (1750–1760), le château est transformé en demeure de plaisance.
Construit vers 1250, il a une position stratégique en belvédère au-dessus de la vallée du Grésivaudan, permettant de surveiller les voies d’invasion savoyardes.
Il avait une enceinte quadrangulaire avec des tours rondes reliées entre elles par des courtines épaisses (murs d’enceinte) afin de fermer le périmètre de l’enceinte, de protéger contre les assauts et de permettre le tir.
Le chemin de ronde permettait aux soldats de se déplacer rapidement d’une tour à l’autre.
Au XVIIIᵉ siècle, elles n’ont plus de rôle militaire, elles ont été percées de fenêtres et intégrées à l’architecture résidentielle.
Certaines portions sont encore visibles aujourd’hui, intégrées dans la structure du château.
Le château a conservé une partie de ses douves c'est à dire des fossés creusés autour du château, remplis d’eau, destinés à empêcher l’accès direct aux murailles. Elles servaient de barrière défensive contre les assauts, les échelles ou les machines de siège. Elles étaient alimentées par les eaux du Bresson le torrent voisin. Aujourd’hui, elles sont en grande partie comblées ou asséchées.
Le pont-levis était le seul accès à la forteresse et permettant de franchir les douves. Il donnait accès à la porte fortifiée principale, aujourd’hui il est intégrée aux transformations du XVIIIᵉ siècle.
A l'entrée du domaine, à droite du pont levis se trouve la petite chapelle bien conservée, distincte de la chapelle qui se trouve à l'intérieur du château.
Elle sert surtout aujourd’hui de repère architectural, participe à l’ensemble harmonieux du domaine et ouvre la perspective vers le château et les jardins depuis l’entrée, accentuant l’effet de mise en scène XVIIIᵉ siècle.
Au XVIIIe siècle, elle avait une fonction symbolique, pour la bénédiction des visiteurs ou des membres de la famille avant l’entrée dans le domaine.
C'était un point de recueillement rapide pour les employés ou voyageurs.
Elle affichait le prestige religieux et social. Posséder une chapelle même petite à l’entrée d’un domaine était un signe de noblesse.
Elle complète la chapelle principale, qui restait réservée à la famille et aux cérémonies intérieures.
De l'ancien château médiéval, il ne subsiste aujourd'hui que les deux murs d'enceinte, les cinq tours et les douves.
Son apparence actuelle est celle du Siècle des Lumières.
Au niveau des façades, les ouvertures sont élargies et régulières. De grands appuis de fenêtres à la française sont construits et les toitures harmonisées.
Nous entrons dans le château avec une guide. Nous avons accès à certaines pièces du rez de chaussée mais pas à celles de l'étage, occupées par la famille du marquis. Les photos sont interdites.
Le hall d’entrée situé juste après le passage de la porte principale est le point central d’accès aux différentes ailes du château.
Il est pourvu d'un grand escalier, élément central de l’architecture intérieure et du prestige du lieu, il relie le rez-de-chaussée aux étages nobles (chambres, salons privés, bibliothèque) et sert aussi de mise en scène pour impressionner les visiteurs dès l’entrée et pour montrer le rang et le goût de la famille Marcieu.
Le salon de réception principal, pièce immense utilisée pour recevoir les invités.
Il est décoré de boiseries sculptées, d'une cheminée en pierre, de parquets marquetés.
La salle à manger est une grande pièce pour les repas de famille et banquets, meublée avec tables et chaises d’époque. La salle à manger est tapissée de cuir doré (de Cordoue?).
La chambres à coucher du seigneur, Pierre de Marcieu a un décor riche, des boiseries et le mobilier d’époque.
L'intérieur richement meublés avec ses boiseries, ses tapisseries offre un véritable voyage dans le raffinement du XVIIIᵉ siècle, reflétant la noblesse dauphinoise.
On passe d’un château-fort austère à un palais aristocratique lumineux et luxueux, vitrine du rang social des Marcieu.
Le château a été classé Monument Historique en 1959.
Le domaine s’étend sur environ 5 à 7 hectares de jardins à la française, incluant parterres géométriques de buis, vergers, roseraie, terrasses, verger, prairie fleurie.
Désirant mettre en valeur le château en l'entourant d'un jardin exceptionnel, le comte de Marcieu imagine une vaste composition architecturale dominée par un spectaculaire escalier d'eau.
L'escalier d’eau à l’italienne, chef-d’œuvre hydraulique de 1759, qui relie les terrasses, est alimenté par les eaux vives d’un torrent, le Bresson, captée en amont.
Il est situé dans l’axe du château, au cœur des jardins en terrasses.
L'eau est est amenée par un système de canalisations et de bassins de régulation, sans pompe seulement avec la gravité.
Le débit est constant, ce qui permet au monument d’être toujours animé.
L'eau se distribue de haut en bas jusqu'aux douves par un écoulement à travers un réseau souterrain de conduites en pierre.
Il a été réalisé par le maître d’œuvre Potin et le maçon Venture, sur des plans précis conservés encore aujourd’hui au château.
Il est composé d’une cascade monumentale en gradins successifs (marches en pierre).
L’eau descend en formant des nappes et des filets, animant la pierre de mouvements et de reflets. Il est encadré de statues, vasques et fontaines.
Il relie la partie haute du château aux terrasses inférieures, offrant des perspectives spectaculaires sur la vallée du Grésivaudan et la chaîne de Belledonne.
À la fois décoratif et symbolique : l’eau représente la vie, la puissance et la richesse.
Il a été restauré entre 1997 et 1999 sur la base de ces plans et fonctionne encore aujourd’hui comme à l’origine.
C’est un exemple unique en France d’escalier d’eau en fonctionnement continu, il constitue un point fort du site.
Ces jardins sont reconnus par le label « Jardin remarquable », attestant de leur valeur esthétique et patrimoniale.
L'escalier d’eau est classé Monument Historique depuis 1964, et le jardin classé Remarquable depuis 2004.
Cet escalier d’eau est un chef-d’œuvre baroque italien adapté en Dauphiné, un mariage de technique par l'hydraulique, d’esthétique avec les cascades et la perspective et de mise en scène paysagère.
Le jardin et l'escalier d'eau sont les symboles du raffinement aristocratique du XVIIIᵉ siècle.
Aujourd'hui le jardin qui nécessite des soins constants est entretenu par un jardinier à plein temps : taille biannuelle des haies de charmilles, des buis, de plus de 100 ifs, repiquage de 5 000 plants de fleurs annuelles, désherbage manuel des allées et des parterres et nettoyage réguliers des bassins et des vasques... bravo à lui !
Le domaine, tel qu'il se présente aujourd'hui, a conservé l'essentiel de son apparence du XVIIIe siècle.
Il est un heureux mariage entre un château-fort médiéval (tours, fossés, pont-levis) encore visible dans ses structures, et une résidence aristocratique du XVIIIᵉ avec décors raffinés et jardins spectaculaires.
Le marquis Odon de Quinsonas a ouvert le château au public en 1985. Nous avions fait partie des premiers visiteurs et avions pu visiter les deux étages du château commenté par le marquis lui même.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette et Gérard Gleyze
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