Le 20 août 2022 nous visitons le cimetière de Picpus de Paris.
Qui connait ce discret cimetière ?
Je n'en avais jamais entendu parlé jusqu'à ce qu'un ami m'incite à le visiter.
Il est situé au 35 rue de Picpus dans le 12e arrondissement de Paris. C'est un cimetière privé dont l'entrée est payante et c'est l'un des quatre cimetières de la Révolution Française à Paris.
Il a été inscrit au titre des monuments historiques en 1998.
A l'entrée se trouve la chapelle Notre Dame de la Paix de Picpus qui a été construite en 1841 par l'architecte Joseph-Antoine Froëlicher, à l'emplacement de la salle capitulaire du couvent des Chanoinesses de St Augustin qui y étaient installées depuis 1640.
En 1792, les quarante chanoinesses sont expulsées de leur couvent et des deux hectares de terrains attenants. Le tout est réquisitionné comme bien national et le couvent est utilisé par le citoyen Eugène Coignard, dès 1793, sous la Terreur, comme maison de santé, pour recevoir de riches détenus que l'on faisait passer pour malades, de différentes prisons de Paris. Ceci permettait à ces privilégiés d'échapper à la guillotine.
Le marquis Donatien Alphonse François de Sade et Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos (auteur des Liaisons Dangereuses) y ont séjourné ensemble en 1794.
En 1805, les familles des personnes inhumées se sont associés et ont racheter le couvent pour y installer la congrégation des Sacrés Cœurs de jésus et Marie. La chapelle Notre Dame de la Paix de Picpus a été construite pour la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et Marie et pour garder la mémoire des victimes de la Terreur.
Pendant la Révolution, la loi du 22 prairial (10 juin 1794) a simplifié les procédures de mise en accusation et a supprimé toute défense. Elle a instauré à Paris une série d’exécutions massives qui a été baptisée la Grande Terreur.
Pendant cette période, en raison de la grande cadence de la guillotine, une moyenne de 30 exécutions par jour, les cimetières de Paris étaient plein. Il fallait trouver un autre lieu pour les inhumations.
Le parc de Picpus a été désigné à cette fonction. En juin 1794, une première fosse commune est creusée au fond du parc et les corps décapités y sont jetés la nuit en cachette.
Quand la première fosse a été remplie une deuxième a été creusée, puis une troisième qui a été découverte en 1929, mais qui ne contenait pas de cadavres.
Du 14 juin au 27 juillet 1794, 1 306 personnes âgées de 16 à 85 ans sont guillotinées place du Trône-Renversé, aujourd'hui place de la Nation, située à la limite du 11e et du 12e arrondissement de Paris.
Parmi les victimes, 16 carmélites de Compiègne, le poète André de Chénier, mais aussi, le Vicomte de Beauharnais (premier mari de l'Impératrice Joséphine), le Maréchal de Noailles-Mouchy, l'Abbesse Louise de Montmorency, sourde et aveugle, Charles de Sartine, maître des requêtes et sa femme, Denis Pierre Jean Papillon de la Ferté, intendant des Menus Plaisirs du Roi. On compte aussi la grand-mère, la mère et une des sœurs de d'Adrienne de Noailles, épouse du marquis de la Fayette.
Le massacre s'arrête le 27 juillet (9 Thermidor) 1794, quand Robespierre, le principal responsable de cette abomination est condamné et guillotiné à son tour.
Les fosses communes sont comblées le 11 juin 1795, et le domaine est vendu le 19 fructidor an III (3septembre 1795).
Un monument donne des indications sur la fosse N° 2. Elle mesure 10 mètres de longueur, 6,30 mètres de largeur et a une profondeur de 6. Elle contient 304 personnes.
Une plaque commémorative indique que reposent 1306 personnes, 197 femmes, et 1109 hommes.
197 femmes : 7 religieuses, 16 carmélites, 51 nobles, 123 femmes du peuple.
1109 hommes : 108 gens d'église, 108 nobles, 136 gens de robe, 178 gens d'épée et 579 gens du peuple.
Le nom des victimes est gravés sur deux plaques de marbre accrochées près du chœur de la chapelle. C'est très émouvant.
Le 24 brumaire an V (14 novembre 1796) le terrain où se trouve les fosses est vendu et acheté en secret par la princesse Amélie de Hohenzollern-Sigmaringen, car le corps de son frère, le prince Frédéric III de Salm-Kyrbourg (Principauté située au Nord-Est de la France, dans les Hautes-Vosges et dont la capitale était Senones), guillotiné y repose.
En 1802, la marquise de Montagu organise et lance une souscription pour racheter l'ancien couvent et les terrains proches des fosses communes pour préserver le lieu.
Les familles des personnes guillotinés fondent le Comité de la Société de Picpus pour collecter les fonds et acheter le terrain pour y établir un cimetière près des fosses communes.
Dans ce cimetière, seul cimetière privé de Paris, les familles ont pu se faire enterrer près de leurs parents guillotinés.
En août 1926, l'ensemble devient propriété de la "Société de l'oratoire et du cimetière de Picpus" devenue "Fondation de l'Oratoire et du cimetière de Picpus"
Nous pouvons voir des noms tels que De Noailles, La Rochefoucauld, Rohan, Broglie, Saint Simon, G Le Nôtre, nom de plume de Louis Léon Théodore Gosselin, arrière petit-neveu du jardinier du roi, André le Nôtre...
Lafayette héros de la guerre d'Indépendance Américaine repose dans ce cimetière auprès de son épouse, depuis 1834. Il a été inhumé dans une terre qu'il avait ramené d'Amérique 10 ans plus tôt.
Le 4 juillet 1917, jour anniversaire de l'Indépendance des États-Unis, Charles Egbert Stanton, Colonel de l'Armée américaine et le Général Pershing se sont rendus sur la tombe de Lafayette.
Pour honorer sa mémoire, Stanton a prononcé un discours qu'il a conclu avec la célèbre formule "Lafayette nous voilà!".
Chaque année, le 4 juillet, des représentants de l'Ambassade des États-Unis, se rendent sur sa tombe sur laquelle flotte en permanence le drapeau américain, pour honorer sa mémoire.
Durant la 2e guerre mondiale, ce drapeau a été le seul drapeau américain déployé dans Paris occupé.
Les livres d'école nous ont appris que la Terreur avait pris fin le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) avec la chute de Robespierre et de ses partisans, mais aujourd’hui les historiens sont plus nuancés et rappellent que seule la loi du 22 prairial a été abolie dans les jours qui suivent le 9 thermidor mais que le tribunal révolutionnaire n'a pas été supprimé et que les exécutions ont continué.
Triste période !
Texte : Paulette Gleyze
Photos : Anne, Paulette et Gérard Gleyze
C'est une découverte intéressante. Merci Paulette pour tes reportages toujours denses et illustrés.
RépondreSupprimerPh.C