mardi 16 septembre 2025

"Curieuses momies. Des Champollion au Synchrotron" au musée Champollion à Vif


Du 28 mars au 28 septembre 2025 au Musée Champollion à Vif (Isère) se tient l'exposition "Curieuses momies. Des Champollion au Synchrotron" qui invite à un voyage dans le temps et la science autour du thème des momies.

La thématique est la perception des momies, comment elles ont été vues au cours du XIXᵉ siècle et jusqu’à aujourd’hui.

L'exposition est particulière par le lien entre l'histoire ancienne et la technologie moderne et sur l'accent mis sur la dimension humaine et l'éthique (respect dû aux momies, la façon dont elles sont montrées, racontées, préservées).

Elle  explore l’évolution des études sur les momies, des recherches des frères Champollion au XIXe siècle aux analyses modernes utilisant les technologies avancées du Synchrotron de Grenoble.

L'association Malentendant38 a organisé une visite guidée le 13 septembre 2025.

Le musée est installé dans le domaine familial des frères Jean-François Champollion (le déchiffreur des hiéroglyphes) et Jacques-Joseph Champollion-Figeac, à Vif, en Isère.

Après avoir été transmise et vendue à divers propriétaires au fil du temps, la propriété est finalement acquise en 2001 par le Département de l’Isère, afin de préserver ce patrimoine exceptionnel lié à Jean-François Champollion et aussi pour valoriser l’histoire locale et le rôle de l’Isère dans la naissance de l’égyptologie.

Après l’achat, la demeure a connu une importante campagne de restauration pour être transformée en musée.
Les travaux ont porté sur la restauration du bâtiment historique (maison de maître et dépendances), la mise en valeur du jardin, l’aménagement d’espaces muséographiques adaptés au public et l’installation de dispositifs modernes (scénographie, accessibilité, sécurité).

C'est l’architecte Philippe Schuller, spécialiste de la restauration du patrimoine qui a piloté une partie des travaux.

Le musée a ouvert officiellement ses portes en juin 2021, après plus de 20 ans de travaux.

Le site est aujourd’hui labellisé Musée de France, une reconnaissance nationale de son importance culturelle et propose un parcours permanent ainsi que des expositions temporaires.

Les frères Champollion sont nés à Figeac (Lot) et se sont installés à Grenoble puis à Vif.
Leur père Jacques Champollion originaire du Valbonnais, dans le Dauphiné a été colporteur puis libraire. Il n’était pas instruit mais il a permis à ses enfants de grandir dans un environnement livresque et les a ouvert sur la connaissance grâce à sa librairie.

L'aîné, Jacques-Joseph, (1778-1867),  historien, archéologue et bibliothécaire a pu fréquenter très tôt les livres et les érudits locaux, et a entraîné son frère cadet dans cet univers. 
Il a été professeur d’histoire ancienne à Grenoble, puis bibliothécaire de l’Université. Il était cultivé, érudit, passionné par les manuscrits et les langues.
Il a soutenu et encouragé très tôt les recherches de son cadet Jean-François.
Il l’aide à obtenir des livres rares, à entrer en contact avec des savants, et lui apporte un soutien moral et logistique constant.
Après la mort prématurée de Jean-François, il se consacre à la publication et à la diffusion de ses travaux, afin d’assurer leur rayonnement.

Jean-François Champollion (1790-1832), le cadet, surnommé « Champollion le Jeune » est linguiste et égyptologue.
C'es un génie précoce en langues (latin, grec, hébreu, arabe, syriaque... À seulement 11 ans, il s’initie au copte.
En 1822, il publie sa célèbre « Lettre à M. Dacier », dans laquelle il démontre qu’il a déchiffré les hiéroglyphes égyptiens grâce notamment à l’étude de la Pierre de Rosette. Ce déchiffrement marque la naissance de l’égyptologie scientifique.
En 1828-1829, il conduit une grande expédition en Égypte, où il copie, traduit et étudie des centaines d’inscriptions et monuments.
À son retour, il devient professeur au Collège de France, mais il meurt jeune, à 41 ans, épuisé par son travail.

Dans l'exposition "Curieuses momies. Des Champollion au Synchrotron" nous pouvons voir plus de 70 objets, dont 2 momies humaines, 2 fragments de momies, 15 momies animales et 35 antiquités égyptiennes.

La fascination pour les corps embaumés a généré des motivations diverses. L'envie de trouver des trésors cachés, de les collectionner dans des cabinets de curiosités mais aussi de les étudier, ce qui a contribué au progrès de la science.

Les Champollion ont participé à des expérimentations et leurs recherches ont favorisé les connaissances sur la momification et les rites funéraires.

Aujourd'hui les études sur les momies humaines et animales se poursuivent à Grenoble au sein du laboratoire Nucléart et du Synchrotron. 

Ces laboratoires ont rendu possible le "dé-bandelettage" numérique grâce aux radios et scans 3D, ce qui permet une étude plus respectueuse des restes humains et animaux.  

Au 12e siècle, le mot d'origine arabe mümyä désigne la substance noirâtre utilisée pour embaumer les morts.
Le médecin Avicenne (980-1037), la recommande pour traiter de nombreuses affections. On grattait alors les bandelettes pour recueillir "la poudre de momie".
A partir du 16e siècle, le mot mumia est assimilé au corps embaumé lui même.

L'usage de corps réduits en poudre se répand. Ce produit est promu pour avoir des vertus thérapeutiques prodigieuses. Ceci donne lieu à de nombreux trafics.

Dès le 16e siècle Ambroise paré dénonce son usage néfaste.
Cette substance a été consommée en Europe jusqu'au début du 20e siècle.

Au retour de son expédition en Egypte de 1828-1829, Jean François écrit à son frère avoir été en peu de temps "encombré de momies et d'objets funéraires.

Des 18 momies qu'il avait collectées lors de fouilles à Karnac et à Kourna, il n'en rapporte finalement que 4 pour le musée du Louvre et ne garde que ce qui est "neuf pour la forme ou la matière". Ce qui l'intéresse surtout ce sont les momies humaines gréco-égyptiennes portant des inscriptions et les momies d'enfant.

Celle-ci provient probablement de Thèbes et parfaitement conservée présente un très beau bandelettage croisé. Elle porte encore le N° 47 que Champollion lui a attribué.
Momie d'enfant_époque ptolémaïque ou romaine_Vers 332 Avant notre ère-395 après notre ère_corps d'enfant en bandelettes_Mission franco-toscane de J Fr Champollion (1828-1829)_Paris; Muse du Louvre

Cette momie de femme, dite "la petite momie" en raison de sa taille (1,57m) a été étudiée à Grenoble dans les années 1810.
Dessus de cercueil de la petite momie


Momie de femme, dite "la petite momie"_1er siècle avant notre ère_4e siècle après notre ère_corps féminin avec bandelettes et restes de cartonnage_Cabinet des antiques de Grenoble_Musée de Grenoble.

Cette momie a été identifiée par J.F Champollion comme étant celui d'une femme. Il observe notamment l'extrême évasement de son bassin.
Après le dé-maillotage, il tire les premières conclusions: "Les chairs mélangées avec le baume ne forme point une masse solide et compacte; elles sont au contraire tombées en poussière fraîche". Il ne s'attarde pas sur le cercueil de cette momie qui aurait "été réparé et repeint" à l'époque romaine, mais consacre une longue description au masque doré et au cartonnage qui recouvre le corps. La momie porte des traces d'un examen hâtif antérieur, sans doute effectués par des pilleurs de tombes.

JF Champollion est frappé par la profusion de momies animales qu'il découvre lors de son expédition.

Pratiquement toutes les espèces pouvaient être momifiées, qu'il s'agisse d'animaux familiers ou sacrés.
Des sépultures humaines abritaient des momies d'animaux.

Momie de chat_datation indéterminée, matières animales et tissu_collection musée des Confluences, Lyon

Momies de poissons_Période romaine_matières animales et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momies de chien_Datation indéterminée_matières animales, baume et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momie d'ibis sacré_Epoque ptolémaïque (332-30 avant notre ère)_matières animales et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momie d'ibis sacré_Epoque ptolémaïque (332-30 avant notre ère)_matières animales et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momies de rapace_Période romaine_matières animales et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momie de crocrodile_Datation inconnue_matières animales, baume et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Momies d'oie du Nil_Datation inconnue_matières animales et tissus_collection musée des Confluences, Lyon

Les divinités pouvaient s'incarner dans des formes animales. On a retrouvé, regroupées dans des nécropoles, des centaines de milliers de momies animales, que les pèlerins achetaient pour offrir aux dieux.

Sobek, le dieu crocrodile, était par exemple vénéré au Fayoum et à Kom Ombo, dont les temples abritaient des élevages de crocrodiles sacrés. Le temple de la déesse Bastet à Bubastis et celui du dieu Thot à Hermopolis possédaient des élevages de chats ou d'ibis sacrés qui fournissaient ces offrandes.

Ces momies sont souvent très bien bandelettées, alors qu'à l'intérieur les restes sont plus ou moins bien conservés. Parfois on ne trouve à l'intérieur qu'une partie de l'animal.

Dès le 16e siècle, les momies égyptiennes trônant dans les cabinets de curiosité européens où elles sont considérées comme des Naturalia, créatures issues de la nature, et des Artificialia, objets modifiés par l'homme.
"Dans la matière d'embaumer des anciens égyptiens, les seules parties du corps qui ont conservé des formes assez ressemblantes à celles qu'ont dû avoir ces parties pendant la vie, sont la tête, la poitrine, les mains et les pieds" précise la "Description de l'Egypte".

 Cela explique que des restes démembrés soient aujourd'hui encore conservés dans des collections publiques, tels que ce pieds et cette main de momies.

Les musées s'appliquent aujourd'hui à garantir la préservation et la recontextualisation de ces restes humains.
Pied de momie_Egypte période indéterminée_reste humain momifié_Musée de Troyes_Apothicaire de l'hôtel dieu le comte, Troyes

Main de momie avec bagues_Egypte, période indéterminée_restes humains momifiés_Musée d'archéologie Méditerranéenne_Centre de la vieille charité, Marseille

A partir du 19e siècle, le dé-maillotage des momies devient un véritable spectacle de divertissement. Sur invitation payante les "ouvertures de momies" s'adressent à la société mondaine en quête de frissons. Derrière leurs apparences scientifiques, ces performances répondent au désir d'une attraction fantasmée et au voyeurisme des spectateurs. les participants sont même invités à garder en souvenir des restes de bandelettes ou des morceaux de momies. 
Cette affiche mentionne l'exposition d'une momie que Champollion a vu à Nîmes et dont il a recommandé ensuite l'achat à Alexandre du Mège, conservateur du musée des Augustins de Toulouse "j'ai vu et examiné cette momie avec beaucoup de soins... c'est une des plus belles momies que j'ai encore vues."
Annonce de la présentation au public d'une momie égyptienne à Nîmes_Imprimerie de Gaude, Nîmes, avril 1827_Nîme, collection Pierre Tardat

Les frères Champollion ont étudié, débandeletté et collectés les momies égyptiennes. Grenoble est le cadre de leurs recherches.

Nommé adjoint à la direction de la bibliothèque en 1808, Jacques-Joseph a un accès privilégié au Cabinet des Antiques et à la collection égyptienne.

Les deux frères vont y procéder à leurs recherches en dé-bandelettant les momies, notamment "la grande momie".  C'est à cette occasion qu'ils découvrent une nouvelle espèce d'insectes.
Jean François poursuit l'examen de la "grande momie" et de la "petite momie", de leurs cercueils peints et d'autres objets avant d'entreprendre la rédaction du "catalogue du cabinet des antiques" entre 1810 et 1812.
Cercueil anthropoïde dit "la grande momie"_site d'origine indéterminé_époque ptolémaïque_Musée de Grenoble

En novembre 1812, c'est en étudiant deux vases canopes de la collection qu'il va démontrer leurs usages funéraires. Ils sont destinés à recevoir les viscères du défunt lors du rituel de momification. L'estomac, le foie, les poumons, les intestins sont prélevés par une incision du flanc gauche, pour éviter la putréfaction du corps.
Ils sont lavées, déshydratées et bandelettées avant d'être déposés dans les vases placés sous la protection de l'un des quatre fils d'Horus. (Amset à tête humaine garde le foie, Happy à tête de babouin veille sur les poumons, Douamoutef à tête de canidé assure la protection de l'estomac et Qebehsenouf à tête de faucon préserve les intestins.
Vases canopes du père divin Shepses-Ptah_26e-30e dynastie_calcite

Le couteau d'embaumeur ramené d'Egypte par J.F Champollion servait selon lui à "la dissection". Il était utilisé pour inciser le flanc gauche du défunt en vue de son éviscération. Cette pièce unique est ornée sur son manche d'une représentation d'Anubis sous sa forme de chacal.

Le crochet, similaire à celui trouvé par J.F Champollion dans une tombe, était utilisé pour retirer le cerveau, qui pour les anciens n'ait aucune valeur particulière. C'est le coeur qui était pesé dans la balance du jugement.

Après l'éviscération, l'incision est suturée ou bouchée avec des étoffes et de la cire recouverte d'une plaque que Champollion nomme "oeil symbolique droit". Ce symbole représente l'oeil du dieu Horus. Il rend son intégrité au corps.
- Le couteau d'embaumeur_Nouvel Empire, vers 1550-1609 avant notre ère_bronze_provient de la mission franco toscane de JF Champollion_ancienne collection Gastard_Paris, Musée du Louvre
- le crochet_datation inconnue_Paris, Musée du Louvre
- et la plaque d'éviscération_3e période intermédiaire_Vers 1063-664 avant notre ère_Argent (?), Plomb (?)_Musée du Louvre

La cuillère en bois rapportée par J.F Champollion comporte un réservoir avec deux becs verseurs destinés à injecter la matière bitumeuse et résineuse dans les narines, qui se liquéfie lorsqu'on le chauffe et se solidifie en refroidissant dans la cavité crânienne.

Le vase en albâtre rapporté par JF Champollion sert à contenir les onguents destinés à enduire le corps des vivants mais aussi ceux des défunts.

L'étui à kohol conservait le kohol qui était utilisé pour rendre au défunt l'apparence de la vie.
- cuiller_Basse époque, 26e dynastie_vers 760-655 avant notre ère_bois_musée du Louvre, Paris
- vase à onguent et son couvercle_Pépi 1er, 6e dynastie, vers 2340-2290 avant notre ère_albâtre_Paris, Musée du Louvre
- Etui à kohol quadruple

Ce sachet de lin contient du natron (sel naturel) que l'on trouve sous forme de cristaux. Il est utilisé dès l'Ancien Empire pour absorber l'humidité et éliminer les graisses contenues dans les corps humains.

La résine sous bandelettes est d'origine végétales et utilisés pour l'onction des corps. Elle a une fonction odoriférante et antiseptique à partir du Nouvel Empire (1590-1085 avant notre ère).
- sachet de natron_Datation inconnue_lin, natron_Lyon, Musée des Confluences.
- Résine sous bandelette_Datation inconnue_collection Loret-Lyon, Musée des Confluences.

Dans l’Égypte antique, les amulettes jouaient un rôle essentiel dans la vie quotidienne comme dans les rites funéraires.

Elles avaient un rôle magique en éloignant les forces maléfiques, en protégeant contre la maladie, les morsures ou les accidents.

Elles avaient un pouvoir religieux en incarnant la force d’une divinité, d’un animal sacré ou d’un symbole mythologique.

Elles servaient aussi aux rites funéraires. Placées parmi les bandelettes de momies, elles aidaient le défunt à franchir les épreuves de l’au-delà et à ressusciter.

Les amulettes avaient différentes formes :

L'Ankh (clé de vie) pour la vie éternelle, l'Œil Oudjat (œil d’Horus) pour la protection et la guérison, le scarabée pour la renaissance et la résurrection, le djed (colonne d’Osiris) pour la stabilité et la force.

Elles pouvaient être en faïence égyptienne (bleue ou verte, symbolisant la vie et la fertilité), en or (incorruptible, lié au soleil et aux dieux), en pierres semi-précieuses comme la cornaline (force), la turquoise (protection), le lapis-lazuli (ciel et divinité).

Une amulette peut être placée à divers endroits sur le corps de la momie. Dans "Le livre des morts", chaque partie du corps est placée sous la protection de certains dieux. Thot donne "le souffle à celui dont le coeur ne bat plus", Anubis, le premier embaumeur est aussi le gardien des nécropoles, Isis et Nephthys participent à la renaissance du défunt comme elles ont participer à celle d'Osiris.

Le "Livre pour sortir au jour" ou "Livre des Morts" est inscrit essentiellement sur des rouleaux de papyrus. Il est placé dans la tombe près du défunt, parfois glissé entre les bandelettes de la momie.
Scène de la pesée du coeur, psychostasie_Livre des morts de Hor, prêtre d'Amon, planche1_époque ptolémaïque (332-50 avant notre ère)_papyrus_musée du Louvre, Paris


C'est un recueil de formules magiques et de textes rituels qui permettent au mort d'accomplir une destinée divine comme Osiris et Rê, à la fois souterraine et céleste. L'une des étapes cruciales est le passage devant le tribunal d'Osiris.
De droite à gauche, le défunt Hor se présente, conduit par Maât et Anubis. Il est sous la protection du dieu Thot, qui note le résultat du jugement au moyen de sa palette de scribe. Le coeur du défunt est ensuite posé sur une balance à plateau face à Maât, pour décider de son sort. Si le coeur est plus lourd que la plume, c'est qu'il est chargé de péchés. Il est alors mangé par Âmmout la dévoreuse et il est condamné au néant. Si son coeur est plus léger, il est admis à la cour d'Osiris où siègent Isis, Horus et Nephthys. Il peut alors sortir "au jour" dans le monde des vivants.

Après la chute de Napoléon (1815), la rivalité franco-britannique en Égypte est vive. La fameuse pierre de Rosette, découverte en 1799 par les troupes françaises mais confisquée par les anglais après la capitulation des français en 1801 en guise de butin de guerre, est conservée à Londres et attire l’attention des savants. Champollion travaille d’arrache-pied sur les textes coptes et sur les transcriptions de la pierre.

L'année 1822 marque un tournant décisif. Dans sa célèbre « Lettre à M. Dacier », secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, J.F Champollion annonce qu’il a trouvé la clé : les hiéroglyphes ne sont pas seulement symboliques, mais aussi phonétiques.

En Italie, à Turin, entre 1824 et 1826, Jean françois étudie la collection du musée. il dresse l'inventaire et transcrit les textes de momies et des objets funéraires en s'intéressant aux rituels.

Il applique les principes de classement du musée du Louvre, où il est nommé conservateur en 1826.

Il obtient de Charles X , l'acquisition de la seconde collection Salt et ouvre quatre nouvelles salles dont deux entièrement dédiées aux objets funéraires.

En 1828-1829, il mène une grande expédition scientifique en Égypte (avec l’Italien Ippolito Rosellini). Ils copient, dessinent et décrivent temples, tombes et inscriptions.
Ces documents constitueront la base de l’égyptologie moderne.
Il collecte et sélectionne aussi les momies les plus remarquables afin d'enrichir la collection du Louvre.

En 1830, il obtient une chaire de professeur au Collège de France, spécialement créée pour lui : professeur d’archéologie égyptienne (la première du genre au monde).

Entre 1800 et 1830, Champollion passe donc de l’adolescent passionné de langues orientales au fondateur de l’égyptologie scientifique. Ses découvertes font de lui un des grands savants du XIXᵉ siècle.

Après les travaux des frères Champollion à la fin du XIXe siècle, des avancées technologiques et scientifiques favorisent les recherches sur les momies.

Ces analyses permettent d’étudier les techniques de momification et la gestion des grandes quantités d’animaux utilisées dans ces pratiques rituelles.

En 1881, est découverte la cachette de Deir El Bari où sont conservés les momies du Nouvel Empire, dont celle de Ramsès II ou encore celle de Toutankhamon en 1922.

Parallèlement en 1895, sont découverts les rayon X qui permettent de traverser la matière. Cette méthode a été mise à contribution de l'étude des momies dès 1930.

A Grenoble, au sein du Centre d'Etudes Nucléaires créé en 1959 est développé en 1970  le programme Nucléart qui va s'illustrer par sa participation à la désinfection de la momie de Ramsès II.

 En 1994, le Synchrotron de Grenoble (ESRF) est inauguré. Il est au cœur de nombreuses études non invasives sur les momies.
Grâce à la microtopographie à rayons X, des chercheurs ont pu réaliser des autopsies virtuelles de momies animales, comme celle d’un crocodile datant de la période romaine, sans endommager les artefacts.

Grâce à ces techniques, appliquées à l'étude des momies, l'Isère est réputée comme favorable à l'avancée des recherches.

Elles permettent de faire rentrer l'égyptologie dans une ère de respect et de dignité du corps humain. Il n'est plus nécessaire de mettre à nu les momies pour pouvoir les étudier.

Le traitement par Nucléart de la momie de Ramsès II par irradiation gamma est l'une des interventions les plus emblématiques dans la conservation du patrimoine culturel.

En 1976, la momie de Ramsès II, conservée au Musée du Caire, présentait une infestation avancée de champignons et de larves, menaçant sa stabilité. 
La momie e Ramsès II dans son cercueil, avant le traitement_Paris 1977_CEA Grenoble

Pour préserver ce vestige historique, le Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) a proposé une solution innovante : l'irradiation gamma. Cette méthode permettant d'éliminer les micro-organismes sans endommager la momie elle-même.

Le 9 mai 1977, la momie a été transportée depuis le Caire jusqu'au centre de Saclay, en France, dans une bulle stérile pour éviter toute contamination. 

L'irradiation a été réalisée dans la cellule Poséidon du CEA, utilisant une source de cobalt-60 par des scientifiques de Nucléart de Grenoble

Le traitement a été un succès, la momie a été débarrassée de ses parasites sans subir de dommages. Elle a pu retourner au Musée du Caire dès le 11 mai 1977. 

Ce cas a servi de référence pour l'utilisation de l'irradiation gamma dans la conservation d'autres artefacts culturels, notamment des objets en bois, des textiles et des sculptures.

Cette intervention a renforcé la collaboration entre les institutions françaises et égyptiennes dans le domaine de la conservation. 

Aujourd'hui, la momie de Ramsès II est exposée au Musée égyptien du Caire.

La photogrammétrie est devenue un outil clé pour immortaliser le visage de Ramsès II et d’autres figures emblématiques de l’Égypte ancienne.
L'arrivée à Paris de Ramsès II à Paris a incité les chercheurs de créer une réplique de la tête du pharaon.

Réplique de la tête de Ramsès II_1976-1977_plâtre

Il s’agit d’une technique qui consiste à capturer un objet ou une personne à partir de multiples photos prises sous différents angles.

Un logiciel spécialisé combine ces images pour créer un modèle 3D, reproduisant toutes les formes et textures du visage.

Cela permet de conserver une reproduction numérique exacte, même si l’objet original se détériore avec le temps.

Des chercheurs et muséologues ont utilisé la photogrammétrie sur la momie de Ramsès II pour recréer virtuellement son visage.

Grâce à ces modèles 3D, ils ont pu étudier la morphologie, les traits faciaux et les particularités anatomiques du pharaon sans manipuler la momie.

Ces images servent également à créer des expositions interactives et des reconstitutions faciales pour le public et les chercheurs.

Cette méthode est non invasive, il n'y a aucun contact direct avec la momie, donc pas de risque d’endommagement.

Elle est d'une précision exceptionnelle avec la capture des détails comme les rides, les cicatrices ou des marques uniques.

Le modèle numérique peut être conservé indéfiniment et partagé mondialement pour la recherche.

Autre progrès notoire, le rayonnement synchrotron est aujourd’hui une des techniques les plus innovantes pour étudier les momies humaines et animales sans les abîmer.
Le rayonnement synchrotron est une lumière extrêmement puissante produite par des électrons accélérés presque à la vitesse de la lumière dans un grand anneau magnétique.
Cet accélérateur de particules permet d'explorer l'infiniment petit.

Appliquée à l'étude des momies, cette technique permet un accès non destructif et non invasif aux différentes couches du corps ou de l'animal embaumé. Elle permet d’obtenir des images en 3D, à très haute résolution, de l’intérieur d’un objet.

C'est une véritable alternative au dé-bandelettage des momies.

L'étude par Camille Berruyer, docteure en archéozoologie, d'une soixantaine de momies animales issues de la collection du musée des Confluences de Lyon, du muséum d'histoire naturelle de Grenoble et du musée de Grenoble, a permis d'obtenir de nombreuses informations sur leur contenu, les différentes espèces animales, les conditions d'élevage et d'abattage et même des pratiques de momification.


Cela permet l'identification des espèces, l'étude des techniques de momification (résidus de résine, bandelettes, fractures volontaires), l'analyse de l’état de santé (détection de maladies, de malformations osseuses, ou de l’âge au moment du décès), l'observation des matériaux utilisés, de différencier tissus, os, résines, parfois jusqu’à la composition chimique.

En 2015, une équipe a utilisé le synchrotron de Grenoble (ESRF) pour scanner des momies d’ibis et de chats. Les scientifiques ont pu reconstituer en 3D le contenu des bandelettes, montrer les os minuscules, et découvrir que certaines momies étaient parfois « vides » ou seulement partielles.

C'est une véritable révolution.

Grâce aux travaux des frères Champollion et surtout de Jean-François Champollion, considéré comme le père de l'égyptologie et grâce aujourd'hui aux technologies les plus modernes, les égyptologues peuvent explorer ces vestiges sans les abîmer et aller plus avant dans leurs connaissances.

Texte de Paulette Gleyze

Photos de Gérard Gleyze




1 commentaire:

  1. il est vrai que c'est un superbe musée, bien organisé et au parcours très didactique; quant au blog, toujours bien documenté et je dirais même plus: très bien documenté...

    RépondreSupprimer