samedi 1 juillet 2023

Turner, The sun is God_exposition à Gianadda

La fondation Gianadda

Le 24 Juin 2023 nous avons visité, avec l'association Bonne Mine, l'exposition "Turner, The sun is God" à la Fondation Gianadda à Martigny en Suisse.

On a pu voir cette exposition du 3 mars au 25 juin 2023.

Elle est présentée en collaboration avec la Tate Gallery de Londres.

Mon texte s'inspire de la conférence que nous avons eu sur le sujet avant la visite de l'exposition par une excellent conférencière.

L'éclairage de l'exposition explique la qualité moyenne des photos.

Joseph Mallord William Turner, plus connu sous le nom de William Turner ou de ses initiales J. M. W. Turner, est un peintre, aquarelliste et graveur britannique, né à Londres le 23 avril 1775. 
Il signe à l’âge de 12 ans ses premiers dessins, surtout des copies d’après d’autres artistes.

A 14 ans, il est admis à l’école de la Royal Academy. Il suit d’abord les cours d’après l’antique puis d’après modèles vivants jusqu’en 1793.
En 1793, à l'âge de 18 ans, il reçoit un prix de la Royal Society of Arts pour le dessin et le paysage.
Il voyage en Grande-Bretagne, en France, en Suisse. Ces voyages nourrissent son inspiration.

Turner rencontre rapidement le succès, surtout grâce à l’aquarelle, sa première technique qui lui permet d’affirmer en un instant la trace d’un rayon de soleil ou d’un orage.

En 1802, à l'âge de 27 ans il est élu comme membre à part entière de la Royal Academy.

Londres et la Tamise vont être des thèmes récurrents chez Turner, mais de ses innombrables voyages en Grande-Bretagne, en Europe et dans les Alpes, il crée une oeuvre colorée où se mêle l’alchimie de la lumière.

Turner est un précurseur du paysage romantique et de l’impressionnisme.

Il a une vie secrète, Il est décrit comme rustre ou avare et, avec l'âge, devient de plus en plus excentrique et taciturne. Il est aussi un grand buveur et un amateur de chats.
Il meurt le 19 décembre 1851 à Londres, à l'âge de 76 ans du choléra au domicile de sa compagne Sophia Caroline Booth, dans le quartier de Chelsea, où il mène une double vie depuis 1846 avec cette veuve. 

Ses derniers mots auraient été "The sun is God", "Le soleil est Dieu".

Selon son désir, il est enterré dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul aux côtés de Thomas Gainsborough. (Thomas Gainsborough (1727 -1788) est un artiste peintre, graveur et dessinateur britannique, et l'un des plus célèbres portraitistes et paysagistes de la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle).

Par testament, Turner lègue la totalité de son œuvre à la National Gallery, future Tate Gallery, soit 30 000 oeuvres sur papier, 280 carnets, 300 toiles, des gravures, des dessins. Le musée a pour charge de les exposer en créant des salles. 
En 1856, le leg Turner entre au patrimoine de la nation Britannique.

John Ruskin, le poète et critique d'art est un de ses exécuteurs testamentaires. John Ruskin et Turner se sont rencontrés en 1840. Ruskin est à l'origine du recensement, du classement et de la sauvegarde des oeuvres de Turner ce qui a contribué à la postérité de l'artiste.

Par testament, il souhaite aussi qu'une grande partie de sa fortune soit utilisée pour la construction d'un hospice pour les peintres âgés. Ce projet ne verra jamais le jour.
Il a aussi alloué une somme pour un monument. Il donne une rente annuelle à sa gouvernante et une autre pour la création d'une chaire d'enseignement de l'art paysager à la Royal Academy. Ses autres biens sont partagés entre les membres de sa famille.

L'exposition présente l'oeuvre de l'artiste en sept étapes illustrées par ses huiles, ses aquarelles et ses gouaches dont l'œuvre oscille entre romantisme et impressionnisme.

Mémoire et imagination :
Lorsque Turner voyage il réalise beaucoup d'esquisses qui vont être la base de ses peintures. 
Il peint rarement en extérieur, il préfère travailler à l'huile dans l'atelier.
Il mûrit ses idées de peinture et peint d'après ses esquisses de nombreuses années plus tard.
Il travaille en série en peignant en même temps plusieurs peintures, en se tournant vers les divers tableaux avec les mêmes pinceaux, la même peinture.
Esquisse pour "Ulysse raillant Polyphème"_vers 1827-1828_huile sur toile

Le pont du diable et les gorges de Schöllenen_1802_mine de plomb, aquarelle, gouache sur papier

Arche avec des arbres de mer_esquisse pour la "séparation d'Héro et Léandre"_vers 1827-1828_huile sur toile

Ramsgate_vers 1824_mine de plomb et aquarelle sur papier

La Medway_vers 1824_mine de plomb et aquarelle sur papier

L'embouchure du Humber_vers 1824-1825_gouache et aquarelle sur papier

Turner se rend à Grenoble et dessine la ville, sa rivière et la citadelle en 1802. A partir de ses dessins, il réalise vingt ans plus tard ces oeuvres commandées par un mécène, Charles Holford. Il baigne Grenoble dans le soleil.
Grenoble depuis l'Isère, avec la Porte de France_1802_craie, gouache et mine de plomb sur papier

Un pont sur ruisseau de montagne, gorges du Guiers mort, Saint Pierre de Charteuse_1802_craie et mine de plomb sur papier

Le pont de Grenoble_vers 1824_aqurelle sur papier

Le Pont de Grenoble_vers 1824_aquarelle et mine de plomb sur papier

Le pont de Grenoble_vers 1824_aquarelle sur papier

Turner parcourt la Savoie et la Suisse en 1802, mais on peut se demander, comme il voyage l'été, s'il a été témoin de cette avalanche à Selva, dans les Grisons, en 1808 avec les nombreuses victimes qu'elle a fait dans un chalet. 
Il a puisé autant dans ses souvenirs que dans son imagination pour montrer la nature et les éléments destructeurs.
La chute d'une avalanche dans les Grisons_exposée en 1810_huile sur toile

Voici une transmutation de Turner des Métamorphoses d'Ovide. La nymphe Daphné, fille du dieu fleuve Pénée, se transforme en laurier pour échapper au dieu du Soleil, Apollon. 
Les tensions entre les deux protagonistes sont signifiées dans la peinture par le jeu mouvant de la lumière et de l'ombre. Turner s'appuie sur les peintures du Lorrain et sur ses propres souvenirs d'Italie pour imaginer la vallée de Tempé, creusée par le Pénée, en Grèce, connue pour sa beauté, mais qu'il n'avait jamais vu.
L'histoire d'Apollon et Daphné_exposée en 1837_huile sur toile

Un pont à mi-distance dans une vue aux symétries équilibrées. Turner a peint cette scène dans une lumière qui en efface la matérialité.
Le Ponte delle Torre, Spolète_vers 1840/1845_huile sur toile

Mise en situation :
Turner place la nature au centre de son oeuvre. 
Il cherche par la mise en scène des forces de la nature à ébranler l'esprit du spectateur. Il peint les flots et les tempêtes. Les paysages ne sont pas qu'un arrière plan, ils font parties du récit. Dans ses oeuvres tardives, les éléments naturels dominent de plus en plus. Le soleil, la brume, le brouillard, la pluie dissolvent ou obscurcissent de plus en plus les paysages.

Selon la mythologie grecque, Ariane fille de Minos, roi de Crète, abandonnée par Thésée est consolée par Bacchus, dieu du vin, qui la prend pour épouse. Turner appuie sa composition sur celle d'un tableau du Titien. Il y rajoute une lumière radieuse.
Bacchus et Ariane_exposé en 1840_huile sur toile

Turner emprunte la composition de cette peinture à Claude le Lorrain. Il ne copie pas mais réalise une composition originale. Il choisit un épisode des Métamorphoses d'Ovide, le berger Apulus, puni pour s'être moqué des nymphes qui dansaient, transformé en olivier sauvage. 
Turner lui invente une épouse Apulia. Elle cherche son mari, on lui montre l'olivier sauvage.
Apulia à la recherche d'Apulus_exposé en 1814_huile sur toile

Le Parnasse et la fontaine de Castalie (Delphes)_gravée en 1833_aquarelle et gouache sur papier_léguée par Beresford Rimington en 1840

Esaque et Hespérie_vers 1817/1818_eau-forte et aquarelle sur papier

Jason_vers 1806/1807_mine de plomb et aquarelle sur papier

Procris et Céphale_vers1808_mine de plomb et aquarelle sur papier

Les murs de Rome avec le tombeau de Cestius Sestus_gravée en 1833_aquarelle sur papier_léguée par Beresford Rimington en 1840

Glaucos et Scylla_vers 1810/1815_mine de plomb et aquarelle sur papier_léguée par Henry Vaughan en 1900

Paestum_vers 1823/1826_mine de plomb et aquarelle sur papier

Lumière et Atmosphère :
Turner racontait s'être fait attaché au mât d'un navire pendant une tempête pour pouvoir peindre de mémoire la scène. Il est possible qu'il ait inventé cette histoire, mais elle illustre bien son engagement avec son oeuvre.
Turner est fasciné par la lumière, l'atmosphère et les phénomènes naturels. Dès ses premiers voyages, il les dessine dans ses carnets qu'il accompagne de note en décrivant par exemple l'aube... 
Il continue la recherche de la lumière en passant des couches successives de glacis, ou avec une partie de fonds blancs.
Turner écrit en 1811 : "Perspective aérienne... lumière, ombre et couleur... c'est le terme, le moyen de tout notre labeur et, pour cet art, sa beauté et les travaux à réaliser."
 
Le Snowdon et Dinas Emrys vu des hauts de Beddgelert_vers 1799/1800_gouache, mine de plomb et aquarelle sur papier

Margate_vers 1806/1807_huile sur toile

Navigation_vers 1825/1830?_huile sur panneau d'acajou

Margate_vers 1830_aquarelle et mine de plomb sur papier

C'est parmi les premières peintures de Turner que celle-ci fait le plus de place aux phénomènes atmosphériques. Elle montre le soleil qui disperse la brume matinale en nimbant l'air d'une lumière dorée au fur et mesure que la nuit recule.
Turner l'expose accompagnée d'une citation du Paradis de John, Milton, Adam et Eve au matin dans le jardin d'Eden.
Matin sur la montagne de Coniston, Cumberland_exposée en 1798_huile sur toile

Une esthétique du sublime :
Turner s'est inspiré des "Recherches philosophiques sur l'origine des idées que nous avons du beau et du sublime" (1757) d'Edmund Burke, qui s'interroge sur l'émerveillement et la peur que suscite les paysages grandioses et la puissance des éléments dans la nature.
Turner lance sa propre "recherche esthétique et philosophique". 
La présence du sublime devient le fil conducteur de son oeuvre.
Les premières peintures de Turner sont sombres, elle évoquent les aspects les plus inquiétants du sublime. 
Avec le temps sa palette s'éclaircit, jusqu'à l'éblouissement.
Il associe la lumière réelle avec la lumière de l'esprit.
Festival à Venise_vers 1845_huile sur toile

Bateaux sur la lagune près de Venise, autour du crépuscule_1840_aquarelle sur papier

Santa Maria della Salute et la Dogana, venise au coucher du soleil, par delà le bassin (de St Marc)_1840_aquarelle sur papier

Venise, la Piazzetta avec la cérémonie du Doge épousant la mer_vers 1835_huile sur toile

Navigation au large de la Riva degli Schiavoni, Venise, près du Ponte dell'Arsenale, avec San Giorgio Maggiore, Santa maria della Salute et le Campanile de San Marco derrière_1840_aquarelle sur papier

Le Mont St Gothard_vers 1806/0807_aquarelle sur papier

Le lac, Petworth, coucher de soleil, parmi une série_vers 1827/1828_huile sur toile

Lucerne vue des murs, étude échantillon_vers 1841/1842_mine de plomb et aquarelle sur papier

Le Rigi dans l'ombre, étude échantillon_vers 1841/1842_aquarelle sur papier

Lucerne_après 1830 env_gouache et aquarelle sur papier

Tempête sur le Rigi_vers 1844_aquarelle sur papier

Paysage avec eau_vers 1840/1845_huile sur toile

Turner a toujours admiré Le Lorrain, peintre français du XVIIe siècle, dont il a repris le style dans de nombreux tableaux en y introduisant sa propre marque, ses propres couleurs, ses propres atmosphères lumineuses.
Ici la brume au dessous du lac Averne fait écho à l'apparition de la Sybille de Cumes découvrant à Enée le Rameau d'or qui lui ouvrira le monde souterrain, où il retrouvera son père qui lui dévoilera son destin.
Le rameau d'or_exposée en 1834_huile sur toile_don de Robert Vernon, 1847

Sommets_après 1830_aquarelle sur papier

Bellinzone_après 1830 env_mine de plomb et aquarelle sur papier

Face aux ténèbres :
Turner attribuait à la lumière et à l'obscurité une même valeur visuelle et émotionnelle. Le sublime de la lumière ne peut exister sans celui de l'obscurité.

Dans ses premières oeuvres, l'obscur se manifeste par des nuages noirs de tempête et des eaux sombres.
Sa palette s'éclaircit au fil du temps mais elle est toujours traversée par une touche sombre.
Il n'utilisait le blanc et le noir pur que rarement, il ne s'en servait que pour renforcer l'émotion.
Turner faisait attendre ses visiteurs dans une salle obscure avant qu'ils puissent entrer dans sa galerie de peinture afin qu'ils soient éblouis par ses toiles pleines de lumière.

John Ruskin écrivait : "l'expression d'un grand changement qui survenait dans l'esprit de Turner...le peintre de la beauté et de la lumière de la création... de la lumière vue avant tout en couleur"

Turner associait Apollon, dieu du soleil, de la Poésie et de la Musique, aux lumières de l'esprit et au triomphe du bien sur le mal.
Apollon et Python_exposée en 1811_huile sur toile

Turner s'appuie pour cette peinture sur une scène dessinée dans le district des lacs, au Nord-ouest de l'Angleterre en 1797. 
Il montre la brume et c'est l'un des premiers tableaux où il montre son intérêt pour les phénomènes atmosphériques.
Le lac de Buttermere avec une partie du lac Cromackwater, Cumberland, averse_exposée en 1798_huile sur toile

Les phares de la Hève_vers 1832_gouache et aquarelle sur papier

Nuages de pluie s'approchant au dessous d'un paysage_vers 1822/1840_gouache et aquarelle sur papier

Lumières d'un feu, lumières de lampes_1827_gouache et aquarelle sur papier

Une question fascinait Turner : la couleur est-elle seulement produite par la lumière ou peut-elle résulter d'une interaction de la lumière et de l'obscurité ?
Cette oeuvre, à laquelle Turner a travaillé des dizaines d'années et qu'il laisse inachevée en 1830, emplie la lumière comme une révélation spirituelle.
Le livre de la Genèse dans la bible rapporte que Jacob a vu en songe une échelle qui allait de la terre au ciel, où des anges montaient et descendaient.
Ce tableau est une manifestation du clair-obscur.
La vision de l'échelle de Jacob_vers 1830_huile sur toile

Etude de la lumière du feu, peut-être dans un atelier de verrier, venise_1840_gouache et aquarelle sur papier

En regard de la nature :
Turner observait la nature et réalisait des esquisses sur le vif. Ses aquarelles  révèlent son point de vue sur le monde. Il aimait les possibilités offertes par la technologie.
 Il a peint les avancées de la révolution industrielle.
La nouvelle lune ou "j'ai perdu mon bateau, tu n'as pas ton cerceau"_exposée en 1840_huile sur panneau d'acajou

Rouen, gravée par Brandard_publiée en 1834_gravure sur papier

Dudley, Worcestershire, gravée par Wallis_publiée en 1835_gravure au trait sur papier

Tempête de neige, gravée par R Brandard_publiée en 1859/1861_gravure sur papier

Lancastre, vue de l'aqueduc_1827_gravure sur papier

Pluie, vapeur et vitesse, gravée par R Brandard_publiée en 1859/1861_gravure sur papier

La Chaise de Gargantua, près de Duclair par R Brandard_publiée en 1834_gravure sur papier

The sun is God :
Turner aurait dit au moment de mourir "The sun is God" (le soleil c'est dieu). Indépendamment de ce qu'il a voulut dire, le soleil est présent de façon récurrente dans son oeuvre. 
Les quatre dernières peintures de l'exposition plongent le spectateur dans leur lumière. Certains chercheurs ont vu dans le soleil des autoportraits. 
Plus sobrement, ces peintures sont la reconnaissance de la lumière, sujet sur lequel il a travaillé toute sa vie.
Coucher de soleil du haut Rigi_vers 1844_huile sur toile

Départ pour le bal (San Martino)_exposée en 1846_huile sur toile

Le lac des quatre cantons, la baie d'Uri au-dessus de Brunnen_vers 1844_huile sur toile

La lumière solaire enveloppe les personnages. Turner expose ce tableau avec ces mots : "le soleil se coucha de colère à cette trahison"
La Visite au tombeau_exposée en 1850_huile sur toile


Turner, peintre de la lumière annonce les révolutions de l'art moderne, de l'impressionnisme et de l'abstraction lumineuse.

C'est la deuxième fois que la Fondation Gianadda accueille des chefs-d'œuvre de Turner de la Tate Gallery de Londres.
En 1999, le commissaire de l'exposition David Blayney Brown a remporté un grand succès avec l'exposition "Turner et les Alpes".
Vingt-quatre ans plus tard, il a assuré à nouveau le commissariat de cette exposition "Turner, The sun is God" qui est aussi un véritable succès et une réelle satisfaction pour les visiteurs.

Texte de Paulette Gleyze

Photos de Gérard Gleyze

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