Le 30 juillet 2025, nous visitons avec Carol et Eric le domaine de Montaigne.
Le domaine et le château de Michel Eyquem de Montaigne est un lieu emblématique situé en Dordogne, dans la commune de Saint-Michel-de-Montaigne en Nouvelle Aquitaine.
Il est acquis au XIVᵉ siècle par la famille Eyquem, famille de riches négociants bordelais anoblis.
A cette époque, le site est un château fortifié, dominant les vignes et les terres agricoles.
Michel Eyquem de Montaigne y naît le 28 février 1533.
Son père, Pierre Eyquem, a une vision originale pour son éducation. Il remet son fils, bébé, à une nourrice paysanne puis dès l’âge de 3 ans, il le confie à un précepteur allemand qui lui parle uniquement latin, si bien qu’il apprend cette langue avant même le français.
Il fait ensuite ses études au Collège de Guyenne à Bordeaux réputé pour son ouverture humaniste.
En 1557, à l'âge de 24 ans, il devient magistrat au Parlement de Bordeaux. Son ami Étienne de La Boétie, auteur du "Discours de la servitude volontaire" l’influence profondément.
A la mort de son père en 1568, il hérite du domaine.
Il se retire de 1569 à 1571 dans sa célèbre tour, qu’il aménage en bibliothèque. C’est là qu’il médite et écrit les "Essais" publiés en 1580, qu'il enrichi jusqu’à sa mort.
Il exerce aussi des charges diplomatiques et politiques. Il est conseiller du roi Henri III et maire de Bordeaux de 1581 à 1585.
Figure majeure de la Renaissance française, humaniste, philosophe, écrivain et homme politique, Montaigne est surtout connu pour avoir inventé un genre littéraire unique, l’Essai, qui a profondément marqué la pensée occidentale.
Il décède en 1592 au château. Il est d’abord inhumé dans la chapelle familiale, avant que ses restes soient transférés à Bordeaux au couvent des Feuillants, puis au musée d’Aquitaine.
Le château revient alors à Léonor de Montaigne (1573-1616) seule héritière de Montaigne.
En 1590, elle épouse Géraud de La Chassaigne, conseiller au parlement de Bordeaux (un cousin de sa mère), ils auront plusieurs enfants, mais la lignée s’éteint au XVIIᵉ siècle.
Le château de Montaigne passe ensuite par héritage et alliances à d’autres familles nobles, dont les Lur Saluces, célèbres pour le vin de Sauternes.
En 1885, un incendie dévastateur détruit la majeure partie du château médiéval. Seule la tour échappe aux flammes et reste intacte, c'est elle qui porte encore aujourd’hui l’authenticité du lieu.
Le château est ensuite reconstruit à la fin du XIXᵉ siècle, dans un style néo Renaissance par les propriétaires de l’époque, la famille de Carayon Latour, issue d’une lignée noble bordelaise.
La reconstruction s’inspire du style Renaissance pour rappeler l’esprit du lieu, mais il ne s’agit plus du château exact que Montaigne a connu.
Le domaine appartient toujours à des descendants de la famille de Carayon Latour.
Depuis toujours, les terres du château sont plantées de vignes.
Aujourd’hui, la tradition viticole se perpétue, associée à l’image de Montaigne, qui lui-même s’intéressait aux cultures et à l’économie de son domaine.
Le domaine exploite environ 20 hectares de vignobles (AOC Côtes de Bergerac, Montravel, Bordeaux).
Nous arrivons au domaine dans un parc arboré avec des allées rectilignes typiques du jardin classique.
Des jeux pour enfants y sont installés.
L'entrée de la cour est protégée par une tour défensive que Michel de Montaigne va aménager pour en faire son lieu de retrait et de travail.
C'est une tour ronde, massive, d’environ 12 mètres de diamètre, construite en pierre de calcaire, miraculeusement épargnée par l’incendie.
Elle conserve son caractère médiéval.
Elle possède trois niveaux superposés, reliés par un escalier en colimaçon de 107 marches.
Chaque niveau avait une fonction précise :
Au rez de chaussée, la chapelle dédiée à Saint-Michel est un lieu de prière et de méditation. Montaigne y entretenait une spiritualité intime mais sans excès.
Petite, voûtée, et sobre, elle rappelle que l’écriture des Essais se nourrissait aussi d’une quête morale et spirituelle.
Au 1er étage, se situe la chambre où Montaigne vivait et dormait lors de ses séjours dans la tour.
La pièce est circulaire, suivant la forme de la tour, les fenêtres percées dans l’épaisseur du mur, donnant à la fois lumière et isolement.
Un lit à baldaquin occupait le centre ou un côté de la chambre. La chambre est meublée assez sobrement : quelques coffres, une table, quelques sièges.
Les murs sont blanchis à la chaux et comportaient inscriptions et sentences morales peintes, comme dans la bibliothèque, mais plus rares.
La chambre surplombe la chapelle Saint-Michel, : une ouverture acoustique reliait directement la chambre à la chapelle, permettant d’entendre la messe depuis son lit quand il était trop faible pour descendre.
Montaigne y passait une grande partie de son temps. Il s'y reposait entre ses lectures et ses heures de travail à la bibliothèque car il souffrait de maladies chroniques.
La chambre, bien qu’austère, était donc un lieu d’équilibre entre la méditation, la douleur et la prière.
Elle ne comporte néanmoins ni luxe aristocratique, ni dénuement monacal, mais une sobriété propice à la réflexion.
Au 2e étage, sous la charpente, se trouve la librairie.
C'est le véritable cœur de la tour, où il rédige l’essentiel des "Essais".
On y voit une reconstitution du fauteuil de Montaigne, le fauteuil authentique est conservé au musée d’Aquitaine de Bordeaux, avec d’autres objets personnels, comme sa table d’écriture.
Montaigne s’y installait pour lire, méditer et dicter ses Essais à un secrétaire, car il n’écrivait pas toujours lui-même.
Il avait coutume de dire qu’il aimait être à l’aise pour penser, et ce fauteuil était son véritable “poste de travail”. C'est une pièce circulaire, très lumineuse grâce à plusieurs fenêtres.
Sur les poutres de la charpente sont inscrites 57 maximes et sentences en latin et en grec que Montaigne avait fait peindre, maximes, sentences stoïciennes, épicuriennes ou sceptiques (Socrate, Sénèque, Épicure, Lucrèce, etc.).
Elles lui permettaient de déambuler dans la pièce les yeux au plafond pour trouver l'inspiration pour la rédaction de ses "Essais". Il les dictait à un scribe qui les retranscrivait sur le papier.
Ces poutres portent encore les inscriptions grecques et latines.
En voici quelques unes :
Une sentence grecque sur la modération : « EIH MOI ZHN APO TWN OLIGWN MHDEN ECONTI KAKON » Vivre de peu à l’abri de tout mal, tel est mon vœu.
Une allégorie sur la fragilité humaine : « Keramos anthrôpos » L’homme est un vase d’argile, (citation tirée d’Érasme, Adages).
Un appel à l’humilité intellectuelle : « Nolite esse prudentes apud vosmetipsos. » Gardez-vous d’être sages à vos propres yeux. (Épître aux Romains, 12,16).
Une sentence sur la sagesse mesurée : « Ne plus sapite quam oportet sed sapite ad sobrietatem. » Ne soyez pas plus sages qu’il ne faut, soyez sages avec modération. (tirée de l’Épître aux Romains)
Sur la vanité universelle : « Per omnia vanitas. » Partout vanité. (Ecclésiaste, 1).
Une réflexion sur la perception et le vrai : « Nostra uagatur in tenebris nec cæca potest mens cernere verum. » Notre esprit erre dans les ténèbres, et cet aveugle ne peut discerner le vrai.
Ces maximes reflètent son scepticisme, son introspection et son sens aigu de la mesure.
La bibliothèque comptait environ 1 000 volumes, traitant de la philosophie antique, de l’histoire, de la littérature, du droit, et de médecine.
Il s’y installait pour lire, annoter et écrire et disait qu’il y était « maître de soi ».
Il y recevait aussi des personnalités politiques et intellectuelles de son temps.
La tour est classée monument historique par arrêté du 28 mars 1952. Elle constitue le grand centre d’intérêt historique et philosophique, c'est le seul vestige de son époque.
Elle symbolise le lieu de naissance d’une pensée moderne, fondée sur l’introspection, le doute, la tolérance et l’expérience vécue.
Après la visite de la tour nous nous rendons sur le parvis du château, lieu de RDV pour la visite guidée.
Le château est privé, les photos sont interdites à l'intérieur.
Le bâtiment est de style sobre et symétrique, le plan est en U avec un corps central flanqué de deux ailes latérales.
Les lignes sont droites, les proportions équilibrées, les toitures hautes en ardoises.
Il est construit en pierres blondes du Périgord, typiques des demeures nobles de la région.
Le château n'est pas celui que Michel de Montaigne a connu.
A l'origine se trouvait une maison forte construite par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans.
En 1477, Ramon Eyquem, l'arrière grand père de Montaigne achète le domaine afin d'obtenir des terres et le titre de Seigneur.
Son fils, Grimon en hérite puis plus tard Pierre Eyquem, le père de Montaigne qui fortifie le domaine en construisant des remparts que l'on appelle aujourd'hui les communs.
Ce sont tous les bâtiments avec les portes rouges qui entourent le château.
Les communs abritaient au 1er étage les domestiques et au rez de chaussée, un chai, une écurie, un boulanger, un boucher, un abattoir et un poulailler. Cela permettait à la famille Eyquem de vivre en autarcie sur le domaine, un mode de vie sûr puisqu'ils étaient catholiques sur un territoire majoritairement protestant.
Michel Eyquem de Montaigne en hérite et s'y installe en 1571. Les Montaigne se succèdent jusqu'en 1811. La famille ruinée est contrainte d'abandonner ses terres et de fuir à l'étranger.
Entre 1811 et 1860, deux familles de propriétaires se succèdent mais n'ont pas les moyens nécessaires pour entretenir le château qui tombe à l'abandon.
En 1860, Pierre Magne, ministre des finances sous Napoléon III, rachète le domaine et transforme la maison forte en château de plaisance.
Il décède en 1879, sa fille Marie Magne hérite du domaine. En janvier 1885, un incendie ravage entièrement le château.
Marie Magne se donne pour objectif de reconstruire le château en 1 an, ce qu'elle réussira à faire.
Elle apporte quelques modifications et ne reconstruit pas le 3e étage.
Elle avance aussi la façade de quelques mètres afin de créer un hall d'entrée et deux galeries. Elle fait aussi ajouter des éléments de décor sur la façade avec au-dessus de la porte, sur la gauche l'armoirie de Montaigne "Que sais-je ?"et au dessus un plaque commémorative de l'incendie.
Elle ajoute la lettre "M" au dessus de certaines fenêtres en rappel aux noms de Montaigne et Magne.
Aujourd'hui c'est la famille Mähler-Besse, descendants directs de Pierre Magne qui possèdent le château.
L'ensemble du château, comprenant la cour, les bâtiments qui la ferment, l'ancien moulin, les parcelles du parc entourant le château avec ses murs et terrasses, le portail du jardin et l'allée menant au village, a été inscrit Monument Historique par arrêté du 29 octobre 2009.
À l’inverse de la tour de Montaigne, massive et médiévale, le château est une demeure de prestige, tournée vers l’art de vivre aristocratique à partir du XIXᵉ siècle.
Nous pouvons en visiter une partie, mais nous ne pouvons pas prendre de photos.
Je vais tenter une description.
Dès le vestibule, le regard est attiré par l'impressionnant grand escalier en pierre claire avec sa rampe en fer forgé.
Dans la cage d'escaliers éclairée par de hautes fenêtres, garnies de vitraux aux teintes rouges, bleues et dorées, se trouvent des portraits de famille et des bustes qui rappellent la mémoire des Montaigne et de leurs successeurs. Il est la colonne vertébrale de la demeure.
Suspendu au plafond, un grand lustre en fer et cristal descend au cœur de la cage d’escalier.
Nous arrivons à un large palier rectangulaire, qui distribue vers les pièces nobles du premier étage. Il est orné de portraits, boiseries et bustes, et notamment sur une console, un buste en marbre de Montaigne.
La salle à manger est une pièce ample et haute de plafond, avec de larges fenêtres à petits carreaux, les murs sont décorés de boiseries Renaissance avec panneaux sculptés.
La pièce est chauffée par une cheminée monumentale en pierre sculptée.
Au milieu de la pièce une table longue et massive, en chêne entouré de chaises à haut dossier, en bois.
Des vaisseliers chargés de faïences et porcelaines, témoignant de l’art de recevoir au XIXᵉ siècle.
Après la salle à manger se trouve le grand salon qui est une pièce vaste et lumineuse, au plafond haut. De grandes fenêtres s’ouvrent sur le parc.
Les murs sont ornés de boiseries élégantes et de tableaux de famille.
La cheminée monumentale en pierre sculptée est surmontée d’un grand miroir doré.
Le mobilier est composé de canapés et fauteuils, de tables basses et guéridons en marqueterie, un piano, des vases en porcelaine, pendules en bronze doré, des bibelots.
Au centre de la pièce un lustre en cristal.
C’est dans le salon que les invités prenaient place après les repas pour converser, jouer de la musique ou discuter de politique et de littérature.
Au XIXᵉ siècle, ce salon incarnait la sociabilité aristocratique et bourgeoise, un espace de représentation autant que de détente.
Après le salon nous entrons dans la bibliothèque qui est une grande salle rectangulaire à l'ameublement et à la décoration imposants.
Les murs sont tapissés de livres reliés de cuir, aux dos dorés.
Des rayonnages en bois sombre courent sur les murs tout autour de la pièce, jusqu’au plafond.
On atteint les livres des étagères supérieures grâce à des échelles mobiles.
Aux murs, quelques gravures historiques ou portraits d’auteurs.
Sur les consoles et tables, des globes terrestres, des bustes d’écrivains ou de philosophes.
C'est une pièce de prestige destinée à montrer la culture et le raffinement de la famille.
Les chambres reflètent le confort bourgeois de l’époque. Ce sont des pièces rectangulaires en enfilade, spacieuses et luxueuses.
Elles comportent des lits doubles, armoires ou commodes, bureaux, fauteuils.... Des vêtements d'époque sont conservés.
Nous quittons le château où les pièces témoignent du mode de vie aristocratique et de l’évolution architecturale du domaine.
Chaque salle raconte une partie de l’histoire familiale, c'était un moment d’histoire et de raffinement
Nous terminons la visite du domaine par la dégustation des vins du domaine.
Les registres témoignent que Michel de Montaigne exploitait la vigne pour sa consommation et le commerce local. La culture a été poursuivie après lui, et le domaine a gardé une vocation viticole jusqu’à aujourd’hui.
Le domaine viticole s'étend sur environ 20 à 25 hectares de vignes. Certaines parcelles sont travaillées selon des méthodes proches du bio.
Le domaine propose :
Château de Montaigne rouge : souple, fruité, notes de fruits noirs.
Château de Montaigne rosé : frais, léger, parfait pour l’été.
Château de Montaigne blanc sec : vif, floral, à base de sauvignon.
Monbazillac (liquoreux) : élaboré avec les cépages blancs.
On trouve aussi quelques cuvées spéciales, en hommage à Montaigne, avec un travail plus poussé d’élevage en barriques.
Le domaine se trouve à la frontière du Bordelais, et fait partie de l’appellation Bergerac (Sud-Ouest).
Il perpétue un lien culturel et historique avec Montaigne.
Le domaine de Montaigne n’est pas qu’un château, c’est un haut lieu littéraire.
La visite illustre deux époques :
La Renaissance, époque de Montaigne et de sa philosophie humaniste. La tour restant le cœur émotionnel et intellectuel du château.
Le XIXᵉ siècle, époque de restauration, de confort bourgeois et de mise en valeur du patrimoine.
C’est aussi un site viticole vivant, reliant patrimoine intellectuel et terroir.
Texte de Paulette Gleyze
Photos de Paulette, Anne et Gérard Gleyze
Voici les points principaux :
🏰 Histoire du lieu
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Le château acquis par la famille Eyquem en 1477, est la demeure de Michel de Montaigne.
La tour de la librairie, où il écrivit et grava des maximes sur les poutres, est le seul vestige de son époque
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Michel de Montaigne (1533-1592), célèbre philosophe humaniste et écrivain, y est né, y a vécu et y est mort.
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L’édifice médiéval a subi des transformations au fil des siècles, le reste du château a été ravagé par un incendie en 1885 et reconstruit dans un style néo-Renaissance
📚 La célèbre « Tour de Montaigne »
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C’est l’endroit le plus authentique et le plus marquant du domaine.
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Montaigne s’y était aménagé une bibliothèque au dernier étage, où il a rédigé et corrigé les Essais.
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Les poutres portent encore des inscriptions latines et grecques qu’il avait fait graver comme sources d’inspiration et de méditation.
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La tour comprend aussi une chapelle et une chambre où Montaigne passait de longs moments de retraite.
🌳 Le domaine
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Autour du château s’étendent des vignobles (l’AOC Côtes de Montravel et autres vins de Bergerac).
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Le parc et les jardins permettent une promenade dans un cadre paisible, marqué par l’histoire.
🎟️ Visite aujourd’hui
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Le château et la tour appartiennent à une famille privée, mais ils sont ouverts au public pour des visites guidées.
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La visite inclut généralement : la tour (bibliothèque, chapelle, chambre), des explications sur la vie et la pensée de Montaigne, et la découverte du château reconstruit au XIXᵉ siècle.
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Des événements culturels et des expositions temporaires sont aussi organisés.
✨ Intérêt culturel
Le site est à la fois :
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un lieu littéraire et philosophique majeur, car Montaigne y a conçu son œuvre,
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un témoignage historique sur la vie d’un seigneur humaniste du XVIᵉ siècle,
-
une destination touristique et viticole de la Dordogne.
Hello. Vous êtes toujours sur les routes. Merci à vous.
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