samedi 20 décembre 2025

John Singer Sargent, éblouir Paris

Du 23 septembre 2025 au 11 janvier 2026, le musée d'Orsay à Paris met à l'honneur les oeuvres du peintre américain John Singer Sargent.

L'exposition a été organisée en partenariat avec le Metropolitan Museum of Art de New York à l'occasion du centenaire de la mort de l'artiste.

L'exposition s'interresse particulièrement à ses années de jeunesse et à ses liens avec Paris et le monde de l'art français.

Son ambition était d'éblouir la prestigieuse capitale du monde de l'art, qu'était Paris à son époque.

Cette exposition fait aussi le récit de son ascension, de son entrée en 1874 à l'âge de 18 ans à l'atelier de Carolus-Duran jusqu'au scandale, 10 ans plus tard, suscité par le "Portrait de Madame X" qui va contribué à son départ pour Londres.

Nous visitons cette exposition le 15 novembre 2025.

John Singer Sargent (1856–1925) est un peintre marquant de la fin du XIXᵉ siècle et du début du XXᵉ siècle, principalement connu et reconnu pour ses portraits d’une grande élégance et d’une grande technique.

Sargent naît à Florence de parents américains. Il a passé l'essentiel de sa carrière à Londres et le reste du temps à voyager. Il fait cependant de Paris et de la France l'un des centres de son existence.

Formé à Paris auprès de Carolus-Duran, Sargent développe très tôt un style personnel fondé sur une grande liberté du geste et une observation fine de la lumière.

Son pinceau, à la fois rapide et précis, lui permet de saisir avec efficacité la texture des tissus, l’éclat de la peau et la présence psychologique de ses modèles.

Il est influencé par les maîtres anciens, notamment Velázquez.

Sa carrière connaît un succès rapide grâce aux commandes de la haute société européenne et américaine.

Il devient le portraitiste attitré de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie, immortalisant le raffinement et les conventions sociales de l’époque.

Ce succès est parfois source de tensions, car il est contraint par les attentes de ses commanditaires.

En 1884, un scandale est provoqué par son tableau "Madame X" jugé trop audacieux.

À partir du début du XXᵉ siècle, Sargent se détourne progressivement du portrait mondain pour explorer d’autres formes d’expression.

Il réalise de nombreux paysages, des scènes de plein air baignées de lumière et surtout des aquarelles.

Il entreprend aussi de vastes peintures murales, notamment pour la Bibliothèque publique de Boston.

Sargent n'a peint que trois autoportraits dans sa carrière. Il juge que ses traits ne présentent pas "de motifs plastiques" dignes d'intérêt. Il se peint ici à l'âge de 30 ans alors qu'il décide de s'installer définitivement à Londres après une dizaine d'années passées à Paris
Autoportrait_1886_Huile sur toile_Aberdeen Archives, Gallery & Museums

Il est un élève prodige de Carolus-Duran. En 1853, Mary Newbold Singer persuade son mari Fitzwilliam Sargent, de suspendre sa carrière de chirurgien à Philadelphie pour voyager en Europe. Leur départ sera définitif et ils vont avoir avec leurs enfants une existence itinérante.
John nait à Florence, enfant il parle quatre langues, excelle au piano et dès douze ans développe une passion pour le dessin et l'aquarelle.
Déçus par le premier enseignement artistique que John reçoit à Dresde et à Florence, la famille choisit de s'installer à Paris en 1874, car la capitale est renommée pour ses ateliers privés et sa prestigieuse école des Beaux Arts.
A 18 ans, John se présente chez Carolus-Duran, peintre "réaliste". Ce dernier est stupéfait par la qualité des dessins et esquisses, et l'invite à rejoindre son atelier.
Parallèlement John réussit le concours d'entrée à l'Ecole des Beaux Arts.

En 1877, Carolus-Duran fait découvrir sa ville de naissance, Lille à son élève. Il réalise cette étude mystérieuse Tête de cire du musée, dont l'attribution n'est toujours pas déterminée. Est-elle de Raphaël ? ou de Verrocchio ?
Etude de buste à Lille_1877_Huile sur panneau_Collection particulière

Will H.Low écrit en 1910 "Je revois ce jeune home svelte serrant dans ses bras un énorme rouleau d'études, lesquelles une fois présentées au maître lui fit s'exclamer "Vous avez beaucoup étudié". Après quoi son parcours au sein de l'atelier de Carolus-Duran fut une succession de triomphe".

John Singer Sargent réalise ce dessin avant son arrivé à Paris lors de ses études à Florence à l'Academia di Belle Arti à Florence. Ce dessin justifie l'éblouissement de Carolus -Duran.
Faune dansant, d'après l'Antique_Vers 1873-1874_Craie noire et fusain sur papier _Cambridge, Harward Art Museum_Don de Madame Francis Ormand

Lumière et Ombre_Vers 1874-1877_Fusain sur papier _The Ömer Koç Collection

Modèle masculin debout près d'un poêle_Vers 1875-1880_Huile sur toile _New York, The Metrepolitan Museum of Art_Don du marquis John de Amodio, 1972

Ayant grandi en Italie, Sargent montre une prédilection pour les modèles de type méditerranéen, comme le jeune homme de ces trois oeuvres.
Ces oeuvres ont été peintes à la fin de sa période de formation chez Carolus-Duran. Ce sont des peintures "alla prima" c'est à dire "du premier coup" où le pinceau est chargé de couleur, la touche fluide et rapide et où les volumes sont construits grâce aux contrastes de tons du plus foncé au plus clair sur un fond sombre.
Modèle masculin couronné de laurier_Vers 1878_Huile sur toile _Los Angeles Museum of art

Jeune homme en pleine rêverie_Vers 1878_Huile sur toile _Collection particulière

Tête de modèle masculin_Vers 1878_Huile sur toile _Collection particulière

La jeune mendiante dite aussi jeune mendiante parisienne_Vers 1880_Huile sur toile _Collection Daniel J Terra

Gitane_1876?_Huile sur toile _New York, The Metropolitan Museum of Art 

Le Bouffon Juan de Calabazas d'après Velasquez_1879_Huile sur toile _Collection particulière

Don Juan de Austria_1879_Huile sur toile _Collection particulière

Après ses études, Sargent emboîte le pas de Carolus Duran et Edouard Manet en faisant un pèlerinage au musée du Prado à Madrid pour y copier l'oeuvre de Velasquez.
Il se rend en Hollande en compagnie de son ami Paul Helleu pour étudier Franz Hals.
Les deux maîtres du XVIIe siècle ont en commun une peinture virtuose  basée sur l'étude de la lumière et le geste de l'artiste.
Le Porte drapeau du Banquet des Officiers de la garde civile de st Georges, d'après Frans Hals_Vers 1880_Huile sur toile _Collection particulière

Dans ce double portrait d'artiste, Sargent rapproche le profil de Paul Helleu (1859-1927) et le visage de François Flameng (1856-1923) qui semble nous toiser.
Helleu, que Sargent rencontre à son arrivée à Paris, restera son ami toute sa vie.
François Flameng et Paul Helleu_Vers 1880_Huile sur toile _Lunder Collection du Colby College Museum of Art à Waterville (Maine), États-Unis.

Vernon Lee est le nom de plume de la femme de lettre et historienne de l'art britannique, Violet Paget (1856-1935). 

Amie d'enfance de Sargent, expatriée comme lui, leur correspondance semble une chronique de la vie de l'artiste à Paris.

Sargent peint son portrait lors de son passage à Londres en une séance de 3 heures. Il saisit son intelligence et son style androgyne.

Expos à Paris en 1882 sous le titre "Pochade", les critiques y notent l'influence des impressionnistes.
Vernon Lee_1881_Huile sur toile _Londres, Tate Gallery

Paul César Helleu_Vers 1880_Huile sur toile _Bayonne, Musée Bonnat-Helleu

L'artiste gallois Albert de Belleroche (1864-1944), de huit ans le cadet de Sargent, fait un bref passage dans l'atelier de Carolus-Duran. Sargent le rencontre en 1882 lors d'un dîner en l'honneur de leur maître et il se lie d'amitié.

Fasciné par les traits de Belleroche, qu'il surnomme affectueusement "Baby", il en fait de nombreux portraits. Dans cette effigie s'exprime un sens de la séduction et une sensualité caractéristiques de certains modèles de Sargent.
Albert de Belleroche_Vers 1883_Huile sur toile _Collection particulière

L'amitié de Sargent et d'Albert de Belleroche prend son essor au moment où il réalise les nombreux dessins préparatoires au portrait de Madame Gautreau. Sargent semble mêler dans ce dessin les profil de Belleroche et de Virginie Gautreau
Tête de jeune homme de profil (Albert de Belleroche)_Vers 1883_crayon, encre et fusain sur papier.

Albert de Belleroche_Vers 1883_Mine, graphite sur papier

Paul César Helleu_Début des années 1880_Mine, graphite sur papier _New York, The Metropolitan Museum of Art_Don de Mme Francis Ormand, 1950

Pendant les dix années passées par Sargent à Paris, les sujets parisiens font figure d'exception.
Il peint "Le jardin du Luxembourg" dans des harmonies mauves rehaussées de touches rouges.
Le couple élégant au premier plan est décentré, comme s'il s'était déplacé. Cette asymétrie confère un aspect moderne à la composition.
Dans le jardin du Luxembourg_1879_Huile sur toile_Philadelphie Museum of Art_Collection John G Johnson, 1927

Sargent est également un pianiste talentueux et un spectateur assidu des théâtres et des salles de concerts. Dans ce tableau, le noir et le blanc s'enchevêtrent dans des touches rythmées  qui semble mimer les notations musicales. 

Le chef d'orchestre, Jules-Etienne Pasdeloup, debout à gauche, se trouve enveloppé dans la composition semi circulaire. Compte tenu de l'instrumentation et de la date du tableau, il a été avancé que l'orchestre joue ici la "Damnation de Faust" de Berlioz.

Répétition de l'orchestre Pasdeloup au Cirque d'hiver_Vers 1879-1880_Huile sur toile_Boston Museum of Fine Arts_Fonds Charles henry Hayden

Marqué par son enfance nomade, Sargent est un peintre voyageur bien qu'établi à Paris. 

Il trouve son inspiration dans ses multiples excursions en France ou dans le bassin méditerranéen (Italie, Espagne et Maroc)

Il en rapporte des dessins, des esquisses peintes en plein air qui lui servent à composer dans son atelier parisien des compositions qu'il présente au Salon.

Le salon qui se teint chaque année au Palais de l'Industrie sur les Champs Elysées, attire des centaines de milliers de visiteurs.

Le Salon rassemble des centaines d'artistes et plusieurs milliers d'oeuvres.
Pour le jeune Sargent, c'est le lieu où il faut se faire remarquer par l'Administration des Beaux Arts qui distribue les honneurs, par les critiques qui établissent les réputations et les amateurs qui achètent et passent commande.

Entre 1877 et 1885, Sargent y expose tous les ans, un ou plusieurs tableaux, souvent un portrait et une "peinture de voyage".

Sargent n'ira aux Etats Unis qu'en 1876, à l'âge de 20 ans, il y retournera régulièrement mais ne s'y installera jamais.
Coucher de soleil sur l'atlantique_Vers 1876-1878_Huile sur toile_Collection particulière

En Mai 1876, Sargent âgé de 20 ans voyage pour la première fois aux Etats Unis, en compagnie de sa mère et  de sa soeur Emily. 

C'est sans doute lors du trajet retour qu'il peint cette étonnante composition qui défie les traditions des peintures marines.

Sargent nous installe sur le pont du bateau et hisse la ligne d'horizon très haut pour rendre l'impression vertigineuse des vagues. 

Il donne au ciel l'effet du vent sur une mer déchaînée et la vitesse du bateau à vapeur. 
Tempête sur l'atlantique_1876_Huile sur toile_
Myron Kunin Collection of American Art (Minneapolis) rattachée aux collections de Minneapolis (Musée / collection de Myron Kunin).

A la fin des années 1870, les sujets ruraux bretons et notamment celui des pêcheurs de coquillages est très à la mode à Paris. 

En 1877, Sargent se rend en Bretagne et réalise les nombreuses études qui vont lui servir pour réaliser ce grand tableau présenté au Salon de 1878, et qui lui vaut un premier succès critique.

L'artiste cherche un effet de naturel et de mouvement dans le groupe de pêcheurs
En route pour la pêche_1878_Huile sur toile_Washington National Gallery of art_Collection Corcoran

Jeune garçon sur la plage, étude pour "En route pour la pêche" et "La pêche aux huitres à Cancale"_1877_Huile sur toile_Chicago , Terra foundation for American Art, collection Daniel J Terra

Jeune fille sur la plage, étude pour "En route la pêche" et "La pêche aux huitres à Cancale"_1877_Huile sur toile_
Chicago , Terra foundation for American Art, collection Daniel J Terra

Comme de nombreux artistes de sa génération, Sargent visite Grez sur Loing; à l'orée de la forêt de Fontainebleau où s'était établie une colonie d'artistes sur le modèle de Barbizon. 

Il s'y rend à deux reprises avec des camarades de l'école Carolus-Duran.
Ce tableau fait exception dans l'oeuvre de Sargent. 

Il démontre ici, dans cette étude de ses débuts, une touche affirmée de sa maîtrise dans le rendu des effets lumineux.
La table sous la tonnelle dit aussi "Les verres de vin"_Vers 1875_Huile sur toile_
The National Gallery à Londres (Royaume-Uni). Il a été accepté par le gouvernement britannique en paiement de droits de succession et attribué à la National Gallery en 2018.

Refusant d'emblée les sujets historiques, le jeune Sargent se définit comme un peintre de la réalité et s'inscrit dans le courant "naturaliste" naissant.

Pour autant, la vie urbaine industrielle moderne ne l'intéresse pas.

Dans ses peintures "de voyage",  l'artiste explore des mondes géographiques et culturels variés et fait la part belle à des sujets ruraux ou traditionnels.

En été 1878, Sargent voyage à Naples et à Capri et y trouve l'inspiration pour ce tableau qu'il expose au Salon de 1879.

Le modèle qui pose pour de nombreux artistes est Rosina Ferrara. La jeune femme adossée à un arbre sinueux exhale un sentiment de langueur et de mélancolie.

La manière de peindre rappelle Corot, décédé en 1875, et considéré comme un maître de la jeune génération de paysagistes en France.

Dans les oliviers à Capri_1878_Huile sur toile_Collection particulière

Jeune Capriote sur un toit_1878_Huile sur toile_Crystal Bridges Museum of American Art à Bentonville, Arkansas, États-Unis.

Jeune femme à la jupe noire_début des années 1880_Aquarelle et mine graphite sur papier vélin_New York, The Metropolitan Museum of Art, Don de Mme Francis Ormond, 1950

Lors de son séjour à Venise en 1880, Sergent se lie d'amitié avec Ramon Subercaseaux, diplomate chilien en poste à Pariset peintre amateur.

Ce tableau laisse imaginer leurs séances de travail communes.

Pour Sergent, c'est l'occasion d'une étude des effets d'ombre et de lumière dans l'embarcation à la surface de l'eau.
Ramon Subercaseaux en gondole_1880_Huile sur toile montée sur carton_Dixon Gallery and Gardens à Memphis (Tennessee, États-Unis) don de  Cornelia Ritchie

Intérieur vénitien_Vers 1880-1882_Huile sur toile_Pittsburg Cornegie Museum of Art

Venise par temps gris_Vers 1882_Huile sur toile _Collection particulière

Dès l'enfance, Sargent pratique l'aquarelle lors de ses voyages avec sa mère et sa soeur Emily.

Ici, il saisit l'effet de lumière de fin d'après midi d'hiver sur des vénitiens attablés à la terrasse d'un café, les passants sur la riva degli Schiavoni et l'architecture du Palazzo della Libreria et de la basilique santa Maria della Salute. 
Café sur la Riva degli Schiavoni, Venise_Vers 1880-1882_Aquarelle sur papier_Collection particulière

Au cours de l'hiver 1879-1880, Sargent quitte l'Espagne et se rend au Maroc, alors sultanat indépendant. Il séjourne à Tanger où il écrit "L'aspect des lieux est saisissant, le costume grandiose et les Arabes souvent magnifiques".

Il exécute de nombreuses études et collecte des photographies "ethnographiques" sur les populations d'Afrique du Nord.

A partir de ces éléments, il imagine une grande composition pour le Salon, mêlant observation et invention.

Dans le secret d'un patio, une jeune femme maquillée parée de bijoux berbères en argent, capture les inhalations d'un brûle parfum d'où émane une fumée.
L'oeuvre est exposée au Salon de 1880.
Fumée d'ambre gris_1880_Huile sur toile _Williamtown Clark Art Institute

A la fin e l'été 1879, Sargent se rend en Espagne, à Madrid, puis à Séville et à Grenade. Fasciné par le complexe de l'Alhambra, il s'y arrête pour peindre quelques études. 

Il s'intéresse particulièrement au reflet du grand pavillon dans le bassin au centre de la cour aux effets d'ombres et de lumière traités avec une grande liberté de touche.
Alhambra, patio de los Arrayanes (cour des Myrtes)_1879_Huile sur toile _Collection particulière

Etude de paysanne capriote_1879_Huile sur toile _Collection particulière

Quelques années après son arrivée à Paris, Sergent devient portraitiste.
Entre 1877et 1884, il envoie chaque année un portrait au Salon afin de se faire connaître.

Ce genre artistique est porté par l'accroissement des demandes de la bourgeoisie.
Le contexte est aussi marqué par la montée en puissance de la photographie et par la montée en puissance des impressionnistes qui représentent leurs modèles dans des activités en plein air.
Dans ce contexte, le talent de Sargent pour le portrait s'affirme très vite.

Henry James écrit en 1887 "La peinture de Sargent offre le spectacle étrangement inquiétant d'un talent qui, au seuil de sa carrière n'a déjà plus rien à apprendre".

Et Joseph Péladon, en 1884, "De toutes les femmes déshabillées, la seule intéressante est de John Singer Sargent par sa laideur au fin profil qui rappelle un peu Della Francesca.
Intéressante par son décolletage encore à chaînettes d'argent, qui est indécent et donne l'impression d'une robe qui va tomber. Intéressante enfin par le blanc de perle qui bleuit l'épiderme, cadavérique et clownesque à la fois" .

Avant de devenir le maître de Sargent, Carolus-Duran connaît un vif succès au Salon de 1869 avec ce tableau.

Récompensé par une médaille de 2e classe, il est acheté par l'Etat pour le musée du Luxembourg, une première pour un tableau moderne. Le portrait est celui de Pauline Croizette épouse de Carolus-Duran, il est la représentation de la femme du temps.

Le tableau fait la synthèse entre la références aux maîtres anciens (Vélasquez), la tradition classique française (David, Ingres...) et les innovations de l'avant-garde réaliste (Manet, Courbet...).

Charles Emile Auguste Durant dit Carolus-Duran_La dame au gant_1869_Huile sur toile_Musée d'Orsay Paris

Une jeune amie de Sargent, américaine et expatriée comme lui est le sujet de  son premier envoi au Salon de 1877.

Le portrait est accepté et ses délicates harmonies sont appréciées par le jury qui y décèle un certain "maniérisme" dans le mouvement du corps.

Portrait de Frances Sherborne Ridley Watts_1877_Huile sur toile_
Philadelphia Museum of Art aux États-Unis,
 don de  Mr. et Mrs. Wharton Sinkler.

Edouard Pailleron est un homme de lettre et dramaturge en vogue sous la IIIe République. 

Vraisemblablement séduit par le portrait de Sargent vu au Salon de 1877, il commande son portrait au jeune peintre.

Sargent le représente en artiste, le vêtement et la pose emprunts d'une nonchalance élégante.
Portrait d'Edouard Pailleron_1879_Huile sur toile_musée d’Orsay à Paris. Il fait partie de la collection nationale française donné par Mme Edouard Pailleron en 1900 et déposé au musée d’Orsay depuis 1986.

Marie Pailleron est la fille de François Buloz directeur de la revue des Deux Mondes. 
Pour ce premier grand portrait en pied, Sargent choisit un point de vue en légère plongée.

L'élégante robe noire et la chevelure rousse de la jeune femme se détachent sur des tons de vert du jardin. Il donne une impression de mouvement.

Portrait de Madame Edouard Pailleron_1879_Huile sur toile_National Gallery of Art à Washington, D.C. il provient de la Corcoran Collection.

Sargent peint les enfants du coupe Pailleron, Edouard 15 ans et Marie Louise 10 ans. Marie Louise rapportera dans ses mémoires que Sargent avait requis 83 séances de pose.
Portraits de Edouard et Marie Louise Pailleron_1880-1881_Huile sur toile_
Collection permanente du Des Moines Art Center, à Des Moines, Iowa (États-Unis)


Portrait de Madame la Vicomtesse de Saint Périer (Marie Jeanne de Kergorlay)_1883_Huile sur toile_Paris, Musée d'Orsay, en dépôt au musée franco-américain du château de Blérancourt.

Amalia et Ramon Dubercaseaux, consul du Chili à Paris sont surpris par la modestie de l'atelier de Sargent, rue Notre Dame des Champs, lui demandent de peindre à leur domicile le portrait d'Amalia.

Au Salon de 1881, et malgré la nationalité du modèle, le portrait est salué comme l'archétype de la parisienne et vaut à Sargent une médaille.

Portrait de Mme Ramon Subercaseaux_1880-1881_Huile sur toile_
Fayez S Sarofim Foundation

Madame Arthur O'Connor est la fille du marquis de Ganay et de la riche américaine Emily Ridgway, tous deux amateurs d'art.

Pour ce portrait, Sargent met en valeur l'élégant profil de son modèle et son gracieux port de tête.

Portrait de Mme Arthur O'Connor (Marguerite de Ganay)_1882_Huile sur toile_
Collection particulière

Les filles, âgées de 4 à 14 ans, d'Edward et Mary Louisa Boit sont représentées dans le vestibule de leur appartement. 

Sargent qui a recopié à Madrid "Les Ménines" s'autorise comme lui des effets d'ombre et de lumière. L'oeuvre surprend au Salon de 1883. 

On admire l'ambition, la nouveauté de la composition, on critique l'exécution "lâchée" qui rapproche Sargent des Impressionnistes.
Portrait d'enfants, dit aussi les filles d'Edward Darley Boit_1882_Huile sur toile_Museum of Fine Arts de Boston (Musée des Beaux-Arts de Boston), aux États-Unis donné par les filles de Boit en mémoire de leur père.

Sargent fait ici le portrait d'Alice Sidonie Vandenburg, mère d'Albert, jeune ami de Sargent. Ce portrait est resté inachevé.
Portrait de Mme Harry Vane Milbank (Alice Sidonie Vandenburg)_Vers 1883-1884_Huile sur toile _Collection particulière

"Daisy" Rutherfurd est l'épouse d'Henry White, diplomate en poste à Paris. 

Ce portrait en "blanc" daté de 1883 est conçu en parallèle du portrait en "noir" de Virginie Goutreau. Sargent imaginait de les exposer ensemble au Salon. 

Finalement Mrs Henry White figurera au Salon de la Royal Academy à Londres.


Portrait de Mme Henry White (Margaret Stuyvesant Rutherfurd)_1883_Huile sur toile_Washington, National Gallery of Art_Collection Corcoran don de John Campbell White

Samuel Pozzi (1846-1918) est une figure phare du tout Paris de la Belle Epoque. Chirurgien et pionnier de la gynécologie, esthète et collectionneur, il est aussi réputé pour être un grand séducteur.

Sargent qui le rencontre par l'intermédiaire de Carolus-Duran, le décrit comme "un être extrêmement brillant". Il le représente chez lui en robe de chambre et donne une image d'une troublante intimité avec le chirurgien.

Sargent expose ce tableau à Londres et à Bruxelles mais pas à Paris.

Un portrait, dit aussi "le Docteur Pozzi" chez lui_1881_Huile sur toile _
Hammer Museum à Los Angeles (Californie, États-Unis).
 Il fait partie de la collection Armand Hammer de ce musée depuis 1991, après avoir été acquis par Armand Hammer en 1967.

Au fil de son ascension dans la société parisienne, ses réseaux se diversifient.
Par son talent et sa grande culture, il est prisé dans les cercles mondains, littéraires et artistiques.

Carolus-Duran et le Dr Pozzi le parrainent pour son entrée dans le club très fermé du "Cercle de l'Union artistique", dont les expositions et les concerts sont très suivis et fréquentés par les peintres établis.

En 1881, il prend un luxueux atelier au 41 Boulevard Berthier dans le 17e arrondissement. 
Il sympathise avec ses voisins, les peintres Alfred Roll et Ernest-Ange Duez et côtoie l'écrivain Paul Bourget, Auguste Rodin dont il peint le portrait.

Il devient proche du critique d'art, Louis de Fourcaud et des femmes de lettres, Emma Allouard-Jouan et Judith Gautier dont les fines critiques asseyent sa réputation.
Il peint de nombreux portraits spontanés de ses ami(e)s et de ses intimes.

Gabriel Fauré et Sargent se rencontrent vers 1886. Sargent se passionne pour la musique du compositeur. Fauré lui offrira le manuscrit de son "quintette pour piano et cordes n° 2 op 115" en remerciement.

Ce portrait est probablement peint lors du passage à Paris de Sargent pour l'exposition Universelle.

Gabriel Fauré_Vers 1889_Huile sur toile_Paris, Musée de la musique, Philharmonie de Paris

Auguste Rodin, de 16 ans son aîné, et Sargent commencent à se côtoyer au début des années 1880. Ils exposent en 1884, à Bruxelles avec les XX (cercle artistique d'avant-garde).

Sargent participe à la promotion du travail de Rodin en Angleterre. Il lui offre aussi en signe d'amitié ce portrait qui joue sur le clair-obscur pour souligner le regard perçant du maître.

 En retour, Rodin lui offre un torse en bronze de Saint Jean Baptiste.
Auguste Rodin_Vers 1884_Huile sur toile_Paris, Musée Rodin, Donation Rodin en 1916

Henrietta Reubell_Vers 1884-1885_Aquarelle et mine graphite sur papier_New York, The Metropolitan Museum of art_Fonds Marguerite et Franck A Cosgrove Jr, 2018

Très introduite dans les milieux politiques et artistiques, Emma Codiot de Montbarbon est écrivaine, dramaturge, traductrice et critique d'art sous divers pseudonymes : Emile Jouan, Argus, Gygès...

Proche des Pailleron et de Carolus-Duran elle se lie avec Sargent qui fait son portrait.
La sobriété des couleurs et la mise en scène apparentent ce tableau à un portrait d'homme.

Exposé chez le marchand Georges Petit, il suscite ce commentaire à Henry James : "ce visage demeure gravé dans mon esprit comme une interprétation magistrale de l'allure qu'apporte l'expérience".
Portrait de Mme Allouard-Jouan (Emma Marie Cadiot de Montbarbon)_1882_Huile sur toile_Paris, Petit Palais, Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris

Eugenia Huici Arguedas de Errazuriz, chilienne installée à Paris avec son époux, peintre et héritier d'une grande famille de viticulteurs chiliens est apparentée aux Subercaseaux. 

Devenue une familière de Sargent et de son cercle d'amis artistes, elle pose à plusieurs reprises pour lui au milieu des années 1880.

Elle sera plus tard la mécène d'artiste come Stravinsky, Diaghilev, Picasso ou Cocteau.
Mme Errazuriz (Eugenia Huici Arguedas)_Vers 1883-1884_Huile sur toile_Ridmond Virginia Museum of Fine Arts

Ecrivain et critique d'art, puis professeur à l'Ecole des Beaux Arts, Louis de Bousses de Fourcaud est une figure de premier plan du monde de l'art. 

Il est un des premiers à remarquer le talent de Sargent et ne cesse ensuite de le défendre, particulièrement pendant le scandale de Madame X au Salon de 1884.

Sans doute pour le remercier, Sargent fait son portrait la même année. Le tableau met en évidence la détermination du modèle.
Louis de Fourcaud_1884_Huile sur toile_Paris, Musée d'Orsay

Sargent représente son ami et voisin d'atelier devant un bouquet d'hortensia, l'un des thèmes de prédilection de Duez, qui exposait aussi des peintures d'histoire au Salon.

Sargent lui offre ce tableau en gage d'amitié. Il reçoit en retour une peinture de bouquet d'hortensias bleus. Duez et sa femme Amélie partagent avec Sargent une passion pour la musique. Gabriel Fauré dédie Aubade à madame Duez dont la voix est admirable.
Ernest Ange Duez_Vers 1884-1886_Huile sur toile_Montclair, Montclair Art Museum_Don du Dr Arthur Hunter

Arsène Vigeant était le charismatique maître d'armes du cercle de l'Union Artistique.
Il comptait parmi ses élèves Sargent, le peintre Charles Giron et Carolus-Duran, escrimeur passionné. 

Tous les trois feront le portrait de Vigeant en gage d'admiration. Sargent le représente en intellectuel, Vigeant est un historien de l'escrime.
Portrait du maître d'armes Arsène Vigeant_1885_Huile sur toile_Metz, Musée de la Cour d'or

Louise Lefèvre est l'épouse de l'avocat et homme politique Paul Escudier.

Tous deux sont amateurs de peinture et de musique. Ici, Sargent poursuit ses recherches entamées à Venise : cadrage des figures dans un intérieur, effets de lumière diffus et contrastés, influencé par Velasquez.
Madame Paul Escudier (Louise Lefèvre)_1882_ Art Institute of Chicago (États-Unis)_don au musée par Brooks McCormick

Un succès de scandale, le portrait de "Madame X".

Née à la Nouvelle Orléans d'une famille d'anciens émigrés français, Virginie Amelie Avegno (1859-1915), s'installe en France en 1867.

Elle épouse l'homme d'affaires Pierre Gautreau, et devient une importante figure de la vie mondaine parisienne et est reconnue comme l'une des grandes beautés de son temps.
Fasciné par sa beauté atypique et fardée, Sargent la convainc de poser.

Sargent a alors 28 ans et son modèle 25. Conscient d'avoir peint une oeuvre exceptionnelle mais provocante, il redoute les réactions des commentateurs et des visiteurs.

Dès l'ouverture du salon de 1884, le tableau attire tous les regards et fait scandale.
On considère comme inconvenants la bretelle droite descendue sur l'épaule, le décolleté plongeant, le maquillage trop prononcé et son profil jugé hautain.

Sargent repeindra ultérieurement la bretelle sur l'épaule et gardera le tableau dans son atelier jusqu'à sa vente au Metropolitan Museum of Art en 1916.

Après le décès de Madame Virginie Gautreau, il rebaptisera le tableau "Madame X" et le désigne comme "la meilleure chose qu'il ait faite".

Aujourd’hui l'oeuvre fait partie des collections permanentes du Metropolitan Museum of Art à New York

Adoplphe Giraudon (1849-1929)_John Singer Sargent dans son atelier avec le portrait de Madame X_Vers1884_Tirage agentique à l'albumine_New York, The Metropolitan Museum of Art_Don de Judy Angelo-Cowen

Etude de Mme Gautreau_réplique inachevée de Madame X_Vers 1864_huile sur toile 




Diverses études pour Madame X_1883-1884

"Madame X" a entaché la réputation de l'artiste à Paris. 
Il quitte alors la France pour s’installer à Londres, mais ironiquement l’œuvre deviendra plus tard son portrait le plus célèbre.

Aujourd’hui, "Madame X" est considérée comme un chef-d’œuvre du portrait moderne, une réflexion sur la représentation des femmes, du pouvoir social et du regard du public, un exemple parfait de la tension entre art, morale et société.

Après une ascension fulgurante, le scandale de "Madame X" ébranle sa trajectoire, mais il ne quitte pas immédiatement Paris et madame Goutreau n'est pas ostracisée.
Il achève ses commandes et continue d'exposer au Salon.

Il se partage entre Paris et Londres jusqu'en 1886, date à partir de laquelle il s'installe définitivement en Angleterre.

Ses liens avec la France restent forts, il conserve ses amitiés fidèle, Helleu, Belleroche et en lie de nouvelles avec Gabriel Fauré, Winaretta Singer et se rapproche de Monet.

Il voue au peintre une grande admiration et réalise pendant cette période les oeuvres les plus "impressionnistes" de sa carrière.

Aux côtés de Monnet, il mène, en 1889, une campagne pour que l'Olympia de Manet soit acquis par la France.

La même année, il triomphe lors de l'Exposition Universelle de Paris à laquelle il participe dans la section américaine.

Il est fait chevalier de la Légion d'Honneur et reçoit une médaille d'honneur.

Lettre de Sargent à Monet, Londres, 11 mars 1887: "Je n'aurai rien au Salon, à mon très grand regret, car j'ai le coeur à ne pas me laisser oublier à Paris et je serais désolé de passer pour un crétin qui cesserait d'y exposer de parti pris. De grâce, si vous entendez dire par nos camarades que je suis un lâcheur ou un ingrat ou que je boude, contredisez de pareilles bêtises."

Sargent aurait rencontré Monet  pour la première fois lors de la deuxième exposition impressionniste, en 1876.
Il possèdera quatre tableaux de Monet.
Il le peint ici au travail.
Sargent adopte une technique impressionniste pour le représenter.
Claude Monnet peignant à la lisière d'un bois_Vers1885_Huile sur toile_Londres, Tate Gallery

Sargent restera toujours très proche de Paul Helleu, dont il promeut l'art Outre Manche et Outre Atlantique, où l'artiste français connaîtra un certain succès.

Ce double portrait est peint en plein air. Il adapte les leçons apprises auprès de Monet, mais il adopte une touche moins fractionnée.
Etude en plein air, dit aussi Paul Helleu dessinant auprès de son épouse_1889_Huile sur toile_Brooklyn Museum, New York 

Portrait de Madame Kate A Moore (Katherine Robinson_1884_Huile sur toile_Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington D.C. (États-Unis)_don de Joseph H. Hirshhorn en 1972. 

Ce tableau représente son ami peintre, Albert Besnard, aux traits à peine esquissés et sa femme la sculptrice Charlotte Besnard, fêtant l'anniversaire de leur fils Robert. On retrouve le goût de Sargent pour les jeux d'éclairage complexes et les forts contrastes d'ombres et de lumières.
Fête familiale dit aussi Fête d'anniversaire, Fête familliale_Vers 1885_Huile sur toile_Minneapolis Institute of Art à Minneapolis, aux États-Unis_acquis par le musée grâce à The Ethel Morrison Van Derlip Fund et The John R. Van Derlip Fund.

Albert et Edith Vickers, importants commanditaires et amis de Sargent au milieu des années 1880, l'encouragent à s'installer en Angleterre. 
L'artiste les montre ici dans leur propriété de Lavington (West Sussex) à la fin d'un repas éclairé à la lampe. Sargent expose ce petit tableau à l'Exposition Internationale de peinture à la galerie Georges petit en 1885, aux côtés de Monet et Rodin.
Le verre de porto dit aussi Après le dîner_1884_Huile sur toile_Fine Arts Museums of San Francisco à San Francisco, Californie

Après le scandale de madame X, Sargent aura une revanche éclatante, quelques années plus tard au Salon de 1892, avec le flamboyant portrait d'une autre femme, la danseuse espagnole Carmencita. 

Sargent rencontre probablement la danseuse espagnole Carmen Dauset Moreno, originaire d'Almeria, en 1889, lors de l'exposition universelle de Paris, puis la retrouve dans un cabaret à New York en 1890.

Fasciné, il lui propose de faire son portrait. L'éblouissant costume de la danseuse qui semble entrer en scène est un véritable morceau de bravoure pictural.

Sa pose altière et son visage maquillé.
L'évocation de danse andalouse, ravivent les souvenirs des audaces
 de Madame X.

Présente à Paris, ce portrait est apprécié par la critique. 
Claude Brienne écrit : "Monsieur Sargent excelle à mettre en oeuvre ce quelque chose d'attirant ou d'inquiétant dans les physionomies, et c'est par là que son art devient supérieur".

L'oeuvre est largement admirée et est achetée par l'Etat pour le musée du Luxembourg.
La Carmencita (Carmen Dauset Moreno)_Vers1890_Huile sur toile_Paris, Musée d'Orsay

Une première pour un portrait de Sargent qui n'a alors que 36 ans et est déjà reconnu comme un "maître" moderne.

Les années suivantes depuis Londres, Sargent entretient encore des liens avec le monde de l'art français et participe au Salon jusqu'en 1905 et voyage en France jusqu'en 1918.
Il meurt en 1925, un livre de Voltaire à la main.

Brillant portraitiste de la Belle Epoque, John Singer Sargent occupe une place singulière dans l’histoire de l’art. 

À la croisée de l’académisme et de la modernité, il incarne une transition entre la tradition classique et les recherches picturales plus libres de son temps.

Son œuvre demeure un témoignage précieux de la société de son époque et continue de fasciner par sa maîtrise technique, son sens de la lumière et la force expressive de ses portraits.


Texte de Paulette Gleyze inspiré des explications données au fil de l'exposition

Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze

 


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