mardi 18 avril 2023

Exposition Füssli, entre rêve et fantastique_Musée Jacquemart André_13 novembre 2022


Après avoir vu l'exposition "Munch, un poème d'amour et de mort au musée d'Orsay" :
https://ballades-page3873.blogspot.com/2022/12/munch-un-poeme-de-vie-damour-et-de-mort.html

L'exposition "Rosa Bonheur" au musée d'Orsay :
https://ballades-page3873.blogspot.com/2022/12/rosa-bonheur.html

L'exposition "Sam Szafran, obsession d'un peintre" à l'Orangerie :
https://ballades-page3873.blogspot.com/2022/12/rosa-bonheur.html

l'exposition "Oskar Kokoska, un Fauve à Vienne" :
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Le 13 novembre 2022, nous visitons l'exposition "Füssli, entre rêve et fantastique" au musée Jacquemart André à Paris.

Johann Heinrich Füssli ou Henry Füseli (1741-1825) est un peintre et écrivain d'art d'origine suisse naturalisé britannique. Il montre très tôt un attrait particulier pour le mystère et le fantastique.
Autodidacte, il puise son inspiration dans des sources littéraires variées qu'il interprète avec sa propre imagination.

Après avoir été ordonné pasteur en 1761, Füssli est forcé de quitter la Suisse en 1762 pour avoir publié, en collaboration avec Johann Caspar Lavater et Felix Hess, un pamphlet contre la mauvaise administration et la corruption de l'huissier Grebel.
Il traverse l'Allemagne avec Lavater, Hess et le philosophe Sulzret.

En 1764, il part pour Londres avec Sir Andrew Mitchell. Il découvre le monde littéraire et théâtral londonien. Il vit quelque temps grâce à l'écriture, et va publier une traduction anglaise des "Réflexions sur l'imitation des oeuvres grecques dans la sculpture et la peinture" de Joachim Winckelmann.

Il s'interresse dès son plus jeune âge à la dramaturgie anglaise et plus particulièrement à Shakespeare et Marlowe. Dès son arrivée à Londres, il fréquente assidûment les théâtres pour perfectionner sa diction mais aussi par intérêt pour l'expression des passions.

A cette époque, Shakespeare dont les oeuvres ne sont pas encore censurées, sont régulièrement jouées sur scène. Elles auront un impact sur l'imaginaire de Füssli qui sera considéré comme l'interprète de Shakespeare en peinture. Il compose ses tableaux en s'inspirant de la gestuelle et de la mise en lumière du jeu des comédiens.

Macbeth de Shakespeare devient, dans la 2e moitié du 18e siècle, l'une des pièces les plus populaires en Angleterre. Füssli s'intéresse à différentes scènes de la pièce et en exécute plusieurs représentations. Il réussit à donner une grande atmosphère émotionnelle à ses tableaux par la mise en scène et l'expressivité des acteurs.
Il représente les acteurs en mouvement, ce qui représente l'urgence de la situation.

Les trois sorcières apparaissent souvent dans l'oeuvre de Füssli, créatures hybrides et androgynes, elles symbolisent le surnaturel. Cette peinture a souvent été reprise sous forme de gravure.
Les trois sorcières_après 1783_huile sur toile_the Royal Shakespeare Compagy Collection, Stratford upon Avon

Cette peinture illustre la deuxième scène de l'acte 2 de Macbeth : Lady Macbeth horrifiée constate que son mari a encore en main l'arme du crime. Füssli dépeint l'effroi chez la femme et la détermination chez l'homme. L'émotion est poussée à son paroxysme.
Lady Macbeth saisissant le poignard_1812_huile sur toile_Tate Britain, Londres

Présenté en 1784 à la Royal Academy, le tableau annonce le travail futur du Füssli sur plusieurs épisodes du répertoire shakespearien.
J Füssli_Lady Macbeth somnambule_vers 1784_huile sur toile_Musée du Louvre, Département des peintures, Paris

Béatrice, Héro et Ursule_1789_huile sur toile_Gemäldegalerie Alte Meister_Staaliche Kunstmmlungen Dresden, Dresde

Hamlet et le spectre de son père_1796_huile sur toile_Fondatzione Magnani-Rocca, Mamiano di Traversetolo, Parme

Roméo et Juliette_1809_huile sur toile_collection particulière, en dépôt au Kunstmuseum, Bâle

Il visite ensuite en 1766, la France où il rencontre les philosophes David Hume et Jean-Jacques Rousseau.
Il retourne à Londres jusqu'en 1769 et continue à écrire. Il rencontre Sir Joshua Reynolds, premier président de la Royal Academy à qui il montre ses dessins.
Reynolds lui conseille de se consacrer entièrement à la peinture.

Dans les années 1770, il fait un voyage artistique en Italie où il reste jusqu'en 1778, changeant son nom de "Füssli" en "Füseli" pour lui donner une consonance italienne. Il étudie l'art antique et celui de la Renaissance.

En 1777, il envoie à Londres, pour une exposition à la Royal Academy, une toile qui dépeint une scène de Macbeth.

En 1778, il voyage en Suisse où il commence une peinture pour l'hôtel de Ville de Zurich.

En 1780, il revient définitivement à Londres où il va rencontrer William Roscoe, avocat, historien et collectionneur qui va devenir son fidèle mécène.
Autoportrait_1780-1790_pierre noir avec rehauts de blanc sur papier_Victoria and Albert Museum, Londres

Füssli s'inspire d'un passage de l'Eneide de Virgile. Il réalise cette peinture quand il apprend que Sir Joshua Reynolds exposera à la Royal Academy. L'oeuvre reçoit une abondante critique et génère un intérêt pour sa peinture.
J Füssli_1781_La mort de Didon_huile sur toile_Yale Center for British Art, Paul Mellon Collection, New Haven

En 1786, il est invité à réaliser des peintures pour la Shakespeare Gallery de John Boydell, célèbre éditeur de gravures. Pour ce projet il va rencontrer un grand succès avec "Songe de nuit d'été" de Hamlet et de Macbeth.
Entre 1786 et 1789, il peint 9 tableaux pour la Shakespeare Gallery de John Boydell, qui regroupe les meilleurs peintres britanniques autour du répertoire shakespearien
Füssli représente le lutin imaginé par Shakespeare dans "Songe d'une nuit d'été"
Robin Goodfellow, dit Puck_1787-1790_huile sur toile_Museum zu Allerheiligen Schaffhausen, Schaffhouse

Tout en continuant de s'inspirer des textes littéraires, il créé des personnages hybrides et des créatures monstrueuses et terrifiantes.
C'est complètement atypique pour l'époque, mais la démarche repose sur son penchant pour le surnaturel mais aussi pour provoquer ses contemporains. Quand il rentre de Rome en 1780 il cherche à se faire remarquer et à occuper une place éminente dans le monde artistique. Il y parvient quand il présente en 1782 "le cauchemar". C'est une création non liée au monde littéraire.
Cette oeuvre a fasciné Freud et a inspiré de nombreux artistes comme Nicolaï Abraham Abildgoard (1743-1809) ou encore Jen Russell. Suite au "Cauchemar" Füssli développe des sujets provoquants et terrifiants. il introduit le thème de la sorcellerie : rites sacrificiels, créatures démoniaques et mystérieuses. L'imaginaire de Füssli se situe entre folie et génie.

La signification réelle du "Cauchemar" reste mystérieuse. Füssli touche aux frontières de la conscience en explorant les cauchemars et les monstres.
Ce tableau accroché en 1782 à l'exposition annuelle de la Royal Academy est un véritable choc, mais un succès. En créant une nouvelle forme de terreur, il établit à Londres sa réputation de grand artiste visionnaire.
Le Cauchemar_après 1782_huile sur toile_The Frances Lehman Loeb Art center, Vassar College, Poughkeepsie, New York

Le Cauchemar_1810_huile sur toile_collection particulière

Ce tableau est une autre version du "Cauchemar". Le regard hagard de la victime témoigne de la confusion de la victime.
L'incube s'envolant, laissant deux jeunes femmes_fin 1780_huile sur toile_collection Farida et Henri Seydoux, paris

Ce chef-d'œuvre est une représentation cauchemardesque d'un passage du paradis Perdu de Milton sur le péché. "La sorcière de la nuit", un cavalier fantomatique entouré d'une meute de chiens apparait dans un halo de lumière interrompant un rituel satanique pratiqué par une sorcière qui s'apprête à sacrifier un bébé.
La sorcière de la nuit rendant visite aux sorcières de Laponie_1796_huile sur toile_The Metropolitan museum of Art, new York

Nicolaï Abraham Abildgaard (1743-1809)_Le Cauchemar_1800_huile sur toile_Kunstmuseum, Soro

William Blake (1757-1827)_Tête d'un damné de l'enfer de Dante d'après Füssli_1789-1792_Eau-forte et gravure au burin_British Museum, Londres

Les domaines de la superstition, du rêve et du surnaturel ont un profond attrait pour Füssli. L'exploration de l'inconscient par Füssli a suscité l'engouement des surréalistes pour son oeuvre au début du XXe siècle.
Chez Füssli, le rêve provoque l'apparition d'êtres surnaturels et féériques, comme dans "le rêve de la reine Catherine" où il est synonyme de bonheur et de béatitude.
Dans "le songe du berger", il dépeint une ronde de personnages surnaturels.
Ses créatures fantastiques et ses apparitions sont soit représentées explicitement soit suggérées.
Kriemhild voit en rêve Siegfried mort_1805_graphite, lavis gris foncé et marron, rehauts de blanc sur papier_Kunsthaus Zürich, collection d'arts graphiques, 1916, Zürich

Lycidas_1796-179_huile sur toile_collection particulière

La vision de Milton_1799-1800_huile sur toile_collection particulière

Ce tableau représente une scène de Henry VIII de Shakespeare. Après que le roi ai demandé le divorce à Catherine d'Aragon, celle-ci a une vision de la félicité éternelle avant de mourir. Les esprits prennent la forme de jeunes filles, la reine est représentée dans un sursaut d'agonie tendant le bras vers les esprits. Exécuté la même année que "Cauchemar" ce tableau témoigne de la diversité d'inspirations et de l'inventivité de Füssli.
Le rêve de la reine Catherine_1781_huile sur toile_Lytham St Annes Art Collection of Fylde Council, Lytham St Annes

Le berger profondément endormi, ne prend pas conscience de la farandole de fées qui tourne au-dessus de lui. L'époque de Füssli est celle du questionnement sur le monde et sur ce qui ne peut être vu (les fées et les êtres surnaturels)
Le songe du berger_1793_huile sur toile_Tate Britain, Londres

La femme occupe une place primordiale dans l'oeuvre de Füssli et est un sujet de prédilection pour lui. Dans ses dessins, les femmes sont dominatrices et fantasmatiques. Il a également une grande fascination pou les chevelures qu'il représente sous toutes leurs formes. Les chevelures deviennent un signe de puissance.
Il entretient des relations passionnées avec ses modèles, comme Sophia Rowlins (1770-1832) qu'il épouse en 1788.
Mary Wollstonecraft (1759-1797) dont il a peint le portrait, tombe amoureuse de lui et lui propose de partir avec elle à Paris suivre ls évènements de la Révolution Française.
Il a effectué plus de 800 dessins et croquis de femmes.
Etude d'une jeune femme portant un chapeau et un ruban_1795-1800_Plume et pierre noire sur papier_Victoria and And Albert Museum, Londres

Femme nue vue de dos_1805-1810_Graphite,lavis gris et aquarelle rehauts de blanc sur papier_ the Fitzwilliam Museum, Cambridge

Madame Füssli debout_vers 1790-1795_Mine de plomb, plume et encre brune, aquarelle et gouache sur papier vergé_collection particulière

Etude d'après modèle vivant à la Royal Academy_1801_Plume, encre et lavis gris et bleu sur papier_British museum, Londres

Milton enfant, instruit par sa mère_vers 1796-1798_Plume, encre et aquarelle sur papier_National Museums Northern Ireland, Belfast

Una et le lion_vers 1778-1790_Plume et rehauts de blanc sur papier_The Huntington Library, Art Museum and Botanical Gardens, Sir Bruce Ingram Collection, San Marino

Femme assise_vers 1796-1798_Pierre noire et aquarelle sur papier_National Museums Northern Ireland, Belfast

En 1788, il épouse Sophia Rawlins, l'un de ses modèles et devient membre associé de la Royal Academy. Il rédige des critiques anonymes dans lesquelles il fait largement l'éloge de ses propres oeuvres.
Portrait de Madame Füssli au chapeau rouge_1794_Mine de plomb et aquarelle sur papier_National Museum Northen Ireland, Belfast

En 1789, Füssli est au départ favorable à la Révolution Française.

En 1790 il est élu académicien de la Royal Academy et fait don à celle-ci de sa toile, "Thor luttant contre le serpent Midgard" en tant qu'oeuvre de réception. Le choix du thème en référence à la littérature scandinave montre la volonté de Füssli de se démarquer des peintres contemporains. Le dieu du tonnerre lutte contre le serpent mythique.
Thor luttant contre le serpent de Midgard_1790_Huile sur toile_Royal Academy of Arts, Londres

En 1792, une édition en trois volumes des "Fragments physiognomoniques" de Lavater est publiée. Füssli supervise la traduction et rédige l'introduction.

Il développe dans sa peinture un langage onirique et dramatique, où se côtoient sans cesse le merveilleux et le fantastique, le sublime et le grotesque.
Il peint un certain nombre d'œuvres pour Boydell (graveur anglais du XVIIIe siècle spécialisé dans les gravures de reproduction), certaines sont gravées et publiées dans l'édition anglaise de la Physiognomonie de Lavater.

Homme de lettres et connaisseur de la littérature classique, il aide le poète William Cowper à une traduction d'Homère.
Les récits littéraires l'influencent dans sa manière de penser et de retranscrire dans la peinture les récits mythologiques.
Il s'inspire de la mythologie mais aussi de l'art de Michel Ange et développe un style expressif qui l'éloigne du classicisme. Les corps bougent, se contorsionnent.

Il puise son inspiration essentiellement dans l'Odyssée d'Homère.
Ulysse naufragé sur son radeau reçoir le voile sacré d'Inô-Leucothéa_1805-1810_huile sur toile_collection particulière

Achille saisit l'ombre de Pratrocle_1803_huile sur toile_Kunsthaus Zürich

Achille saisit l'ombre de Pratrocle_vers 1810_mine de plomb, craie et aquarelle sur papier_Kunsthaus Zürich

Ixion vénérant Héra_Non daté_Plume et lavis_The Huntington Library, Art Museum and Botanical Gardens_Gilbert Davis collection, San Marino

Les connaissances religieuses qu'il a acquises pendant sa formation de pasteur vont le suivre toute sa vie. Il va puiser dans les écrits bibliques des thèmes qu'il va peindre de manière "fantastique" avec des apparitions surnaturelles de la divinité.
En 1799, il expose une série de 47 peintures inspirées du "Paradis perdu" du poète John Milton, et il ouvre une « galerie Milton » sur le modèle de la « galerie de Shakespeare » de Boydell.
L'exposition va être un échec commercial et la galerie ferme dès l'année suivante.
Cette exposition est aujourd'hui reconnue comme l'une des étapes majeures du mouvement du romantisme anglais.
La vision de St Jean et du candélabre à sept branches_1796_huile sur toile_collection particulière

La création d'Eve_1793_huile sur toile_collection particulière

L'expulsion du paradis_1802_huile sur toile_collection particulière

En 1799, Füssli est nommé professeur de peinture à la Royal Academy et est nommé quatre ans plus tard au poste de Conservateur.

En 1806, Blake défend Füssli face à une critique hostile de son oeuvre.

En 1810, il reprend son poste de professeur, qu'il conserve jusqu'à sa mort.

En 1816, il est élu membre de l'Academy Saint Luc à Rome sur recommandation du sculpteur Antonio Canova

En 1818, il termine l'édition de ses "Aphorismes", principalement relatifs aux beaux-Arts

Après une vie confortable et sans problèmes de santé, Füssli meurt à Putney, dans la banlieue de Londres, en 1825. Il est enterré dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul de Londres auprès de Sir Joshua Reynolds.
Georges Henry Harlow (1787-1819)_Portrait de Füssli_1817_Huile sur bois_Yale Center for British Art, Paul Mellon Collection, New Haven

Füssli est un artiste atypique et intellectuel, qui puise son inspiration dans les sources littéraires.

Bien qu'académicien et professeur de peinture à la Royal Academy, il s'éloigne des règles académiques et introduit dans sa peinture un langage onirique et dramatique personnel, où se côtoient sans cesse le merveilleux et le fantastique, le sublime et le grotesque.

L'univers de Füssli à travers ses créatures hybrides, ses monstres, ses fées... impose une nouvelle esthétique atypique pour son époque.

Peuplée de créatures hybrides, de personnages terrifiants et mystérieux, sa peinture marque une rupture avec le classicisme et le romantisme.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze





mercredi 5 avril 2023

Exposition Oskar Kokoschka_un fauve à Vienne_11 novembre 2022


Le 11 novembre 2022, après notre visite aux expositions,
Edward Munch, un poème d'amour de vie et de mort :
https://ballades-page3873.blogspot.com/2022/12/munch-un-poeme-de-vie-damour-et-de-mort.html

Rosa Bonheur au musée d'Orsay :
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et Sam Szafran, obsession d'un peintre au musée de l'orangerie
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Le musée d'art moderne de Paris

Nous nous rendons au musée d'Art Moderne de Paris qui présente la première rétrospective parisienne consacrée à l’artiste autrichien Oskar Kokoschka (1886-1980), du 23 septembre 2022 au 12 février 2023,
Cet article est une retranscription de l'exposition. Le fil conducteur de mon texte sera son oeuvre au fil de sa vie.
Wenzel Weis_Oskar Kokoschka le crâne rasé_Vienne, 1909_tirage argentique tiré sur carton

Oskar Kokoschka naît en1886 en Autriche-Hongrie.

Il étudie de 1904 à 1909 à l'Ecole des arts appliqués du musée des Arts et de l'Industrie de Vienne.

Il est peintre, poète, essayiste et dramaturge et s'associe aux mouvements intellectuels et artistiques de Vienne du début du XXe siècle, auxquels adhèrent aussi Gustav Klimt et Egon Schiele.

En 1910-1911, à Berlin il collabore à la revue "Der Sturm" fondée par Herwarth, et expose pour la première fois à la galerie Paul Cassirer Gallery.

Ses premières productions sont un choc pour le public et la critique qui le qualifient
d'"Oberwilding", c'est à dire "le plus sauvage d'entre tous".

Il s'affirme par la crudité de ses dessins et de ses textes qui annoncent le courant expressionniste.

Il se qualifie lui-même peintre expressionniste et disait "Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu'exprimer la vie".

Son premier poème illustré en 1908 "les garçons qui rêvent", dédié à Gustav Klimt, provoque un scandale. Qualifié de Fauve par la critique, il se rase la tête pour ressembler à un bagnard.

Grâce au soutien de l'architecte Adolf Loos, il reçoit de nombreuses commandes de membres de la Société Viennoise, qui n'acceptent pas toujours le regard perçant que l'artiste pose sur eux. Il met en lumière les états intérieurs de ses modèles.

Le joueur de Transe représente l'acteur Ernst Reinhold, ami de Kokoschka et interprète du rôle principal de sa pièce à scandale "Meurtrier, espoir des femmes" en 1909. Oskar Kokoschka explore l'aspect psychologique de son modèle. Cette oeuvre, considérée comme dégénérée est saisie en 1937 et déposée au château de Schönhausen à Berlin. Les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique achètent l'oeuvre à une vente aux enchères à Lucerne en 1939.

Oskar Kokoschka_Le joueur de transe_1909_huile sur toile_Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique

Le Saint Suaire est un des rares tableaux d'Oskar Kokoschka à connotation religieuse. La toile représente Véronique qui pendant la Passion aurait tendu son voile au Christ pour que celui-ci puisse essuyer son visage. L'empreinte s'y serait miraculeusement imprimée.
Il y a un fort contraste entre le visage blafard de Véronique et le visage ensanglanté du Christ sur le voile.

Oskar Kokoschka_Le Saint suaire de véronique_1909_huilesur toile_Budapest, Szépmüveszeti Museum

Auguste Forel est un célèbre psychiatre et scientifique suisse. Le portrait est remarquablement expressif. Il représente Auguste Forel dans un espace flou, presque irréel.
Ce tableau ne va pas plaire à son commanditaire, qui juge que le tableau appartient davantage "au domaine de la psychiatrie qu'au domaine de l'art". Il refuse de l'acheter.
Il est acquit par la Kunsthalle Mannheim en 1913. Saisie par les nazis en 1937, l'oeuvre est entreposée au château de Schwetzingen, puis dans la mine de sel de Heilbronn, pendant la guerre.

Oskar Kokoschka_August Forel_1910_huile sur toile_Mannheim, Kunsthale Mannheim

Maurice Hirsch est un riche homme d'affaire hongrois installé à Vienne. Dans son autobiographie, Kokoschka décrit M. Hirsch comme un vieil homme têtu et colérique. Le public, scandalisé par cette toile, accuse Oskar Kokoschka de caricaturer ses modèles. Cette oeuvre est saisie par les nazis en 1937 et présentée lors de l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich.

Oskar Kokoschka_Père Hirsch_1909_huile sur toile_Linz, Lentos Kunstmuseum

Oskar Kokoschka_Paysage hongrois_1908_huile sur toile

Oskar Kokoschka s'intéresse à la psychologie infantile. Marie-Charlotte et son frère Walter sont les enfants du libraire viennois Richard Stein. Ils sont représentés dans une apparente entente qui est contredite par la position des mains. La main gauche de la fillette est représentée fermée et refuse la main tendue de son frère. L'oeuvre choque le public dès sa première exposition en 1911 pour son agressivité. Elle est lacérée par un visiteur lors de l'exposition de 1924. L'oeuvre est considérée comme dégénérée et saisie par les nazis en 1937 et entreposée au château de Schönhausen à Berlin.

Oskar Kokoschka_Enfants jouant_1909_huile sur toile_Duisbourg, Lehmbruck Museum

Oskar Kokoschka_Bertha Ecjtein-Diener_1910_huile sur toile_Vienne, mumok-museum moderner Kunst Stiftung Ludwig Wien

En 1909, le couple de critiques et historiens d'art Hans et Erica Tietze commande à Kokoschka un portrait de mariage à la mode Renaissance pour leur dessus de cheminée. L'artiste les peint l'un après l'autre, ce que suggère leur expression introspectives, mises en tension par la proximité de leurs mains. Passionnés par l'art de leur temps les Tietze étaient d'ardents défenseurs de l'oeuvre de Kokoschka. Ce tableau témoigne de leur amitié.

Oskar Kokoschka_Hans et Erica Tietze_1909_Huile sur toile_New-York, museum of modern art_tonds Abby Aldrich Rockefeller

Grâce à Adolf Loos et Karl Kraus, Kokoschka rencontre l'éditeur berlinois Herwarth Walden, qui s'apprête à lancer la célèbre revue d'avant-garde "Der Sturm". Quand il réalise ce portrait, l'artiste participe activement à la revue qui sera suivie par l'ouverture d'une galerie deux ans plus tard. Kokoschka peint de profil celui qu'il considérait comme "un représentant absolu de la modernité". Membre du parti communiste, Herwarth Walden fuira à Moscou lors de la montée du nazisme en 1932. Toutefois, déclaré ennemi du parti pour ses activités éditoriales, il est arrêté et envoyé en camp à Saratov, où il meurt en 1941.

Oskar Kokoschka_Herwarth Walden_1910_Huile sur toile_Stuttgart, Staatsgalerie

Oskar Kokoschka_Le gestionnaire_1910_Huile sur toile_Vienne Belvédère

Oskar Kokoschka_Max Schmidt_1914_Huile sur toile_Madrid, museo nacional Thyssen-Bornemisza

Oskar Kokoschka_Portrait de jeune fille_1913_Huile sur toile_Salzbourg, collection museum der Moderner

Oskar Kokoschka_Annonciation_1911_Huile sur toile_Dortmund, museum Ostwall im Dortmunder U Collection Gröppel

Fondateur avec Gustav Klimt de la Sécession viennoise, l'artiste et collectionneur Carl Moll encourage vivement le travail de Kokoschka avec qui il se lie d'amitié. 
C'est par son entremise que Kokoschka et Alma Mahler se sont rencontrés. 
Peint dans l'appartement de Carl Moll, situé dans un quartier de la riche bourgeoisie viennoise, ce portrait le représente en homme d'affaires et collectionneur.
Gustav Klimt et les artistes rejetant l'art académique (La Sécession) revendiquent une alliance avec les arts appliqués. Dans ce but "la Wiener Werkstätte" (Atelier Viennois) est fondé en 1903 pour associer artistes et artisans dans la création d'un art total. Des liens se tissent entre cette association et l'école des arts appliqués de Vienne, dans laquelle étudie Kokoschka à partir de 1904.
En 1909, Kokoschka s'éloignera de cette association qu'il considère comme de l'art décoratif.

Oskar Kokoschka_Carl Moll_1913_Huile sur toile_Vienne, Belvédère_leg de Carl Moll, 1945

En 1912, il rencontre la musicienne et compositrice Alma Mahler, (veuve du compositeur Gustav Mahler) qui va être le grand amour de sa vie. Ils rompent 2ans plus tard après une relation tumultueuse.

Cet amour et leurs échanges épistolaires passionnés lui inspirent différentes œuvres d'art, dont la peinture "La Fiancée du vent", en 1913, et des tableaux les représentant tous deux amants.

En 1914, avec un cycle de 11 illustrations lithographiques sur papier de la cantate N° 60, "Oh éternité, toi, parole foudroyante", de Jean Sébastien Bach, il tente d'exorciser la douleur de sa relation avec Alma Mahler. Cette cantate est constituée comme un dialogue entre la peur et l'espoir. Guidée par la peur, l'espoir s'engage sur un chemin qui le mène à la mort.
Dans l'avant-dernière illustration il se présente debout dans une tombe. Il dira plus tard ! "je suis dans la tombe tué par ma propre jalousie"
autoportrait

Dragons au dessus d'une flamme

Le voyageur dans l'orage

La femme guide l'homme

La suppliante

Le dernier campement

Peur et espoir

L'homme et la femme sur le chemin de la mort

L'aigle

L'homme relève la tête du tombeau sur lequel la femme est assise

Pietà (c'est assez)

Entre 1912 et 1915, il va concevoir sept éventails pour Alma Mahler .
Il utilise ce moyen pour concevoir "des lettres d'amour" sous forme d'images, selon ses termes.
La narration se déploie au fil de l'ouverture de l'éventail, mêlant des éléments de la vie intime du couple à une iconographie mythologique ou religieuse.
Les amants apparaissent dans des scènes rappelant Tristan et Iseult, ou Saint Georges terrassant le dragon...

Oskar Kokoschka_1913_Alma Mahler_crayon sur papier_Edimbourg, National Galleries of Scotland

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, ébranlé par sa rupture avec la compositrice Alma Mahler, il s’engage dans l’armée. Pour intégrer un corps d'élite, Le régiment des dragons impériaux il doit acheter un cheval, pour cela il va vendre "La fiancée du vent".

La fiancée du vent (photo internet)

Il est blessé à la tête et aux poumons, sur le front russe en 1915. Il repart au front en 1916, comme peintre de guerre. Il ne subsiste que quelques dessins qui témoignent de la violence des combats.
Une grenade le blesse à nouveau en Italie, il est évacué à Vienne puis à Berlin.

Oskar Kokoschka_Le prisonnier_1914_Huile sur toile_Ostrava, Nàrodni paràtkovÿ, Sàmek Hradec nad Moravici

Il se rétablit dans un sanatorium de la banlieue de Dresde et se rapproche des cercles artistiques et intellectuels de la ville. L'oeuvre "Les amis" témoigne de ses nouvelles amitiés. Kokoschka se représente de dos entouré de l'actrice Käthe Richter, des poètes Walter Hasenclever et Ivar von Lücken et du psychiatre Fritz Neuberger. Cette oeuvre marque une étape stylistique où la matière picturale est dense.
Cette peinture est saisie par les nazis en 1937 et présentée lors de l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich.

Oskar Kokoschka_Les amis_1917-1918_Huile sur toile_Linz, Lentos Kunstmuseum

En 1917, il s'installe à Dresde où il enseigne de 1919 à 1924 à l’Académie des Beaux-Arts. Il y recherche de nouvelles formes d’expressions picturales comme l’expressionnisme, la Nouvelle Objectivité et l'abstraction.
Il visite régulièrement les musées et les chefs d'oeuvres de Rembrandt, Titien, Raphaël.
Il tente de "résoudre le problème de l'espace, de la profondeur picturale, avec des couleurs pures pour percer le mystère de la planéité de la toile".
Les oeuvres de cette période ont des couleurs intenses et lumineuses, appliquées par juxtaposition.

Oskar Kokoschka réalise cet autoportrait en début d'année 1914 alors qu'il est encore à Berlin. La tranquillité de l'artiste est en antithèse avec l'atmosphère qui l'entoure. Il garde de graves séquelles de la guerre. De sa main droite, il désigne la blessure qu'il a reçu au poumon.

Oskar Kokoschka_Autoportrait_1917_Huile sur toile_Wuppertal, Von der Heydt Museum

L'artiste est agenouillé et peint le visage de Katja. Ce double portrait témoigne du lien qui l'unit à l'artiste Kathe Richter. Elle était actrice et interprète des pièces de Kokoschka au Albert Theater de Dresde. Elle devient le modèle le plus représenté de l'oeuvre de Kokoschka.

Oskar Kokoschka_Katja_1918/1919_Huile sur toile_Wuppertal, Von der Heydt Museum

Nell Walden, installée à Berlin, est peintre, écrivain et collectionneuse d'art suédois. Elle travaille au développement de la revue "Der Sturm" et gère la galerie du même nom. Elle commence une carrière d'artiste en 1915, et dans les années 1930 elle subit les foudres du nazisme qui liquide son atelier. Elle sera un grand soutien de Kokoschka jusqu'à la fin de sa vie.

Oskar Kokoschka_Nell Walden_1916_Huile sur toile_Berlin, Berlinische Galerie Museum of Art

Le "Peintre II" est un autoportrait. Kokoschka s'y représente en train de peindre. Son modèle n'est pas la jeune femme mais lui-même au travail.

Oskar Kokoschka_Le Peintre II_1923_Huile sur toile_Saint Louis, Saint Louis Art Museum

Le pouvoir de la musique s'impose comme le chef d'oeuvre de Kokoschka par son traitement plastique et par le traitement du sujet. Cette oeuvre constitue un appel à l'éveil par la puissance universelle de la musique. Considérée comme dégénérée, la peinture est saisie par les nazis et déposée en 1937 au château de Schönhausen à Berlin.

Oskar Kokoschka_Le pouvoir de la musique_1918-1920_Huile sur toile_Eindhoven_collection Van Abbemuseum

Kokoschka se représente dans son atelier à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde. Il se place entre une poupée et son chevalet avec une tête disproportionnée, bossu et avec des yeux écarquillés.

Oskar Kokoschka_Autoportrait au chevalet_1922_Huile sur toile_Vienne, collection particulière Courtesy Leopold Fine Art

Oskar Kokoschka_autoportrait les bras croisés_1923_Huile sur toile_Chemnitz, Kunstsammlungen

Oskar Kokoschka_Mère et enfant_1931_Huile sur toile_Vevey, musée Jenisch

Oskar Kokoschka_Gitta Wallerstein_1921_Huile sur toile_Dresde_Galerie Neue Meister

Ces deux tableaux appartiennent à la série de paysages de l'Elbe que surplombe l'atelier de Kokoschka

Oskar Kokoschka_Dresde, Neustadt V_1921-huile sur toile_Jérusalem, Israel Museum

Oskar Kokoschka_Dresde, Neustadt VII_1922-huile sur toile_JHambourg, Hamburger Kubsthalle

Au cours de sa carrière, Oskar Kokoschka réalise de nombreuses affiches qui reflètent son évolution artistique ainsi que ses pensées personnelles et politiques.
Il utilise ce moyen pour prendre position, convaincu que les artistes doivent alerter sur les périls qui pèsent sur la société.

Oskar Kokoschka_autoportrait_1910_lithographie sur papier-affiche_Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey

Oskar Kokoschka_Liberté," Egalité, Fraticide" ou le Principe_1918_lithographie en couleur sur papier-affiche_Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey

Oskar Kokoschka_autoportrait à deux faces en peintre_1923_lithographie en couleurs sur papier_Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey

Oskar Kokoschka_aAidez les enfants basques !_1937_lithographie en couleurs sur papier-affiche_Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey

Oskar Kokoschka_Kourost_1968, reproduit pour l'affiche des JO de Munich de 1972_Impression sur papier_Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey

Le décès de son père en 1923, sera une coupure dans la vie de Kokoschka. Il abandonne son poste d'enseignant à Dresde. Son art n'est toujours pas accepté et en octobre 1924, une de ses toiles est lacérée par un visiteur lors d'une exposition à la Neue Galerie.
Grâce au soutien financier de son galériste Paul Cassiner, il va entreprendre un voyage à travers l'Europe, l'Afrique du Nord et l'orient.
Les peintures de cette époque tranchent avec son style expérimental de Dresde.
Paul Cassiner se suicide en 1926

En 1931, la galerie Georges Petit présente sa première exposition personnelle à Paris. La critique parle de révélation, mais le contexte économique ne lui est pas favorable.

Oskar Kokoschka_1921, Jeune fille au tablier vert_aquarelle sur papier_Vevey, fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Oskar Kokoschka_1926, Jeune fille au caniche_aquarelle sur papier_Doris et Gabor Rose

Après Paris, Marseille et Avignon, il réalise plusieurs vues de Londres où il s'est installé au printemps 1926, pour 6 mois. Du 8e étage de son hôtel il réalise cette vue de la Tamise; Les couleurs se dissolvent à la manière de Turner.

Oskar Kokoschka_1926, Londres, petit paysage de la Tamise_huile sur toile_Vienne, Albertina Museum

Son amour pour la musique conduit Oskar Kokoschka à se rapprocher des musiciens et compositeurs dont il réalise les portrait. Ici, Leo Kestenberg, pianiste et professeur de musique berlinois est représenté poings fermés et sa femme en arrière-plan joue du piano. Cette pose suggère l'engagement politique de Leo Kestenberg qui s'est impliqué dans le mouvement social-démocrate dès 1918.

Oskar Kokoschka_1926-1927_Leo Kestenberg_huile sur toile_Berlin, Staaltiche Museum zu Berli

Lors de ses séjours à Paris entre 1931 et 1933, Kokoschka réalise un portrait de Constantin Brancusi. L'atelier du sculpteur est à cette époque un haut lieu de rencontre des artistes.

Oskar Kokoschka_1932_Constantin Brancusi_huile sur toile_Paris collection Centre Pompidou

Oskar Kokoschka_1930-1931_La suédoise_huile sur toile_Courtesy Galerie Osper

Oskar Kokoschka_1926_Tigron_huile sur toile_Vuenne, Belvédère

Oskar Kokoschka_1925_Marseille, port I_huile sur toile_Marseille, musée Cantini

Oskar Kokoschka_1925_Marseille, port II_huile sur toile_Saint Louis Art Museum

Le suicide de Paul Cassiner et la crise de 1929 le plongent dans de grandes difficultés financières. Il retourne à Vienne en 1932 et trouve la ville agitée par de graves troubles en raison de la montée du fascisme.
Avec la montée du fascisme, les avant-gardes artistiques sont accusés par les nazis de participer à la décadence des sociétés modernes.

Kokoschka est une cible de choix du régime national-socialiste qui considère son art comme dégénéré, et après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, toutes ses oeuvres sont décrochées des musées allemands.

Huit de ses œuvres sont présentées à l’exposition munichoise Art dégénéré de 1937.

Des tableaux sont détruits ou disparaissent, d’autres sont vendus aux enchères en Suisse pour financer l’effort de guerre.

Le tableau "La fiancée du vent", saisie des collections de la Kunsthale de Hambourg est vendue ensuite au Kunstmuseum de Bâle. Pour des raisons historiques liées à cette oeuvre et en raison de sa fragilité, elle ne quitte jamais les murs du musée de Bâle.

D'autres oeuvres appartenant à des collectionneurs juifs sont spoliées puis revendues ou détruites. Certaines sont encore aujourd'hui disparues.

Oskar Kokoschka_1909_Gustav Meyrink_reproduction_cette oeuvre est confisquée aux héritiers de l'entrepreneur et collectionneur d'art juif Harry Fuld en 1941. Elle reste perdue aujourd'hui.

Oskar Kokoschka_1909_Karl Krauss_reproduction_transférée au musée Waliraf-Richartz de Cologne, cette oeuvre est détruite pendant la 2e GM.

Oskar Kokoschka_1916_Suzanne_reproduction_Cette oeuvre entre dans les collections de la Nationalgalerie de Berlin en 1936. Elle est entreposée dans la tour de Flak de Friedrichshain. Elle aurait été détruite suite à deux incendies qui ont ravagé la tour après la bataille de berlin en mai 1945.

Oskar Kokoschka_1912_Sonia Dungyersky_reproduction_Cette oeuvre aurait été entreposée pendant la guerre dans un coffre-fort de la banque Merk, Fink and Co à Berlin et aurait disparue depuis, selon les déclarations de son propriétaire, l'éditeur et collectionneur Ernst Rathenau à Oskar Kokoschka en 1947.

Kokoschka s'engage contre le nazisme dès l'arrivée d'Hitler au pouvoir.
En Mai 1933, dans une tribune il proteste contre la démission du peintre Max Liebermann de l'Académie des Beaux-Arts de Prusse en raison de ses origines juives.
A cause de ses difficultés financières, il émigre à Prague, ville originaire de son père et où réside sa soeur Berta. Il y rencontre Olda Palkovskà qu'il épouse en 1941.

De là, il voit le piège du nazisme se refermer sur l'Europe. Il publie de nombreux articles, organise des conférences pour alerter du danger. L'exposition itinérante "Art dégénéré" exhibe ses peintures aux côtés des avant-gardistes européens.
Il peint alors son Autoportrait en "artiste dégénéré".

Il entame ce portrait en 1937 quand 9 de ses toiles sont présentées à l'exposition d'Art dégénéré. Les bras croisés, il a une attitude ambiguë entre défi et tristesse.

Oskar Kokoschka_1937_Autoportrait en "artiste dégénéré"_huile sur toile_Edimbourg, National Galery of Scotland

Oskar Kokoschka_1934_Au jardin I_huile sur toile_Emden, Kunsthalle in Emden

Oskar Kokoschka_1934_Au jardin II_huile sur toile_Vienne, Albertina Museum

Oskar Kokoschka_1934_Deux jeunes filles_huile sur toile_Vienne, collection Oesterreichische, Nationalbank.

Propriétaire de la plus grande raffinerie de sucre d'Autriche, l'industriel Ferdinand Bloch-Bauer est une personnalité du monde de l'art. Il soutient la première rétrospective de Kokoschka à Vienne en 1937, projet que l'artiste rejette en raison de l'implication du pouvoir dans le fascisme.
En 1939, Ferdinand Bloch-Bauer est contraint à l'exil, il est dessaisi de ses biens. Il parvient à récupérer ce tableau en 1942 à Zurich où il décède ruiné en 1945.

Oskar Kokoschka_1936_Ferdinand Bloch-Bauer_huile sur toile_Zurich, Kunsthaus Zurich

Oskar Kokoschka_1935_Autoportrait à la canne_huile sur toile_St Pölten, Landessammlungen Niederösterreich

Horrifié par les accords de Munich de 1938, Kokoschka met en scène dans ce tableau un Hitler grimaçant face à un Mussolini colossal tandis qu'un chat indolent incarnation de la France est allongé au sol. Le lion impérial représentant la Grande-Bretagne détourne les yeux, et avec sa queue brandit la Livre Sterling. Sur la table des négociations un œuf rouge fendu à la base et au loin Prague brûle.

Oskar Kokoschka_1940-1941_l'oeuf rouge_huile sur toile_Prague, National Gallery in Prague

Face aux attaques qu'il subit, il s’engage alors pour la défense de la liberté face au fascisme et fuit avec sa femme en Grande-Bretagne en 1938, où il prend part à la résistance internationale.
Ils vivent dans un relatif dénuement.
il va commencer avec le crabe une série d'oeuvres allégoriques sur le basculement de l'Europe dans la guerre.
Ses toiles de petites dimensions, en raison des difficultés d'approvisionnement, constituent un témoignage de sa traversée de cette époque;
Il est élu président honoraire de l'Alliance des artistes libres créée à Paris par des artistes et critiques exilés allemands. En 1939, il rejoint l'association culturelle allemande libre en Grande Bretagne.
A ce moment là, les positions de l'artiste sont pro-soviétiques, ce qu'il minimisera après la guerre.
Par ses ses positions, il affirme progressivement son pacifisme et la nécessité d'une réconciliation.
En 1947, il obtient la nationalité britannique et peut recirculer à travers l'Europe. Il restera à Londres jusqu'en 1953.

Le Crabe préfigure les allégories politiques de Kokoschka pendant la 2ème guerre mondiale. Le premier propriétaire de cette oeuvre, rapporte qu'il voyait dans ce crabe la figue de Neville Chamberlain, alors 1er ministre du Royaume Uni.
A travers cette peinture, l'artiste dénonce l'inaction de l'Angleterre face à l'occupation allemande de la Tchécoslovaquie.

Oskar Kokoschka_1939-1940_Le crabe_huile sur toile_Londres, Tate Gallery

Dans ses valises pour l'Angleterre, O Kokoschka emmène ce tableau inachevé. C'est le paysage de Prague qu'il termine de mémoire à Londres.

Oskar Kokoschka_1938_Prague, nostalgie_huile sur toile_Edimbourg, National Galleries of Scotland

Dénonçant la menace nucléaire, elle décrit l'aveuglement des peuples. Le clown au 1er plan a ouvert la cage du lion symbolisant l'énergie atomique. La colombe, symbole de paix, prend peur et s'envole.

Oskar Kokoschka_1946-1947_Déchaînement de l'énergie nucléaire_huile sur toile_Jérusalem, Israël Museum

L'artiste carricature ici Winston Churchill et le Général Montgomery prenant le thé au café de Paris. Ils observent Marianne désormais associée à la Résistance.

Oskar Kokoschka_1942_Marianne, Maquis, "Le deuxième front"_huile sur toile_Londres, Tate Gallery

Une femme nue se dresse au milieu d'une scène de guerre, couvrant son sexe d'une main. Elle incarne l'Autriche, prisonnière d'un monde. Elle dénonce l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne et le comportement hésitant des grandes puissances européennes. Cette attitude est illustrée par un homme d'affaires, un soldat et un prêtre qui affolés se couvrent les yeux, la bouche et les oreilles à la manière des trois singes de la sagesse.

Oskar Kokoschka_1942_Anschluss, Alice au pays des merveilles_huile sur toile_Vienne, Wiener Stadtische Versicherung AG

Figure de la mythologie germanique, Loreley était une nymphe qui attirait par son chant les marins jusqu'à leur perte. Ici, elle prend l'apparence de la reine victoria, assise sur un requin dévorant les hommes de la mer. Au loin, une pieuvre s'échappe avec un trident, symbole de la puissance maritime. Le navire frappé d'un éclair fait allusion à l'Arandorq Star, qui devait transporter des prisonniers de guerre au canada en 1940, mais qui a été torpillé par les allemands. Kokoschka dans cette oeuvre montre son amertume à l'égard de la stratégie militaire maritime de l'Angleterre.

Oskar Kokoschka_1941-1942_Loreley_huile sur toile_Londres, Tate Gallery

Après la deuxième Guerre Mondiale, il est une figure de référence de la réconciliation européenne et participe à la reconstruction culturelle.

En 1949, une grande rétrospective de son oeuvre est organisée au MoMA à New York.
Il multiplie les portraits de personnalités de premiers plans : Theodor Körner, 1er président d'Autriche élu au suffrage universel, Konrad Adenauer, premier chancelier de la République Fédérale d'Allemagne..

Il s’installe définitivement en 1953 à Villeneuve, en Suisse au bord du lac Léman. Il y passe les vingt-sept dernières années de sa vie.
En 1953, à Salzbourg il crée une "école du regard" qui donne une enseignement par l'image et l'observation.

Les œuvres des dernières années sont d'une radicalité picturale proche de ses premières œuvres.

Kokoschka réalise en 1954 deux portraits du violoncelliste espagnol Pablo Casals, musicien engagé contre les dictatures, en particulier celle de Franco.


Oskar Kokoschka_1954_Pablo Casals II_huile sur toile_Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Oskar Kokoschka_1963_Double portrait d'Oskar et Olda Kokoschka_huile sur toile_Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Peer Gynt est un anti héros de la littérature scandinave. Peer Gynt est lâche et n'arrive pas à trouver sa place dans le monde, avant de comprendre que seul l'amour peut donner un sens à sa vie. Souvent à la fin de sa vie Kokoschka se confond avec les personnages qu'il peint. La mère de Peer Gynt au 1er plan reprend ses propres traits.

Oskar Kokoschka_1973_Peer Gynt_huile sur toile_Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Oskar Kokoschka_1969_Autoportrait_huile sur toile_Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Le peintre met 16 ans pour terminer ce tableau. Cette peinture concentre les dernières recherches picturale de Kokoschka par des coups de pinceaux toniques.

Oskar Kokoschka_1958-1975_Thésée et Antiope_huile sur toile_Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Oskar Kokoschka_1970_Carletto Ponti_huile sur toile_Vienne, W&K, Wienerroither & Kohlbacher

En 1960, il est honoré par le prix Érasme à Copenhague et par un titre de docteur honoris causa de l’université d’Oxford.

En 1974, il reçoit la citoyenneté d’honneur autrichienne.

Il décède le 22 février 1980 en Suisse.

Impressionnante et très belle exposition qui retrace sept décennies de création picturale et rend compte de l'originalité de l’artiste.

Engagé, marqué par les bouleversements artistiques et intellectuels du début du XXe siècle, il va exprimer l’intensité des états d’âmes de son époque et mettre en lumière l'intériorité de ses modèles avec provocation.
Jusqu'à ses dernières oeuvres au cours des années 1970, il gardera son intransigeance et son inventivité créatrice.

Jusqu'à sa mort il a cru à "la puissance subversive de la peinture, vecteur d'émancipation et d'éducation".

Sa peinture a ouvert la voie à l'expressionnisme.

L'exposition "un fauve à Vienne" a réuni 150 œuvres des plus significatives de l'artiste grâce à des collections européennes et américaines.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze