jeudi 20 mars 2025

Revoir Cimabue aux origines de la peinture italienne

Du 22 janvier au 12 mai 2025, le Musée du Louvre présente une exposition intitulée «Revoir Cimabue : aux origines de la peinture italienne».

Cette exposition met en lumière le travail de Cenni di Pepo, plus connu sous le nom de Cimabue, un peintre florentin du XIIIᵉ siècle considéré comme l'un des pionniers de la pré-Renaissance italienne.

Nous visitons cette exposition le 2 mars 2025.

Actif à la fin du 13e siècle, Cenni di Pepo, de son surnom Cimabue (vers 1240-1302) est longtemps resté un artiste mystérieux. 

On ignore presque tout de sa vie, de son oeuvre et même de la signification de son nom Cimabue.

Grâce aux recherches des historiens et restaurations des oeuvres,  son parcours se reconstitue peu à peu et le caractère novateur de sa peinture se dévoile.

Une dizaine de peintures lui sont aujourd'hui attribuées ainsi que des fresques à Assises et des mosaïques à Florence et à Pise.

Il est considéré comme l'un des derniers grands artistes de la tradition byzantine, l'un des précurseurs de la Renaissance italienne et comme l'un des grands peintres de l'art occidental.

Le musée du Louvre conserve deux de ses oeuvres, une grande Vierge en majesté, dite la Maestà et la Dérision du christ récemment acquise. L'exposition s'organise autour de ces deux peintures dont la restauration vient de s'achever. 

L'exposition propose de se plonger dans l'Italie du XIIIe siècle marquée par des changements philosophiques, spirituels, scientifiques et artistiques.

Au milieu du 13e siècle, l'art des icônes et des manuscrits provenant de Byzance et des royaumes conquis par les croisés en Terre Sainte jouit d'un immense prestige en Italie.

Les icônes sont perçues comme les premières représentations des saints.
Les peintres italiens les reproduisent en réinterprétant des formes souvent stylisées.

A leur différence, Cimabue va être l'un des premiers peintres à chercher à représenter le monde tel qu'il le voit. Il privilégie de nouvelles formes d'expressions et se montre plus sensible aux manuscrits naturalistes grecs qui circulent en Italie. 
Il  introduit une plus grande expressivité et un certain naturalisme dans la peinture, il rompt avec la rigidité du style byzantin et va influencer des artistes comme Giotto, qui est souvent considéré comme son élève.

Il va utiliser la perspective et introduire un modelé plus doux des visages et des drapés.

Actif à la fin du XIIIe siècle, Cimabue est longtemps resté un peintre mystérieux. Il fascine poètes, artistes, collectionneurs et historiens depuis sept siècles. C'est le poète Dante, au début du XIVe siècle, qui va être le premier à citer Cimabue.

L'exposition présente une quarantaine d'œuvres qui vont témoigner de l’évolution stylistique en Italie au 13e siècle qui voit le passage de l’esthétique byzantine à une peinture italienne plus moderne.

Nous allons découvrir le cheminement du style byzantin vers une peinture aux dimensions plus humaines et réalistes des visages sous l’influence de Cimabue.

L'exposition offre une perspective sur la révolution artistique opérée par Cimabue et son influence sur ses contemporains et successeurs, tels que Giotto et met en évidence la transition vers une représentation plus naturaliste et expressive, marquant une étape cruciale dans l'histoire de l'art occidental.

Cette oeuvre du milieu du 12e siècle est l'une des plus anciennes représentations de la Vierge et l'enfant à mi-corps, peinte en Occident sur le modèle des icônes orientales, s'inspirant probablement d'une icône provenant du Levant. Sur son cadre, un décor en relief  a pastiglia imite les riches parures d'orfèvrerie des icônes.
Peintre anonyme_Ecole de Lucques, milieu du 12e siècle_La Vierge et l'enfant_Tempera et or sur bois et pastiglia sur cadre_Pise, Museo nazionale di San Matteo

Cette croix de la 1er moitié du 13e siècle est l'oeuvre de Giunta Pisano, le plus important peintre italien de la génération précédant celle de Cimabue. 
Originaire de Pise, Giunta Pisano est sollicité par les plus grands commanditaires de son temps.
8igné di Capitino, dit Giunta Pisano_Croix peinte, dite de San Ranierino_Pise, vers 1240-1250_Tempera et or et huile sur bois_Pise, Museo nazionale di San Matteo

L'origine de cette icône interroge depuis plus d'un siècle. A-t-elle été réalisée à Constantinople ou en Toscane par un peintre grec ? ou encore par un peintre italien imitant la manière grecque ?
Peintre anonyme oriental ou italien_La Vierge et l'Enfant, dite Madone Kahn_Vers 1272-1282_Tempera et or sur bois_National Gallery of Art, Washington, DC

Cette icône, comme la précédente, est peut-être une commande de l'empereur byzantin, Michel VIII Paléologue. Le traitement complexe du trône, le rendu du volume des personnages et l'usage de la chrysographie (les lignes d'or sur les vêtements) s'apparente à la peinture toscane de la même époque, signe de la réciprocité des échanges, Orient, Occident.
Peintre oriental ?_La Vierge et l'Enfant en majesté, dite Madonne Mellon_Vers 1272-1282_Tempera et or sur bois_National Gallery of Art, Washington, DC

Le premier tableau attribué à Cimabue est entré au Louvre en 1802, or il s'agit en réalité d'une oeuvre peintre 200 ans après sa mort.
Cette attribution illustre la méconnaissance que l'on avait des oeuvres de Cimabue et plus largement de la peinture italienne antérieure à 1500. 

L'oeuvre peinte deux siècles après la mort de Cimabue, lui reste attribuée jusqu'aux années 1840 et a été un temps présentée à côté de la Maestà.
La Vierge et l'enfant_vers 1500_tempera sur bois

Le mythe Cimabue a perduré longtemps. Provenant d'une maison de Florence qui passait pour celle du maître, cette fresque supposée de sa main est détachée au 19e siècle à la demande du marquis de Campana, grand collectionneur italien. 
Elle entre au Louvre en 1863. 
Tommaso del Mazza (documenté de 1377 à 1382)_Saint Christophe et l'enfant Jésus_Florence, fin 14e siècle, fresque

Ce panneau double face est le premier tableau supposé de Cimabue acquis par un collectionneur, Pierre de Médicis (1472-1503) à la fin du 15e siècle. On cherche alors à lui associer une peinture ancienne, en réalité elle a été peinte par un autre artiste.
Lippo di Benivieni (Florence, documenté entre 1296 et 1327)_La lamentation sur le corps du christ (face); Au revers: les adieux du Christ à la Vierge et à st Jean_Tempera et or sur bois 

Au fil de l'exposition nous voyons l'évolution de la peinture byzantine jusqu'à la peinture  de Cimabue et Giotto

La sainte est entourée de scènes racontant sa vie et ses miracles. Ce type de représentation est proche des icônes hagiographiques (représentant des saints et des épisodes de leur vie) produites en orient à la même époque, bien qu'on ne sache pas si la formule a été inventée en Italie, à Chypre ou à Byzance. Sainte Catherine est figurée selon les conventions héritées de l'art byzantin : son visage sévère et les plis de son vêtement dessinent des formes géométriques.
Peintre anonyme, dit maître de Calci (actif à Pise entre 1225 et 1260 environ)_Dossale (tableau d'autel) : Sainte Catherine d'Alexandrie_Pise vers 1240-1250_Tempera et or sur bois, incrustation de pâte de verre_Musée National San Matteo, Pise

Quand Cimabue entame sa formation, le maître de San Francesco est l'un des peintres les plus importants d'Italie. Il conçoit le premier décor de la basilique Saint françois à Assise dans les années 1260. Il se spécialise également dans la production de croix peintes. Le sacrifice du christ est empreint de compassion. Le corps est figuré avec les mêmes conventions que celles adoptées par Giunta Pisano : son abdomen se divise en quatre parties, et sa poitrine est soulignée par des lignes courbes
Maître de San Francesco (actif en Ombrie dans le milieu du 13e siècle)_Croix peinte_Ombrie, vers 1260_Tempera et or et huile (?)sur panneau de peuplier_Musée du Louvre, Département des peintures

Cette petite Maestà ou Vierge en majesté, a été peinte par un artiste actif à Florence au milieu du 13e siècle, au moment où Cimabue, commence sa formation. Elle témoigne du souhait des artistes à cette période de rivaliser avec les icônes dont ils reprennent l'iconographie et adoptent certaines représentations, comme la géométrisation des visages.

Peintre anonyme, dit Maître du Bigallo (actif à Florence au milieu du 13e siècle)_Vers 1240-12508La vierge et L'Enfant entourés de deux anges_Tempera et or sur bois_Nantes, musée d'art de Nantes

Sur la face de l'icône, la probable commanditaire de l'oeuvre, une femme de haut rang au vu de la préciosité de cette oeuvre, est figurée agenouillée aux pieds de st Georges. On peut supposer qu'elle avait une dévotion particulière pour les deux saintes figurées ici sur le revers de l'icône.

Peintre byzantin_Sainte Marina et sainte Irène_2e moitié du 13e sècle_tempera et or sur bois_Athènes_Musée byzantin et Chrétien

Cette oeuvre provient probablement du tombeau de saint Dominique à Bologne. Elle figure un archange paré d'un riche costume. L'attention portée au rendu des cheveux, au modelé du visage et des mains du personnage témoignent de la même recherche de naturalisme que celle déployée par Cimabue, lui aussi fasciné par le rendu des riches costumes de ses anges dans la Maestà.

Atelier de Nicola Pisano (vers 2002--avant 1284)_Ange support du tombeau de saint Dominique, église San Domenico, Bologne_Pise vers 1264-1265_Marbre_Musée du Louvre, département des sculptures

Les manuscrits byzantins quant à eux présentent une esthétique plus libre avec des jeux d'ombre et de lumière pour faire revivre l'illusion du réel.

Ce manuscrit bilingue, grec et latin a été conçu à Byzance pour un dignitaire occidental, peut-être à la demande de l'empereur Michel VIII Paléologue. L'évangéliste est figuré dans une posture animée et un grand soin du rendu du mobilier et des accessoires.
Ce type de création marque sans doute Cimabue, qui use du même sens de l'animation des personnages dans les médaillons du cadre de la Maestà.

Peintre anomyme_Evangile bilingue : Saint Marc écrivant_Constantinople vers 1260-1280_Parchemin peint_BnF_Département des manuscrits grecs

Au XIIIe siècle, l’Italie n’était pas un pays unifié, mais un ensemble de Cités-États, principautés et territoires sous influence papale ou impériale.

Le monde italien du 13e siècle était  tourné vers la méditerranée et  était marqué par une intense activité commerciale, des rivalités politiques et une grande effervescence culturelle.

 Les villes de Toscane et notamment Pise font fortune grâce au commerce maritime et sont le point d’entrée de nombreux objets en provenance de Byzance et du monde islamique.

Les marchands italiens dominaient le commerce des épices, de la soie et des esclaves entre l’Orient et l’Occident, avec des comptoirs en Méditerranée et jusqu’en Asie centrale (grâce aux voyages de Marco Polo).

A ces contacts commerciaux se rajoutent les échanges scientifiques et intellectuels. 

Avec sa Maestà, Cimabue ouvre la voie à de nouveaux modes de représentations. 

Les années 1280 constituent une décennie d’effervescence dans le domaine de la peinture.

Duccio di Buoninsegna est frappé par les nouveauté de l’art de Cimabue. 

Duccio di Buoninsegna (vers 1255-1260 – vers 1318-1319) était un peintre italien de Sienne, considéré comme le fondateur de l'école siennoise de peinture, qui se distingue de l'école florentine par une approche plus lyrique et décorative.

Il a combiné les influences de l'art byzantin (icônes dorées, figures allongées, hiératisme) avec une recherche plus grande de naturalité et d’émotion dans les figures, il a introduit un traitement plus subtil de l’espace et des volumes en préparant ainsi l’évolution vers la perspective développée plus tard à la Renaissance.

Son art se caractérise par une grande délicatesse des lignes, une utilisation raffinée des couleurs et un sens narratif fort dans ses compositions religieuses.

 Chez les deux artistes les peintures s’animent. Ils ne cherchent plus à reproduire le modèle ancien mais rivalisent pour donner l’illusion de vie dans la peinture.

L'oeuvre est très proche par sa composition de la Madone de Crevole de Duccio (ci- dessous). L'enfant porte une chemise transparente révélant un corps soigneusement modelé, signe de l'impact fort des nouveautés de Cimabue sur ses contemporains. L'oeuvre a longtemps été attribuée à Cimabue, mais a probablement été peinte par un disciple de Duccio.

Atelier de Duccio di Buoninsegna, dit Duccio (Sienne vers1260-vers1318-1319)_La Vierge et l'Enfant dite Madone de Castelfiorentino_Vers1285_Tempera et or sur bois_Castelfiorentino, Museo di Santa Verdiana

Cette oeuvre de petit format est en réalité un fragment d'un ensemble plus conséquent. Elle était complétée par des volets latéraux.
Peintre anonyme de l'entourage de Duccio_La Vierge et l'enfant; à droite à demi effacée, la stigmatisation de Saint François_Vers 1285-1290_Tempera et or sur bois_Musée du Louvre, Département des Peintures

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La composition de cette oeuvre est identique à la précédente. L'auteur emploie les mêmes motifs et les mêmes techniques pour décorer le fond doré et les nimbes des personnages.
Peintre anonyme de l'entourage de Duccio_Vierge et l'enfant_Vers 1285_Tempera et or sur bois_Galerie Santi

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Ce petit panneau est l'une des oeuvres les plus inventives de la fin du 13e siècle et témoigne de l'extraordinaire émulation de cette période. Dans cette représentation miniature Duccio réinterprète la formule du trône en bois vu de biais de la Maestà de Cimabue, mais donne un caractère plus animé aux personnages : l'enfant recule la jambe et bénit les trois franciscains agenouillés aux pies de la Vierge.
Duccio di Buoninsegna, dit Duccio (Sienne vers1260-vers1318-1319)_La Vierge Marie et l'Enfant Jésus dite Madone des Franciscains_Vers1285-1288_Tempera et or sur bois_Sienna, Pinacoteca Nazionale

Ce chef-d'œuvre de jeunesse de Duccio réinterprète les Vierges présentant l'Enfant de type oriental. Le peintre adoucit les visages et met l'accent sur le geste tendre de l'enfant qui approche sa main du visage de sa mère comme pour la consoler. Deux anges assistent à la scène, accoudés à leur nuage, selon une formule inédite qui témoigne de l'incessante recherche de nouveauté des peintres à la fin du 13e siècle.
Duccio di Buoninsegna, dit Duccio (Sienne vers1260-vers1318-1319)_La Vierge et l'Enfant Jésus dite Madone de Crevole_Vers1280-1285_Tempera sur bois_Sienne, Museo dell' Opera del Duomo

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Manfredino d'Alberto, aussi connu sous le nom de Manfredino di Pistoia est principalement associé au style gothique italien et a travaillé dans la région de Pistoia et de Toscane.

Il est influencé par Cimabue. Son style se distingue par une certaine rigidité des figures, typique de la transition entre l’art byzantin et le gothique. Il utilisait des couleurs vives et des compositions équilibrées, avec une attention particulière aux détails narratifs et expressifs. Il n’existe pas beaucoup d’œuvres clairement attribuées à Manfredino di Pistoia, mais on sait qu’il a travaillé sur des fresques et des panneaux religieux. Certaines peintures qui lui sont attribuées se trouvent dans des églises de Toscane, notamment à Pistoia et ses environs.

Il réinterprète ici la Madone Gualino avec son trône en bois, son repose-pieds bleuté et son enfant animé placé à droite, une position inhabituelle. 

Manfredino d'Alberto, dit Manfredino di Pistoia_La Vierge et l'Enfant, dite Maestà di Mosciano_Florence, vers 12+0-1295_Tempera sur bois_Mosciano, église Sant'Andrea

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Le Maître de la Madeleine est un peintre anonyme actif à Florence à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle. Son nom de convention lui vient d'une Madone en majesté (ou d'une représentation de Marie-Madeleine) qui lui a été attribuée par les historiens de l'art.

Il appartient à la tradition gothique italienne et est influencé par Cimabue et les premiers travaux de Giotto. Son style mêle encore des éléments byzantins, notamment dans l'utilisation de fonds dorés et de compositions hiératiques, tout en intégrant un modèle plus naturaliste, caractéristique de l’évolution vers le Trecento.

Il est connu pour ses figures expressives, avec des visages allongés et une attention particulière aux détails vestimentaires et aux drapés.

Son œuvre est parfois confondue avec celle d’autres maîtres anonymes de l’époque.

Il reste un personnage clé pour comprendre la transition entre l’art byzantin et le gothique florentin.

Ce devant d'autel a été peint dans les mêmes années que la grande Maestà de Cimabue.

Peintre anonyme, dit Maître de la Madeleine_Dossale (devant d'autel)_La Vierge et l'Enfant entre Saint André et Saint Jacques_Florence, vers 1280-1285_Tempera et or sur bois_Musée des Arts décoratifs

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Ugolino di Tedice et le Maître de San Martino, est-ce le même artiste ? L’identification entre Ugolino di Tedice et le Maître de San Martino n’est pas certaine, mais certains historiens de l’art pensent qu’il pourrait s’agir du même peintre ou de deux artistes stylistiquement proches.

Les deux artistes montrent une influence de Giunta Pisano, peintre pisan de l’époque.

Ils sont sous influence byzantine avec des figures hiératiques et l’utilisation de fonds dorés, cependant leur palette colorée et leurs jeux de lumière annoncent la transition vers le gothique italien.

Ce grand panneau présente de grandes analogies avec la Maestà de Cimabue.

Maître de San Martino_Ugolino di Tedice ? (actif à Pise dans la 2e moitié du 13e siècle)_La Vierge Marie et l'Enfant Jésus, avec des scènes de Vue d'Anne et Joachim et un épisode de la légende de Saint Martin_Vers 1280-1290_Tempera et or sur bois_Pise, Musée National de San Matteo

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Giotto di Bondone (vers 1267-1337) est l'un des peintres les plus influents du Trecento italien et une figure clé de la transition entre l’art médiéval et la Renaissance. Il est souvent considéré comme le premier artiste à rompre avec le style byzantin pour introduire un réalisme et une expressivité révolutionnaires dans la peinture occidentale.

Il développe un  sens du volume et de la perspective : ses figures ne sont plus plates, mais ont du relief, ses personnages ne sont plus figés mais interagissent de manière naturelle.
Ill met en scène des histoires bibliques avec un grand réalisme et utilise la lumière et les ombres : pour renforcer la profondeur et le modelé des formes.

Ces innovations feront de lui un précurseur de la Renaissance et influenceront des artistes comme Masaccio, Michel-Ange et Léonard de Vinci.

Ce grand tableau où figurent des épisodes de la vie du saint a été commandé par les Cinquini, famille pisane pour prendre place à côté de la Maestà de Cimabue.
S'il prend la forme de la Maestà et les pseudos inscriptions orientales pour le décor du cadre, il renouvelle la représentation des corps, plus en volume, mis en scène dans un décor illusionniste. Peint moins d'un vingtaine d'années après la Maestà, l'oeuvre témoigne de la rapidité avec laquelle les artistes inventent et font évoluer de nouveaux modes de représentation à la fin du 13e siècle
Giotto di Bondone(vers 1267-1337)_Saint François d'Assises recevant les stigmates_Dans la partie inférieure : le songe du  pape Innocent III; Innocent III approuvant les statuts de l'ordre; La prédiction de Saint françois aux oiseaux_Peint sur bois de peuplier vers 1298_Musée du Louvre, Département des Peintures

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La Maestà est peinte par Cimabue vers 1280 pour prendre place sur le jubé, clôture séparant la nef du choeur, de la plus grande église de Toscane de l'époque, l'église des Franciscains de Pise, San Francesco. 

Elle est prélevée à Pise en 1812 par Dominique Vivant Denon, premier directeur du Louvre, afin d'enrichir les collections du musée.

Après la chute de Napoléon Ier, les commissaires italiens ne réclament pas son retour, en raison du peu d'intérêt qu'on avait alors pour les peintures de cette période et le coût qu'aurait représenté son retour.

Si ce tableau reprend certains modes de représentations utilisées dans les icônes, tel la Vierge portant l'enfant et bénissant ou la manière de peindre les auréoles des anges, il renouvelle la représentation des personnages. Les corps sont représentés dans leur humanité, il rend la transparence des vêtements comme la tunique qui couvre la jambe de l'enfant.

Il pare le trône d’un tissu oriental décoré d’aigles et d’inscriptions imitant l’écriture arabe. Il s’inspire certainement d’objets réels qui circulent alors en Italie et comptent parmi les biens les plus précieux de cette époque.

La dernière restauration importante datait du 19e siècle. Après une campagne d'imagerie scientifique menée par le Centre de recherches et de restauration des musées de France (C2RMF) et une étude préalable confiée à l'atelier Séraphin (2020), la restauration de la Maestà a été menée pendant près de trois ans (2022-2024) par une équipe de restaurateurs.

La radiographie de l'oeuvre a montré que deux éléments métalliques recourbés sont encore en place derrière le visage de la Vierge.

Il s'agit d' l'extrémité d'un anneau en fer forgé auquel étaient attachées les longues chaînes servant à maintenir l'oeuvre sur le jubé de l'église..

De nombreuses investigations ont permis d'identifier la grande richesse et variété des pigments utilisés.

Le retrait des repeints et des nombreuses couches de vernis a permis de découvrir des éléments jusqu'alors inconnus, comme la bordure de pseudo-inscriptions arabes du cadre. La perception des couleurs était altérée par les nombreuses couches de vernis oxydées qui les recouvraient. La redécouverte de ces coloris clairs et lumineux insoupçonnés chez Cimabue permet de porter un nouveau regard sur l'histoire de la peinture de cette époque.

Cenni di Pepo, dit Cimabue (connu à Rome, Pise, Assise et Florence de 1272 à 1302)_La Vierge Marie et l'enfant Jésus en majesté entourés de six anges, dite la Maestà_Pise vers 1280_Peinture sur bois (peuplier)

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Cette peinture longtemps attribuée à Duccio, est désormais considérée de la main de Cimabue. Peinte peu après la Maestà du Louvre elle témoigne de l'évolution rapide de sa manière. L'enfant est animé et s'élance vers les bras de sa mère.

Cenni di Pepo, dit Cimabue (connu à Rome, Pise, Assise et Florence de 1272 à 1302)_La Vierge et l'enfant, dite Madone Gualino_Vers 1285_Tempera et or sur bois_Turin, Galleria Sabauda, collection Gualino.

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Ces deux petites peintures sur parchemin ont été appliquées à une date ancienne sur les volets extérieurs d'un petit triptyque composite, dont l partie centrale réunit peintures, fragments de miniatures et verres décorés de dorures. 

Cenni di Pepo, dit Cimabue (connu à Rome, Pise, Assise et Florence de 1272 à 1302)_Tabernacle (destiné à contenir des hosties : Saints Abbondio et Crisanto)_Vers 1290-1300_Bois tempera sur parchemin_Museo Civico Palazzo des Consoli, Gubbio


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Vue du tabernacle ouvert

L'intérieur du tabernacle

Parmi les œuvres phares de cette exposition figure « La Dérision du Christ ».

L’œuvre était longtemps restée méconnue, jusqu'à sa redécouverte en 2019 dans une maison près de Compiègne. Elle était accrochée dans la cuisine d’une dame âgée qui ignorait sa valeur.  

Ce tableau, classé trésor national en 2019, a été acquis par le musée du Louvre en 2023 lors d’une vente aux enchères.
Elle a été adjugée à plus de 24 millions d’euros, un record pour un tableau médiéval !

Ce tableau appartient à un ensemble plus vaste de huit panneaux réalisés par le peintre dans la seconde moitié du 13e siècle,

Trois seulement nous sont parvenus. La Flagellation du Christ (National Gallery, Londres) et .La Vierge à l’Enfant trônant avec deux anges (Frick Collection, New York).

 "La dérision du Christ", œuvre exceptionnellement rare de Cimabue est présentée pour la toute première fois au public après sa restauration.

Cimabue y développe toute sa maestria, et révolutionne le traitement de son sujet, au plus près des sentiments humains.

De Cimabue, trois panneaux provenant d'un diptyque, vers 1285-1290, peint sur bois (peuplier).

 Dans "la dérision du Christ", Cimabue met l'accent sur la violence de la scène en peignant une multitude d'assaillants aux visages tous différents.

La dérision du Christ_Musée du Louvre, Département des peintures 

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Cimabue insiste ici dans la flagellation, sur la souffrance du Christ pour susciter l'empathie. Son corps est soigneusement modelé afin de souligner son humanité. Son voile blanc révèle sa nudité, symbole de pauvreté et d'humanité", deux éléments importants de la dévotion des Clarisses, branche féminine des franciscains et commanditaires du diptyque. 
La flagellation_New York, The Frick Collection

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Dans cette petite Maestà, Cimabue réinterprète la composition qu'il avait peinte quelques années auparavant pour les franciscains de Pise . On y retrouve le même intérêt pour la suggestion d'un espace tridimensionnel. Le trône est vu de biais et l'ange de droite passe subtilement sa tête devant l'angle supérieur du dossier comme s'il se trouvait réellement en avant de celui-ci.

La Maestà_vers 1285-1290_peint sur bois_Londres, The National Gallery

Cette exposition offre une occasion exceptionnelle de voir l'évolution de la peinture au 13e siècle, d'admirer les œuvres de Cimabue et de voir son rôle de précurseur de la Renaissance italienne. 

Il a marqué la transition significative entre l'art byzantin et la Renaissance italienne, influençant des artistes tels que Giotto et Duccio avec une peinture plus naturaliste, en abandonnant progressivement la rigidité de l’iconographie byzantine.

Longtemps éclipsé par son élève Giotto, l'exposition souligne le talent novateur de Cimabue et son importance dans le développement de la perspective et du modelé.


Article de Paulette Gleyze

Photos de Anne, Gérard et Paulette Gleyze




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