lundi 15 juillet 2024

Le monastère Notre-Dame de Chalais , l'église romane St Didier de Voreppe, les vitraux d'Arcabas à St Christophe sur Guiers et la chocolaterie Chappaz


Le 24 juin 2024, avec l'association Arcade (Association grenobloise qui porte la passion du patrimoine et particulièrement du Roman) nous visitons le monastère de Chalais avec au programme le chant des religieuses, le lever du soleil au travers de l'oculus de l'église et l'église romane St Didier de Voreppe.

Christophe Batailh, philosophe, théologien et professeur à l'UIAD de Grenoble est notre guide conférencier.

Après le déjeuner au restaurant La Badiane à Voiron nous serons quelques uns à poursuivre les visites, d'abord à St Christophe sur Guiers pour voir les vitraux d'Arcabas/Christophe Berthier à l'église et nous terminons par une visite à la chocolaterie de Sandrine Chappaz à St Laurent du Pont.

Chalais est situé sur les hauteurs de Voreppe non loin du monastère de la Grande Chartreuse.

Dans l'église de Chalais nous assistons d'abord au chant des religieuses dominicaines pour la solennité de la nativité de St Jean Baptiste.


Avant le chant des moniales, Christophe Batailh nous retrace avec brio l'historique du monastère.


Le monastère de Chalais a été construit au XIIe siècle, en 1104, par l'évêque de Grenoble Saint Hugues de Châteauneuf. On appelait les moines de Chalais « les ermites de Chalais ».

Leur église devient abbatiale en 1125. Ils ont une activité forestière et pastorale.
Grâce à leur prospérité, ils fondent des filiales jusqu'à la méditerranée et Chalais devient abbaye-mère.

En 1205, l'ordre est à son apogée avec dix abbayes et trois prieurés. Il crée sa propre règle à savoir la « Charte de Charité de Chalais »
C'est un véritable ordre monastique : "l’ordre de Chalais".

A la fin du XIII° siècle c'est le déclin de l’ordre et le 24 décembre 1303, l’évêque de Grenoble remet Chalais au monastère de La Grande Chartreuse qui  devient un monastère cartusien autonome.

Au moment des guerres de religion, en 1562, l'abbaye est pillée et démolie en partie.
Trop pauvre pour se redresser seule elle devient filiale de la Grande Chartreuse.

Malgré les travaux, le nombre des religieux diminue sans cesse, il n'en restait que cinq à la Révolution Française.

Chalais est alors vendu comme bien national, les bâtiments et les terres deviennent propriété privée.

En avril 1844, le Père Lacordaire (considéré aujourd'hui comme un des précurseurs du catholicisme libéral) restaure l'ordre des Dominicains. Il rachète Chalais et y installe des novices et des étudiants.
Le père Lacordaire

Chalais devient alors le premier couvent d’étude des Frères Prêcheurs en France. En 1859, il le transfère à Saint Maximin (Var).

Chalais devient alors une maison de repos pour les Dominicains.

Le domaine est vendu en 1887 à l'industriel grenoblois Nicolet et Chalais devient  propriété privée.

Après la 2e guerre mondiale le bâtiment est passablement détérioré. Faute de ressources la restauration ne peut aboutir.

En 1963, les moniales dominicaines d'Oullins s'y installent et entreprennent la construction d'un nouveau monastère sur les ruines de l'ancien.

Les difficultés financières sont importantes. En 1966, les moniales de Chinon viennent leur prêter main forte et une fusion entre les deux communautés est actée.
Les moniales de Chinon apportent avec elles un savoir-faire en matière de confection de gâteaux secs.
Depuis, les religieuses dominicaines subviennent aux besoins de la communauté du monastère de Chalais par la commercialisation de ces biscuits secs très réputés.

Ces biscuits sont élaborés selon une recette ancienne d'un savoir-faire artisanal
Leur cuisson se fait deux à trois fois par mois. Le « jour du four » environ 330 kilos de biscuits sont produits. 
Ceux-ci sont ensuite emballés et vendus sur place ou distribués dans les différents points de vente de la région.

La commercialisation de ces biscuits leur permet de subvenir à leurs besoins.

En 1971, elles décapent les murs et font installer l’électricité. 
Elles découvrent lors du décapage que l’église romane faisait partie de l’Ordre de Chalais.
En 2003, commence la restauration complète de l’intérieur de l’église sous la direction des Bâtiments de France avec un nouveau dallage et l'installation d'un chauffage au sol.

Depuis 2015 d'énormes travaux sont entrepris avec l'aide de la DRAC, du département de l’Isère et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

Le plan du site :

L'église abbatiale ainsi que les façades et toitures du bâtiment conventuel sont inscrites au titre des Monuments historiques depuis 1974.

La toiture en forme de capuchon de Notre-Dame de Chalais, son clocheton couronné par un globe terrestre surmonté d’une croix témoignent de l’empreinte laissée par l’ordre des Chartreux.
L'église

Le bâtiment actuels n'a plus rien à voir avec la chapelle primitive mentionnée dans les chartes et bénie en 1101.
Ne subsiste qu'une partie de l'église romane du XIIe siècle avec le chœur, le transept, les croisillons, les chapelles latérales et une seule travée de la nef.

Maquette de restitution de l'église de Chalais au XIIe siècle : la nef étai plus longue, le clocher plus massif (réalisée par l'atelier AVIPAR de Voreppe en 2001).

La sobriété du style architectural de l’église et de sa décoration résulte de l’influence de l’ordre cistercien.

L’intérieur de l’église offre un style roman très sobre, avec quelques décors insérés dans l’architecture. Il s’inspire de l’art roman provençal.
Le chœur de l'église

Le décor sculpté est regroupé autour de la croisée du transept.








La clé de voûte remarquable, garde encore des traces de sa polychromie d’origine.

On y voit une belle composition cruciforme avec quatre panneaux latéraux consacrés aux symboles des évangélistes :
le lion : saint Marc
le taureau : saint Luc
l’aigle : saint Jean
et l’homme : saint Matthieu.

Sculpté au centre d’un médaillon circulaire on lit l’inscription latine «Agnus Dei qui tollis peccata mundi dona nobis pacem. Amen. »

La signature du maître d’oeuvre permet de dater cette sculpture au début du XIIIème siècle.

Le parti pris de réunir l’agneau et les symboles des évangélistes sur une clé de voûte souligne l’originalité de l’architecture romane chalaisienne.



Chaque année, le 24 juin, jour de la fête de la Nativité de Saint Jean-Baptiste, le soleil est à son zénith et la lumière matinale fait son entrée par l’oculus de l’église.

A ce moment là, la lumière se reflète sur la clef de voûte. Un faisceau de lumière vient frapper, à la verticale de la clef de voûte, le sol de la croisée du transept.

Nous étions là le 24 juin, mais le soleil jouait avec les nuages et n'était pas assez puissant puis éclairer la clef de voûte.

Un spectacle magnifique paraît il !

Ce que nous avons vu :



Ce que nous aurions dû voir :

Après la visite de Chalais nous partons pour Voreppe et plus précisément pour la visite de l’église romane St Didier qui se situe dans le cimetière de Voreppe.

Au 11e siècle, la région appartient à l'Empire germanique. Des grandes familles créent des Comtés indépendants. Voreppe est intégré au Dauphiné rattaché à la famille d'Albon, dont le souverain est appelé le Dauphin.

Au 11e siècle, le Bourg de Voreppe se trouvait plus au sud qu'aujourd'hui, au pied d'une motte castrale c'est à dire une sorte de château-fort.

En 1314, le Dauphin Jean II déplace le bourg et le fortifie pour se protéger des savoyards avec qui il est souvent en guerre. Les ramparts seront détruits au XIXe siècle.

En 1349, le Dauphiné est vendu définitivement à la France. A compter du moment où le roi de France rentre en possession du Dauphiné, il en confie la gestion à son fils aîné pour le préparer à son métier de roi. 
C'est la raison pour laquelle on appelle depuis cette date l'héritier du trône, le Dauphin.

A la Révolution, il est divisé en trois Départements : L'Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes.
Environ de Voreppe_ruines du vieux château_Lithographie d'Alexandre Debelle tirée de l'Album du Dauphiné_1835-1839

L’église du 11e siècle, appartenait à un monastère construit par l’évêque de Vienne. Elle est souvent modifiée au cours de l’histoire. 
Elle est d’abord de style roman, plutôt massive, peu élevée et avec peu d’ouvertures.

On lui rajoute plus tard le porche d’entrée, des chapelles sur le côté et on élève le clocher à quatre étages de baies.

 Les deux étages supérieurs présentés comme Roman sont probablement du XVIIe siècle.


Elle est construite avec une pierre locale, la molasse, très friable qui se transforme en sable avec le temps.

Elle se situe dans le cimetière au sommet du centre ancien de Voreppe et est classée monument historique depuis 1908.



L'église est de plan basilical avec une nef triple, voûtée, avec des arcades qui reposent sur des piles composées.



La croisée du transept est surmontée d'une coupole sur laquelle se trouve le clocher.



Trop petite pour accueillir les fidèles, elle est fermée en 1863 et transformée en nécropole pour accueillir les tombeaux des riches familles.







Les traditionnelles couronnes en perles ont été conservées.


Sur les murs extérieurs, on peut voir des têtes humaines énigmatiques

Selon l'étude de l'association Corepha (Comité se Recherche sur le Patrimoine l'Histoire et l'Art à Voreppe), ces têtes constituent un langage à destination des fidèles.

Ces têtes seraient un discours sur "le péché de langue", c'est à dire les péchés que l'on commet par la parole.

Trois de ces têtes ont la langue tirée, et la quatrième a la bouche cousue.

La langue tirée signifie le blasphème, le déni de l'autorité divine, quant à la bouche cousue, elle rappelle aux fidèles qu'ils doivent maîtriser leurs paroles et privilégier le silence.

L'église considère que chacun des sept péchés capitaux se décline à partir du péché de langue.

La vanité provoque les disputes.

L'envie induit les insinuations, la médisance et la calomnie.

La colère entraîne les insultes et le blasphème.

L'avarice conduit au mensonge, à la tromperie et au parjure.

La luxure pousse aux paroles obscènes.

La gourmandise crée la verbosité, la grossièreté et le bavardage.

La tristesse (l'acédie) induit le murmure contestataire ou le silence coupable.

C'est d'ailleurs pour se prémunir des péchés capitaux que les moines font vœux de silence.


Détails des têtes sculptées sur l'église, langue tirée.

Détails des têtes sculptées sur l'église, langue cousue.

Comme toutes les églises du moyen âge, la nef est isolée du chœur par un chancel qui cache les fidèles du lieu de célébration.

Les chapiteaux au sommet des colonnes sont magnifiquement sculptés avec des formes géométriques, des végétaux ou des personnages. 
Ceux de la croisée du transept portent un décor végétal.














Elle est aujourd'hui propriété privée. Faute de moyen, elle a tendance à se délabrer.

Les piliers penchent de plus en plus vers l'intérieur.
Cette Eglise a une particularité, c'est que le sol n'est pas plat mais en pente, il nous faut monter depuis l'entrée jusqu'à l'autel.



Un chemin de croix se trouve dans le cimetière à gauche de l'église, 14 sculptures représentant le supplice de JC. 
Elles ont été sculptées au 19e siècle par Bibi, personnage solitaire qui vivait dans une grotte à l'écart de Voreppe.




Après le déjeuner à la Badiane à Voiron où nous avons dégusté un excellent Pluma de porc sauce Chimichurri,

Une fois restaurés, nous partons pour Saint Christophe sur Guiers afin de visiter son église et voir les viraux dessinés par Arcabas et créés par Christophe Berthier.



A Saint Christophe sur Guiers une église est déjà citée en 1042 dans l’acte de cession de « toutes les églises du prieuré de Les Echelles, reconstruites ou pas, par Humbert Ier de Savoie au prieuré Saint Laurent de Grenoble, dépendant de l’Abbaye de Saint Christophe de Chaptes en Velay.

L’église actuelle est le 3e ou 4e édifice construit sur le même emplacement.

Au Moyen-Âge,  St Christophe sur Guiers était très fréquenté par les pèlerins et les marchands.

L’église médiévale datée du début du 14e siècle a brûlé en 1870.

L’actuelle église a été reconstruite et il a été récupéré le portail actuel et l’intérieur du porche.

Depuis 2013 de gros travaux sont entrepris dans cette église par la commune, maître d’ouvrage, par l’association Christophoros et en collaboration avec La Fondation du Patrimoine.



Entre 2015 et 2022, les vitraux fortement dégradés ont été remplacés.

Progressivement des vitraux d’art signés Arcabas (1926-2018) et créés par Christophe Berthier de l’atelier Berthier Bessac ont été installés.

Arcabas conçoit les huit vitraux sur le thème de la création en 2016-2017. Arcabas (de son vrai nom Jean--Marie Pirot) est un peintre et sculpteur reconnu en France et à l’étranger pour son importante production dans le domaine de l’art sacré contemporain .

Ses vitraux illuminent de nombreux édifices religieux dans les Alpes, à Chambéry, Corbel, Grenoble, le sanctuaire de la Salette, le Sappey en Chartreuse….

Hors de France on peut en admirer en Belgique, Italie, Suisse…

Il a peint également des fresques, des peintures murales, des mosaïques et exécuté des sculptures.

Christophe Berthier pose les vitraux dans les baies Nord-est et en 2022 ceux des baies sud-ouest.








Ces vitraux d’Arcabas font office d’exposition permanente et première étape sur « Les routes d’Arcabas » qui partent du Musée Arcabas en chartreuse.

Pour clore cette belle journée, nous faisons un détour par Saint Laurent du Pont pour visiter la chocolaterie de Sandrine Chappaz.

Sandrine Chappaz travaille avec des chocolats grand crû de grande qualité, approvisionnée le plus souvent directement auprès de producteurs de cabosses.



Pur beurre de cacao sans arôme artificiel ni conservateurs ce chocolat tout simplement excellent.

Ce chocolat est recommandé par Gault et Millau, le Petit Fûté, Le club des croqueurs de chocolat…
et primé par un Award de l’Harmonie en 2018 ; 
Tablettes d’or en 2015,2019,2023 ;
Tablettes d’argent en 2017 ; 
Coup de cœur du jury en 2018 ; 
et Award des meilleurs chocolatiers internationaux en 2020.




Pour Sandrine Chappaz « le chocolat est un support exceptionnel pour vous faire découvrir les mariages des parfums, de textures et de goût qui raviront vos papilles ».

Les visites et dégustation se font sur RDV directement à l’atelier.


Texte de Paulette Gleyze


Photos de Paulette et Gérard Gleyze


Pour écrire cet article je me suis inspirée:

- des commentaires de Christophe Batailh,

- des revues de Corepha

- et de l'ouvrage "Chalais, de 1101 à aujourd'hui, neuf siècles de vie monastique à Voreppe"

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