mardi 9 juillet 2024

Exposition Joan Mirò_Musée de Grenoble



Du 20 avril 224 au 21 juillet 2024, se tient au Musée de Grenoble l'exposition

"Miró, un brasier de signe".

C'est une collection du centre Pompidou, complétée par des oeuvres du musée de Grenoble et de la Fondation Miró de Barcelone.

C'est le 25 juin 2024 que nous avons bénéficié de cette visite privée de la part de notre excellent guide Eric Chaloupy, grâce à Nicole et Solange de L'ARDDS.

Ma présentation s'inspire grandement de ses commentaires et est la reproduction de l'exposition avec ses commentaires et explications.
Notre guide conférencier, Eric Chaloupy


Une assemblée attentive

L'exposition comporte plus de 130 oeuvres de Miró classées par ordre chronologique. Elle couvre toutes les périodes.
Elle retrace la vie de l'artiste et son oeuvre depuis ses années de jeunesse à Montroig et Barcelone à son installation à Paris au début des années 1920 (période du surréalisme), en passant par la période des années 1930-1940, marquées par les "peintures sauvages" et "les Constellations", jusqu'à ses dernières années à Palma de Majorque.

Le sous-titre de l'exposition "Un brasier de signes" est emprunté à Jacques Dupin son biographe. Il met l'accent sur l'intensité de l'oeuvre et sur l'artiste que l'on qualifie de "méditant bouddhiste" ou de "boxeur enragé".
"Ce qui compte c'est de mettre notre âme à nu" Joan Miró, 1936

Joan Miró est né à Barcelone le 20 avril 1893 et mort à Palma de Majorque le 25 décembre 1983 et a connu la reconnaissance de son vivant.

Son père, Miquel Miró i Adzeries, est orfèvre et possède une bijouterie horlogerie, sa mère Dolorès Ferrà i Oromí est la fille d'un ébéniste de Majorque.
Joan commence à dessiner dès l'âge de huit ans.

Ses parents acquièrent une ferme dans le sud de l'Espagne dans le village de Montroig,

Entre 1917 et 1924, ce petit village va jouer un rôle primordial dans le langage poétique de Miró.
Il restera attaché à la terre jusqu'à la fin de sa vie.

Il a beaucoup voyagé tout au long de sa vie : au Japon, aux Etats-Unis...

Sa première exposition date de 1918 à la Galerie Dalmau de Barcelone. Il fait partie de l'Agrupaciò Courbet fondé par Joseph Llorens Artigas. 

Il réalise ses premiers paysages "détaillistes". Tout est étudié dans le moindre détail ce qu'on a appelé "la calligraphie Mirónnienne".

En 1920, il s'installe à Paris à Montparnasse dans un atelier voisin de celui d'André Masson. Il fait la connaissance de Pierre Reverdy, Max jacob et Tristan Tzara.

La salle 1, présente les origines, Montroig et la Catalogne.

Durant l'été 1922, Joan Miró commence à Montroig quatre importants tableaux :
 La Fermière et trois Natures Mortes "détaillistes" ou "réalistes" qu'il termine à Paris en 1923. Cette oeuvre est représentative de cette période.

Intérieur (la Fermière) est un huis clos intimiste d'une cuisine catalane.
Les couleurs de terre rappellent les premiers paysages de l'artiste.
On a une introduction à la thématique de la terre avec l'influence de la demeure achetée par ses parents en 1910, dans la région de Tarragone.
Le dessin est libre, inspiré de son esprit. La géométrie des formes est celle de l'étrangeté et de la sobriété.
La fermière, le poêle à bois, le chat, le torchon sont détaillistes. Les pieds sont énormes car c'est ce qui nous rattache à la terre. Par la mort annoncée du lapin, la cruauté se loge dans le quotidien.
Son ami Michel Leiris voyait dans ce tableau le "surréalisme du terroir".
Miró écrit "Quand je peins, je caresse ce que je fais... ces objets, il nous faut les aimer énormément".

"Intérieur" (la fermière) Juillet 1922-printemps 1923_Huile sur toile_Dation 1977_Paris Centre Pompidou

Les salles 2 et 3 présentent les peintures de la rue Blomet et les Peintures de rêve" (1925-1927)

En 1924, Miró se lie d'amitié les jeunes écrivains qui forment à Montparnasse autour d'André Breton, le groupe de la rue Blomet : Paul Eluard, Tristan Tzara, Michel Leiris, René Char et les écrivains catalans. Il est proche d'André Masson. Il lit Lautréamont, Rimbaud, Jarry, Roussel.

Miró écrit : "La rue Blomet c'est un lieu, un moment décisif pour moi. J'y ai découvert tout ce que je suis, tout ce que je deviendrai".

En 1924, il signe le manifeste surréaliste.

Breton définit le surréalisme par rapport à la peinture "comme une vacance totale, une crise absolue du modèle"
André Breton

Yves Tanguy


Tristan Tzara





Influencé par l'écriture automatique des surréalistes, il élabore son langage secret. Dans certains de ses tableaux il édifie les fondements du "Mirómonde" dans ses visions souvent provoquées par la faim et les hallucinations.

Il participe aux expositions surréalistes. Commence alors en 1925 la période des "Peintures de rêve" qui va se prolonger jusqu'en 1927. 

Il peint "Les Paysages Imaginaires" et "les Intérieurs Hollandais".

Pendant cette période Miró invente un monde symbolique et merveilleux.

Le carton d'invitation à l'exposition Miró signé par les surréalistes
Carton d'invitation, exposition Miró à la galerie Piere_12,27 juin 1925_Dation Paul Destribats, 2020_Paris, Centre Pompidou Musée National d'Art Moderne


La dormeuse, l'âne et le lapin se transforme den motifs abstraits. La dormeuse arbore les aiguilles d'une horloge.

Miró a vécu cette scène. Il retranscrit dans sa peinture la femme qui dormait sur la plage.

L'oeuvre fait partie des "premiers bleus" (Le bleu c'est la couleur de ses rêves) caractéristiques des peintures de Miró dans les années 1920.
Le bleu délavé mime le mouvement des vagues et des nuages.
"La Sieste"_Juillet 1925-septembre 1925_Huile sur toile_Achat 1977_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne.

Miró élabore entre 1925 et 1927 un nouveau langage en peinture : "La Peinture des rêves", aérienne, mouvante et surréelle.

L'Addition révèle un monde sombre et inquiétant. La couleur terreuse rappelle l'idée de jardin.
Il écrit : "Je suis dans mon atelier comme un jardinier dans son potager. Je regarde autour de moi : il y a un bourgeon à couper par-ci, une branche de trop par là. Mes tableaux me donnent toujours l'impression de pousser tranquillement".

"L'addition"_Août 1925-septembre 1925_Huile sur toile encollée_Achat 1983_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne.

"Le Catalan"_1925_huile et crayon sur toile, perforations_Achat 1965__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne.

Dans le clair de lune, noyé dans le bleu de nuit, se distingue la figure très simplifiée d'un grand personnage.
"Baigneuse"_Automne 1924_Huile sur toile_Donation de Louise et Michel Leiris, 1984_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne.

Le "Personnage au rectangle blanc" est énigmatique. 
Sur fond ocre, un personnage ambivalent, mi-homme mi-animal, occupe tout l'espace.

 Le visage de profil présente un œil démesuré et il a un museau en guise de nez. Le chiffre 5 est calligraphié avec des pleins et des déliés .

Ce dessin révèle le désir de Miró "d'assassiner" la peinture sans la priver de ses qualités plastiques.

Le musée de Grenoble a acquis cette oeuvre. C'est la première oeuvre de Miró qui rentre dans les collections publiques françaises.

"Personnage au rectangle blanc_1928_Gouache, fusain et crayon graphite sur papier préparé_Don de Pierre Loeb, 1928_Grenoble, musée de Grenoble

Avec ses "peintures de Rêve" (1925-1927), Miró se dégage de toute convention picturale.. Sur fonds délavés de bruns ou de bleus flottent des signes peints, des formes insolites - astres, étoiles, escargots, points, taches, virgules etc...

A la fin des années 1920, Miró se passionne pour la corrida. Et comme Calder il est aussi passionné par le monde du cirque au moment où les frères Fratellini se produisent à Paris.
"Peinture"_1927_Huile sur toile_Legs de Maurice meunier, 1955_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne_En dépôt au Musée d'art Moderne et Contemporain de Strasbourg

Ce tableau peint en 1927 appartient au "Peintures de rêve" qui se caractérise par les vastes champs colorés avec des signes énigmatiques.

La toile laissée vierge sert de fond coloré à la composition. Un personnage énigmatique est représenté par une croix noire à la tête d'épingle portant un bouclier en forme de rectangle noir. 

On est à la limite de l'art abstrait.
"Peinture (le toréador)_1927_Huile su toile_Ancienne donation Geneviève et Jean Masurel, 1979_Dation de 1994_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne_Déposé au LaM/Lille Métropole, musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, Villeneuve d'Ascq

"Peinture_Avril 1927, Mai 1927_Huile sur toile_Dation de 1994_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Sans titre"_Eté 1929_Dessin-collage_Mine graphite, crayon Conté, gouache, papier velours, papier goudron et papier collé sur papier velours_Dation 1995_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Sans titre"_Eté 1929_Mine graphite, crayon Conté, papier de verre, papier goudron, fil de fer, chiffons cousus collés sur papier vergé fixé sur carton gris_Achat 1996_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Les salles 4 et 5 présentent les années 1928-1931 : "assassiner la peinture".
Joan Miró écrit en 1931 : "mon unique certitude est que je veux détruire, détruire tout ce qui existe en peinture. J'éprouve un mépris profond pour la peinture; seul l'esprit pur m'intéresse". 

Il refuse les valeurs bourgeoises qu'elle incarne.

Entre 1929 et 1930, influencé par l'esthétique de Georges Bataille et l'oeuvre d'André Masson, il se livre à l'expérimentation de toute sorte de matériaux.

"Il est animé par une rage iconoclaste, il vit une crise de l'expression, désireux d'approfondir le cri de révolte de Dada. Aux papiers collés succède un ensemble de peintures renonçant au lyrisme des "peintures de rêve".

En 1929, il épouse Pilar Juncosa (1904-1995) à Palma de Majorque et ils s'installent à Paris. En 1930, nait leur fille Dolorès et commence pour lui une période de crise et de réflexion intense où il remet en cause la peinture.

C'est une période que l'on appelle période canaille.


Georges Huguet écrit : "Oui Miró a voulu assassiner la peinture, il l'a assassinée avec des moyens plastiques, par un art plastique qui est l'un des plus expressifs de notre temps. Il l'a assassiné parce qu'il ne voulait pas s'astreindre à ses exigences, à ses esthétiques, à un programme trop étroit pour donner vie à ses aspirations."

De 1929 au début des années 1930, pendant sa crise de l'expression, le tracé se fait maladroit. Ce tableau résonne comme un cri. 

Le tracé se fait volontairement maladroit. Miró est habité par l'agressivité et rend visible la violence avec la déformation de la figure humaine.

"Peinture (tête)"_1930_Huile sur toile_Don de la galerie Pierre Loeb, 1930_Musée de Grenoble

"Peinture"_1930_Huile sur toile_Don de M Pierre Loeb, 1949_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Le 31 juillet 1928, Miró offre à André Breton "Le Portrait d'une danseuse". 
Sur la toile vierge, une épingle à chapeau, un bouchon de liège et la plume d'une aile, tout est là pour évoquer une femme réduite à son essence. Miró fait écho ici à certains assemblages Dada.
 Picasso est sensible à la radicalisation de Miró. Il dit à Miró en 1924, " Après moi, c'est toi qui ouvre une nouvelle porte".


"Portrait d'une danseuse"_printemps 1928_bouchon de liège, plume et épingle à chapeau sur carton peint_don de madame Aube breton Elléouêt,2003_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Dès Janvier 1933, Miró amorce une série de dix huit peintures dont Jacques Dupin à décrit "l'esprit de concentration plastique". 

Les formes inquiétantes semblent annoncer la montée du fascisme et le spectre de la guerre.

"Peinture (composition)"_4mars 1933_Huile sur toile_Dation Pierre matisse, 1991_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

En 1935, aux "pastel sauvages" succèdent les "peintures sauvages". 
La palette de couleurs est incandescente.

Miró se fait l'écho de l'esthétique grossière prônée par Georges Bataille.

Il peint des créatures grimaçantes qui annoncent l'humanité hybride et animale imaginée après-guerre par les artistes du mouvements CoBrA. 

Ce sont d'étranges créatures inquiétantes. Miró donne naissance à des personnages de cauchemars.
"Tête d'homme"_2 janvier 1935_Huile et vernis sur carton contrecollé sur panneau de bois_Dation Pierre matisse 1991_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnage"_1934_Pastel sur papier de velours_Achat en 1984_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Femme en révolte"_26 février 1938_Aquarelle et mine graphite sur papier Ingres_Achat en vente publique, 1984_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Miró se passionne également pour la création d'un ensemble de Sculptures-Objets (1930-1936), austères et menaçants.

 En 1936, au moment de la guerre civile espagnole, il quitte la Catalogne pour Paris. 

Ses oeuvres sont le reflets de son monde intérieur du moment, c'est à dire cauchemardesques.

Cette construction clairement sexuelle montre la part d'ombre de l'artiste.

"L'objet du couchant"_Eté 1935-mars 1936_Assemblage, tronc de caroubier, ressort de sommier, brûleur à gaz, chaîne, ficelle..._Achat, 1975_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Dans le même esprit , les mots chers à l'artiste évoque la féminité et la sexualité. Dessin poème pour lequel l'écriture est dessin et le dessin écriture.

Dessin poêle (étoile, nichons, escargot, soleil, comète palpitation de la chair)_11 novembre 1937_Mine graphite sur papier bleu-gris_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Les salles 6 et 7 couvrent la période de Varangéville à New York.

A partir du printemps 1938, Miró se rend souvent à Varangéville sur Mer en Normandie où vivent Raymond Queneau et Georges Braque.
Il s'y installe en août 1939 pour quelques mois.

Pour conjurer le péril de la guerre il amorce la série des "Constellations".

Il embarque pour les Etats Unis en 1947 et rend visite à Alexander Calder. 
La découverte de l'art américain constitue un tournant pour lui. Il va privilégier des formats monumentaux.
1950 voit une exposition à la galerie Maeght où toute sa production est présentée depuis 1948.

En janvier 1940, Miró commence la série des Constellations à Varangéville sur Mer qu'il poursuit à Palma de Majorque et qu'il achève à Montroig en septembre 1941.

Avec ses vingt deux petites gouaches sur papier, l'artiste exorcise par la poésie le drame de la guerre.

Nous voyons ici des reproductions que Matisse avait fait reproduire car tous les originaux sont dans des collections privées. Ils ont été vendu après l'exposition à New York.

Miró écrit en 1948 : "La nuit, la musique et les étoiles commencèrent à jouer un rôle majeur dans la suggestion de mes tableaux"

et Jacques Prévert :
" Il y a un miroir dans le nom de Miró
Parfois dans ce miroir un univers de vignes de raisin et de vin
Tache solaire, jaune d'œuf précolombien
L'oiseau tonnerre roucoule dans le lointain
Ivre déjà depuis midi entraînant avec lui la nappe du matin
Le soleil noir s'écroule dans la cave du soir
Pénombre grise et ombre déportée rouge fracas du vert brisé
La blanchisseuse veuve qu'on appelle la nuit surgit sans bruit
Et dans le bleu de sa lessive
l'astre à Miró, l'étoile tardive luit..."

"Le passage de l'oiseau divin"_Constellations, planche XXII_Montroig_12 septembre 1941

"Le crépuscule rose caresse les femmes et les oiseaux"_Constellations, planche XXI_Montroig_14 août 1941

"Chiffres et constellations amoureux d'une femme"_Constellations, planche XIX_Palma de Majorque_12 juin 1941

"L'oiseau migrateur"_Constellations, planche XVIII_Palma de Majorque_26 mai 1941

"Le réveil au petit jour"_Constellations, planche XIV_Palma de Majorque_27 janvier 1941

"Le 13 l'échelle a frôlé le firmament"_Constellations, planche XII_Palma de majorque_14 octobre 1940

"Femme et oiseaux"_Constellations, planche VIII_Vangéville sur Mer_13 avril 1940

"Sans titre"_1938_Huile sur toile_Donation d'André et Henriette Gomès, 1985_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Femmes sur la plage"_Constellations, planche IV_Vangéville sur Mer_15 février 1940

"Le chant du rossignol à minuit et la pluie matinale"_Constellations, planche XI_Palma de Majorque_4 septembre 1940

"L'étoile matinale"_Constellations, planche VI_Varangéville sur Mer_16 mars 1940

Dans la salle 7 nous découvrons qu'il est déterminé à dépasser la peinture de chevalet.

Il va une première fois aux Etats Unis en 1947. Sa découverte de l'art et du territoire américain va être un tournant dans son oeuvre et il va privilégier les formats monumentaux à partir des années 1950-1952. 
Il va peindre des tableaux de très grands formats qu'il va appeler des "bandes".

Il va disposer sur ces toiles des figures et des signes peints qui se situent entre la peinture et l'écriture.
Jacques Dupin, son biographe, les intitule des "Miróglyphes en liberté".

Un an après avoir découvert l'oeuvre de Pollock à New York il réalise deux grandes bandes de cinq mètres de long. La première est en dépôt au musée de Grenoble.

Pour Miró, "Ce qui compte ce n'est pas une oeuvre, c'est la trajectoire de l'esprit".
"Grande bande"_1953_Huile sur toile_Dation Ancienne collection Adrien Maeght, 2007_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

En 1945 il entreprend la réalisation des céramiques, activité qu'il exercera de 1955 à 1959, en collaboration avec Josep Llorens Artigas pour la Fondation Maeght à Saint Paul de Vence.
La Fondation Maeght à Saint Paul de Vence

Il écrit "J'aime l'art des artisans, l'art anonyme"
"L'art qui vient du coeur et qui s'ignore"


Céramique_vase boule

Dans les salles 8, 9 et 10 sont exposées "les peintures qui dépassent le chevalet".

En 1956 il exauce un souhait ancien à savoir avoir un grand atelier qui lui permet de quitter la peinture de chevalet et de peindre des grands formats.

Il s'installe dans son nouvel atelier à Palma de Majorque construit par son ami Lluis Sert.

Il renouvelle complètement sa peinture.
Il peint à même le sol, peint avec ses doigts et renoue avec l'automatisme des surréalistes.
Sa peinture est de plus en plus violente et se nourrie de l'expressionnisme américain, de la calligraphie orientale et de la peinture japonaise.

"Miró redonne au geste sa puissance primitive, primordiale".

Miche Leiris a écrit à ce propos " l'artiste a su réaliser un vide bien complet en lui pour retrouver une pareille enfance".
Miró écrit de son côté : "Plus je suis maître du métier, plus j'avance dans la vie, plus je reviens à mes premières impressions. Je pense qu'à la fin de ma vie j'aurai retrouvé toutes les valeurs de l'enfance".

A Palma de Majorque, il s'identifie aux forces cosmiques et donne des oeuvres enfantines et burlesques.
"Personnages et oiseau"_1962_Encre de Chine et aquarelle sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnage devant le soleil"_1960_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnage"_1962_Fusain, aquarelle, crayon de couleur et huile sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

'Personnages devant le soleil"_1963_Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Sans titre"_1964_Encre de Chine, aquarelle et pastel sur papier d'Arches_Donation de Louise et Michel Leiris, 1981_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnages"_1960_Encre de Chine, fusain, gouache et pastel sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Dans la salle 9, focus sur Ascèse et Spiritualité, les trois grands Bleu : Bleu I, Bleu II, Bleu III qu'il peint en 1961 dans son grand atelier de Palma de Majorque.

Il jette les premières idées de ses "Bleus" au fusain sur toute sortes de support avant de commencer à les peindre.

L'ample monochromie de bleu est animée par quelques signes. Les toiles sont progressivement dépouillées de signes.

C'est une méditation sur le vide.

Miró dit : "Il est important pour moi d'arriver à un maximum d'intensité avec un minimum de moyens. D'où l'importance grandissante du vide dans mes tableaux" et encore : "Je mange peu, j'écoute de la musique, je lis presque entièrement de la poésie, je fais des promenades dans la campagne... regarde la mer, les arbres... et cette manière me permet de maintenir la tension qui m'est nécessaire pour faire de la peinture"

Alberto Giacometti écrit en 1959 : "Miró ne pouvait poser un point sans le faire tomber juste. Il était si véritablement peintre qu'il lui suffisait de laisser trois taches de couleur sur la toile pour qu'elle existe et soit tableau"

Miró voulait que ces trois toiles soient réunies dans une même institution. Le Musée d'Art Moderne les acquiert successivement.



En1966 et en 1968 il voyage au Japon.

En 1966 une rétrospective lui est consacrée au musée d'art moderne de Tokyo.

En 1968, pour ses 75 ans, une rétrospective lui est consacrée à Barcelone, mais Miró refuse d'inaugurer la manifestation en raison de la présence d'officiels du régime franquiste.

Miró est engagé aux côtés des Républicains, mais il s'est aussi intéressé aux mouvements politiques et culturels de son époque.

En mai 1968, il est devenu selon ses propos "un catalan international". Il est solidaire de la contestation de l'époque. Il affirme que l'artiste a pour rôle de "transformer chacun de ses mots en une négation de la négation, en un dénouement de toutes les oppressions, de tous les préjugés et de toutes les valeurs établies".

"Sans Titre "_26_12 mai 1966-5 novembre 1966_Encre de chine sur papier Japon_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Sans titre"_1er février 1968_Encre de chine sur papier Japon_Achat 1975_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Sans titre"_14 février 1968_Encre de chine sur papier Japon_Achat 1975_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Silence s'organise autour d'une effusion rouge centrale ornée de lettres graphiques qui sont dispersées pour écrire le mot "silence".

L'oeuvre s'inscrit dans une série de 10 peintures-poèmes.

Ce tableau est peint sous le joug franquiste.

"Silence"_17 mai 1968_Huile sur toile_Dation 1982_"Sans titre"_1er février 1968_Encre de chine sur papier Japon_Achat 1975_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Ce personnage est une sculpture d'assemblage qui rappelle le goût de Miró pour les matériaux bruts. Ici des morceaux de bois et de métal, un cerclage de tonneau et un robinet. Ce personnage phallique parait vain du fait qu'il est vide en son centre.
Cette sculpture évoque Ubu, personnage de Jarry dont la cruauté et la lâcheté sont poussées jusqu'au comique.
"Personnage"_1970_bronze à la cire perdue_fondeur Clementi, Meudon_Don de Marguerite et Aimé Maeght, 1977_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Hérité des "Peintures de rêve" des années 1920, le bleu représente pour le peintre le territoire du rêve. Deux ans après son voyage au Japon Miró confirme la leçon des calligraphes extrême-orientaux.
"Danse de personnages et d'oiseaux sur un ciel bleu; étincelles"_25 mai 1968_huile sur toile_Dation 1982_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Dans les salles de 11 à 18, sont exposées les peintures des années 1970 : l'exil à Palma de Majorque.

Il renoue dans les années 1970, à Palma de Majorque avec sa violence créatrice.

Il écrit  "Je commence toujours un tableau à la suite d'un choc que je reçois par quelque chose de matériel, comme par exemple, la trame d'une toile, ou alors par un déclic qui se produit en moi, sans que je sache pourquoi. C'est ce qu'Arthur Rimbaud appelle "l'étincelle".

Il se confronte à toutes sortes de support, toile, cartons, papier et il brûle, lacère macule ses toiles.
Son inspiration oscille entre l'expressionnisme abstrait américain et une autre voie plus apaisée inspirée de la culture orientale.

Le thème des femmes-oiseaux est représenté majoritairement dans sa dernière période.

L'installation dans l'atelier de Palma de Majorque multiplie des expériences.

Il écrit : "ce qui m'intéresse le plus aujourd'hui c'est le matériau avec lequel je travaille". 

Il s'émancipe du format classique du papier pour privilégier des supports variés.
"Cinq cercles noirs. Une étoile (I)"_22 novembre 1971-15 Janvier 1976_Fusain, mine graphite, encre de Chine, pastel, gouache et huile sur papier_Don de l'artiste, 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnages et oiseaux dans la nuit (IV)"_6 septembre1971-20 novembre 1975_Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

On voit l'attrait du vide chez Miró. Sur le blanc de la feuille, il dessine au pastel une constellation de taches vaporeuses et flottantes.

 Un trait irrégulier dessine le contour qui pourrait être une tête d'homme qui devient paysage. C'est un monde léger et flottant.

"Sans titre" (ancien titre : personnage)_2 janvier 1973_Encre de Chine, gouache et pastel sur papier_Don de l'artiste en 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Dans les dernières années de sa vie, Miró expressionniste atteint la démesure. 

Il travaille dans un état de passion et d'emportement.

 De ces dernières oeuvres, Jacques Dupin écrivait "Elles ont en commun un note de gravité dans l'exubérance et cette concentration d'énergie est tout aussi sensible dans les séries de toiles minuscules que dans un immense tableau comme "Personnages et oiseaux dans la nuit sur fond brouillé de rouge et de jauneau, balancement contrarié aux larges et puissants mouvements".

"Oiseau dans un paysage"_1972_Encre de Chine, aquarelle et gouache et pastel sur papier_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnages et oiseaux"_13 septembre 1969_ Encre de Chine et gouache sur plusieurs papiers et cartons_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Tête"_1970_Encre de Chine, gouache et pastel sur papier journal_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnage, oiseaux"_1972_Encre de Chine et gouache sur papier froissé contrecollé sur papier kraft_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnages"_22 novembre 1971-22 décembre 1976_Fusain, encre de Chine, pastel aquarelle et gouache sur papier_Don de l'artiste en 1979__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Personnage, oiseau"_1972_gouache, crayon de couleur et peinture acrylique sur papier froissé_Don de l'artiste en 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Personnage"_Août1973_Encre de Chine et gouache sur feuille de plastique transparent_Don de l'artiste en 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Chien dans la forêt"_1974_Pastel, fusain et aquarelle sur papier_Don de l'artiste en 1976__Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Mains et Oiseaux dans l'espace"_1975_Encre de Chine, fusain, pastel empreintes des mains de l'artiste_Don de l'artiste en 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Ce tableau évoque la magie primitive des peintures rupestres. 

Miro s'inspire peut-être de la grotte d'Altamira ou des fresques murales du musée de Catalogne. 

On devine les yeux, les griffes.
"Personnages et oiseaux dans la nuit "_19 janvier 1974_Huile sur toile_don de l'artiste 1977_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Femme et oiseaux"_1976_Encre de Chine et encre sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Femme, oiseau"_1976_Pastel, gouache et huile sur carton_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

"Femme, oiseaux dans la nuit"_1975Fusain, pastel, encre de Chine sur papier_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne
"Personnage, oiseaux"_1976_Fusain, pastel et craie sur carton fissuré_Don de l'artiste, 1979_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne

Jusqu'à la fin de sa vie Miró va réaliser près de 400 sculptures, pour la plupart en bronze.

Inspiré par le surréalisme et le Pop Art il va réaliser parfois des assemblages d'objets, parfois des sculptures inspirées d'objets banals pris dans son environnement quotidien, comme des savonnettes, du papier bonbon froissé ou des pinces à linge qu'il agrandit et qu'il fige dans le bronze ou la résine synthétique.

Miró aime rester seul pour créer et médite beaucoup soit en dialogue avec la nature soit avec la poésie ou la musique.

"Femme"_1969_Bronze_Fondeur Susse, Malakoff_Don de Marguerite et Aimé Maeght, 1977_Paris, Centre Pompidou musée national d'Art Moderne



Nous pouvons conclure avec Dora Vallier :
"Les ailes de l'oiseau glissant sur la lune pour atteindre les étoiles"..."Femmes hypnotisées par les rayons crépusculaires frôlant la plaine"... "Ce sont des tableaux de Miró, mais nous savons que nous n'avons à chercher ni ailes de l'oiseau, ni plaines, ni étoiles, nous ne les trouverions pas, car pour les reconnaître nous devons d'abord briser la carapace qui recouvre en nous les choses et les transforme en notions; nous devons nous laisser glisser comme l'oiseau sur ses ailes, nous devons nous abandonner comme la terre, flotter comme les étoiles et quand nous serons entièrement disponibles devant ce fond bleu ou rouge, quand nous longerons à loisir les méandres des lignes, à ce moment là seulement nous verrons la peinture de Miró.
Et notre liberté sera la mesure de nos chances de l'approcher."
Texte extrait des cahiers d'art,1960

Au vu de cette exposition nous sommes tentés de conclure avec André Breton : "Miró. est le plus surréaliste de tous ".


La richesse de l'exposition m'a obligé à sélectionner les photos, et nous ne voyons ici qu'une infime partie des oeuvres.



Compte-rendu de Paulette Gleyze

Photos de Gérard Gleyze

1 commentaire:

  1. quel travail, Paulette, bravo... j'en connais grace à toi un peu beaucoup plus de ce peintre espagnol que je n'apprécie pourtant pas... Merci à toi et encore bravo

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