vendredi 22 août 2025

La maison de Cocteau à Milly-la-Forêt dans l'Essonne et la chapelle des simples


Le 07 juin 2025, avec Bernadette et Jacques nous découvrons le jardin des "simples" et la chapelle Saint Blaise des "simples" ainsi que la maison de Jean Cocteau situés dans la commune de Milly-la-Forêt, petit bourg pittoresque du parc naturel régional du Gâtinais, à une soixantaine de kilomètres au sud de Paris, dans le département de l’Essonne.

Nous débutons notre visite par le jardin des "simples" et la Chapelle Saint Blaise des Simples, décorée par Cocteau en 1959.

La chapelle Saint Blaise des Simples a été construite au XIIᵉ siècle en dehors des remparts de Milly-la-Forêt.


Elle faisait partie d’une maladrerie c'est à dire un hospice pour lépreux, dédiée à Saint Blaise, médecin et évêque arménien, devenu le saint patron des guérisons de la gorge et des soignants.

Comme c’était l’usage, un jardin de "simples" était cultivé pour soigner les malades.

 Le terme "simples" désigne les plantes médicinales utilisées au Moyen Âge pour soigner les malades grâce à des remèdes naturels.

Après la disparition de la lèpre et la fermeture progressive des maladreries, la chapelle a perdu sa fonction. Elle a été laissée à l’abandon et est tombé en ruine au fil des siècles.

Elle a été classée Monument Historique en 1926, ce qui a permis sa préservation.

En 1959, le maire de Milly-la-Forêt demande à Jean Cocteau, de décorer la chapelle.
Ce dernier attaché à la symbolique des lieux, accepte et réalise des fresques murales à la chaux sur le thème des "simples".
 Ces motifs muraux rappelant la tradition de culture des Simples à Milly.

L’œuvre inclut aussi des fresques représentant la Résurrection du Christ, accompagnées de dessins symboliques, comme un chat ou un ange, signature visuelle de l'artiste.

Il a ainsi transformé la chapelle en un lieu à la fois spirituel, poétique et personnel.

Cocteau a exprimé le souhait d’y reposer. A sa mort, en 1963, il a d’abord été enterré à Poissy, mais en 1964, son cercueil a été transféré dans la chapelle.
Sa tombe se trouve à l’intérieur, marquée par une simple dalle portant cette inscription manuscrite "Je reste avec vous ".

Plus tard, son fils adoptif et héritier artistique Édouard Dermit (1930-1995) a été inhumé à ses côtés.

Nous n'avons pas pu visiter l'intérieur de la chapelle qui est en cours de restauration.
Travaux qui consiste à restaurer les peintures intérieures (dépoussiérage, consolidation, reprise en conservation et harmonisation pour les décors originaux.




Dans les années 1970, un jardin de simples a été recréé à l’extérieur, en écho aux fresques de Cocteau.

Le jardin a été recomposé dans l’esprit des jardins monastiques et hospitaliers médiévaux, rappelant que la chapelle appartenait à une ancienne maladrerie accueillant des lépreux.

Il est clos et organisé autour de plates-bandes où sont cultivés des plantes aux vertus médicinales traditionnelles.

On y trouve des espèces comme : menthe, valériane, sauge, millepertuis, belladone, digitale, jusquiame, pavot, absinthe, thym, mélisse…

Aujourd’hui, la chapelle et son jardin sont un lieu de mémoire, mêlant patrimoine médiéval, art moderne et hommage à Cocteau.

Fuyant l’agitation parisienne, Jean Cocteau s'installe en 1947 dans une grande maison du XVIIe siècle, au cœur d’un vaste jardin à Milly-la-Forêt dans l'Essonne.

 Il écrit : "C'est à Milly que j'ai découvert la chose la plus rare au monde : un cadre".

"C'est la maison qui m'attendait. J'en habite le refuge, loin des sonnettes du Palais Royal. Elle me donne l'exemple de l'absurde entêtement magnifique des végétaux. J'y retrouve les souvenirs de campagnes anciennes où je rêvais de Paris comme je rêvais plus tard, à Paris, de prendre la fuite. L'eau des douves et le soleil peignent sur les parois de ma chambre leurs faux marbres mobiles. Le printemps jubile partout" (La difficulté d'être, 1947)

Cette demeure, flanquée de tourelles était appelée la maison du Gouverneur. Elle correspond à une ancienne dépendance duc château devant laquelle les vassaux venaient rendre hommage et foi à leur Seigneur.

Il y a vécu avec Jean Marais jusqu'à leur séparation en 1952, puis avec l’acteur Édouard Dermit, son compagnon et héritier, jusqu'à sa mort en 1963.

Cocteau aimait y recevoir ses amis, Jean Marais, Picasso, Dufy, Satie, Colette, Coco Chanel ...

La période à Milly-la-Forêt est l’une des plus marquantes de sa vie, notamment sur le plan artistique et spirituel.

Jean Cocteau est né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte, près de Paris.

Il fréquente les milieux artistiques dès l’adolescence et se lie avec des poètes et artistes de Paris. Il est passionné de littérature, de peinture et de théâtre dès son jeune âge.

C'est un artiste à la fois poète, romancier, dramaturge, cinéaste, peintre et décorateur.

Ses thèmes récurrents sont le mythe, l'amour, la mort, le rêve, l'enfance, le fantastique.

 C'est une figure centrale des avant-gardes français du XXᵉ siècle. Il a profondément influencé le cinéma, le théâtre et la littérature modernes.

Il décède le 11 octobre 1963, à Milly-la-Forêt, le même jour que son amie Edith Piaf et repose à la chapelle Sainte Blaise des Simples, décorées par ses sons en 1959.

La façade sur rue et la toiture sont inscrites à l'Inventaire des Monuments Historiques depuis 1969.

Sa maison a conservé son mobilier, ses objets, ses dessins et ses fresques. On peut y visiter son bureau, sa chambre, son atelier, ainsi que des expositions temporaires.

Elle est aujourd’hui transformée en musée, mais elle a conservé son atmosphère intime.

La visite débute par l'atelier installé dans une grande pièce lumineuse au rez de chaussée.

On peut y voir une disposition dense d’objets, des dessins, des livres, des photos et des croquis accrochés ou posés qui reflète l’atmosphère créative et personnelle de l’univers de Cocteau.

Les murs portent encore des dessins et esquisses de Cocteau, car il avait l’habitude de gribouiller directement sur les surfaces qui l’entouraient.

On y retrouve ses outils de travail, chevalets, pinceaux, encres, objets personnels.

Cocteau y écrivait, dessinait, peignait et recevait ses amis artistes.




Il avait aussi installé une petite scène de théâtre miniature aménagée dans une pièce attenante, presque comme un décor intime.

 Il l’utilisait pour expérimenter ses mises en scène, tester des effets de lumière et imaginer ses œuvres théâtrales.

Le rez-de-chaussée abrite également le Grand Salon, espace richement décoré où Cocteau recevait ses invités.

C'est un véritable cabinet de curiosités où se mêlent élégance baroque, influences éclectiques et touches personnelles de l’artiste.

Le mobilier est d’inspiration baroque, avec des fauteuils en bois doré, des canapés aux tissus riches et des tapis orientaux aux motifs complexes.

De grandes fenêtres ouvrent la pièce sur le jardin.

Les murs sont habillés de papiers peints aux motifs léopard, une signature de Castaing, apportant une touche d’exubérance.

Madeleine Castaing (1894–1992) était une antiquaire, décoratrice et mécène française, renommée pour avoir révolutionné l’art de la décoration au XXᵉ siècle.

Le salon est orné d’une toile magistrale de Christian Bérard, ami de Cocteau, qui illustre l’amitié et les échanges artistiques entre les deux hommes.

Christian Bérard (1902–1949), surnommé affectueusement Bébé, était un peintre français, décorateur de théâtre et de cinéma, illustrateur et créateur de costumes.

Des sculptures, des objets chinés lors de voyages et des souvenirs personnels parsèment la pièce, témoignant de la richesse du parcours de l’artiste.

Parmi les pièces maîtresses, on trouve le soleil doré symbole de lumière, de chaleur et de créativité, des thèmes récurrents dans l'œuvre de Cocteau, offert par Coco Chanel, suspendu au-dessus de la cheminée.

Les mains moulées de Jean Cocteau et Jean Marais, symbolisant l’union artistique et personnelle entre Jean Cocteau et Jean Marais.

La chouette, souvent associée à la sagesse et à la nuit, est l'un des nombreux animaux qui peuplent la maison de Cocteau. Elle s'ajoute à une collection variée comprenant des sculptures de poules, de faons, un cheval de manège, ainsi que des objets insolites comme un encrier en forme de chien.


Le cheval de bois se distingue par sa présence ludique et son évocation du monde de l'enfance. Il s'inscrit dans un "bestiaire enchanté" où se côtoient sphinges, sirènes et autres créatures fantastiques.

La sculpture de la tête de bélier est à la fois décoratif et symbolique, n’est pas une simple sculpture animalière. Elle a été transformée en nécessaire à opium.

Le pied d’éléphant témoigne de l'intérêt de Cocteau pour les objets insolites et symboliques.


Au premier étage, le bureau rempli de photos et de souvenirs est le lieu où il écrivait et dessinait. 

Les murs sont tapissés de papier à motif léopard, une touche personnelle qui reflète son goût pour l’originalité.

Ce bureau témoigne de son processus créatif et de son amour pour les arts.



La chambre simple et élégante est un espace intime, décoré avec soin.

 Le mobilier, les objets personnels et les œuvres d’art qui y sont exposés offrent un aperçu de sa vie quotidienne et de ses inspirations.



Portrait en buste de Jean Cocteau par marie Laurencin_huile sur toile, 1921

La maison abrite une collection d’œuvres de Cocteau, notamment des dessins, des peintures, des affiches et des sculptures.

On trouve aussi des oeuvres de Picasso, Warhol, Modigliani et Man Ray qui témoignent de ses relations avec d’autres artistes.











Après la mort de Jean Cocteau en 1963, son ami et héritier Édouard Dermit a veillé à la conservation de la maison et de ses objets.

Elle a été ouverte au public en 2010, permettant aux visiteurs de découvrir l’univers de l’artiste dans son cadre originel.

La demeure est située dans un grand parc arboré, d’environ 2 hectares, clos de murs, ce qui lui donne une atmosphère intime et protégée.

Il est traversé par un paisible cours d’eau, correspondant aux anciennes douves du château de la Bonde, situé à proximité.

Ce ruisseau est un des bras de la rivière École.

Jean Cocteau en était particulièrement fasciné, il écrit, « l’eau des douves et le soleil peignent sur les parois de ma chambre leurs faux marbres mobiles ».

Ces petits canaux contribuent à créer une belle ambiance, avec des ponts pittoresques et de jolis reflets


Le jardin est agrémenté de massifs floraux, et de plates-bandes soignées.

On y trouve des pelouses ouvertes, des massifs fleuris et des coins plus ombragés où l'on peut prendre le frais, se reposer et méditer sur des bancs.

Des rosiers grimpants, des hortensias, des iris, des capucines, des pivoines et bien d’autres plantes vivaces colorent les allées.




Certaines zones ont un aspect plus sauvage, presque champêtre, contrastant avec les parties ordonnées.


En écho à l'exposition du FRAC (Fonds Régionaux d’Art Contemporain) sur "le Moyen-Âge réinventé", deux figures grandeur nature, Vierge d'Ile de France nord et Vierge d'Ile de France Sud de Michel Charpentier (1927-2023).

Elles ont pour toile de fond les murs du vieux château qui jouxtent le jardin, faisant le lien entre les Vierges à l'enfant des portails des cathédrales et l'origine médiévale du château.


Charpentier et Cocteau se connaissait. Ils avaient tous deux une vision sur l'humanité souffrante et étaient attirés par le sacré.

Le silence, le parfum des fleurs et la présence des grands arbres en font un refuge poétique qui reflète bien la personnalité de l’artiste.

Cocteau aimait s’y promener et y recevoir ses amis.

Il aimait dire que ce jardin était son lieu de méditation, un prolongement de sa création.

Aujourd’hui, le parc est ouvert aux visiteurs en même temps que la maison. 

Il est entretenu de manière à préserver l’atmosphère des années 1950-60, telle que Cocteau et ses proches l’ont connue.

On y ressent encore une grande sérénité, l’atmosphère est paisible, propice à la promenade et à la méditation.

Poète, dramaturge, cinéaste, dessinateur, Cocteau a traversé tous les arts avec la même force visionnaire.

C'est à Milly-la-Forêt qu'il a trouvé son refuge.

La demeure du Bailli, a été son atelier, son lieu d’amitiés, de rêves et de créations.

 La chapelle Saint-Blaise-des-Simples, qu’il a décoré, est devenue son ultime demeure, entourée par les plantes médicinales et ses fresques poétiques.


Texte de paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze

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