mercredi 15 mars 2023

Voyage au Maroc, Marrakech_Le Palais El Badii_11 janvier 2023


Après la visite du palais Bahia, le 11 janvier 2023, nous traversons le quartier juif avec ses nombreuses bijouteries aux vitrines regorgeant d'or.






Nous nous rendons au palais El Badii appelé aussi palais Badia, qui signifie "palais de l'Incomparable", l’un des 99 noms donnés à Dieu dans l'Islam.
l'accès au palais

l'accès au palais


Le palais el Badii est un ensemble architectural bâti à la fin du XVIe siècle (de 1578 à 1603) par le sultan saâdien Ahmed al-Mansour Ad-Dhahbî.
Ahmed-al-Mansour_6e sultan saâdien du Maroc_photo internet

Il fait bâtir ce palais à son retour d’exil pour célébrer la victoire de l'armée Saâdienne dans la bataille des Trois Rois, en 1578, sur l’occupant Portugais.
Le Sultan Ahmed El Mansour (le victorieux) prend ainsi le surnom de El Dahabi (le doré). Il était le sixième sultan de la dynastie saadienne.

A cette époque, le Maroc devient une grande puissance. Les gisements en or du Soudan occidental nigérien, conquit en 1590, transitent par Marrakech. Le commerce de la canne à sucre de la vallée du Souss est aussi une grande richesse.

Le pays jouit alors d’un grand prestige en Europe et de nombreuses ambassades viennent en visite à Marrakech.

Le Sultan Ahmed el Mansour règne en maître absolu en maintenant la pays et l’unité du royaume.
Dans les domaines culturel, artistique et architectural, de nombreux projets fastueux sont entrepris.
C’est dans ce contexte que le Palais El Badi est bâti à la gloire du Sultan El Mansour.
vue extérieure du palais El Badii

Pour construire cette oeuvre grandiose, le sultan a choisi un emplacement situé au nord-est de la Kasbah (la citadelle) almohade.

Symbole de puissance, le palais était destiné aux festivités et aux audiences solennelles du souverain. De nombreux ambassadeurs étrangers, des hôtes de marque, des savants et des poètes se sont succédés ici.

Ils étaient impressionnés par la hauteur et l'épaisseur des murailles, par le faste du décor, par la grandeur des bassins, la luxuriance de la végétation.

Ce palais était considéré comme un Paradis sur terre par plusieurs témoignages. Il va représenter le symbole du pouvoir d’un immense sultanat qui s’étendait de la méditerranée jusqu’au Niger.

En 1603, le Sultan El Mansour meurt de la peste, ses fils sont proclamés sultans, l’un a Fès, l’autre à Marrakech. Il s’en suit un démembrement du sultanat qui entraine terreur et guerres civiles pendant 60 années.

Il faut attendre les Sultans Alaouites pour rétablir l’ordre et l’unité du royaume. Le sultan Alaouite Moulay Ismaïl, qui règne 55 ans, décide de transférer la capitale de Marrakech à Meknès en 1672. Il décide de faire table rase des monuments symboliques de la dynastie Saâdienne et fait piller entièrement le Palais el Badii pour utiliser les matériaux dans ses palais de la ville impériale de Meknès, devenue sa capitale en 1672.

Aujourd'hui Meknès est ainsi l'une des quatre villes impériales du Maroc avec Fès, Marrakech et Rabat. Elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1996.

La destruction a duré environ 10 ans.
Par superstition, il n’osera pas détruire la sépulture des Tombeaux Saâdiens ou est inhumé le sultan Ahmed El Mansur El Dahahbi.

En 1953, une campagne de fouilles a été entreprise dans le palais. Elle a permis de dégager un grand nombre de structures importantes à travers lesquelles on entrevoit les détails du plan d'ensemble.

Depuis 2011, le palais El Badii est utilisé comme scène pour le festival annuel d'humour, le Marrakech du Rire, organisé par Jamel Debbouze, et le festival annuel du folklore.

L'historien El Oufrani, dans "Nouzhat al-hadi bi-akhbar moulouk al-karn al-hadi", décrit ainsi le palais El Badii : « El Badii était un édifice de forme carrée : sur chacune des faces de ce carré se dressait une grande et magnifique coupole, autour de laquelle étaient groupées d'autres coupoles, des palais et des habitations. Sa hauteur était considérable et il recouvrait une vaste superficie... On y trouvait des onyx de toutes les couleurs et des marbres blancs comme l'argent ou entièrement noirs [...]. Le sol était pavé de superbes dalles de marbre polies et finement taillées; les revêtements des murs, couverts de mosaïques de faïences, simulaient un entrelacement de fleurs ou les riches broderies d'un manteau. Enfin, les plafonds étaient incrustés d'or et les murailles, décorées de ce même métal, étaient en outre ornées de brillantes sculptures et d'inscriptions élégantes faites du plus beau stuc. [...] C'est une sorte de paradis terrestre, une merveille du monde, le comble de l'art, il fait pâmer de plaisir et d'admiration. »

Dans son livre Mission historial de Marruecos, Francisco Jesús María écrit : « Il était tout revêtu de mosaïques, de moulures, d'arabesques, et paraissait un bloc doré à cause des nombreuses incrustations d'or dont les murailles étaient ornées. Les quatre façades qui le composaient laissaient entre elles comme un patio, mais cette cour avait les dimensions d'une vaste place, elle était émaillée de fleurs et plantée d'arbres. Au milieu de ce patio se trouvait un grand bassin rempli d'eau, et il y en avait un autre pareillement à chacun des quatre angles. Ces bassins étaient faits de pierres différentes avec des moulures, des pyramides, des balustres, des colonnettes d'albâtre ; ils avaient tous une profondeur d'eau d'une pique et demie. Ils étaient séparés les uns des autres par quatre parterres d'un arrangement très ingénieux, et si grands que, dans chacun, il y avait un emplacement pour les fleurs, un autre pour les arbres fruitiers et un autre pour les diverses plantes de jardin. [...] En haut, le long des bassins, et en bas, dans les parterres, couraient quatre allées qui se croisaient et dont le sol et les murs étaient revêtus de fines mosaïques. Sur ces allées, par intervalles, il y avait des jets d'eau et, au milieu de chaque bassin, se trouvait une grande vasque dont le support s'élevait du fond de l'eau. ».

C'est grâce à des fouilles archéologiques, qu'en 1953 la structure du palais a été révélée.
L'ensemble est d'une symétrie quasi parfaite.


Il est composé de quatre grands bâtiments soutenus par des colonnes de marbre, et s'ordonnait autour d'une vaste cour rectangulaire de 135 mètres par 110. 
Ces bâtiments, soutenus par des colonnes de marbre, étaient richement ornés de zelliges, de plâtres sculptés, de bois peints.

Au centre de cette vaste cour se trouvait un bassin de 90m sur 20m, au milieu duquel se trouvait une fontaine monumentale surmontée de deux vasques avec jets d'eau.


De part et d'autre du bassin central, quatre parterres carrés en contrebas sont plantés d'arbres de fleurs. Les parterres étaient séparés par des allées pavées de zelliges.


Autour du grand bassin central, sur les côtés est et ouest, deux pavillons se faisaient face : le "pavillon de cristal" et le "pavillon des audiences" de plan quasi identique. 

Aujourd'hui encore, dépouillés de leur décor ils gardent toute leur majesté.

Les côtés nord et sud sont occupés par deux autres pavillons plus grands, le "pavillon vert" et le pavillon de "l'héliotrope" qui possédaient deux galeries ouvertes.

Dans les 4 coins du palais se trouvent 4 bassins de 30m sur 10m.
L'ensemble comptait 360 pièces. 

Un système de chauffage central était installé dans le sol des pavillons.

La porte principale du palais porte le nom de Bab al rokham. C'était une porte en marbre.
Elle s’ouvre au sud-ouest du palais, du côté de la kasbah.

Du "pavillon de cristal" il ne reste plus que des ruines. Il a fait l'objet de fouilles qui ont mis à jour son plan.


Vues du palais de "cristal" depuis le palais des "audiences"

Le "pavillon des audiences" plus connu sous le nom de "pavillon de cinquante coudées" (Alkamsiniyya) en référence à la mesure de son côté, subsiste sous la forme de murailles.
C'est un bâtiment de plan carré, construit en pisé stabilisé à la chaux.

Le "pavillon de cristal" et le "pavillon des audiences" étaient, selon les archéologues, surmontés d'une coupole pyramidale en bois richement ouvragée, supportée par douze colonnes en marbre.

Le sol était recouvert de zelliges. Tous les deux étaient de style quasi identique.

Ces 2 pavillons étaient fréquentés par le Sultan, le "pavillon des audiences" pour recevoir les ambassades et visiteurs, et le "pavillon de cristal" à titre privé.
Au centre se trouvait un salon agrémenté par des petits bassins et une vasque d'eau.

Devant ces pavillons, des bassins rafraichissaient les édifices.








De chaque côté des deux pavillons de "Cristal" et des "audiences", sur les pourtours de la cour du palais El Badii sont construits deux grands pavillons, le "pavillon vert" et le pavillon "héliotrope".

Bordés d’une longue galerie ouvertes, ces pavillons comprenaient en particulier les espaces destinés a la résidence des visiteurs et ambassadeurs.



Le pavillon Héliotrope : l'héliotrope en arabe est le nom commun de diverses sortes de plantes et en particulier le myrte sauvage. Ce nom désignait "demeure de femmes" et peut-être celle d'une belle favorite noire de Moulay Ahmed Al Mansour, dont c'était peut-être le nom.



Une exposition temporaire de sculpture et de peinture est organisée par la Direction Régionale de la culture Région Marrakech. Elle se tient dans le pavillon héliotrope.


Daif Mustapha_2022

Daif Mustapha_2022

Daif Mustapha_2022

Eternity_Mehdi Smyej

Marrkesh walls memory_techniques mixtes_Mohamed Najahi

Untitled_technique mixte sur bois_Ali Albazzaz

Untitled_technique mixte sur bois_Ali Albazzaz

Eternity_Mehdi Smyej

Le "pavillon vert" est un des principaux bâtiments du palais situé au milieu de la façade nord.
Il est érigé sur deux niveaux. Le rez-de-chaussée est constitué d'une grande salle rectangulaire avec alcôve, autrefois pavée de de zelliges et dotée d'une vasque d'eau.
Le niveau supérieur était composé de deux chambres et revêtues de zelliges et de plâtres sculptés.

Depuis la terrasse, nous bénéficions d'une magnigfique vue sur le palais.




Le groupe d'habitations situé au nord-est du "palais des audiences" aurait été réservé au séjour des ambassadeurs étrangers.






Le palais El Badii avait aussi une partie souterraine servant de cuisine, de hammam mais aussi de prison.
Cette partie est considérée comme un prototype de l'architecture domestique saâdienne. C'est une série de salles souterraines reliées par des couloirs et des ouvertures ayant comme fonction d'abriter et de faciliter la circulation des esclaves au service du palais, sans être vus.

Plusieurs chantiers de restauration et d'aménagement ont été entrepris en ce lieu depuis 2010 en vue de réhabiliter et restituer leur aspect esthétique et originel.











Cette partie des ruines du palais a été transformée pendant le règne de Moulay Abdelaziz (1894-1908) en pénitencier pour les rebelles de Rhamna.
Photo anonyme-ancienne prison d'Anfa_Casablanca






V.N Frère_Prisonniers, Sidi Ali Ben Ibrahim Tadla_1913

V.N. Frère_Prisonniers, Sidi Ali Ben Ibrahim_Casbah Tadla_1913


B. Constant_Prisonniers bien gardés_1875

Photographie anonyme_Vue générale et Prisonniers, Cabah

Du faste et de la beauté de ce palais, il ne reste aujourd'hui qu'une immense esplanade avec ses bassins et ses orangers entourée du palais en ruine sur lequel règnent aujourd'hui les cigognes.









Le Palais El Badii comme son nom l'indique est l'"Incomparable".

C'est un monument historique qui souligne une page glorieuse de l'histoire du Maroc.
Il est considéré comme le joyau de l'art islamique.

Il en émane une belle ambiance paisible avec sa luxuriante végétation, ses bassins, ses vieilles pierres  et les cigognes qui le survolent.


Texte : Paulette Gleyze

Photos : Paulette et Gérard Gleyze

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