Le voyage continue !
Le 11 janvier après une escapade de 48 heures à Essaouira, nous sommes de retour à Marrakech et nous visitons le palais Bahia du nom de la maîtresse favorite de Ahmed ben Moussa, Grand Vizir, la "Bahiya", la belle, la brillante.
Ce palais se trouve au sud de la Médina près de la Casbah et de l’ancien quartier juif du Mellah de Marrakech.
Le Palais Bahia a été construit sous forme d'un vaste riad, entre 1866 et 1867, sous l'ordre d'Abi Imrane Moussa Ben Ahmed Ben Mbarek, par l’architecte marocain Mohammed al-Makki, à proximité de la place Jemaa el-Fna, du jardin de Ménara, des jardins de l'Agdal, du Palais El Badi, et du Palais royal.
Abi Imrane Moussa Ben Ahmed Ben Mbarek était le grand vizir du sultan alaouite Sidi Muhammad Ben Abderrahmane (1859-1873) puis du sultan alaouite Al Hassan Premier (1873-1894) .
Le palais a été agrandi de 1894 à 1900 par son fils Ba Ahmed grand vizir du sultan Moulay Abdelaziz Si Moussa (1894-1908).
Après la mort de Ba-Hmad en 1900, le palais a été affecté aux services des palais royaux.
Sous le protectorat français (1912-1956), il est transformé en résidence du maréchal Lyautey. Des cheminées et l’électricité y sont installés.
Après l'indépendance, il est alloué au sultan Mohamed V et ensuite à l'émir Moulay Abdellah.
Sous l'ordre du roi Hassan II, le palais a été légué au Ministère de la culture en 1967 en tant que patrimoine National, inscrit le 21 décembre 1924.
Le Palais Bahia se présente sous forme d'un ensemble architectural composé d'une série de pavillons et d'annexes avec mosquée, mausolée, hammam, harem, écuries...
Il occupe une superficie de 8 hectares avec 371 000m2 de bâtiments et le reste en espaces verts.
Il s'y trouve 150 pièces richement décorées de marbre, de moucharabiehs, de sculptures et peintures sur bois de hêtre et de cèdre, de stuc, de zellige (mosaïque ornementale dans le domaine de l'architecture islamique), des premiers vitraux du Maghreb, abritées dans des bâtiments hétéroclites, plusieurs fois modifiés au cours du temps, organisés autour de nombreuses cours, patios, jardins verdoyants, plantés d'orangers, de bananiers, de cyprès, d'hibiscus, de jasmins..., irrigués par Khettara (un système d'irrigation souterrain composé d'un tunnel ou une voûte longue et régulière qui relie des puits d'eau ou des sources...)
Les chambres donnent sur différentes cours intérieures et jardins. La partie la plus intéressante du Palais de la Bahia est le harem des 4 épouses et des 24 concubines d’Abu Bou Ahmed.
Les parties du Palais de la Bahia accessibles à la visite sont: la petite cour, le petit riad, la grande cour ou cour d’honneur, le grand riad.
Le reste du palais est réservée à la famille royale et aux dignitaires étrangers.
La visite débute par un jardin planté de bananiers, d'orangers... avec un sol en marbre de carrare blanc et zelliges, ornée en son centre d’une fontaine. C'est la partie la plus récente.
Le jardin luxuriant est composé de 4 patios plantés d'orangers, bananiers.... avec au centre sa vasque en marbre.
Ce jardin s'ouvre sur des salles, des niches et des annexes.
La petite cour plus austère fait suite à ce patio.
Elle est construite avec des murs blancs et un sol en marbre de carrare blanc et zelliges, ornée également en son centre d’une fontaine.
Les bâtiments sont beaucoup moins décorés que ceux des petits et grands riads (avec de magnifiques boiseries et des jardins luxuriants) mais on y trouve néanmoins des plafonds en bois de cèdre et des portes arabes.
La petite cour a été utilisée par Ba Ahmed comme l’une de ses résidences privées. Les chambres étaient pour ses épouses légitimes, en particulier la Bahia.
Pendant l’occupation française, à partir de 1912 jusqu'en 1956, les officiers français se sont installés dans cette petite cour.
Le petit riad est remarquable par sa structure classique, par la décoration des arcades, des niches et de la grande salle, des plafonds, des vantaux des portes, des fenêtres et leurs ferrures en fer forgé (moucharabiehs).
Les membres du gouvernement étaient reçus par Ba Ahmed dans la grande salle, dite salle du conseil.
Le plafond de cette salle est en bois de cèdre aux motifs peints remarquables.
C'est dans ces pièces qu'ont été aménagés les appartements privés du général Lyautey.
Des aménagements de confort sont réalisés avec l’ajout de cheminées et l'installation de l’électricité.
L’histoire rapporte qu'étaient donnés ici, à l'époque de l'occupation française, des fêtes somptueuses où les belles voitures et le beau monde circulaient, et le champagne coulait à flot...
Les arcades en marbres au dessus des portes sont finement sculptées.
Aujourd'hui les pièces sont vides, mais nous pouvons admirer la salle du conseil avec ses plafonds en bois de cèdre magnifiquement peints.
Les zelliges au sol et aux murs sont de grande facture.
Beau mariage du marbre et des zelliges.
Les ventaux des portes sont joliment et richement peints de motifs floraux.
Les zelliges sont riches et variés
La cour est bordée de fenêtres moucharabiehs qui permettaient aux femmes de voir sans être vues.
Nous accédons à la cour principale appelée cour d'honneur ou encore grande cour, qui lui fait suite.
Au XIXe siècle, elle était plantée d’arbres.
C'est la partie la plus ancienne du palais qui date de l’époque du père de Ba Ahmed. Elle est l'oeuvre la plus importante de l'architecte El Mekki.
Elle est aménagée à l'emplacement d'anciennes écuries et jardins.
C'est la plus vaste du palais, elle mesure 50 mètres sur 30 mètres. Sa construction a été achevée en 1898-1899.
Elle est entièrement pavée de marbre et de zelliges et comporte trois bassins en marbre.
La cour carrelée en marbre de carrare et zelliges est entourée d'une galerie de 52 colonnes en bois peints, qui donne accès aux pièces où était logé le harem avec les 24 concubines de Ba Hmad et leurs enfants.
Il y a un salon de réception, un hammam des chambres d'hôtes et des latrines communes.
En 1964, la scène finale du film Cent mille dollars au soleil, d’Henri Verneuil et Michel Audiard avec Jean-Paul Belmondo et Lino Ventura est tournée dans la grande cour d’honneur du palais de la Bahia.
C'est là que se trouve le hammam.
Le hammam marocain rappelle les thermes romains avec son architecture d'exception.
Il est conçu sur le plan type de trois salles, le frigidarium (salle froide), le tepidarium (salle tiède) et le caldarium (salle chaude).
Aujourd'hui encore le hammam est le rendez-vous hebdomadaire des marocains, chaque jeudi, la veille du vendredi de prière. Le hammam n'est pas seulement un lieu de purification et d'hygiène mais aussi un lieu de rite pour tous les évènements de la vie, mariage, baptême, circoncision, deuil...
Nous accédons ensuite au grand riad qui est la partie la plus ancienne.
Il est composé d'un vaste Jardin intérieur touffu et flamboyant aux multiples essences.
Certains arbres ont des formes spectaculaires, d'autres sont très hauts.
Il est bordé d'allées, garni de fontaines
Le jardin donne sur deux niches et deux grandes salles dont la décoration raffinée fait honneur aux zelliges et aux plâtres sculptés et peints.
Les plafonds sont en bois de cèdre ouvragés et à motifs peints.
C'est dans ces pièces du riad que le palais de la Bahia accueille des expositions d’art et des concerts de musique.
Dans la première salle, nous pouvons voir une exposition sur "l'art andalou ".
Nadia Chellaoui
Sara Fratini
Naïma Amsif
Nadia Chellaoui
Rahima El Arround
Eva Armisen
Irène Lopez de Castro
Hahar El Moustaassime
Marta Carrascosa
Irène Lopez Leon
Un joli chemin arboré mène à la deuxième salle.
Dans la deuxième salle aussi richement décorée, nous voyons une exposition "La voie du trait_La calligraphie entre l'art et la monnaie au Maroc".
La calligraphie arabe prend ses lettres de noblesses dans différentes formes d'art : le l'enluminure à l'architecture, des arts décoratifs à la monnaie.
Il y a l'écriture cursive avec des pages du Coran du XIIIe siècle, il y a la calligraphie épousant le sceau de Salomon. L'écriture évolue en fonction des supports et des matériaux.
Coran rédigé sur peau de gazelle_XIIIe siècle_collection de Bank Al-Maghrid
Panneau en zellige Mkacher avec motif du sceau de Salomon_sans date_collection de Bank Al-Maghrib
C'est au VIIe siècle que remonte la première calligraphie arabe sur les monnaies.
A cette époque, les Omeyyades ont introduit la formule Bismillah sur le drachmes d'argent sassanides. Ce n'est que sous le règne d'Abd al-Malik Ibn Marwân que la monnaie est arabisée en adoptant le style soufique.
Al-Yazîd Ier (60-63H / 680-683 de notre ère dirham d'argent, Al-Basra
Gouverneurs omeyyades à Tanger,_fels, bronze, Tanger_sans date
Mohamed Quarmad_reproduction calligraphique et graphisme_Quirat almoravide_encre sur papier vectorisé
Mohamed Quarmad_La ilaha Illa Allah_reproduction de la devise dans plusieurs styles calligraphes
Mohamed Quarmad_reproduction calligraphique et graphisme_Dirham idrisside_encre sur papier vectorisé
On trouve la diversité des formes de la calligraphie dans les pièces de monnaie, au fil des siècles.
My Ismâ'il (1082-1139H/1672-1727)_dinar or
Sidi Mohammed III (1171-1204 H/1757-1790)_mithqâl argent et My Slimane (1206-1238 H/ 1792-1822)_1/2 dinar or
My al Hassan Ier (1290-1311 H/1873-1894)_1 rial argent
My Abd Al-Aziz (1311-1326 H /1894-1908)_1/2 rial argent
Hâroum ar-Rashid (170-193H / 786-809)_dirham argent
"Réminiscence de la calligraphie, le trait exprime souvent chez les peintres de l'abstraction un changement de paradigme du geste humble et appliqué de l'artisan vers le mouvement libéré de l'artiste, pourtant connecté aux sources" anonyme.
Jilali Gharbaoui (1930-1971)_sans titre, 1955_gouache sur papier_collection de Bank Al-Maghrib
Dans l'art musulman, la lettre stylisée est un élément décoratif primordial. Au XIVe siècle, au moment de l'apogée de la civilisation et de l'art hispano-mauresque, le coufique décore de manière harmonieuse les manuscrits et les monuments.
Enluminure de Si Abd El Krim El Ouazzoni avec arabesques polygonales, florales et épigraphiques (coufiques et cursives)
Au XIXe siècle et début XXe siècle au Maroc, la calligraphie est associée au bijou féminin par l'introduction des douros hassanis calligraphiés.
Fondues, ces pièces de monnaie en argent servaient comme matière première au travail de l'orfèvre.
Cet argent était intégré aux parures pectorales, bagues, boucles d'oreille, fibules et parures de tête.
4 fibules alaouites en argent ajouré de deux pièces de monnaies hassanies, une pièce belge et une pièce espagnole_fin 19e et début 20e siècle_collection de Bank Al Maghrib
Parure pectorale en argent moulé et ajouré en corail et en pièces de monnaie hassanies_fin 19e-début 20e siècle_collection de Bank Al Maghrib
Boucles d'oreille en argent ajouré de corail et de pièces de monnaie hhassanies_fin 19e-début 20e siècle_collection de Bank Al Maghrib
Le Palais Dahia est une merveille de l'architecture et de l'art marocain.
Les sculptures, les fontaines en marbre, les peintures sur bois de cèdre, les murs recouverts de zelliges, les plafonds somptueux et ses patios luxuriants en font un lieu unique.
L'exposition andalouse nous fait découvrir la richesse des robes dans une pièce magnifique et l'exposition sur la calligraphie est une belle découverte riche en enseignement.
Classé Monument Historique par Dahir (décret royal) du 21 janvier 1924, la visite du Palais Bahia est un vrai émerveillement est un lieu incontournable de Marrakech.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette et Gérard Gleyze
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