mardi 21 décembre 2021

Exposition Pierre Bonnard au musée de Grenoble


Le 14 décembre 2021 nous visitons l'exposition intitulé "Bonnard les couleurs de la lumière" au musée de Grenoble avec l'association de l'ARDDS.

Devant une assistance très attentive, Candice va nous présenter et commenter avec brio pendant 2 h 30 mn cette superbe exposition organisée en 6 sections, qui chacune illustre les différentes périodes de la création de Pierre Bonnard. Deux salles s'intercalent réservées aux photos et aux arts graphiques.

En partenariat avec le musée d'Orsay, le musée de Grenoble a rassemblé plus de 70 peintures et une cinquantaine d’œuvres sur papier grâce à des prêts du Musée National d'art Moderne-Centre Georges Pompidou et de plusieurs autres musées français.

Le parcours est thématique avec pour fil rouge le thème de la lumière et les différentes couleurs et nuances qu'elle revêt tout au long de sa vie.

Ce parcours évolue entre différents thèmes, ce sont les paysages des lieux où il se trouve et qui l'inspirent : le Grand-Lemps (Isère), Paris, la Normandie, la Méditerranée, mais c'est aussi les intérieurs, les natures mortes et les nus. C'est dans la lumière du sud que Bonnard peindra les plus beaux nus de Marthe, sa muse.

Pour Bonnard la lumière et la couleur sont essentielles et son importance s'accroit au fil du temps.

P. Bonnard est né en 1867 à Fontenay aux Roses et décédé au Cannet en 1947.

En 1887, il va à Paris pour faire des études de droit. Parallèlement il prend des cours d'art à l'académie Julian et à l'école des Beaux Arts. Son diplôme de droit en poche, il ne va se consacrer qu'à la peinture et rejoint le groupe des"Nabis" qui signifie "prophètes" en hébreux. Les Nabis apparaissent en 1888, c'est un groupe qui défend une vision mystique.

"Crépuscule ou la Partie de croquet_1892_huile sur toile_musée d'Orsay" est un tableau inspiré du jardin du Grand-Lemps. C'est une vision onirique du jardin à la tombée de la nuit. Il utilise des aplats de couleurs, des formes à cloisonnement et des motifs décoratifs. Il n'y a pas de point de fuite mais une superposition de plusieurs surfaces de peinture, ce qui donne de la profondeur; ici c'est une scène familiale où l'on peut voir sa mère, sa sœur et son mari et leurs enfants. Les couleurs vaporeuses montrent son engagement pour les Nabis. P. Bonnard ne va pas rester enfermé dans ce groupe et s'en retirera progressivement.

Dans ses tableaux P. Bonnard peindra fréquemment des enfants et des animaux, témoins de son attachement pour eux .

Il passe de nombreux étés dans la villa familiale au Grand-Lemps "Le Clos" où il retrouve sa mère Andrée, sa sœur et son mari le compositeur Claude Terrasse et leurs cinq enfants.

C'est là et dans les alentours qu'il réalise ses premiers paysages.

"Lac dans le Dauphiné_vers 1916_huile sur toile_Fondation Glenat-Grenoble "

"L'après-midi bourgeoise_1900_huile sur toile_musée d'Orsay-Paris" est un portrait collectif de taille monumentale de sa vie familiale au Grand-Lemps. Il réunit 13 personnes de sa famille, trois chiens, un chat et ses chatons. Chaque personnage a sûrement été peint de manière autonome d'après des croquis et études disparus.

En 1898, il profite des vacances d'été pour peindre une série de grandes toiles sur le thème de la cueillette des pommes en s'inspirant du verger du "Clos"qui s'étendait derrière la maison . "Le grand jardin_vers 1898-1899_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay".
Le tableau est constitué de plusieurs tons de vert. Sa manière de peindre le rapproche alors des impressionnistes.

"Effet de neige_vers 1901_huile sur papier_Paris musée d'Orsay"

P. Bonnard est un amateur de musique. Il rencontre Misia Gobedska, une jeune pianiste d'origine polonaise ce qui lui permettra de faire la connaissance de Ravel, Debussy et Satie. Elle invite souvent ses amis artistes dans son appartement parisien et ses maisons de campagne. En 1905, lors de l'achat d'un hôtel particulier elle commande à P. Bonnard une grande décoration pour sa salle à manger.
Il imagine un cycle composé de 4 immenses panneaux, qu'il mettra 4 ans à réaliser (entre 1906 et 1910). Le thème de l'eau est le fil conducteur de cette série. Les nymphes, les faunes, les sirènes, les jeunes filles, les enfants, les animaux jouent dans un monde fantastique.

Les 4 panneaux des épisodes de la vie de Misia sont unifiés par les frises flamboyantes et décoratives. Ils vont être le départ d'une série de panneaux pour des commandés par des européens, des américains et des russes à partir de 1910.

Dans "Le Plaisir_1906-1910_huile sur toile, panneau décoratif_Paris Musée d'Orsay", le contraste des couleurs est flamboyant. Présence d'un asiatique et des figures fantasmagoriques comme Dante et Virgile au paradis.
"Jeux d'eau_1906-1910_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" porte le titre d'une pièce pour piano composée par Ravel en 1901. Les voyageurs sur le pont du bateau fait référence à la croisière musicale organisée en 1905 par Misia en présence de Ravel.

Dans la frise, se trouvent de nombreux animaux dont des pies tenant en leurs becs un collier de perles. L'anecdote raconte que Misia avait un amant qui l'a quitté pour une autre femme. Pour compensation de sa séparation elle lui a demandé un collier de diamants, et c'est suite à cet évènement que P. Bonnard a peint ces perles.
Bonnard mêle ici réalisme, comme le bassin où des enfants se baignent dans la propriété du Grand-Lemps, et onirisme.

Pierre bonnard, à la différences des "plainairistes" impressionnistes, se servait des photos pour réaliser ses tableaux. De 1890 à 1910 il va à l'instar de Degas et de Vuillard, photographier avec son Pocket-kodak en amateur. Il ne fait pas poser les modèles et photographie dans sa sphère privée et aussi en grande partie en Isère. Ce qui lui importe c'est le cadrage et la lumière qu'il va retranscrire dans ses tableaux.

Il a laissé environ 200 épreuves qui sont aujourd'hui conservé au Musée D'Orsay à Paris. Marthe lui inspire de nombreux nus.

Les épreuves sur papier albuminé sont tirés de négatifs sur film souple au gélatino-bromure d'argent.

"La baignade : Vivette au premier plan, Robert à l'arrière plan et deux autres enfants_entre 1903 et 1905"

"Marcel et Robert dans un bacquet, Renée assise à leur côté_1898"

"Sur le balcon de l'atelier_Paris_entre 1902 et 1903"

"P Bonnard sur l'âne Trotty au Grand-Lemps_entre 1903 et 1905".

P Bonnard fumant la pipe dans le jardin du Grand-Lemps_vers 1906"

"Marthe au tub_entre 1908 et 1910"

" Marthe de profil enlevant sa chemise de nuit_entre 1900 et 1901"

La salle suivante est consacrée à Paris la ville lumière.

P. Bonnard écrit : "Le dessin c'est la sensation, la couleur, c'est le raisonnement"

En 1889, il s'installe à Paris et loue un premier atelier aux Batignolles et en 1891 en loue un deuxième au pied de la Butte Montmartre.

Le tableau "chanteurs ambulants"de 1897_huile sur bois_Paris musée d'Orsay", montre un trio se produisant dans la rue à la tombée de la nuit. La scène est éclairée par un bec de gaz. Pierre Bonnard aime la musique, la danse.

"Danseuses_1896_huile sur carton_Paris musée d'Orsay" est un hommage à Degas.

"La loge_1908_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay." évoque aussi la musique.
Cette oeuvre est commandée par les frères Bernstein (Joseph et Gaston) les représentant avec leurs épouses dans leur loge à l'opéra de Paris.
Les Bernstein sont des marchands d'art avec qui Bonnard restera lié de 1906 à 1940.
Le tableau a déplu à ses commanditaires notamment à Gaston qui a le visage amputé de moitié. De plus, le tableau présente une ambiguïté quant à la disposition des personnages. Il y a une séparation et une recomposition des couples. Que voulait signifier P. Bonnard ?
Les Bernstein ne lui en n'ont cependant pas tenu rigueur et leur collaboration se poursuivra.
Avec Edouart Vuillart et Ker-Xavier Roussel, Bonnard participe pour la première fois en 1900 à une exposition collective à la galerie Bernstein jeune dirigée par Joseph et Gaston, proches des peintres Nabis.

Dans ce tableau "Les frères Bernheim-jeune_1920_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" le bureau de la galerie situé rue Richepance à Paris se remarque par l'intensité des couleurs et par la perspective qui déforme les personnages. L'intensité des couleurs réside notamment dans l'opposition des couleurs complémentaires. Une couleur à côté de sa complémentaire vibre et est plus intense.

En 1909, P Bonnard rencontre le critique d'art et collectionneur Georges Besson. En 1912, il commande à Bonnard deux grands décors pour la salle à manger de son appartement "La place de Clichy_1912_huile sur toile_Paris Musée d'art moderne Georges Pompidou" est l'un d'entre eux. Ce paysage de rue est vu du café Wepler.
En 1942, Besson a demandé au conservateur du musée de Grenoble Andy-Farcy d'abriter sa collection dont notamment la place de Clichy.

"place Clichy_vers 1894_huile sur toile, carton parqueté_Parie Musée d'Orsay"

Après les lumière de Paris, la salle suivante nous présente les lumières normandes. Pierre Bonnard voyage aussi beaucoup en Europe : Angleterre, Pays-Bas, Italie et en France.

Séduit par les couleurs et la douceur normande il achète en 1912 une propriété à Vernonnet, baptisée "ma roulotte". La villa domine un jardin qui descend vers la Seine. Il va y faire des séjours jusqu'en 1938 et peindre de nombreux paysages.

Il revoit la notion de l'espace.

"En barque_vers 1907_huile sur toile_Paris Musée d'orsay" est un sujet rare chez Bonnard.
Marthe est dans la barque avec ses neveux (?) et toujours des animaux. Le cabotage était un thème cher aux impressionnistes. La barque est coupée, cela montre que Bonnard est de l'autre côté de la barque et c'est comme une invitation à rentrer dans le paysage.

Avec "En yacht_1912_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" il utilise le même procédé d'invitation.

"chien sur la terrasse_1917_huile sur toile_Paries Musée d'Orsay" est une vue surplombant le jardin en contrebas qui repense l'espace.

"La Seine à Vernon_1915_huile sur toile_Giverny musée des impressionnistes"

"Bords de Seine_vers1921_huile sur carton_Paris Musée d'Orsay"

"paysage normand_1920_huile sur toile_Colmar musée Unterlinden"

"l'enfant à la brouette_1912_huile sur carton_Paris musée d'Orsay"

En 1916, les Bernstein commandent à Bonnard un cycle décoratif destiné à orner l'entrée de leur hôtel particulier. Les 4 panneaux représentant les différents âges de l'humanité, du jardin d'Eden à la société industrielle, illustrent une société idéale où l'homme vit en harmonie avec la nature. Le panneau intitulé "la symphonie pastorale_entre 1916-1920_huile sur toile_Paris musée d'Orsay" s'inspire de la Symphonie Pastorale N° 6 de Beethoven et réuni dans une nature idéale, hommes et bêtes. Les camaïeux de verts reflètent la lumière.

Toujours des tableaux sur la Normandie dans la salle suivante. Son voisin l’impressionniste Claude Monet va influencer sa peinture. Néanmoins, contrairement aux impressionnistes, Bonard ne va pas reproduire l'impression du paysage mais il va admirer le paysage, faire des dessins, noter ses sensations et ensuite peindre selon la lumière, ce qui est une démarche différente.

Trouville, la sortie du port_entre 1938-1945_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay évoque les vues de Londres ou de Venise de Monnet.

Bonnard écrit en 1945 "Quand on couvre une surface avec les couleurs, il faut pouvoir renouveler indéfiniment son jeu, trouver sans cesse de nouvelles combinaisons de formes et de couleurs qui répondent aux exigences de l'émotion" .

Nous quittons la Normandie pour entrer dans une période plus sombre, les tableaux exposés dans cette salle s'intitule entre Ombre et Lumière.

Nous sommes au tournant du siècle et Bonnard exprime la solitude, l'incommunicabilité des êtres avec des tableaux plus sombres, à huis clos, des petites scènes éclairées par une lampe dans la pénombre.

"Intimité_1891_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" tableau à l'ambiance feutrée réunit sa sœur Andrée et son mari Claude Terrasse fumant la pipe. Sentiment d'intimité rendu par les tons chauds de l'oeuvre. Bonnard (dit le "Japonnart") transpose en peinture les estampes japonaises. La main au 1er plan, comme pour rentrer dans le tableau.

"Joueur de banjo_1895_huile sur bois_Paris Musée d'Orsay" Le thème de la musique traverse toute l'oeuvre de Bonnard. Comme déjà évoqué plus haut, par l'entremise de Misia Godeska qui fréquente Fauré, Ravel, Debussy et Satie, Bonnard se familiarise avec la musique des compositeurs contemporains.

"L'homme et la femme_1900_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" Bonnard retranscrit le naturel vécu avec Marthe. Ils sont séparés par un paravent et de ce fait il est souvent évoqué la cohabitation de deux solitudes, accentué par les couleurs sombres qu'il utilise au tournant du siècle.

L'apparition du thème de "La jeune fille aux bas noirs_1893_huile sur bois_Paris Musée d'Orsay" coïncide avec sa rencontre au printemps 1893 avec Marthe de Méligny, âgée de 16 ans et orpheline. Elle devient sa maîtresse à l'automne de la même année. C'est après 32 ans de vie commune qu'ils se marient en 1925.
Il est subjugué par le charme sensuel de Marthe et il la fait poser dans son atelier. Il va réaliser 300 peintures et 700 dessins de Marthe.

Bonnard tombe amoureux de Marthe e 1893 et le nu fait alors son apparition dans sa peinture marqué par un certain érotisme.

"Femme assoupie sur un lit ou l'indolente_1899_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay"

Bonnard illustre en 1898 le roman d'amour Marie du Danois Peter Nansen et en 1900 le recueil de poèmes de Paul Verlaine "Parallèlement" de Paul Verlaine :

Séguidille (extrait) Recueil Parallèlement, 1889

Brune encore non eue
Je te veux presque nue
Sur un canapé noir
Dans un jaune boudoir
Comme en mil huit cent trente

Presque nue et non nue
A travers une nue
De dentelle montrant
Ta chair où va courant
Ma bouche délirante

"Sous la lampe_huile sur carton parqué_Paris Musée d'Orsay"

"Intérieur, femme et enfants_1899_Huile sur carton marouflé sur bois parqueté_Paris Musée d'Orsay"

Alors que les impressionnistes avaient inaugurés une peinture claire et de plein air, Bonnard va au contraire, au tournant du siècle, peindre des tableaux noirs.

"Déjeuner sous la lampe_1898_Huile sur bois_Paris Musée d'Orsay" appartient aux intérieurs à huis-clos, obscurs. L'avant-plan est sombre alors que l'arrière-plan est éclairé par une lampe. Entre 1898 et 1900, la lampe est l'accessoire indispensable au monde confortable et bourgeois de Bonnard.

A partir de 1910, sa palette va devenir plus claire et les sujets vont se muer en scènes plus gaies dans une lumière claire. Marthe va apparaître penseuse et rêveuse souvent en compagnie d'un animal .

Dans l'oeuvre de Bonnard l'intimité est toujours liée à Marthe.
Dans "La femme au chat_vers 1912_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" Bonnard magnifie un moment de grande tendresse. Le chat rappelle Marthe, féline et élégante qui passe beaucoup de temps à sa toilette tout comme le chat.

"Femme tenant un chien sur ses genoux_1914_Huile sur toile_Paris, Fonds national d'art contemporain_dépôt au musée de Grenoble."

"Intérieur_vers 1920_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay"

"La soirée sous la lampe_1921_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay"

L'année 1925 est une année difficile pour le couple. La passion de l'artiste pour Renée Montchaty, qui dure depuis 7 ans, tourne au drame. Marthe se sent évincée par la jeune femme. Bonnard choisit de rester avec Marthe et cède à son désir de l'épouser. C'est là que Bonnard découvre que Marthe s'appelle Maria Boursin, qu'elle n'est pas bourgeoise mais roturière, qu'elle n'est pas orpheline mais a une famille (ce qui ne sera pas sans conséquence après sa mort) et qu'elle n'avait pas 16 ans mais 24 ans quand il l'a rencontrée. Quelques semaines plus tard Renée se suicide.

Bonnard exécute le portrait de Marthe au "Corsage rouge_1925_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay". La scène se passe dans la salle à manger de Vernonnet, Marthe a revêtu un chemisier rouge et la joue appuyée sur sa main. Est-elle chagrinée par cette mort ? ou traverse-t-elle une de ses crises de neurasthénie ? Bonnard exprime la solitude de l'être humain mais avec une incroyable lumière.

La salle suivante est un additif de dessins.
Pierre Bonnard écrit :"Le dessin c'est la sensation, la couleur, c'est le raisonnement"

Depuis 1927, P Bonnard avait toujours en poche un carnet qu'il noircit de croquis quotidiens. Tous ses projets décoratifs sont précédés de dessins. Il dessine de mémoire. Il observe et garde en mémoire ses sensations qu'il retranscrit dans ses croquis.

Il s'est aussi essayé à l'art de l'affiche avec "La revue blanche_1894_lithographie en trois couleurs_Imprimerie Edward Ancourt_Paris BNF"

"L'estampe et l'affiche, revue d'art_1897_Affiche, lithographie en trois couleurs_Paris BNF"

"Nu de trois-quarts dans une salle de bains_vers 1924-1925_crayon noir sur papier velin contrecollé sur carton_Paris Musée d'Orsay"

"Nu de profil tourné vers la droite_vers 1925_crayon graphite sur papier velin_Paris Musée d'Orsay"

"Femme nue, de trois-quarts vers la droite_crayon graphite sur papier_Paris Musée d'Orsay"

"Buste de femme nue vue de dos, femme nue penchée en avant et accroupie_encre brune sur papier velin_Paris Musée d'Orsay"

"Etude pour nu debout près de la baignoire ou nu dans un intérieur_1925_crayon graphite sur papier velin_Paris Musée d'Orsay"
 

"Etude pour la Symphonie pastorale_1916-1920_Fusain sur papier_Paris Centre Pompidou, Musée d'Art Moderne"

Nous arrivons dans la salle nommée "Reflets" où sont exposées les nues de Marthe.
P. Bonnard rend hommage à Degas qui a beaucoup peint les femmes dans l'intimité de leur toilette.
Il n'y a pas de voyeurisme chez Bonnard ni de vulgarité. Les couleurs sont extraordinaires. Bien que Marthe soit son modèle attitré, d'autres femmes posent pour lui comme Lucienne Dupuy de Frenelle ou Renée Monchaty, ses maîtresses pendant un temps. Elles se confondent toutes pour former "la femme".

A partir de 1908, sa palette s'éclaircit.

La salle de bains remplacent les chambres et les salons.
"La table de toilette_1908_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" est tout en douceur et en sensation. Bonnard va mettre en place les liens mystérieux et presque métaphysiques unissant la femme, l'espace et les objets.
"Nu 

"accroupi au tub_1918_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" le point de vue frontal fait basculer le 1er plan vers le spectateur. Harmonie de jaune de vert amande et de mauve.

"Nu devant la cheminée_1919_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" Qui représente ce nu ? Marthe ou la blonde Renée Monchaty ? Le doute subsiste car Bonnard ne faisait pas poser ses modèles, préférant se laisser guider par sa mémoire et ses photos.
 

C'est en 1921 avec "La toilette_1914 repris en 1921_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" que l'oeuvre de Bonnard entre pour la première fois au musée du Luxembourg.
 

"Nu dans le bain_1936_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" Le seul luxe que s'octroie le couple Bonnard c'est la salle de bains. Marthe s'y prélasse des heures suivant en cela la mode de l'hydrothérapie du moment. En 1936, le Petit Palais fait l'acquisition de cette toile encore inachevée grâce aux crédits accordés au musée pour l'Exposition Internationale des Arts et Techniques de 1937.
 

"Nu à la baignoire_1931_huile sur toile_Paris Centre Pompidou Musée d'Art Moderne"
Marthe est devenue l'incarnation de la peinture de P. Bonnard. Elle passait de longues heures dans sa mémoire, mélancolique. On a souvent dit que sa mélancolie s'était renforcée à la mort de Renée Monchaty, en 1925.
P. Bonnard a peint une soixantaine de nus à la baignoire.

En revanche, dans ses autoportraits la lumière est plus sombre. Dans quel état d'esprit était il ? A partir des années 1930, ses portraits traduisent sa profonde inquiétude et mélancolie. Les derniers autoportraits qu'il a réalisés au Cannet ont un caractère tragique.

Il a écrit le 17 janvier 1944 dans ses agendas : "celui qui chante n'est pas toujours heureux"

Comme Rembrandt ou Van Gogh, Bonnard s'est beaucoup portraituré.
Au total 14 autoportraits. "Le boxeur (portrait de l'artiste)_1931_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay".
 

Durant la 2e guerre mondiale, Bonnard reste au Cannet. Il est affecté par les privations et par la perte de nombreux proches : Vuillard en 1940, son frère Charles en 1941 et Marthe en 1942. Dans ses autoportraits devant la glace, Bonnard donne le sentiment de se retirer progressivement du monde. Son regard est absent, le corps amaigri, le crâne chauve, le visage mélancolique. "autoportrait dans le glace du cabinet de toilette_1939-1945_huile sur toile_Paris Centre Pompidou-Musée National d'Art Moderne".

La dernière salle s'intitule "Sous le soleil de Midi"
Bonnard découvre la lumière du midi en 1904 en compagnie de Vuillard et de Roussel. Il y rencontre Signac. Il a séjourné à Antibes, Grasse, Saint Tropez et en 1926 il achète une petite maison "Le bosquet", sur les hauteurs du Cannet, avec vue sur la méditerranée.
Dans ses peintures, sa villa se transforme en un lieu onirique et les lieux alentours sont magnifiés.
Son travail sur la couleur est un véritable travail intérieur pour un éloge à la lumière du midi.

"Terrasse dans le midi_Vers 1925_huile sur toile_Grenoble Fondation Glénat"

"Vue panoramique, Le Canner_1924_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay"

A partir de 1927, Pierre et Marthe séjournent une partie de l'année au Cannet.
L'intérieur réinventé de la maison devient le sujet de nombreux tableaux. "Coin de salle à manger au Cannet_Vers 1932_huile sur toile_Paris Musée d'Orsay"

Par un stratagème de l'artiste la luminosité est inversée. L'intérieur est baigné de lumière alors que le paysage extérieur luxuriant et laissant voir la mer au loin est sombre. "Intérieur blanc_1932_huile sur toile_Musée de Grenoble"

Avec "Vue du Cannet_1925_Huile sur toile_Paris Musée d'Orsay" P. Bonnard renoue avec les arts décoratifs. En 1925, il réalise cette décoration commandée par un collectionneur suisse Bernard Reichenbach pour son hôtel particulier à Paris. L’œuvre représente la Cote d'Azur mais le sujet principal est essentiellement la luminosité.

Commencé en 1939 et terminé en 1946, "l'atelier au mimosa_1939-1946_Huile sur toile_Paris Centre Pompidou Musée d'art moderne" est un antidote à la guerre et aux années noires qu'il a vécu. Marthe est décédée en 1942, et sur le mur rougeoyant on distingue le visage fantomatique de Marthe. Bonnard touche ici à l'abstraction.

Pour P. Bonnard la nature est une source inépuisable de réconfort. Dans les années 40 où il a vécu des moments douloureux par la mort de ses proches, sa palette est lumineuse.
"l'amandier en fleurs_Vers 1946-1947_Huile sur toile_Paris Centre Pompidou Musée d'art moderne"apparaît comme son testament artistique. Il l'a commencé en 1946 et l'a terminé quelques jours avant sa mort. Alors qu'il est à bout de forces, il dit à son neveu Charles Terrasse : "ce vert sur ce peu de terrain en bas à gauche ne va pas. Il faut du jaune..." Il a sollicité l'aide de son neveu pour couvrir de jaune "ce peu de terrain". C'est sa dernière oeuvre.
Premier arbre à fleurir en hiver, l'amandier est le symbole du renouveau et de la victoire de la vie sur la mort.

L'art de Bonnard est un hymne à la beauté du monde et du corps féminin, pour lui "Le principal sujet, c'est la surface qui a sa couleur, ses lois, par dessus les objets"

Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze