dimanche 16 février 2025

Exposition "PLAY PLAY PLAY" de William Klein_Musée d'art contemporain de Montélimar


Du 29 juin 2024 au 06 janvier 2025 s'est tenue au musée d'art contemporain de Montélimar l'exposition "Play Play Play" de l'artiste William Klein.

Nous avons visité cette exposition le 30/08/2024.

Le musée se situe dans l'ancienne caserne Saint-Martin, réaménagée en bâtiments civils. C'est un ensemble de bâtiments militaires construits à partir de 1731 et qui ont été en activité de 1743 à 2000.

Pour la première fois en France depuis sa disparition en 2022, le musée présente  une exposition rétrospective de l'artiste, réunissant plus de 250 oeuvres, tirages d'époque, impressions grands formats, documents d'archives, livres, extraits de film.

Elle présente William Klein peintre, photographe et cinéaste.

William Klein (1926-2022) était un photographe, réalisateur et artiste américain célèbre pour son approche innovante et avant-gardiste de la photographie et du cinéma.

Né en 1926 à Manhattan, tout près d’Harlem, il arrive à Paris en 1947

Il rencontre Jeanne Florin qui devient son épouse et sa  muse et va l'accompagner tout au long de sa carrière.

Il étudie la sociologie à la Sorbonne et la peinture à Montparnasse, chez André Lhote, puis Fernand Léger. 

Ce dernier le pousse à sortir de l’atelier et à explorer de nouveaux médias. 

Ce sera la photo, avec un coup de maître en 1956, avec son livre sur "New York" qui le rendra célèbre, (titre original "Life is Good and Good for You in New York").

C'est un livre novateur de photographies urbaines. 

Il sera suivi par d'autres ouvrages de photographies sur Rome, Moscou et Tokyo.

Il fréquente le cercle des jeunes artistes peintres américains installés à Paris. 

Fort de sa connaissance des avant-gardes européennes de l'entre-deux guerres, il développe une peinture non figurative.

Il délaisse rapidement cette peinture géométrique et colorée mais elle marquera toute son oeuvre à venir, photos, films, graphismes.

Son travail a marqué l'histoire de la photographie de la mode, du photojournalisme et du cinéma documentaire.

Il est reconnu pour son style brut et dynamique, caractérisé par des compositions audacieuses, des flous, des contrastes forts et l'utilisation du grand-angle. 
Il a révolutionné la photographie de mode en brisant les conventions du cadrage et de la mise en scène.

Il a travaillé entre autre pour la revue Vogue dans les années 1950-60.


Il a également marqué le monde du cinéma avec des films engagés et satiriques, comme :
Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? (1966), critique de la mode et des médias.
Muhammad Ali, The Greatest (1974), documentaire sur la légende de la boxe.
Le Couple témoin (1977) , satire de la société moderne.

Il s’est distingué aussi dans la peinture et le graphisme, avec des œuvres inspirées du mouvement abstrait.

Il a une grande influence dans la photographie contemporaine et dans le cinéma documentaire et expérimental. 

L'exposition présente une sélection de photogrammes originaux, des tirages grand format et des reproductions des couvertures de Domus, célèbre revue italienne spécialisée en design, architecture et art, qui a plusieurs fois mis en avant le travail de William Klein. 

Il écrit :" Par opposition aux action painters de New York, nous nous interdisions le coup de pinceau romantique et sentimental... le mot d'ordre était devenu : deux dimensions, tout dans la tête, le minimum sur la toile"







Dès ses 20 ans, William Klein a élu l'Europe et la France, où il résidera jusqu'à sa mort, mais il n'aura de cesse de photographier sa ville natale et les Etats Unis.

Le premier grand opus qu'il réalise à New York en 1954-1955 tient une place à part dans son travail qu'il a rassemblé dans son livre "New York" en 1956.

Ce livre est une œuvre révolutionnaire dans l’histoire de la photographie, car William Klein bouscule les conventions de la photographie de rue et du reportage en adoptant une approche à contre-courant des standards de l’époque.

Il porte un regard spontané en capturant le mouvement de la vie à New York avec des images soignées et élégantes, il fait un usage audacieux du flou, du grain et du grand-angle.

Il montre une métropole brute, bruyante, peuplée de passants, d’enfants espiègles, de vitrines criardes et de rues bondées.

À sa sortie, le livre "New York" a fait scandale car il choquait les puristes de la photographie et du reportage.

L'approche de Klein est alors perçue comme trop anarchique, trop éloignée des standards esthétiques et journalistiques, cependant, son style va influencer profondément des générations de photographes de rue et de photojournalistes.

Au départ, le livre n’a pas été publié aux États-Unis, car il était jugé trop subversif, il a été publié en France sous le titre "Life Is Good & Good for You in New York : Trance Witness Revels."

Grâce à ce livre, il débute sa carrière de manière fulgurante.

Il écrit "Pour New York, j'ai voulu faire une bande dessinée de la photo les unes dans les autres. Ca rendait la lecture plus difficile en apparence mais quand même plus conforme à cette série de flashes visuels qu'on peut avoir quand on marche dans la rue. Ca choquait beaucoup à l'époque, mais je ne pouvais pas faire autrement. J'avais envie de brouiller, de casser.
La photo, les livres se prenaient trop au sérieux".














Après New York, Klein explore entre 1956 et 1961, les villes de Rome, Moscou et Tokyo.

Après l'écho qu'a produit le livre "New York", photographes et cinéastes se procurent l'ouvrage.

Parmi eux, Fellini qui va proposer en 1956 à William Klein de devenir son assistant pour le film "Les Nuits de Cabiria" (1957).

Klein accepte et part pour Rome. Les retards de tournage sont nombreux, aussi il entame une exploration de la ville.

Ses photos suggèrent une ville dense, des vies pleines et joyeuses.
Il privilégie les scènes propices à exprimer la ville en mouvement.
Il suggère aussi la présence récurrente de l'inévitable icône de la vespa.













En 1959, il se rend pour la première fois à Moscou.

À cette époque, l’Union soviétique est très fermée aux Occidentaux.

Klein est autorisé à circuler dans Moscou et d’autres villes soviétiques, notamment Leningrad (Saint-Pétersbourg), Kiev et Géorgie.

Il y capture des scènes du quotidien soviétique, il s’intéresse aux gens ordinaires, travailleurs, enfants, couples, passants. Il photographie des scènes de rue, des stations de métro, des événements publics, des visages expressifs...

Son style est bien affirmé avec les gros plans, les images granuleuses, les compositions dynamiques, un regard spontané et presque cinématographique sur la ville.

Il offre un portrait nuancé de l’URSS en pleine Guerre froide.

Ces photos prises vont servir de préparation à son futur livre "Moscow" (1964).



En 1961, il voyage à Tokyo pour réaliser un livre de photos, "Tokyo".

Il est invité par l'éditeur Zokeisha qui lui propose d'éditer son livre "Moscow" et l'incite à photographier Tokyo.

Il va capter l’effervescence de Tokyo à travers des rues bondées, des néons, des foules pressées.

Il photographie des scènes de vie quotidienne, des manifestations, des enfants jouant dans les ruelles, des yakuzas, des sumos.

Il oppose les temples et les gratte-ciels, les kimonos et les costumes occidentaux.

"A New York je traitais tout en scoop, à Tokyo, j'ai fait comme si toute situation était une cérémonie rituelle"









Il va photographier Paris à partir de 1947 jusqu'aux années 2000.

Il témoigne au fil des ans ce qui rapproche les habitants la ville : funérailles, concerts, parades, courses ...Klein photographie tous les rassemblements, les bals populaires, la révolte des étudiants, les évènements mondains...

Dans son livre "Paris+Klein" paru en 2002, il rassemble des images prises entre les années 1950 et 2000.

Contrairement à des photographes comme Henri Cartier-Bresson, qui privilégiait des compositions classiques, Klein a imposé un style radical, influencé par le graphisme et la publicité. 

Ses clichés de Paris capturent une ville animée, chaotique et parfois burlesque.
Ils témoignent d’une ville vivante, en perpétuelle mutation, loin des images touristiques conventionnelles des cartes postales classiques de Paris.

Engagé par Vogue dans les années 1950, Klein impose rapidement sa vision novatrice.

Il a révolutionné la photographie de mode dans les années 1950 et 1960 avec un style audacieux, anticonformiste et très dynamique, en rupture totale avec les codes classiques de l’époque.

Il introduit des cadrages dynamiques et déséquilibrés, souvent en contre-plongée, du mouvement, en photographiant ses mannequins en pleine action, en extérieur, dans les rues.

Par exemple, un cliché célèbre où le mannequin pose en plein milieu de la rue avec une attitude presque théâtrale, tandis que des badauds l’observent.

Ses images racontent une histoire et s’apparentent presque à des scènes de cinéma.

Son approche de la photographie de mode a ouvert la voie à des générations de photographes comme Helmut Newton ou Peter Lindbergh, qui ont poursuivi cette recherche de spontanéité et d’authenticité dans l’univers du luxe.

Il écrit "J'ai toujours été étonné de me voir faire des photos de mode. Je n'y connais rien et le milieu me pompe l'air. Je trouve les mannequins assez drôles, pas les robes. Ce qui m'intéressait en dehors de l'argent était la possibilité d'apprendre la photographie "riche". Les photos que je faisais pour moi étaient volontairement "pauvres" : un ou deux objectifs, pas d'assistant, pas de couleur, pas de mise en scène".











"Paris Play-Sport" est une série de photographies où il capture l’énergie du sport dans les rues de Paris.

Il transforme le sport en un spectacle urbain, loin des représentations et des événements sportifs traditionnels.

Il photographie des scènes de sport dans l’espace public, des enfants qui jouent au football sur les pavés de Paris, des coureurs et cyclistes en pleine vitesse, capturés avec des angles exagérés, des matchs improvisés, des acrobaties et des performances physiques prises sur le vif.

Avec cette série, Klein ne s’intéresse pas uniquement à la performance athlétique, mais à l’interaction entre les sportifs, les spectateurs et l’environnement urbain.

Il souligne le côté populaire et spontané du sport, loin des grandes compétitions officielles.

"Paris Play-Sport" s’inscrit dans la lignée des travaux de Klein sur le chaos organisé et l’énergie des villes.











William Klein a réalisé une série de photographies sur Muhammad Ali et édité un livre, « the Greatest » (1969).

C' est une œuvre majeure sur la boxe et la figure du champion.

 Ce  n’est pas un livre classique de photographie sportive, il mélange images, séquences, et typographies éclatée qui donnent une vision totale du phénomène Ali, à la fois sportif, politique et culturel.

Il a capturé l’intensité de ses combats et son charisme hors du ring et a raconté son histoire avec des photos en noir et blanc qui accentuent la puissance du boxeur.

Des cadrages parfois flous ou déséquilibrés pour renforcent l’énergie des combats.

Il a immortalisé l’homme derrière le champion, avec des photographies en coulisses, à l’entraînement et dans sa vie quotidienne.

Il l'a aussi immortalisé lorsqu’il est devenu champion du monde pour la première fois.

Il l'a capturé l’engagement d’Ali, son lien avec la Nation of Islam et son opposition à la guerre du Vietnam.

William Klein a largement contribué à façonner l’image mythique de Muhammad Ali.











William Klein a réalisé 21 films, courts, moyens et longs métrages dans le domaine de la fiction et du documentaire, auxquels il faut rajouter quelques 250 publicités.

Le cinéma sera pour lui un espace de liberté où il mettra en scène ses visions prophétiques de la modernité.

Avec l'agilité d'un Mohammed Ali sur le ring, il passe d'un style à l'autre, combinant même parfois au sein d'un même film plusieurs genres de la comédie musicale à la télé-réalité avant l'heure.

Face à Ali, est exposée une figure, celle de Mister Freedom entièrement issue de l'imagination de Klein.
Freedom est une autre figure de lutte, celle qui représente un libérateur fantoche incarnant, à l'heure de la guerre au Vietnam, l'impérialisme américain et sa propagande.

"Mister Freedom" est un film exubérant, entre bande dessinée et et cinéma-vérité dans lequel il insère des plans qu'il a filmé des manifestations de 1968 (qui donneront lieu à son documentaire "Grands soirs, petits matins").

L'exposition montre les dessins d'étude des dessins sur photographies pour les costumes réalisés par William Klein, une peinture de Jeanne Klein, sa femme, collaboratrice de tous ses films pour le film "Mister Freedom".

Nous voyons aussi une affiche monumentale aux traits naïfs et un collage de l'artiste. 







William Klein a fait l’objet de nombreuses expositions d’envergure à travers le monde entier, notamment :
aux Rencontres internationales de la photographie à Arles (1978, 1982 et 2016), 
au Museum of Modern Art MoMA, à New York (1980-81), 
au Centre Pompidou à Paris (1983 et 2005), 
au Musée de l'Élysée à Lausanne (1988), 
à l’International Center of Photography (ICP) à New York (1994),
 à la Maison européenne de la photographie à Paris (2005), 
à la Tate Modern de Londres, avec Daidō Moriyama (2011) 
et au Fotografiemuseum Amsterdam (Foam) à Amsterdam (2013)

auxquelles s'ajoutent les nombreuses expositions dans des galeries internationales.

Il a reçu de nombreux prix, est nommé Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres en 1991, et docteur honoris causa de l'université de Liège en 2010.

Il est reconnu pour son influence majeure sur la photographie de rue et de mode, ainsi que pour ses travaux cinématographiques. Ses œuvres sur des métropoles telles que New York, Rome, Moscou, Tokyo et Paris, qui lui ont valu une renommée internationale. 

Ses films sont une extension naturelle de son approche photographique à savoir, audacieux, expérimentaux et profondément critiques de la société. 

Il a réalisé des œuvres marquantes mêlant satire, politique et esthétisme avant-gardiste, qui a influencé le cinéma et la photographie, mais aussi la mode, le photojournalisme, le design et l'architecture.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze

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