mardi 9 septembre 2025

Visite du château du Touvet et ses jardins

Le 25 août 2025, avec Nicole et Christian nous visitons le château et les jardins du château du Touvet.

L'origine du château du Touvet remonte au XIIIᵉ siècle. Il a été construit comme forteresse défensive à la frontière entre le Dauphiné et le duché de Savoie.  

Le Dauphiné est une principauté indépendante dès le XIᵉ siècle, dirigée par les dauphins de Viennois.

Le Duché de Savoie, quant à lui a été fondé au XIᵉ siècle autour de la Maison de Savoie. Le duché devient très puissant car il contrôle les Alpes, entre la France et l'Italie.

Ces deux territoires partagent une longue frontière accidentée et leurs positions stratégiques expliquent les nombreux conflits féodaux et militaires du Moyen Âge au XVIIᵉ siècle.

Aux XIIIᵉ et XIVᵉ siècles, Dauphiné et Savoie se disputent la vallée du Grésivaudan et les châteaux frontaliers dont Le Touvet, La Terrasse, Avalon, Montmélian.

Les dauphins fortifient leurs terres pour contenir les Savoyards, d’où la construction du château du Touvet au XIIIᵉ siècle comme poste avancé défensif.

L'année 1349 voit un tournant majeur. Le dernier dauphin Humbert II, ruiné et sans héritier, vend le Dauphiné au roi de France, le futur Charles V. Le Dauphiné devient alors une terre du royaume de France. Dès lors, les guerres opposent la France et la Savoie, mais le Dauphiné reste la zone frontalière stratégique.

Au XVIᵉ siècle, la Savoie, alliée des Habsbourg (Espagne et Autriche), affronte régulièrement la France.

Le Dauphiné étant une des portes d’invasion françaises vers l’Italie, François Ier envahit la Savoie et le Piémont en 1536, le Dauphiné servant de base arrière militaire.

Aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, le Dauphiné fortement marqué par les guerres de Religion, reste une zone militaire. La Savoie tente d’influer dans la région, mais les places fortes dauphinoises tiennent bon.

En 1528,  le château du Touvet est acquis par Guigues Guiffrey, compagnon du chevalier Bayard, puis transmis par descendance aux familles Monteynard et Marcieu, devenant ainsi une possession familiale continue depuis plus de cinq siècles.

A la fin du  XVIIᵉ et au XVIIIᵉ siècles avec les traités européens (notamment Utrecht en 1713), la frontière Dauphiné Savoie se stabilise. Les châteaux frontaliers perdent alors leur rôle défensif et se transforment en demeures de plaisance.

Sous Pierre de Marcieu, lieutenant général du Dauphiné, le château du Touvet est transformé en demeure de plaisance. Des travaux majeurs ont lieu entre 1753 et 1762, notamment la création dans le jardin, du fameux escalier d’eau à l’italienne par le maître d’œuvre Potin et le maçon Venture. Les plans précis sont encore conservés aujourd’hui.

Le château est aujourd’hui encore la résidence de la même lignée familiale, les Pourroy de Lauberivière de Quinsonas-Oudinot, descendants directs du maréchal Oudinot (1767-1847), né à Bar-le-Duc en Lorraine, dans une famille de brasseurs, soldat volontaire dès la Révolution française.
Il monte très vite en grade grâce à son courage et ses blessures répétées (il sera blessé 34 fois au combat).
C'est un fidèle de Napoléon Bonaparte qui l’apprécie pour sa bravoure et sa ténacité.

Napoléon le fait duc de Reggio en 1809, puis Maréchal d’Empire en 1809 (après Wagram),

Il est nommé Pair de France sous la Restauration et enfin Gouverneur des Invalides (1842–1847).

Son fils Charles-Nicolas-Victor Oudinot épouse en 1839 la comtesse de Quinsonas, issue de la lignée propriétaire du Château du Touvet. Par cette alliance, la famille Oudinot devient co-héritière du domaine.

Le château reste aux mains des descendants de Guigues Guiffrey, les Monteynard, les Marcieu et de nos jours les Quinsonas.
C'est le Marquis Oudinot–Quinsonas–Pourroy de Lauberivière qui en assure la gestion et la préservation.

Au temps de Pierre de Marcieu (1750–1760), le château est transformé en demeure de plaisance.

Construit vers 1250, il a une position stratégique en belvédère au-dessus de la vallée du Grésivaudan, permettant de surveiller les voies d’invasion savoyardes.

Il avait une enceinte quadrangulaire avec des tours rondes reliées entre elles par des courtines épaisses (murs d’enceinte) afin de fermer le périmètre de l’enceinte, de protéger contre les assauts et de permettre le tir.

Le chemin de ronde permettait aux soldats de se déplacer rapidement d’une tour à l’autre.

Au XVIIIᵉ siècle, elles n’ont plus de rôle militaire, elles ont été percées de fenêtres et intégrées à l’architecture résidentielle.

Certaines portions sont encore visibles aujourd’hui, intégrées dans la structure du château.

Le château a conservé une partie de ses douves c'est à dire des fossés creusés autour du château, remplis d’eau, destinés à empêcher l’accès direct aux murailles. Elles servaient de barrière défensive contre les assauts, les échelles ou les machines de siège. Elles étaient alimentées par les eaux du Bresson le torrent voisin. Aujourd’hui, elles sont en grande partie comblées ou asséchées.

Le pont-levis était le seul accès à la forteresse et permettant de franchir les douves. Il donnait accès à la porte fortifiée principale, aujourd’hui il est intégrée aux transformations du XVIIIᵉ siècle.

Le pont est remplacé par un passage fixe en pierre. Les douves sont devenues un élément de décor.



A l'entrée du domaine, à droite du pont levis se trouve la petite chapelle bien conservée, distincte de la chapelle qui se trouve à l'intérieur du château.
Elle sert surtout aujourd’hui de repère architectural, participe à l’ensemble harmonieux du domaine et ouvre la perspective vers le château et les jardins depuis l’entrée, accentuant l’effet de mise en scène XVIIIᵉ siècle.




Au XVIIIe siècle, elle avait une fonction symbolique, pour la bénédiction des visiteurs ou des membres de la famille avant l’entrée dans le domaine.
C'était un point de recueillement rapide pour les employés ou voyageurs.

Elle affichait le prestige religieux et social. Posséder une chapelle même petite à l’entrée d’un domaine était un signe de noblesse.

Elle complète la chapelle principale, qui restait réservée à la famille et aux cérémonies intérieures.

De l'ancien château médiéval, il ne subsiste aujourd'hui que les deux murs d'enceinte, les cinq tours et les douves. 

Son apparence actuelle est celle du Siècle des Lumières.

Au niveau des façades, les ouvertures sont élargies et régulières. De grands appuis de fenêtres à la française sont construits et les toitures harmonisées.

Nous entrons dans le château avec une guide. Nous avons accès à certaines pièces du rez de chaussée mais pas à celles de l'étage, occupées par la famille du marquis. Les photos sont interdites.

Le hall d’entrée situé juste après le passage de la porte principale est le point central d’accès aux différentes ailes du château.

Il est pourvu d'un grand escalier, élément central de l’architecture intérieure et du prestige du lieu, il relie le rez-de-chaussée aux étages nobles (chambres, salons privés, bibliothèque) et sert aussi de mise en scène pour impressionner les visiteurs dès l’entrée et pour montrer le rang et le goût de la famille Marcieu.

Le salon de réception principal, pièce immense utilisée pour recevoir les invités.
Il est décoré de boiseries sculptées, d'une cheminée en pierre, de parquets marquetés.

La salle à manger est une grande pièce pour les repas de famille et banquets, meublée avec tables et chaises d’époque. La salle à manger est tapissée de cuir doré (de Cordoue?).

La chambres à coucher du seigneur, Pierre de Marcieu a un décor riche, des boiseries et le mobilier d’époque.

L'intérieur richement meublés avec ses boiseries, ses tapisseries offre un véritable voyage dans le raffinement du XVIIIᵉ siècle, reflétant la noblesse dauphinoise.

On passe d’un château-fort austère à un palais aristocratique lumineux et luxueux, vitrine du rang social des Marcieu.

Le château a été classé Monument Historique en 1959.

Le domaine s’étend sur environ 5 à 7 hectares de jardins à la française, incluant parterres géométriques de buis, vergers, roseraie, terrasses, verger, prairie fleurie.

Désirant mettre en valeur le château en l'entourant d'un jardin exceptionnel, le comte de Marcieu imagine une vaste composition architecturale dominée par un spectaculaire escalier d'eau.












L'escalier d’eau à l’italienne, chef-d’œuvre hydraulique de 1759, qui relie les terrasses, est alimenté par les eaux vives d’un torrent, le Bresson, captée en amont.

Il est situé dans l’axe du château, au cœur des jardins en terrasses.

L'eau est est amenée par un système de canalisations et de bassins de régulation, sans pompe seulement avec la gravité.
Le débit est constant, ce qui permet au monument d’être toujours animé.
L'eau se distribue de haut en bas jusqu'aux douves par un écoulement à travers un réseau souterrain de conduites en pierre.

Il a été réalisé par le maître d’œuvre Potin et le maçon Venture, sur des plans précis conservés encore aujourd’hui au château.

Il est composé d’une cascade monumentale en gradins successifs (marches en pierre).

L’eau descend en formant des nappes et des filets, animant la pierre de mouvements et de reflets. Il est encadré de statues, vasques et fontaines.

Il relie la partie haute du château aux terrasses inférieures, offrant des perspectives spectaculaires sur la vallée du Grésivaudan et la chaîne de Belledonne.







À la fois décoratif et symbolique : l’eau représente la vie, la puissance et la richesse.

Il a été restauré entre 1997 et 1999 sur la base de ces plans et fonctionne encore aujourd’hui comme à l’origine.

C’est un exemple unique en France d’escalier d’eau en fonctionnement continu, il constitue un point fort du site.

Ces jardins sont reconnus par le label « Jardin remarquable », attestant de leur valeur esthétique et patrimoniale.

L'escalier d’eau est classé Monument Historique depuis 1964, et le jardin classé Remarquable depuis 2004.

Cet escalier d’eau est un chef-d’œuvre baroque italien adapté en Dauphiné, un mariage de technique par l'hydraulique, d’esthétique avec les cascades et la perspective et de mise en scène paysagère.

Le jardin et l'escalier d'eau sont les symboles du raffinement aristocratique du XVIIIᵉ siècle.

Aujourd'hui le jardin qui nécessite des soins constants est entretenu par un jardinier à plein temps : taille biannuelle des haies de charmilles, des buis, de plus de 100 ifs, repiquage de 5 000 plants de fleurs annuelles, désherbage manuel des allées et des parterres et nettoyage réguliers des bassins et des vasques... bravo à lui !

Le domaine, tel qu'il se présente aujourd'hui, a conservé l'essentiel de son apparence du XVIIIe siècle.

Il est un heureux mariage entre un château-fort médiéval (tours, fossés, pont-levis) encore visible dans ses structures, et une résidence aristocratique du XVIIIᵉ avec décors raffinés et jardins spectaculaires.

Le marquis Odon de Quinsonas a ouvert le château au public en 1985. Nous avions fait partie des premiers visiteurs et avions pu visiter les deux étages du château commenté par le marquis lui même.

Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze

jeudi 4 septembre 2025

De l'or au bout des doigts_exposition au Musée savoisien de Chambéry


Du 02 avril 2025 au 01 septembre 2025 s'est tenue l'exposition "De l'or au bout des doigts_Artistes et artisans dans les Etats de Savoie au Moyen Âge".

Le 22 août 2025 nous parcourons cette exposition accompagnés d'une guide.

Le Musée Savoisien ouvre officiellement ses portes au public le 18 novembre 1913, dans l’ancien évêché et archevêché jouxtant la cathédrale Saint-François-de-Sales, après la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905.

Il est l'héritier du Musée Départemental créé en 1864 par le marquis Pantaléon Costa de Beauregard, premier président du Conseil Général de Savoie.

Ancien couvent pour moines franciscains fondé au XIIIe siècle, il est devenu palais épiscopal au XVIIIe siècle.

Il est classé Musée de France et Monument Historique en 1911.

Transmis par la ville de Chambéry au département de la Savoie en 2012.

Il ferme en décembre 2014 pour une rénovation complète visant à moderniser la muséographie, améliorer l’accessibilité, et renforcer la conservation des collections.

Des fouilles archéologiques sont également menées dans ses sous-sols.

Il est inauguré le 27 avril 2023 et réouvre le 29 avril 2023, après près de huit ans de travaux sur plus de 2 000 m² d’espaces de visite et un nouveau parcours muséographique structuré autour de sept grandes thématiques, retraçant l’histoire de la Savoie du Paléolithique à aujourd’hui.

L'exposition "De l'or au bout des doigts_Artistes et artisans dans les Etats de Savoie au Moyen Âge" nous permet de découvrir des œuvres spectaculaires du Moyen Âge (XIIIe–XVIe siècles) provenant de Savoie mais aussi de Haute-Savoie, d’Italie et de Suisse. Elle est l'aboutissement d'un projet collectif transfrontalier mené par le réseau "Art Médiéval dans les Alpes". Ce réseau, dont les premiers jalons ont été posés aux débuts des années 2000 sous le nom de "Sculpture médiévale dans les Alpes", rassemble les institutions patrimoniales suisses, italiennes et françaises pour mener des recherches sur les oeuvres produites au Moyen Âge dans les anciens Etats de Savoie. 
L'exposition a vu le jour grâce au Musée Savoisien.

Elle rassemble des œuvres originales sélectionnées dans le cadre d’un projet transfrontalier avec le réseau Art médiéval dans les Alpes, des institutions comme le Palazzo Madama à Turin, le Musée château d’Annecy et le Musée d’histoire du Valais.

Elle est une synthèse des expositions organisées en 2020-2021 par plusieurs institutions italiennes, suisses et françaises participant au réseau Art Médiéval dans les Alpes.

Elle met en lumière les peintres, sculpteurs, orfèvres, maîtres verriers, forgerons, menuisiers etc... qui ont produit oeuvres et objets.

L'exposition présente des objets de la fin du Moyen Âge et du début du 16e siècle.

La distinction contemporaine entre artiste et artisan n'existe pas au Moyen Âge.
Aujourd'hui, l'artiste est reconnu pour sa créativité qu'il montre par sa signature, alors que l'artisan est considéré comme un manuel doté d'un savoir-faire. 

Au Moyen Âge, la plupart des oeuvres ne sont pas signées car leurs créateurs ne revendiquent pas une place dans la société.

Les artistes et artisans qui ont travaillé pour la cour de Savoie sont plutôt bien connus par les sources comptables mais les autres sont difficiles à connaître en raison de l'absence d'archives.

Il y a peu de corporation dans les Etats de Savoie et il est donc difficile de connaître les métiers concernés.

Le premier artiste attaché à la cour de Savoie est mentionné en 1314, il s'agit du florentin Gregorio da Firenze.
Ces artistes reçoivent une pension annuelle en fonction de leur travail. Ils peuvent toutefois travailler pour d'autres commanditaires.

Il s'agit la plupart du temps de peintres, mais il peut s'agir aussi d'orfèvres.
Jean Bapteur (peintre) jouit entre 1427 et sa mort entre 1454 et 1457 d'une position de prestige à la cour d'Amédée VIII, Comte (1391-1415) puis du duc de Savoie (1416-1440) et de son fils Louis Ier, duc de Savoie (1440-1465). Il porte le titre de peintre du Duc, participe à des ambassades, enlumine des manuscrits exécute des peintures murales et peint des bannières, écus, costumes, casques...

Giacomo Jaquerio, mentionné à partir de 1404 à Turin, ne travaille qu'occasionnellement pour la cour, bien qu'il soit qualifié par Amédée VIII de "notre cher et fidèle peintre". Il est l'auteur de panneaux peints et de peintures murales. Il reçoit des commandes de princes et d'ecclésiastiques de haut rang. Il poursuit son activité jusqu'à sa mort en 1453.

L'ange musicien est de Giacomo Jaquerio. Le cardinal Jean de Brogny (1342-1426) fait sa carrière à la cour des papes d'Avignon. Originaire d'Annecy il conserve un lien régulier avec sa région. Il décide d'être inhumé dans la chapelle des Maccabées qu'il a fait construire dans la cathédrale de Genève. Il confie à deux artistes de la cour de Savoie, son ornementation : le peintre Giacomo Jaquerio et le sculpteur Jean Prindale, originaire de Bruxelles
Giacomo Jaquerio actif entre 1404 et 1453_Ange Musicien de la chapelle des Macchabées de la cathédrale de Genève_1411-1414_Fresque transposée sur toile_Musée d'art et d'histoire de la ville de Genève.

Saint Crépin, saint patron des artisans du cuir. Il s'agit d'une probable commande de la corporation des métiers du cuir de Chambéry.
Saint Crépin, saint patron des artisans du cuir_1500-1525_Noyer sculpté, peint, doré et comportant des brocarts appliqués_Musée Savoisien

L’étui de l’épée de Saint-Maurice, œuvre délicate signée Jean Bapteur, artiste au service du duc de Savoie, prêté par le Palais royal de Turin.

C'est un exemple marquant de la grande diversité des oeuvres et objets réalisés par les peintres de cour.

Cet étui destiné à conserver une relique, l'épée de St Maurice, a été commandée par Pierre Fornéry, abbé de St Maurice d'Agaume de 1434 à 3438 et conseiller d'Amédée VIII ainsi que de son fils Louis Ier. Sa commande s'inscrit dans la politique d'Amédée VIII qui fait de St Maurice son protecteur, notamment en instituant l'ordre de St Maurice en 1434.

Jean Bapteur_actif entre 1427 et 1454 ou 1457_Etui de l'épée de St Maurice_1434-1438_Bois, fer, cuir_Armeria Reale, Turin.

La libération de St Pierre , fragment de retable, de Giacomo Jaquerio. 

Bien qu'il soit peintre du Duc, Giacomo Jaquerio répond à de nombreuses commandes hors de la famille de Savoie, comme pour cette oeuvre qui porte les armoiries de Vincenzo Aschieri, abbé de Novalaise (Piémont).

Originaire de Turin, il voyage régulièrement entre Genève, Savoie et Piémont pour produire ses oeuvres.
Giacomo Jaquerio_actif entre 1404 et 1453_La libération de saint Pierre, fragment de retable_vers 1418_Tempera sur panneau_Palazzo Madama_Museo Civico d'Arte Antica_Fondazione Torino Musei

La fuite en Egypte de Jean de L'Arpe
Jean de L'Arpe appelé aussi Jean Le Mere, mentionné entre 1499 et 1537_La fuite en Egypte, fragment de retable_vers 1515_huile sur panneau_Eglise des Carmes de la Rochette, Savoie, classé monument historique

Le Christ bénissant entre la Vierge et saint Jean l'Evangéliste par Jean de Chiestro, mentionné en 1468-1470, auteur de la sculpture et de la polychromie.

Jean de Chiestro_Christ bénissant entre la Vierge et saint Jean l'Evangéliste_vers 1470_tilleul sculpté et peint__Palazzo Madama_Museo Civico d'Arte Antica_Fondazione Torino Musei

Lettres de noblesse concédées par le duc Amédée VIII de Savoie à Johannes Deistruz (Jean Destri).
Jean Bapteur a réalisé des oeuvres prestigieuses pour la cour de Savoie, comme l'Apocalypse conservé à l'Escurial en Espagne, qu'il a somptueusement enluminée. Il a enrichit d'une enluminure cet acte d'anoblissement produit par la chancellerie d'Amédée VIII pour marquer son importance pour Jean Destri, bourgeois de Genève.
Jean Bapteur_actif entre 1427 et 1454 ou 1457_Lettres de noblesse concédées par le duc Amédée VIII de Savoie à Johannes Deistruz_18 mars 1437_Encre et peinture sur parchemin_Dépôt aux Archives Cantonales Vaudoises, Lausanne

Peintre, sculpteur, maître verrier évoquent aujourd'hui des métiers différents. Au Moyen-Âge ces métiers étaient souvent exercés par la même personne dans les Etats de Savoie.

Ainsi Jean de Chetro reconnu comme l’un des deux sculpteurs principaux des stalles du chœur de la cathédrale d’Aoste autour de 1465–1469, avec Jean Vionin de Samoëns, alias Jean Vion de Samoëns, était aussi sculpteur sur pierre et peintre. 

De même l'inventaire de l'atelier annecien de Nicolas Dabert en 1506 montre qu'il exerçait comme peintre sur panneaux, sculpteur et maître verrier.

Jean de L'Arpe est nommé en 1531 "peintre et verrier" par le duc Charles II de Savoie (1504-1553); il est l'auteur de peintures religieuses mais il intervient aussi sur les verrières de la sainte chapelle du château de Chambéry. La polyvalence n'est cependant pas systématique.

Dans la salle suivante sont exposés des coffres en bois médiévaux imposants. Ils ont une grande valeur historique.

Les producteurs de meubles sont mal connus avant la fin du moyen Âge. Les sources écrites sont pauvres et les réalisations parvenues jusqu'à nous sont rares.

Les stalles des églises ont été mieux conservés que les coffres et armoires. Le contexte de leur commande est aussi plus facile à tracer.

Les coffres prêtés par le musée cantonal d’histoire du Valais à Sion (Suisse) sont une exception remarquable. Ils datent d’une période antérieure au XVe siècle.

Ils représentent des biens d’exception, qui témoignent de la maîtrise technique raffinée du travail du bois à l’époque médiévale.

L’un des coffres est décrit comme étant sculpté dans du noyer, une essence de bois particulièrement prestigieuse au Moyen Âge pour sa durabilité et son esthétisme.

Ces coffres étaient utilisés pour conserver des objets liturgiques.
Vue d'ensemble 

Coffre liturgique provenant de l'église de Valère daté de 1182 et de 1272-1273. 

La caisse en mélèze a probablement été produite avec du bois de réemploi, tandis que les pieds et le couvercle en pin d'arolle (pin cembro) datent de 1272-1273, période de fabrication du coffre. Les traces d'un seul rabot montre qu'il a été produit en une seule fois. Il servait probablement à conserver du matériel liturgique (bibles, vêtements, calices...) puis les archives du chapitre.
Bois daté de 1182 et de 1272-1273_Mélèze et pin d'arolle_Musée d'histoire du Valais, dépôt du chapitre de la cathédrale de Sion.

Ce coffre liturgique provenant de l'église de Valère daté entre 1433 et 1450 a été produit avec du bois encore vert, visible en raison de la déformation contenue par des ferrures des renforts. 

L'assemblage est réalisé par tenons et mortaises, les clous ne servant que de décoration.

 Il était probablement affecté à un autel de la basilique de Valère pour conserver orfèvrerie, ornements liturgiques ou cierges.

Bois daté entre 1433 et 1450_Noyer_Musée d'histoire du Valais, dépôt du chapitre de la cathédrale de Sion.

Ce coffre sculpté daté de 1560-1561, présente la même structure que ceux de la basilique de Valère. Il montre la permanence des formes dans la région de Sion du 13e au 16e siècle avec des pieds montants et une caisse surélevée.
Bois daté de 1560-1561_Pin d'arolle_Musée d'histoire du Valais, dépôt du chapitre de la cathédrale de Sion.

détail de rosace

détail de rosace

détail de rosace

détail de rosace

Ce coffre daté du milieu du 14e siècle provient de la commune de Sembrancher dans le Bas Valais qui a fait parti des Etats de Savoie de 1260 à 1475. 
Ses pieds moins hauts que ceux de Sion sont plus proches de la structure des coffres savoyards. 
Le bois a été abattu au plus tôt en 1336. le coffre a pu servir à conserver les archives communales.

Milieu du 14e siècle_Pin d'arolle_Musée d'histoire du Valais, dépôt du chapitre de la cathédrale de Sion.

arrière du coffre

 Ce bas relief constituait la partie centrale du dossier d'une stalle représentant un prophète. L'amincissement des bords montre qu'il devait s'insérer dans une rainure.
Probablement 1524_Noyer ?_Musée Savoisien

détail

L'inscription qui figure sur le piédestal du dorsal de la stalle représentant sainte Barbe, mentionne comme donateur en 1524, Humbert Recordon, chapelain. 

Cette date correspond au style des deux figures. Sainte Barbe est identifiable par ses attributs, la palme du martyr et la tour.
Probablement 1524_Noyer ?_Musée Savoisien


détail

Dans la petite salle suivante est exposé un assemblage de plusieurs fragments de vitraux.
Peu de vitraux médiévaux produits dans les Etats de Savoie sont parvenus jusqu'à nous.
La grande rose de la cathédrale de Lausanne, vers 1215-1220, en constitue le témoignage le plus ancien.

 La production d'une verrière commence par l'élaboration d'un carton, d'un dessin préparatoire qui peut être l'oeuvre d'un artiste qui ne travaille pas le verre ou du maître verrier lui même. Ils ont été très rarement gardés.

Les artistes se fournissent en verre soit directement auprès des producteurs, soit en particulier pour les verres de couleurs dans les villes marchandes comme Lyon, Grenoble ou Genève. 

La production des ensembles les plus importants requiert souvent l'association de plusieurs peintres ou verriers.

Ils viennent souvent de l'extérieur des Etats de Savoie, comme Pierre d'Arras originaire du Nord de la France (13e siècle) , jean Thibaud (cité en 1386), originaire de Langres (haute Marne), ou encore Hans Witz (actif de 1441 à 1478) et Michel Glaser (mentionné en 1454) originaire de Bâle (Suisse).

Un assemblage du 19e siècle de vitraux anciens.

Ce vitrail représentant le visage de femme en pleurs témoigne de la maîtrise technique des maîtres verriers actifs dans les Etats de Savoie au moyen âge. 

Sur le verre blanc, l'essentiel du dessin est tracé à la grisaille, un mélange d'oxyde métallique et de silice, rehaussé de deux bandes de jaune d'argent, c'est à dire une application de sels d'argent. 

Cette dernière technique attestée depuis le début du 14e siècle, permet de changer ponctuellement la couleur sans utiliser le plomb.
Vitrail du 16e siècle_visage de femme en pleurs_verre et plomb_Musée château d'Annecy






Provenant de l'église Saint Pierre aux liens de Gruffy (Haute Savoie), ce petit vitrail a probablement été produit par Hans Witz, maître verrier au service de la maison de Savoie depuis 1441. 
Il a certainement collaboré à la réalisation du volet de "la pêche miraculeuse" peint par Konrad Witz en 1444 pour la cathédrale de Genève. le succès de son atelier lui permet d'être reçu bourgeois de Genève en 1454. Il achève a carrière en 1476 à la cour du duc de Milan.
Saint Pierre_Hans Witz_actif entre 1440-1450_Verre rehaussé de grisaille et de jaune d'argent_Musée château d'Annecy

 Dans la salle suivante, sont exposés des Vierges de Pitié.

Ces images de dévotion témoignent d’une forte demande religieuse dans les Etats de Savoie entre 1450 et 1530, portée par les Franciscains et les princes de Savoie. 

Toutes ces sculptures présentent des caractéristiques communes : la Vierge est assise, le dos droit, la tête légèrement inclinée, elle soutient la tête du christ mort de sa main droite et sa hanche de sa main gauche.

Elle porte une robe au col rond et un manteau qui laisse apparaitre la pointe de ses chaussures et qui forme un S au sommet de sa tête et un second en V entre ses jambes. 

Les visages ont des arcades sourcilières nettement dessinées et des mentons ronds.


Vierge de pitié entre Saint Jean et Sainte Marie Madeleine_début du 16e siècle_noyer?_commune de Saint Jean de Chevelu (Savoie)_Chapelle de Notre Dame de Monthoux

Vierge de pitié entre Saint Jean et Sainte Marie Madeleine _dernier quart du 15e siècle_sculpture et polychromie_noyer polychrome_dépôt de la commune de Saint Offenge Dessus  (Savoie)_Musée savoisien

Vierge de pitié entre Saint Jean et Sainte Marie Madeleine _Début du 16e siècle_noyer_Académie florimontane, conservée au château de Montrottier  (Haute Savoie)

Vierge de pitié comportant les armoiries de la famille de Beaufort_1er quart du 16e siècle_noyer ?_Commune de Queige (Savoie) église paroissiale

Vierge de pitié_fin du 1500_noyer _Collection privée (Oulx, Piémont)

Vierge de pitié_Vers 1500_noyer ? _Commune de Saint François de Sales (Savoie)_église paroissiale

Vierge de pitié_1er quart du 16e siècle_noyer _Commune de Saint François de Sales (Savoie)_chapelle du petit Lagneux, déposée au musée savoisien

Vierge de pitié_vers 1500_noyer_Académie florimontane_conservée au chateau de Monrottier (Haute Savoie)

Vierge de pitié_fin 15e siècle_noyer_commune de Puygros (Savoie)_église paroissiale

Vierge de pitié_1er quart du 16e siècle, sculpture et polychromie_noyer _Commune de Yenne (Savoie)_Chapelle du petit Lagneux_déposée au musée savoisien

Les sculptures de la fin XVe, début XVIe siècle sont massives avec des proportions parfois disproportionnées (buste long, jambes courtes), visages lourds, arcades sourcilières marquées, menton épais et plis des drapés incisés .

Celles d'après 1520 ont un style plus ramassé, formel et homogène.

Il est probable que ces vierges soient l'oeuvre d'un ou plusieurs ateliers répétant la même formule à succès.

Le retentissement a été amplifié après l’acquisition de la relique du Suaire en 1453 et la création de la Sainte-Chapelle à Chambéry .

Dans la dernière salle est  exposé une collection rare de 12 bustes reliquaires médiévaux, chefs-d’œuvre techniques et artistiques réalisés en métal précieux.

Le Piémont, la Vallée d'Aoste et le Valais conservent aujourd'hui un ensemble remarquable de bustes reliquaires médiévaux, destinés à protéger et présenter les reliques d'un saint.

La présence de nombreuses mines d'argent et de cuivre dans le territoire dépendant de la maison de Savoie a pu faciliter l'accès aux matières premières nécessaires à la fabrication des plus prestigieux d'entre eux.

La conservation exceptionnelle de ces oeuvres s'explique aussi par une propension plus marquée que dans d'autres territoires à moderniser ces objets de dévotion, plutôt que de les remplacer.

Leur production nécessite le recours à des artistes ou artisans maîtrisant des techniques variées, comme l'orfèvrerie, la peinture, la sculpture.


Le buste reliquaire de Saint Maurice est en tilleul. Le tilleul est fréquemment utilisé pour les sculptures en Suisse à partir de la fin du 14e siècle. 

Il a été repeint à quatre reprises et son aspect actuel date de 1655.
1450-1470_tilleul sculpté, peint, doré et argenté_Eglise paroissiale de Bagnes, canton du Valais.
Bagnes appartenait à la famille de Savoie de 1143 à 1476. ce dont témoigne les nœuds de Savoie sur ce buste

Le Buste reliquaire de Ste Marguerite qui se trouvait à Mornex (Haute Savoie) au début du 19e siècle provient probablement d'une église genevoise. Il a pu être transféré hors de la ville après sa conversion à la Réforme en 1536.
Atelier de Peter et Mattelin Vuarser-Vers 1500_Noyer sculpté, présentant des restes de peintures et de dorures_Musée d'art et d'histoire de Genève. Peter et Mattelin Vuarser, père et fils, dirigeaient l'un des plus importants ateliers de sculpture genevois entre 1470 et 1530 et ont travaillé aux stalles de Saint Jean de Maurienne en 1498. 

Ce buste reliquaire d'un saint évêque a l'apparence de celui de créations d'orfèvrerie  plus prestigieuses qui étaient recouvertes de feuilles d'or et d'argent.

Cette oeuvre montre l'ampleur et la diffusion de ce type de reliquaires dans la Vallée d'Aoste.
1450_Bois sculpté, peint, doré et argenté_Collection régionale de la Région autonome de la Vallée d'Aoste. 

Ce buste reliquaire de St Grat est la réplique de celui du Saint Grat offert à la cathédrale d'Aoste en 1432, par le Duc de Savoie, Amédée VIII (1391-1440). 
18e-19e siècle_Bois sculpté et peint, argent, cuivre doré, pâte de verre, cristal de roche_Palazzo Madama_Museo Civico d'Arte Antica, Turin

 La qualité des bustes reliquaires de la cathédrale d'Aoste et l'importance des reliques qu'ils contiennent ont suscité plusieurs imitations comme ce reliquaire de Saint Gilles.

 Il en reprend la représentation à mi-buste, le visage peint, la mitre poinçonnée.

La longue vénération de ce reliquaire est visible dans les nombreuses restaurations et modifications notamment l'adjonction d'un nouveau socle au 19e siècle.
Fin 18e siècle_Argent peint et doré, bronze doré, cuivre argenté, bois sculpté, doré et peint, cristal, pierres, pâte de verre_Prieuré de Sr Gilles_Verrès, Vallée d'Aoste.

Le buste reliquaire de St Nicolas a perdu sa polychromie originale. 

La qualité modeste de cette oeuvre est la preuve de l'importance de ce type de reliquaire dans l'imaginaire religieux valdôtain de la fin du moyen Âge.

Il est possible que le buste ait été recouvert d'une feuille d'argent aujourd'hui disparue.
1530_Bois sculpté, peint et doré_Eglise paroissiale Saint Nicolas de Champorcher_Vallée d'Aoste.

L'arrivée des reliques de Sainte Justine de Padoue au couvent des Clarisses de Carignan en 1460, transférées depuis à Vicoforte, ne donne pas de certitude sur la présence de ce reliquaire à cette occasion. 

Il est essentiellement constitué de cuivre doré. Le visage est constitué d'une tôle d'argent, qui forme un masque sur un second visage en cuivre.
2e moitié du 15e siècle_cuivre doré, argent_Monastère Sainte Claire de Vicoforte, Coni, Piémont. Le nom de la sainte est inscrit sur le col.

 Dans son testament de 1444, le marchand de Mondovi, Guglielmo Badino rappelle qu'il a offert cinquante livres pour la fabrication du reliquaire de San Bernolfo.

 Il a pu être produit par un orfèvre de cette ville comme Benedetto Cadana, Pietro Clerici ou Pietro de Pauchapalea, mentionnés dans les années 1450.
Avant 1444_Argent partiellement doré, pâte de verre_Cathédrale saint Donat de Mondovi, Piémont. Son apparence a été changée par la perte de la pâte de verre qui garnissait ses pupilles et par l'adjonction de verres bleus.

L'orfèvre probable du b
uste reliquaire de Saint Victor est Goswyn van Bomel, orfèvre du duc. Le peintre probable est Gregorio Bono, peintre du duc, mentionné de 1400 à 1452-1453. 

Ce buste reliquaire entièrement en argent est probablement celui mentionné en 1418 dans un paiement à Gossuin de Bomel pour la dorure et à Gregorio Bono pour la peinture du visage et ensuite offert à l'abbaye par Amédée VIII.

Une couche de peinture masque l'argent, ce qui semble paradoxal.

Cela montre peut être la volonté de mettre les matières les plus précieuses en contact avec les reliques.
Avant 1418_Argent partiellement doré et peint émail_Musée du trésor de l'abbaye Saint Maurice D'Agaume, Canton du Valais.

La tête reliquaire de Saint Georges est représenté en chevalier reconnaissable à la bavière, pièce de la monture qui lui protège le cou. 

Ce reliquaire a été produit par un orfèvre piémontais ou lombard.

La commande de cette oeuvre par les habitants de Chieri témoigne du dynamisme économique de la ville au moment de sa soumission à la maison de Savoie.
Fin du 14e siècle_Argent doré, émaux, perles, pâte de verre, grenats_Eglise Saint Georges Martyr de Chieri, Piémont. 

Ces objets témoignent du raffinement des orfèvres médiévaux au service de la dévotion et du pouvoir religieux.
Les reliquaires exposés illustrent des liens artistiques et religieux entre Savoie, Piémont et Vallée d'Aoste, régions partagées par l’ancien duché savoyard.

La scénographie de l'exposition adopte l’ambiance d’un atelier médiéval.

Certains espaces sont aménagés pour permettre la manipulation à travers des maquettes, des supports pédagogiques ou des activités ludiques.

L’exposition "De l’or au bout des doigts" met en lumière le travail d’artistes artisans médiévaux (peintres, sculpteurs, orfèvres, menuisiers…) issus des anciennes terres de Savoie, d'Italie et de Suisse.

Les coffres en bois, tout comme les vitraux, métaux et reliquaires, s’inscrivent dans cette célébration des savoir-faire anciens.

L’exposition se distingue par ses œuvres spectaculaires.

C'est une  véritable invitation à découvrir le savoir-faire des artisans médiévaux.

C'est une petite exposition mais riche et intéressante.


Texte de paulette Gleyze

Photos de Gérard Gleyze