2017 est à Grenoble, l'année de la commémoration de l'invention du ciment par louis Vicat.
Le 25/10/2017 avec un guide de l'office du tourisme, sous un beau soleil automnal, nous allons découvrir comment l'invention du ciment a marqué
l'architecture grenobloise.
Il va nous apprendre à repérer les façades en pierre de taille ou en ciment, les sculptures et décors en pierre ou en ciment moulé.
La visite se fera dans l'hyper centre de Grenoble et nous ne verrons que les bâtiments principaux. Il y en reste bien d'autres à découvrir...
C'est à Grenoble que Louis Joseph Vicat invente le ciment artificiel.
Il est né le 31 mars 1786 à Nevers et mort le 10 avril 1861 à Grenoble, il est diplômé de Polytechnique et des Ponts et Chaussée.
Il entretient une correspondance assidue avec un autre illustre grenoblois d'adoption, Jean-François Champollion.
Ingénieur au service de l'Etat, il est nommé en 1812, à l'âge de 26 ans, responsable de la construction du pont de Soulliac sur la Dordogne. C'est le blocus continental, le chantier est ralenti. Il met à profit son temps pour faire des recherches sur les mortiers, et découvre le ciment hydraulique. Il publie ses travaux en 1817, et va utiliser sa découverte pour la construction du pont de Soulliac. Les travaux reprennent à Souillac et le pont est terminé en 1822 et devient le premier pont bâti avec une chaux hydraulique artificielle.
En 1836, Louis Vicat fait encore deux découvertes qu'il publie en 1851 : il met au point les ciments brûlés ou sur-cuits (ciment à très forte résistance) et le clinker, qui est une roche artificielle très dure qui provient de cette forte cuisson et qui est ensuite broyée et qui donne un ciment artificiel dit portland. Louis Vicat n'a jamais produit de ciment préférant se consacrer à la recherche.
La 1ère cimenterie de France est créée en 1835, par Voisin, Girardet et Riondet à St Martin le Vinoux à l'entrée de Grenoble.
Joseph Vicat, le fils de Louis Vicat ouvre une cimenterie à Vif au sud de Grenoble en 1853. Elle est aujourd'hui cotée en bourse mais le capital est toujours contrôlé par les descendants la famille Merceron-Vicat.
Aujourd'hui le département de l'Isère est toujours pionnier en matière de ciment avec l'invention de ciments très performants.
Nous commençons la visite par la rue de la République où se trouve le "Monoprix" premier immeuble en béton armé de Grenoble, Il est construit en 1912 par
l'architecte Papet dans le style art nouveau, avec de grandes baies vitrées à l'emplacement de l'ancien couvent de dominicains. Le béton est préféré à la pierre car beaucoup moins onéreux.
Le bâtiment mitoyen a été construit à la même époque mais d'un tout autre style. C'est un bâtiment bourgeois qui reste fidèle à la pierre. Les balcons sont galbés,
les balcons en ferronnerie d'art mais les moulures et sculptures sont en ciment moulé.
La juxtaposition de deux immeubles si différents et construits à la même époque peut surprendre, mais au début du 20e siècle à Grenoble la ville n'avait pas droit de regard sur les façades, les architectes n'ayant qu'une obligation de gabarit et de hauteurs de bâtiments qui ne devaient pas dépasser 4 étages.
Face à ces deux bâtiments se trouve le Grand Hôtel construit en 1880, aujourd'hui dédié en partie à des commerces.
Le gros œuvre est en pierre et les sculptures, les corniches et les moulures en béton.
Le béton est beaucoup moins cher que la pierre, et permet une production d'éléments de décoration en grande quantité avec le même moule.
Le sculpteur fait les dessins, un moule en bois est fabriqué en fonction du dessin et le ciment est coulé dans le moule.
La sculpture monumentale de l'entrée est en ciment moulé et peinte à la dernière rénovation du bâtiment. Elle représente une allégorie de la chasse (à droite) et de la pêche ( à gauche).
Pour faciliter les échanges entre l'ancienne et la nouvelle ville, la municipalité de l'époque décide en 1895 de raser des maisons du XVIIe siècle qui se trouvent sur le passage et de créer la large rue Félix Poulat qui rejoint la place Grenette à la place Victor Hugo.
Des immeubles de style haussmannien aux façades en ciment moulé sont construits de part et d'autre. Le principe est nouveau, la pierre naturelle est remplacée par des blocs de ciment moulé.
Le moulage de pierres factices est un procédé typiquement régional. Le ciment prompt naturel de Grenoble est coulé dans la masse pour réaliser de fausses pierres de taille. Elles sont ensuite amenées sur le chantier et sont assemblées selon la traditions comme s'il s'agissait de pierre de taille. Elles ne craignent pas le gel et prennent une jolie couleur ocre avec le temps due à la carbonisation.
L'architecte fait le dessin grandeur nature et le mouleur réalise le moule en plâtre. Un moule en bois démontable est ensuite fabriqué selon le modèle, ce qui facilitera le démoulage. En outre, pour rendre le démoulage plus aisé, le bois est enduit de savon et le béton coulé.
La pierre factice marque la transition architecturale entre la pierre et le béton armé.
Une 1ère tranche de travaux est terminée en 1901 avec le le bâtiment des galeries Modernes (devenues Galerie Lafayette), avec une majestueuse façade aujourd'hui disparue.
A côté se trouve l'immeuble dit des éléphants de 1902, construit par Anatole Berthelot.
Anatole Berthelot était au départ fabriquant de produits chimiques à Vif. En 1849 il y installe son usine de ciment en face du futur site de Joseph Vicat.
Républicain, franc-maçon il s'oppose aux Merceron-Vicat, notamment aux élections cantonales de 1882. C'est pour concurrencer l'Hôtel Moderne des Vicat qu'il fait construire l'immeuble dit «aux éléphants» juste à côté. C'est la plus belle vitrine des cimentiers pour montrer ce que l'on peut faire. Les éléphants sont en pierre. A l'intérieur il y avait les bureaux des Berthelot et un magasin select pour homme.
Le Grand Hôtel moderne construit par les Vicat avec ses blasons, qui ont pour objectif de montrer que Grenoble n'a rien à envier aux grandes villes de France. C’était le plus bel hôtel de Grenoble. Il est construit en pierres factices de ciment naturel ocre, L'ornementation fait la renommée de la ville.
En face en style art nouveau l'entreprise Raymond (inventeur des boutons-pressions) fait construire un immeuble de rapport.
Tous les bâtiments de la place sont construit à la même époque et de la même manière; le rez de chaussée des bâtiments est construit en calcaire bleu de la carrière de St Restitut dans l'Ardèche. Le calcaire est plus dur et ne s'effrite pas en cas d'inondation, ce qui arrivait régulièrement à Grenoble. Au dessus des 4 étages autorisés sont construits en pierres factices en ciment et décorés de sculptures, moulures, corniches...en ciment moulé.
Nous arrivons aux quais de l'Isère.
C’est le colonel Breton qui a découvert en 1842 d'importants filons sur les flancs de la Bastille.
La « Société générale et unique des Ciments de la Porte de France », a exploité les falaises. Elle était issue de la fusion de trois maisons en 1878, et était la plus grosse productrice de ciment naturel isérois à la fin du XIXe siècle. Elle exploitait des filons à Sassenage, à Seyssins, mais surtout les falaises de la Bastille et dans les profondeurs du mont Rachais, la montagne qui porte la Bastille.
Depuis le début de leur exploitation en 1842, les carrières de la Porte de France ont transformé le paysage. En effet, les falaises arrivaient jusqu’au niveau de l’Isère, la cimenterie a arrêté le grignotage quand elle est arrivée au niveau des fortifications Haxo. La montagne du Rachais quant à elle est un véritable gruyère. Le réseau de galeries totalisait 67 galeries sur 120 km en 1910 et plus de 1000 km en 1956. Aujourd’hui l’accès est impossible.
Dans les couloirs de trois mètres cinquante de haut et de large, les mineurs extrayaient des blocs à l’explosif, ils étaient chargés dans des wagonnets et acheminés par un téléphérique de 300 m de dénivelé entre le mont Jalla et la cimenterie.
Ce téléphérique, dont nous voyons encore aujourd’hui des vestiges a été construit en 1875, il est constitué de deux câbles « autoporteurs » de 600m de long, une installation industrielle unique à l’époque.
Sur ce site, la proportion d'argile était d'environ 24 %, soit la teneur idéale d'après les recherches de Vicat, pour donner un ciment parfait.
A la fin du XIXe siècle début XXe siècle, le ciment moulé va servir la modernisation, le confort et l'hygiène de Grenoble.
On assiste à des constructions de grandes ampleurs : des immeubles, l'hôpital civil de la Tronche, des églises (St Bruno), des écoles...
Tout va être construit en pierres factices.
Le ciment va aussi permettre l'installation de conduites d’égout, de conduites d'eau, de vespasiennes, de trottoirs...
Dès la fin du XIXe siècle le ciment est une véritable révolution, il va changer le visage de la ville et l'ornementation des immeubles qui fait sa renommée.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette et Gérard Gleyze
je n'aurais jamais imaginé que toutes ces façades étaient en ciment... Ce soir je m'endormirai plus savant et moins couillon qu'en me levant ce matin... Merci
RépondreSupprimerc'était et c'est bien un signe du temps ! aujourd'hui encore on fait des fleurs de "Lys en ciment" !!!
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