dimanche 11 juin 2023

L'atelier Bourdelle


Le 26 mai 2023, nous visitons l'atelier-musée Bourdelle qui se situe à quelques encablures de la célèbre tour Montparnasse.

Il se situe dans les lieux occupés par l'artiste pendant plus de 40 ans.

Antoine Bourdelle (1861-1929) s'installe à 23 ans dans ce quartier de Montparnasse, au 16 impasse du Maine qui deviendra rue Antoine Bourdelle en 1930.
La maison vers 1930

La maison aujourd'hui

Il vit et travaille depuis 1885 jusqu'à sa mort, dans les appartements, ateliers et jardin qu'il loue au sculpteur Jules Dalou.
L'entrée du musée qui abrite le hall aux plâtres

À la fin de sa vie, Antoine Bourdelle se préoccupe, comme Rodin, du devenir de son oeuvre.
Il conçoit plusieurs projets de musée.
A son décès en 1929, ses démarches auprès de l'Etat et de la Ville de Paris, n'ont pas abouti.
Sa veuve Cléopâtre qui l'a secondé tout au long de leur vie commune, aidée de sa fille Rhodia Dufet-Bourdelle, poursuit ses efforts envers la ville de Paris.

Grâce à l'aide du mécène Gabriel Cognacq, neveu et héritier d'Ernest Cognacq le fondateur de la Samaritaine, elle acquiert les lieux, où ils étaient locataires jusqu'alors.

C'est grâce à l'intervention d'Yvon Bizardel, directeur des Beaux-Arts, que la ville de Paris accepte le 29 décembre 1947, la donation de la propriété et d'une partie conséquente de son oeuvre.

Deux années sont nécessaires pour rénover les lieux et créer une galerie.
Les "Ateliers Antoine Bourdelle" sont inaugurés le 4 juillet 1949.

Des travaux de sauvegarde et de restauration ont été entrepris en 2020 en raison de signes de faiblesse structurels dans le bâtiment historique.
Après deux ans de rénovation, le musée a réouvert ses portes en mars 2023.

Emile Antoine Bordelles, dit Antoine Bourdelle, est né le 30 octobre 1861 à Montauban et mort le 1er octobre 1929 au Vésinet.

Il préfère le dessin à l'étude et dès 1874, à l'âge de 13 ans, il est apprenti dans l'atelier d'ébénisterie de son père où il réalise ses premiers ouvrages sculptés en bois.

Son talent est rapidement repéré par le banquier, Hippolyte Lacaze, qui lui octroie une bourse d'études à l'académie des Beaux-Arts de Toulouse en 1876.
En 1884, il est admis aux Beaux-Arts de Paris, qu'il quitte deux ans plus tard, certain que son " école, c'est la rue".

Les premières années sont laborieuses, il s'expose dans des salons annuels.

Entre 1893 et 1909, il devient le praticien de Rodin, pour qui il est chargé de dégrossir des marbres.

En 1895, il est retenu par la ville de Montauban, sa ville natale, pour réaliser "Un monument aux morts, aux combattants et serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871".
Inauguré en 1902, ce monument donne une notoriété à Bourdelle qui marque la rupture avec l'héroïsme habituel des monuments aux morts.

Contemporain d'Auguste Rodin et d'Aristide Maillol, Bourdelle développe un style puissant. Il est reconnu de son vivant comme l'un des grands sculpteurs français, en particulier dans le domaine du monumental.

Cette renommée lui vaut la commande du monument dédié au général Alvear pour la ville de Buenos Aires.

Le parcours de la visite est organisé autour de deux jardins peuplés de sculptures, le la sale aux plâtres, de l'atelier de sculpture et de l'atelier de peinture.

La visite débute par le jardin sur la rue Bourdelle.
L'ancien perron a été transformé en socle pour le cheval du "Monument au Général Alvear".
Cheval_fragment du monument du général Alvear (1913-1923)_bronze_épreuve N° 3 exécutée par Coubertin en 1986

Les principales œuvres exposées dans ce jardin, sont Héraklès archer, Le Fruit, Sapho, Centaure mourant, les bas-reliefs du Théâtre des Champs-Élysées, Adam, Pénélope…
Pénélope_modèle avec pied et sans fuseau_1905-1912_bronze_épreuve N° 6 exécutée par Susse en 1967

Adam_1889_bronze_épreuve d'artiste N°2 exécutée par Susse en 1990

Héraklès archer, première grande étude_1906-1909_épreuve d'artiste N°2 exécutée par Coubertin en 1988_bronze

La Victoire_figure sans aile du monument de Hartmannsweilerkopf (1924-1925)_bronze_épreuve N°3 exécutée par Coubertin en 1977

Grand guerrier_étude avec jambe pour le monument aux morts, combattants et serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871 (1893-1902)_bronze_épreuve d'artiste N° exécutée par Coubertin en 1990

La Force_allégorie du monument au général Alvear (1913-1923)_bronze_épreuve N°6 exécutée par Susse en 1987

La Victoire_allégorie du monument au Général Alvear (1913-1923)_bronze_épreuve N°8 exécutée par Coubertin en 1985

La La Force et la Victoire

Auguste Rodin, buste_1910_bronze_épreuve N°4 exécutée par Valsuani en 1977

Jules Michelet_buste_181_bronze_épreuve N°1 exécuté par Valsuani vers 1970

A partir de ce 1er jardin nous accédons au Hall aux plâtres.
La Victoire_figure du monument de Harmannweilerkopf_1924-1925_plâtre
La Victoire_figure du monument de Harmannweilerkopf_1924-1925_plâtre

Construit en 1961, pour le centième anniversaire de Bourdelle, par l'architecte Gautruche pour conserver et magnifier les plâtres de Bourdelle, le hall offre un cadre digne de ces oeuvres magistrales.

Il a été construit sur l'emplacement de l'ancien atelier du sculpteur Jules Dalou, voisin de celui de Bourdelle et aménagé par Michel Dufet, gendre d'Antoine Bourdelle et décorateur renommé.
Les modèles en plâtre à grandeur d'exécution ont servi de référence pour la réalisation définitive en bronze.

La salle est dominée par l'imposant monument équestre dédié au Général Alvear, commandé par Buenos-Aires, où le bronze se trouve toujours.

Sous l'influence de Rodolfo Alcorta, diplomate, artiste et collectionneur, un comité réuni à Paris, s'est adressé en 1912 à Bourdelle pour la réalisation d'un monument élevé à la gloire du Général Alvear (1783-1852), chef de l'indépendance argentine. Le contrat est signé le 1er mars 1913 et l'oeuvre devait être expédié en Argentine en 1915. La 1ère guerre mondiale a ajourné le projet. Les assistants de Bourdelle ont été mobilisés, les prix de matériaux ont augmenté et lui même a dû quitter Paris pour Montauban.

Pour ce monument, il réalise de nombreuses études et imagine une oeuvre monumentale : un piédestal, surmonté d'une sculpture équestre du général Alvear et flanqué de quatre figures allégoriques, la Force, la Victoire, l'Eloquence et la Liberté.

Ce n'est qu'en 1926 que le monument a été inauguré place de la Recoleta, à Buenos-Aires, en présence du Président Alvear, petit-fils du Général.
Statue équestre_modèle à grandeur d'exécution_monument au général Alvear_1913-1923_plâtre
L'Eloquence_modèle grandeur d'exécution_allégorie du monument au Général Alvear_plâtre

Les chefs-d'œuvre exposés sont d'inspiration mythologique : Sapho, Pénélope, Héraklès archer.
Pénélope, avec pied et sans fuseau_modèle à grandeur d'exécution_1905-1912_plâte

Sapho-1887-1925_plâtre

Héraklès archer-deuxième version_1906-1909_plâtre

"Le centaure mourant" a une place de choix dans l'abside semi-circulaire.
Centaure mourant_modèle imberbe_1911-1917_plâtre

La salle aux plâtres abrite encore bien d'autres oeuvre monumentales .
Le Monument à Mickiewicz : « L'Épopée Polonaise »_version avec base et dos, fragment du monument à Adam Mikiewicz_1909-1928_plâtre

Vierge à l'offrande_1919-1922_plâtre

La France_version avec attributs_1923-1925_plâtre

La salle abrite aussi l'ensemble complet des reliefs conçus pour le théâtre des Champs-Elysées. Ils donnent un aperçu de ses créations novatrices.

Appelé par Gabriel Thomas pour collaborer à une nouvelle salle de spectacle à Paris, Bourdelle réalise un vaste programme sculpté (bas-reliefs en marbre pour la façade) et peint (fresques au pourtour des loges).
La Comédie_Bas-relief pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées (1910-1913)_plâtre

La Tragédie_Bas-relief pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées (1910-1913)_plâtre

La Danse_Bas-relief pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées (1910-1913)_plâtre

La Musique_Bas-relief pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées (1910-1913)_plâtre

L'Architecture_Bas-relief pour la façade du Théâtre des Champs-Elysées (1910-1913)_plâtre

Les Muses accourent vers Apollo_partie droite de la frise du Théâtre des Champs Elysées_1910-1913

Fort du succès qu'il a remporté au moment de l'inauguration du théâtre, Bourdelle mettra son expérience au profit de la décoration collective de l'Opéra de Marseille, dans les années 1920.
Antoine Bourdelle sur un échafaudage travaillant le Bas-relief en terre pour l'Opéra de Marseille_Aphrodite ou la naissance de la beauté_vers 1924

Nous continuons la visite par le jardin intérieur.

A l'époque de Bourdelle le jardin intérieur était une cour arborée entourée d'ateliers.

De nationalités diverses, les artistes louent les espaces pour quelques mois ou quelques années. Bourdelle côtoie ainsi les peintres Eugène Carrière, Jean-Paul Laurens ou encore le sculpteur américain Frederik Mac Monnies.

Au fil du temps Bourdelle étend son activité dans les différents bâtiments, la cour devient une véritable annexe de ses ateliers dans laquelle il travaille, entrepose et présente ses oeuvres.
Le jardin intérieur bordé des ateliers

Aujourd'hui l'espace présente de nombreuses oeuvres et est dominé par deux bronzes monumentaux : La France et la Vierge à l'offrande.
Ce sont deux commandes achevées au milieu des années 1920 par Bourdelle.
La France_Grand modèle sans attributs_1923-1925_bronze_épreuve N°2 exécutée par Susse en 1972

Vierge à l'Offrande_1919-1922_Bronze_épreuve N°1 exécutée par Rudier vers 1930

Beaucoup d'autres oeuvres essaiment le lieu.
Sapho_deuxième composition_1887-1925_bronze_épreuve N°8 exécutée par Coubertin en 1991

Centaure mourant_modèle barbu_1911-1914_bronze_épreuve d'artiste N°2 exécutée par Clementi en 1986

Carpeaux au travail_1909_bronze_épreuve N°3 exécutée par Susse vers 1970

Grand Guerrier_étude avec jambe pour le Monument aux Morts, aux combattants et Serviteurs du Tarn et Garonne de 1870-1871_1898-1900_bronze_épreuve d'artiste N°1 exécutée par Coubertin en 1990

La Victoire_figure du monument Hartmannweilerkopf (1924-1925)_bronze_épreuve N°3 exécutée par Coubertin en 1191.

Première victoire d'Hannibal_1885_bronze_épreuve N°1 exécutée par Coubertin en 1992

Jeanne d'Arc à l'étendard_1909_bronze_épreuve N°2 exécutée par Clementi en 1971

Maquette d'ensemble du Monument au Général Alvear_1915_Bronze_épreuve N°3 exécutée par Coubertin en 1987

Beethoven dans le vent_version sans draperie_1904-1908_bronze_épreuve N° 5 exécutée par Susse vers 1980

Nous accédons à l'atelier de peinture qui occupe une place stratégique dans les espaces où Bourdelle a vécu et créé pendant plus de quarante ans.

Cette pièce témoigne de l'activité de peintre et de pastelliste exercée à ses débuts.

Lors de sa première exposition au caveau artistique de la Closerie des Lilas à la fin de l'année 1889, il présente à côté de ses sculptures tout un ensemble de peintures, pastel et dessins.
Bourdelle a peint jusqu'à la fin de sa vie.

Dans l'atelier de peinture, il ne sépare pas ses propres oeuvres de sa collection personnelle, collection constituée au hasard de ses voyages et de ses coups de cœur chez les antiquaires dès 1893.
Parmi les portraits des proches on distingue un beau portrait de femme attribué à Ingres. Le mobilier de Bourdelle est toujours en place, son bureau, sa commode en noyer l'armoire, le lit de repos...
L'atelier a été conservé en l'état, les parquets, les boiseries, les meubles sont d'origine.
Ce lieu intimiste est chargé d'émotions.

L'atelier de sculpture est un lieu emblématique qui a abrité de nombreux chefs-d'œuvre de Bourdelle. Au fil du temps il devient inadapté pour ses pièces toujours plus monumentales.

Il devient un espace de mise en valeur des collection de l'artiste. A sa mort, en 1929, le plâtre du Centaure mourant est disposé en son centre. L'atelier est depuis conservé en l'état, parquet, verrières, mezzanine.

Cette maison-atelier, édifiée en 1878, est un des derniers témoignages des cités d’artistes de Montparnasse à Paris.

Sa visite nous permet de découvrir l'incroyable travail de Bourdelle, sculpteur de génie.

Visite étonnante et passionnante.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze

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