Après la découverte de l'Atomium, nous avons visité le Design Museum Brussels qui se situe sur le plateau du Heysel à proximité de l'Atomium .
Il a été créé en 2015 à partir de la collection privée Plasticarium constituée par Philippe Decelle.
Philippe Decelle accumule, depuis 1987, dans une maison au 35 de la rue du Locquenghien, une collection d'éléments de design en plastique.
C’est un plasticien et collectionneur belge né le 26 novembre 1948. Son travail est principalement centré sur les structures géométriques dans la nature et dans les paysages.
Il commence à collectionner à partir de 1974 des pièces en verre opalescent produites en majeure partie en France durant la période art déco.
A partir de 1987, il décide de constituer une large collection d'objets en plastique conçus par les designers européens dès 1957.
Il a rassemblé quelques 2000 pièces datant de la fin des années 1950 jusqu'au années 2010.
Elles sont signées par des artistes et designers tels que César, Evelyne Axell, Joe Colombo, Verner Panton, Philippe Starck, Maurice Calka.
Joe Colombo_Universale_1967
Sans héritier, il souhaite transmettre sa collection.
Portrait de Philippe Decelle _Le Plasticarium, rue Locquenghien, Brussels_1954
Exposée dans un premier temps dans un espace privé – le Plasticarium – la collection est acquise en 2014 par l'Atomium qui engage, avec le soutien financier de la Ville de Bruxelles, la construction d'un nouvel espace de 5 000 m2 sur le plateau du Heysel, près de l’Atomium, le Plasticarium - Art & Design Atomium Museum. qui ouvre ses portes le 11 décembre 2015.
C’est grâce à la puissance du réseau d’Olivetti dans le monde qui a permis à l’artiste de présenter de grandes expositions à Tokyo et à New York ou de réaliser une fresque murale à la gare Waterloo de Londres.
Le « Plasticarium » désigne alors un espace, une collection permanente, occupant environ la moitié de la surface totale du musée, le reste étant consacré à des expositions temporaires.
Par la suite, le Plasticarium devient la Plastic Design Collection.
Le 2 octobre 2020, le lieu devient le Design Museum Brussels pour mieux refléter l'évolution de sa mission vers la création dans le design.
Il offre le panorama d'une histoire du design en Belgique et de ses identités.
De l'Art Nouveau à la création contemporaine, cette exposition partage un récit autour de figures majeures, des mouvements et avant-gardes qui l'ont dessiné.
Les pièces présentées montrent les innovations et ses impacts sur la société et notre vie quotidienne.
L'exposition montre à travers des documents d'archives, l'évolution de cette collection privée et la vie de son propriétaire.
Elle illustre la relation passée et présente entre le design et les matières plastiques.
Le voyage commence par un aperçu de l'impact de la production de masse. et comment les procédés industriels ont rendu les objets du quotidien moins chers et plus accessibles.
Nous voyons aussi l'influence qu'ont eu certains aspects de la vie, tels que la politique, l'art et les mouvements esthétiques sur le design plastique depuis les années 1960.
La quête de l'identité esthétique en Belgique allant de pair avec les "arts industriels" remonte au 19e siècle au moment de la naissance de l'Etat Belge.
Dans cette rencontre entre art et industrie, l'Etat Belge a soutenu une série d'initiatives visant à "promouvoir le bon goût" et à favoriser l'étude des arts décoratifs.
Ceci a contribué à la naissance de l'Art Nouveau.
Pendant l'entre deux guerres, les débats sur les arts décoratifs et le "bon goût" va favoriser une alternance entre les styles historicistes (basés chacun sur d'anciens courants architecturaux) comme l'Art Déco et des expériences avant-gardistes et modernistes.
La rencontre des arts et de l'industrie et l'utopie sociale défendues par les collectifs d'avant-garde va favoriser l'émergence en Belgique du design en tant que discipline.
Dans la Belgique d'après-guerre, le fonctionnalisme repose sur le concept du "meuble social".
Face à la pénurie de logement, architectes et designers s'engagent à construire des logements sociaux et des meubles modernes.
Les designers exposés :
Huib Hoste (1884-1957) n'est pas le seul architecte de sa génération à concevoir du mobilier dans les années 1930. Il est considéré comme l'une des pionniers du Mouvement moderne en Belgique.
Diplômé de l'université de Gand il a d'abord réalisé une trentaine de projets architecturaux dans le style néo-gothique.
Durant la 1ère guerre mondiale, il s'exile aux Pays Bas et découvre l'architecture moderniste avec l'école d'Amsterdam et le mouvement De Stijl.
Au lendemain du conflit il aide la Belgique à se reconstruire en réalisant des cités jardins.
Il est un des membres fondateurs en 1928 des Congrès Internationaux des Architectes Modernes (CIAM) dont l'objectif est la promotion d'une architecture fonctionnelle.
L'évolution des meuble de Huib Hoste suit celle de son architecture.
A la sévérité de ses débuts, comme la chauffeuse en chêne noirci et en toile (1930) s'est substitué un mobilier rationnel et pur aux couleurs primaires qui révèlent le triomphe de l'avant-garde et du modernisme.
Georges Charles Van Rijk, né en 1933 à Bruxelles est depuis toujours architecte d'intérieur, un designer industriel et un concepteur de meubles. En 1991, il a créé son propre studio de design industriel à Rotterdam. Il a travaillé sur une variété de projets, allant des meubles aux produits électroniques grand public.
Georges Charles Van Rijk,_Chaise et ottoman_1968_Heather, Steel_fondation roi Baudoin_Koning
Pierre Guariche (1926 _1995), Il participe, de 1953 à 1957, à l'Atelier de recherches plastiques (A.R.P.). Architecte d'intérieur, il réalise, avec son agence, plusieurs centaines d'aménagements. En 1965, il reçoit le Prix René-Gabriel.
Le designer Maarten Van Severen (1956-2005) créé des meubles à partir du milieu des années 80, qu’il produit tout d’abord lui-même dans son atelier de Gand. Ses créations se démarquent par leurs lignes sobres et leur confort. Sa collaboration avec Vitra qui débute en 1995 donne naissance à la collection Van Severen.
Maarten Van Severen_chauffeuse _2002
Jacques Dupuis (1914 _1984), est considéré par beaucoup comme l’un des architectes belges de l’après-guerre les plus originaux, il réalisa des logements collectifs, des églises, des écoles, des centres sociaux, des infrastructures sportives et des maisons unifamiliales. Il conçoit un modèle de bibliothèque en bois laqué pour les foyers sociaux.
Willy Van Der Meeren (1923-2002) collabore avec l'entreprise Tubax à Vilvarde spécialisée dans la production de mobilier en acier.
Il est reconnu pour la construction et la production de masse et son engagement social. Il est également considéré comme l'un des plus importants designers de meubles belges de l'après-guerre.
fauteuil
Pierre Guariche (1926-1995).
Architecte d'intérieur, il réalise, avec son agence, plusieurs centaines d'aménagements dont le Conseil Général et la préfecture de l'Essonne, le Tribunal de Grande Instance de Créteil, Le Méridien porte Maillot, l'aménagement de plusieurs centaines de studios et appartements à La Plagne (ainsi que les télécabines 6 places en aluminium de la Grande Rochette, de nombreuses boutiques, une chapelle, deux cinémas...).
Il a conçu le mobilier pour la Maison de la Culture Le Corbusier à Firminy dans la Loire.
Il a apporté aux meubles une dimension fonctionnaliste et esthétique. Il répond aux besoins de son époque en faisant appel à des procédés de fabrication en série.
Ses créations sont devenues des pièces mythiques comme la chaise Tonneau (1953 et 1954), la chaise Tulipe (1956) ou encore le bureau Président (1961).
En 1957, il est nommé Directeur Artistique de l’entreprise de fabrication de meuble Meurop.
Le fabricant de meubles Meurop est fondé en 1958, année d'entrée en vigueur de Marché Commun. (Le nom Meurop contraction de "meuble" et "Europe" s'explique aisément).
Grâce à une production en série, l'entreprise a proposé du design de qualité à des prix accessibles.
Afin de pouvoir évoluer directement sur le marché, Meurop a développé son propre système de distribution, qui couvrait la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, la France et l'Allemagne.
Meurop fait appel au designer français Pierre Guariche (1926-1995) qui renouvelle la collection dès janvier 1961.
La chaise coquillage qui a connu un large succès est lancée en 1962.
Disponible en une dizaine de couleurs, elle se compose d'une coque en polyester renforcée de fibres de verre, posée sur une base métallique.
Pierre Guariche_coquillage_Design Museum Brussels_1961
En 1958, un ingénieur anglais du nom de Kewley invente un procédé d’assemblage de pièces de bois et en dépose le brevet. Le nom « Kewlox » a donc pour origine le « Kewl-» du nom de son inventeur et le « -lox », du verbe anglais « to lock » qui signifie « verrouiller ».
Ce procédé est découvert par un négociant en produits métallurgiques bruxellois, Jacques Le Clercq, qui en acquiert la licence d’exploitation pour le Benelux et commence la production des premiers meubles.
En 1960, il présente le meuble au Salon des Inventeurs de Bruxelles et décroche la médaille d’or.
Kexlox_Meule de rangement-1980
Marcel-Louis Baugniet (1896-1995) est designer, artiste, critique d'art et philosophe né à Liège. Peintre il réalise des affiches, des décors et des costumes avant de se lancer dans la conception du mobilier. En 1930, il fonde son entreprise de design d'intérieur, Baugniet et Cie qui sera active jusqu'aux années 1970.
Marcel-Louis Baugniet_Lampadaire_1950_Fondation roi Baudoin_Koning
Renaat Braem (1910-2001) est un architecte urbaniste né à Anvers.
Surtout connu pour ses projets de logements sociaux tels que Het Kiel ou la Tour de police De Oudaan à Anvers, il n’a conçu que peu de meubles, et produits en éditions limitées. Un meuble de sa main est donc une pièce particulièrement rare et difficile à trouver. Néanmoins, avec l’aide du Fonds Marie-Jeanne Dauchy(link is external), la Fondation Roi Baudouin a pu acquérir une pièce unique qui est désormais exposée au Design Museum Brussels
Chaise_1952_Renaat Braem_Fondation roi baudoin_Koning
A la fin du 19e siècle les inquiétudes grandissantes au sujet de l'exploitation massive des matières naturelles encourage à la recherche d'alternatives qui conduit à l'introduction du celluloïd en 1969 par John Wesley Hyatt (1837-1930) et de la bakélite en 1907, 1er plastique synthétique inventé par le chimiste d'origine belge, Leo Baekeland (1863-1944).
Les plastiques rendent les produits de luxe accessibles à la classe moyenne. Ils signent le début d'une nouvelle ère de commercialisation.
Pendant les années folles, de nouveaux objets électriques entrent dans les foyers et les font rentrer dans la modernité.
A l'Exposition Universelle de 1939 de New York, les visiteurs découvrent le nylon, le plexiglas et le monde en plastique.
La 2e guerre mondiale limite la production de plastic à la seule industrie militaire.
A la fin de la 2e guerre mondiale le monde est à l'aube de la consommation de masse.
Le Plastic Design Collection valorise la création hétérogène et diversifié du design en plastique qui a transformé l'univers domestique et urbain depuis les années 1950.
Les plastiques incarnent le besoin de liberté et les revendications d'une génération rejetant les valeurs traditionnelles.
Anon_Rasoir calor_1950
Fer à repasser_1946
Tasse pliable_1930
Souvenirs de New_York_1939
Giancarlo Piretti (1940)_Porte-manteau_1972
En 1973, la crise pétrolière et les prémices d'une conscience écologique poussent à la redéfinition du rôle des pastiques.
Depuis les années 1980, on assiste à une redéfinition du design autour de la technologie numérique qui conditionne ses procédés de conception et de production.
Aujourd'hui la question écologique et la dénonciation de la culture du jetable favorisent l'utilisation de plastiques recyclés et recyclables.
Au cours des années 1960, les passerelles entre le design et la science fiction prennent un ampleur inédite. Il s'agit de vivre chez soi comme si on voyageait dans l'espace interstellaire. La perspective de marcher sur la lune influence le quotidien. Ainsi en pleine guerre froide, confortablement installé dans son salon, chacun peut imaginer prendre part à la conquête spatiale qui oppose les deux blocs ennemis.
Visiona est le nom d'un projet expérimental d'aménagement intérieur présenté entre 1968 et 1971 dans le cadre du salon du meuble de Cologne.
Sponsorisé par l'entreprise chimique Bayer, le projet se tient sur un bateau.
Pour chaque édition, un designer célèbre est invité à transformer cet environnement en mettant en avant les ambitions esthétiques et spatiales de l'époque pour l'aménagement intérieur.
Verner Panton (1926-1998) conçoit Visiona O en 1968 et Visiona II en 1970. Il crée des espaces utopiques de couleurs vives.
Il y expose sa Panton chair (1968)
En 1969, pout Visiona I, Joe Colombo (1930-1971) expose des structures plus modulaires et multifonctionnelles.
En 1971, Olivier Morgue (1939) sollicité pour Visiona III la dernière édition, y déploie une approche inspirée de la nature.
Maurice-Claude Vidili (1937)_Sphère d'isolement S2_Unité d'habitation_1971
Maurice Calka (1921-1999)_Boomerang_Bureau et assise_1970
Le fauteuil à bascule Dondolo est le fruit des recherches de Cesare Leonardi et franca Stagi sur la performance de matière plastique. Il est construit en une seule pièce, les bords latéraux permettent de supporter une résistance importante au poids.
Dondolo est l'une des pièces phares de l'exposition Italy, the Domestic Landscape (MoMa, USA, 1972) qui a célébré le design italien.
Cesare Leonardi (1935-2021) et franca Stagi (1937_2008)_Fauteuil Dondolo
A la fin des années 1960, des créations ironiques et provocatrices de groupes de jeunes architectes, designers et artistes, font écho aux mouvements politiques et sociaux.
Face aux conceptions désuètes du Mouvement Moderne, de jeunes architectes et designers privilégient le matériau gonflable, mobile et léger.
A Florence, épicentre du mouvement contestataire de l'architecture radicale,
Lapo Binazzi et le groupe UFO bloquent la circulation avec de larges structures gonflables recouvertes de slogans et devinettes.
En France, le groupe Utopie donne forme à la révolte étudiante de mai 1968 en imaginant un univers entièrement gonflable.
Le gonflable incarne les aspirations d'une génération prête à lutter pour une société égalitaire et fraternelle.
Ce mobilier connaît le succès d'un autre mode de vie, auprès des jeunes.
En 1968, l'exposition "les assises du siège contemporain" est organisé par le groupe AJS Aérolande au Musée des Arts Décoratifs de Paris.
Le collectif s'intéresse particulièrement à l'architecture gonflable et à la conception de meubles réalisés en PVC.
Parmi les exposants figure Nguyen Manh Khanh, dit Quasar, un ingénieur né à Hanoï.
Le PVC, matière transparente fétiche du Pop permet à Quasar de libérer l'intérieur.
Avec la collection Aérospace, inspiré de la science fiction, il conçoit un environnement totalement gonflable qui comprend des parois des sièges, des tables et des luminaires.
L'ensemble est réalisé à partir de film de PVC souples, colorés ou transparents, soudés à la main.
En raison du coût de fabrication et de la fragilité du matériau, Quasar se rend compte que le mobilier gonflable a un avenir fragile.
Satellite Junior_Quasar Khanh (1934-2016)_1968
Le développement des techniques et des technologies de production stimule la recherche des nouvelles formes.
Buffet_1965_Raymond Loewy (1893-1986)
Joe Colombo (1930-1971)_Fauteuil modèle 4801
Sergio Brazzoli et Ermanno _Lampe_1973
Coquille_Anne Tribel_1968_Table banquette
Jean Luc Favriau, Dominique Prevot_Banc_1970
Depuis les années 1920, la conception d'une chaise en une seule pièce est un terrain d'expérimentation par les créateurs.
L'arrivée des plastiques après la 2e Guerre Mondiale et le progrès des techniques de moulage permet d'obtenir la forme souhaitée en une seule étape.
Les premiers modèles produits en série comprennent la chaise Bofinger (1964-1968) de l'architecte allemand Helmut Bätzner et la chaise Panton (1958-1968) du designer danois Verner Panton.
La forme en S et le perfectionnement des propriétés mécaniques du plastique permettent la disparition des pieds postérieurs, donnant l'impression de s'assoir dans le vide .
Marc Berthier (1955)_Modèle 600_chaise
La chaise Floris de 1968, traduit les recherches techniques et ergonomiques de Günter Beltziz.
Le 28 mai 1972, l'exposition "Italy : The New Domestic Landscape, Achievements and Problems of italian Design" est inaugurée au Muséum of Modern Art de new York 'MoMa').
Critiquée comme le chant du cygne italien, elle est depuis considérée comme une des manifestations majeures de l'histoire du design.
L'exposition engage une réflexion sur le rôle sociétal et contestataire du design.
Gufram présente le fauteuil Pratone. qui est conçu comme une réinterprétation ironique des règles traditionnelles de fabrication de meubles, Pratone joue avec les dimensions, les matériaux et l'acte de s'asseoir.
Bon exemple du design radical italien des années 1970, la forme de cette chaise invite l'utilisateur à imaginer des possibilités nouvelles et inhabituelles de s'asseoir.
Gufram est un fabricant italien de meubles basé à Barolo (région du Piémont).
Fondée en 1966 par les frères Gugliermetto, Gufram, acronyme de "Gugliermetto Fratelli Arredamenti Moderni", prend la forme d'un laboratoire créatif.
Ils associent leurs connaissances de l’artisanat local avec les architectes et artistes émergents de l’époque.
Leurs objets d'art sculptures bouleversent l’esthétique des meubles des années 1960.
Giorgio Ceretti (1932), Pietro Derossi (1933), Riccardo Rosso_Pratone_Assise_1986
Fauteuil "Pratone" de Ceretti / Derossi / Rosso pour GUFRAM.
Cette visite nous a permis une meilleure connaissance et compréhension de cet art. et de voir des pièces surprenantes .
L'exposition est articulée autour de figures majeures du design, des mouvements et avant-gardes qui l’ont dessinée, des réalisations qui l’ont marquée et des lieux qui l’ont promue.
Elle montre bien aussi l'évolution de ce mouvement dans le temps .
Les designers s'éloignent de la production en série et montrent une production plutôt artisanale.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze
je ne savais pas que le désign en général et le plastique en particulier avaient tenu une telle place dans notre quotidien....
RépondreSupprimer