Du 14 juin au 28 septembre 2025, le musée de Grenoble expose "Guillaume Bresson _ En regard."
Nous visitons cette exposition le 24 juin 2025, grâce à l'organisation par notre association "malentendant38", animé et commentée par notre guide préféré, Eric.
Guillaume Bresson, est un peintre figuratif français alliant la technique classique et des sujets contemporains percutants.
Il est né à Toulouse en 1982 et est diplômé des Beaux‑Arts de Paris en 2007.
Il a commencé par le street art avec la thématique que l'on retrouve dans ses oeuvres.
Sa peinture est une réinterprétation contemporaine de la peinture d’histoire. Il met en scène des scènes de violence urbaine avec des bagarres et des conflits en s’inspirant du classicisme (clair‑obscur, grisaille, Poussin, Caravage).
Il commence par photographier ses amis, sa famille, ou des groupes de jeunes avec qui il monte des projets. Il met en scène des modèles en jean, T-shirt, survêtement, baskets dans une chorégraphie de corps et de mouvements théâtralisés qui évoque la peinture baroque. Il travaille ensuite les images isolant ou réunissant les personnages en groupes ou en scènes.
Cet assemblage engendre la sensation d'être témoin d'une scène.
Son usage de toiles monochromes rappellent l'art des grisailles de la Renaissance et certains de ses tableaux prennent le format circulaire de tondo.
Ses compositions théâtrales évoquent des peintres baroques et classiques comme David ou Poussin. Son travail sur les étoffes, ses couleurs et ses clairs obscurs contribue à donner une dimension spectaculaire aux scènes quotidiennes.
Après des séjours à Paris, Berlin et Los Angeles, il vit et travaille aujourd'hui à New York.
Il a exposé au Kunsthalle Karlsruhe en Allemagne, à la Biennale de Curitiba au Brésil, à Perm en Russie, à l'Institut du Monde arabe à Paris, à l'ArtSpace Boan à Séoul, au Centre Pompidou, etc... et récemment au Château de Versailles, dans les Africa Rooms, du 21 janvier au 25 mai 2025. Le thème était le dialogue entre des scènes de combat urbain et les batailles coloniales du XIXᵉ siècle.
Il a été révélé en 2010 par l’exposition Dynasty au Palais de Tokyo.
Il a reçu de nombreux prix :
- Prix Sciences Po (2010)
- Prix Jean‑François Prat (nomination 2013)
- Prix Pierre Cardin de l’Académie des Beaux‑Arts (2017)
- Prix Del Duca de peinture (2020)
Guillaume Bresson ne date pas, ne signe pas et ne date pas ses tableaux.
Il s'inspire de la peinture classique religieuse et d'histoire mais elle se passe dans le présent et se raccroche à à des problématiques sociales actuelles avec un aspect photographique.
Il expose la réalité sociale des déshérités ou marginalisés.
L'exposition de Grenoble se nomme « En regard », car l'artiste dialogue directement avec les collections permanentes.
Une trentaine d’œuvres contemporaines ont été placées en regard avec des pièces historiques, pour la période allant de la Renaissance à nos jours.
Chaque toile est intentionnellement accrochée à proximité d’un tableau “classique” ou moderne, pour établir des correspondances esthétiques, formelles ou thématiques, contrastes de lumière, postures, sujets de violence, etc.
Le dialogue peut être furtif, harmonieux ou conflictuel selon les époques.
La déambulation découverte débute dans les salles de 1 à 10 dédiées au XVe, XVIIe et XVIIIe siècle.
Il dialogue avec les oeuvres du Pérugin.
Le tableau est accroché tout en bas alors que les tableaux du Pérugin sont accrochés en hauteur.
C'est une emprise directe avec le visiteur, une fenêtre ouverte sur la réalité.
Le décalage est frappant.
Dans la salle suivante, un personnage en mouvement suspendu jouxte un saint baroque en prière, contraste saisissant entre le sacré et le profane.
Les deux tableaux représentent le même corps mais dans un autre contexte.
Sans titre_2025_Huile sur bois_Galerie Nathalie Obadia
La séance de danse chorégraphique est en harmonie avec le tableau représentant Saint Barthélemy alors que le tableau de Guillaume Bresson met en scène son père.
Le tableau représentant Saint Barthélemy, s’intitule Le Martyre de saint Barthélemy. Il est attribué à l’atelier de José de Ribera, peintre majeur du caravagisme, et date de la période 1626–1632.
L'œuvre reflète l'influence dramatique du Caravage avec un contraste fort entre la lumière et l'obscurité.
Elle illustre le corps souffrant du saint, sentiment que l'on retrouve dans le tableau de Bresson (Caravage des banlieues).
Sans titre_2024_Huile sur bois_Collection particulière
Dans une autre salle, cinq oeuvres représentent toujours son père dans une tension extrême, chute, lutte, torsion, corps en suspens. Il y a une notion de mouvement dans une image fixe, c’est un instant suspendu entre action et immobilité.
Bresson fige ces gestes dans une pose qui les rend sculpturaux, presque chorégraphiques. On ne sait pas si les contorsions sont une attaque, une fuite ou une chute.
Ils évoquent aussi la virilité urbaine (bagarre, tension de territoire).
Son hyperréalisme précise chaque muscle, chaque pli du vêtement.
Bresson nous délivre une vision esthétique et une réflexion sociale, la violence de la rue devient une danse tragique.
Ces tableaux évoquent les grandes compositions baroques du Caravage.
Ils dialoguent ici avec les martyrs, et nous pouvons comprendre pourquoi.

Sans titre_2022_Huile sur toile_Collection particulière, Paris
Sans titre_2022_Huile sur toile_Collection particulière, Paris
Sans titre_2023_Huile sur toile_Collection particulière
Sans titre_2023_Huile sur toile_Collection Christophe de Backer
Sans titre_2023._Huile sur toile_Collection particulière
Autre salle, autre style. Il a peint ce bunker à l'âge de 30 ans. C'est une image composée, il ne s'est pas inspiré de photos.
Il représente un contraste fort entre un objet de béton, de défense, de guerre fait pour isoler, protéger, résister dans une nature, vivante, organique.
Le bunker peut aussi symboliser la peur, le besoin de se protéger du monde extérieur.
Dans un environnement naturel, cela peut souligner l’idée que même au cœur de la beauté et de la vie, l’humain garde une part de méfiance ou de violence en réserve.
La géométrie brute du bunker s’oppose aux formes irrégulières et douces de la nature, qui crée une tension esthétique, qui attire l’œil.
Dans la salle suivante, le tableau, où un homme tient un couteau au-dessus de la table, entouré d’autres dans l’ombre, est chargé d’une atmosphère lourde de tension dramatique et symbolique à la charnière entre la paix et la violence.
Le couteau, levé suggère que quelque chose va basculer, que la scène est au bord d’un acte irréversible.
La composition, avec la lumière qui éclaire partiellement les visages et laisse l’essentiel dans l’ombre, rappelle les clair obscurs du Caravage ou de Georges de La Tour, mais aussi la gravité des scènes religieuses de Champaigne.
Sans titre_2012/2013._Huile sur toile_Collection particulière
Guillaume Bresson représentant des hommes autour d’une table éclairée, de nuit sous un éclairage dramatique montre une scène chargée de mystère et de tension silencieuse, où la lumière joue un rôle essentiel pour créer une atmosphère à la fois intime et lourde.
La réunion de ces hommes évoque un moment de fraternité, mais aussi de tension.
L'oeuvre est peinte à la manière d’un clair-obscur. L’éclairage concentré sur la table révèle les visages mais cache des détails. Elle évoque les tableaux de Georges de La Tour, où la lumière crée un sanctuaire.
Les hommes représentés, sont dans des postures tendues. La scène suggère une dynamique de pouvoir, d’appartenance à un groupe, et peut aussi évoquer une violence latente.
Dans ces deux tableaux on note la présence tranquille d'une femme en bout de table.
Sans titre_2008._Huile sur toile_Galerie Nathalie Obadia
Mathäus Stomer, 1600-1650_La Cène à Emmaüs
Le père Yves Trocheris, curé de Saint‑Eustache à Paris, a demandé à Bresson de réaliser une nouvelle Apothéose de saint Eustache, en écho au Martyre de Saint Eustache peint par Simon Vouet au XVIIᵉ siècle.
Cette commande s’inscrit dans une tradition récente de l’église de faire dialoguer art sacré et art contemporain.
Bresson propose une représentation centrée sur un personnage en lévitation, en ascension ou en chute, sur fond doré, évoquant la lumière divine.
Le corps humain, souvent partiellement dévêtu pour souligner la nudité vraie devant Dieu, devient signe d’espérance et d’élévation spirituelle.
Elle renvoie aux compositions baroques (Poussin, Vouet, Michel-Ange), mais actualisées avec sa maîtrise du clair-obscur et du drapé contemporain.
Ce projet, sera une vraie rencontre entre l’art sacré traditionnel et la peinture contemporaine réaliste.
Dans les salles "Modernes", Adam Eli est un activiste et écrivain américain né en 1990 connu pour son travail dans l'activisme LGBT. Il est le fondateur de Voices, un groupe d'activistes non violents.
Connu pour sa kippa rose, il a un grand nombre d'abonnés sur Instagram et a publié en 2020 "The New Queer Conscience".
On perçoit dans ce portrait à la fois une fierté et une grande douceur, qui évoque le portrait de Balthazar Castiglione par Raphaël.
Ses bijoux sont autant d'affirmations de ses multiples engagements.
Sans titre_2020_Huile sur toile_Collection particulière, Gent
Chez Guillaume Bresson, la bagarre n’est jamais un simple acte de violence, c’est une mise en scène ritualisée, chorégraphiée presque comme un ballet.
Les héros sont des jeunes en jean, baskets et sweats à capuche.
Les bagarres se déroulent dans des parkings souterrains, des rues désertes, des friches industrielles.
Souvent, l’arrière-plan est esquissé, brumeux, sans détails narratifs précis, l’action est concentrée sur les corps.
On retrouve l’influence du baroque : gestes dramatiques, attitudes héroïques, lumières tranchées.
Guillaume Bresson réalise ces scènes à partir de photos prises sur des modèles vivants.
Dans la série Parking ou Parkings, des adolescents se battent ou se regroupent dans des parkings nocturnes. Ces tableaux rappellent des fresques de batailles antiques, ils montrent des groupes de jeunes en tension, dans l’affrontement, la bagarre.
Guillaume Bresson explore les marges urbaines et les lieux comme des parkings, des souterrains.
Il y a une ambiguïté entre la violence, la mise en scène et la beauté plastique.
Son travail interroge aussi la représentation de la jeunesse des banlieues, sans discours sociologique explicite.
Bresson s’inscrit dans la tradition du clair-obscur (Caravage, Zurbarán). Les fonds sont sombres, la lumière dramatique.
Les bagarres de Bresson ne dénoncent pas la violence de façon frontale, elles la suspendent, la transforment en spectacle pictural, pour mieux nous faire réfléchir sur l’actualité, sur la représentation du conflit.
Avec ses fonds orange, Guillaume Bresson désamorce le réalisme.
L’arrière plan n’est plus un décor narratif (rue, parking) mais une surface abstraite, quasi graphique.
Le fond vif accentue la violence latente de la scène, le contraste entre la couleur chaude (énergie, alerte) et les corps réalistes rend l’image encore plus percutante.
Les personnages semblent presque découpés, suspendus, comme des collages. Il n'y a pas de décor réaliste.
Il y a une tension entre figuration réaliste en premier plan et l'abstraction du fond.
Guillaume Bresson anime aussi des ateliers créatifs permettant de prolonger sa démarche artistique en impliquant des publics très variés.
Ses ateliers ont un éveil au geste et à la composition. Il commence toujours par des séances photo avec des modèles (amis, lycéens, etc.).
Il les invite à adopter des postures spontanées, qu’il capte comme des “symptômes” de leur vie, sans donner d’indications précises.
Ces images sont ensuite recomposées afin de créer une mise en scène des corps avant de peindre.
Il a travaillé avec des élèves du lycée François Villon (Porte de Vanves), le Red Star FC, ou des associations à Los Angeles.
Ces ateliers sont des terrains d’expérimentation et s'adressent à tous ceux qui souhaitent apprendre à diriger le geste, le mouvement, et composer une image en partie improvisée.
Pour peindre, il s’intéresse à comment le corps reflète une histoire personnelle, sociale ou identitaire.
C'est un dialogue entre tradition et contemporain à savoir apprendre à relier l’héritage classique (Poussin, Caravage) aux pratiques urbaines actuelles.
Pour les jeunes des banlieues ou des milieux non artistiques, c’est l’occasion de reconnaître leur quotidien dans l’art.
Cette exposition “Guillaume Bresson. En regard” offre une expérience riche et multidimensionnelle : lumière, corps, narration, et contexte social dans un parcours inédit avec la confrontation aux peintres classiques situés au coeur du parcours permanent, entre les espaces XVIIᵉ et les salles XIX–XXᵉ.
Sa peinture évoque le Caravage pour le clair-obscur, Poussin pour la construction géométrique. Delacroix, Géricault pour la peinture des bagarres.
Texte de Paulette Gleyze
photos de Gérard Gleyze
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