mardi 14 octobre 2025

“Niki de Saint Phalle : Le Bestiaire magique” à l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence.


Le 19 septembre 2025, nous visitons l'exposition “Niki de Saint Phalle, Le Bestiaire Magique" à l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence.

Cette exposition s'est tenue du 30 avril au 5 octobre 2025.

Le thème de cette exposition est la fascination de l’artiste pour les animaux et les créatures imaginaires.

Elle met en lumière son bestiaire “magique”, dragons, serpents, oiseaux,..., et comment ces figures font référence à des mythes et des symboles, au surréalisme, mais aussi à son autobiographie.

L'hôtel Caumont est un hôtel particulier du XVIIIᵉ siècle, construit entre 1715 et 1742 par les architectes Robert de Cotte et Georges Vallon pour François Rolland de Réauville, marquis de Cabanes.

C’est la famille de Bruny, puis Pauline, qui a donné à l’hôtel son cachet actuel. Pauline de Bruny, marquise de Caumont-La Force, née vers 1767 à Aix-en-Provence, est issue d’une très ancienne noblesse provençale, les Bruny d’Entrecasteaux, riches propriétaires et mécènes.

Elle épouse François-Joseph de Bruny, marquis de Caumont-La Force, membre d’une lignée prestigieuse, apparentée à la famille de La Force, très influente sous l’Ancien Régime.

Pauline hérite de la demeure à la mort de son père, et y mène une vie élégante, cultivée et mondaine.

Elle fait réaménager les intérieurs dans le goût néoclassique du temps, tout en conservant les éléments rocaille du XVIIIᵉ siècle.

Elle y reçoit écrivains, musiciens, artistes et notables aixois. Elle était reconnue pour son raffinement, sa culture et son goût artistique. Passionnée de musique et de littérature, elle faisait souvent donner des concerts privés dans le Salon de musique, où un clavecin est toujours exposé aujourd’hui.

Elle correspondait avec plusieurs personnalités du monde littéraire et politique de la Restauration, et soutenait des artistes aixois.

Son salon aixois est comparé à ceux de Paris.

Après la Révolution, Pauline réussit à conserver l’hôtel et une partie du patrimoine familial grâce à son habileté et à sa position sociale.

Elle décède à Aix en Provence en 1850.

Le groupe Culturespaces a acquis l'immeuble en 2013 et l'a fait restaurer en profondeur. Les travaux ont duré de 2013 à 2015.

Les équipes ont voulu rendre hommage à Pauline de Caumont en reconstituant une chambre à son image, appelée Chambre de Pauline, le Salon de musique, le Salon des Putti, et le Salon des Rinceaux.

Le salon de musique servait à la fois de lieu de réception et de salle de concert privée. Pauline y organisait des soirées musicales, lectures et discussions.




La chambre personnelle de Pauline de Caumont avec ses meubles d’époque, lit “polonais”, secrétaire à cylindre, appliques murales, tableaux, décors rococo avec éléments décoratifs



L'hôtel a été réouvert au public en 2015 en tant que Centre d’Art.

Son style architectural est “entre cour et jardin” c'est à dire avec cour d’honneur, jardin, communs. Ce type de structure était rare et prestigieux au XVIIIe siècle.

L'hôtel accueille des expositions temporaires d’artistes reconnus de toutes époques, de l’art ancien à l'art contemporain.

Dès l’entrée, dans la cour, nous sommes accueillis par l'oeuvre majeure, "Le Monde", une sculpture monumentale en résine polyester, sur socle mécanique conçu par Jean Tanguely.
"Le Monde" est lié à l’arcane XXII du Tarot de Marseille, figure féminine entourée des symboles des quatre évangélistes, repensée dans l’esthétique caractéristique des
Nana de Niki.
Elle introduit les thèmes de la féminité, du pouvoir et du bestiaire.

Cette sculpture est en mouvement toutes les 20 minutes
"Le Monde"_1989_Résine polyester peinte, fer et moteur_socle de Jean Tinguely_Collection particulière.

Au rez de chaussée, nous découvrons des salons historiques restaurés dont le salon des Putti, le salon des Rinceaux, le salon Chinois et la grande galerie.
Ces salons sont en enfilade, typique des hôtels particuliers du XVIIIᵉ siècle.

Il s'y trouve aussi le café Caumont, installé dans les salons ouvrant sur le jardin à la française. Le décor est inspiré du XVIIIᵉ, boiseries, miroirs, sièges clairs, fleurs fraîches.
 Aux beaux jours, les tables sont disposées dans le jardin en terrasse.

Le jardin à la française est composé d’un parterre symétrique, de haies taillées, de statues et d’une fontaine centrale.


Au rez de chaussée se trouvent aussi la La boutique librairie et des salles d’expositions temporaires.

C’est ici que débute l'exposition « Niki de Saint Phalle, "Le Bestiaire magique".

Niki de Saint Phalle de son nom complet Catherine Marie Agnès Fal de Saint Phalle est née le 29 octobre 1930 à Neuilly-sur-Seine, et est décédée le 21 mai 2002 à San Diego, États-Unis.

Enfant, l'artiste franco-américaine passe ses vacances dans le château familial paternel de Huez, dans la campagne nivernaise, qu'elle évoque comme un premier décor à sa fantaisie créatrice. Après une jeunesse passée entre les Etats-Unis et la France, Niki de Saint Phalle s'installe à Paris en 1960 et rencontre une foisonnante colonie d'artiste dont jean Tinguely, son futur époux. Ces rencontres seront l'occasion de laisser libre cour à sa créativité notamment grâce à la technique de l'assemblage pour laquelle elle réunit divers objets qu'elle va coller sur une toile ou modeler en sculpture.

Elle commence sa carrière de peintre et sculptrice dans les années 1950.

Ses premières œuvres sont souvent explosives, violentes et engagées.

Elle peint des tirs sur des tableaux remplis de peinture qu’elle fixait sur des cibles, dénonçant la violence sociale et personnelle.

Elle sculpte les Nanas, sculptures féminines colorées, joyeuses et monumentales représentant la femme libérée, autonome et puissante, souvent dans des poses dansantes ou triomphantes.

Elle réalise des fontaines et des sculptures monumentales comme "Le Jardin des Tarots" en Italie, avec des statues gigantesques inspirées du tarot, et "Le Serpent" ou "Le Dragon" dans différentes villes.

Ses Nanas symbolisent l’émancipation des femmes. Son bestiaire est peuplé de dragons, serpents, oiseaux, autres créatures fantastiques.

Elle dénonce les violences, elle a survécu à des traumatismes personnels, notamment des violences dans sa jeunesse, qui ont profondément influencé son art qui est souvent joyeux et poétique, mais cache une réflexion profonde sur la société et la condition humaine.

Elle rejoint le mouvement Nouveau Réalisme avec des artistes comme Yves Klein, Jean Tinguely, Arman, etc.

Le parcours s’organise en huit séquences ou étapes thématiques:

- Il était une fois c'est une introduction dans l’imaginaire, la fascination de Niki pour les contes, les récits, les animaux dès l’enfance.

- Bêtes maudites et symboles rédempteurs , ce sont des monstres, des créatures qui font peur mais qui ont un sens symbolique.

-Who is the Monster You or Me ? Question identitaire, l’être monstrueux est aussi parfois une partie de soi.

- Last Night I Had a Dream , ce sont les rêves, les visions, l'imaginaire nocturne.

- Un rêve plus long que la nuit, c'est l'approfondissement, le passage vers la lumière, peut-être.

- Les Nanas au pouvoir. Les célèbres « Nanas » sont des figures de féminité, de force, de joie, souvent en lien avec le bestiaire.

- L’Arche de Noé montre la multiplicité des créatures, la coexistence, la biodiversité imaginaire.

- Êtres protecteurs sont des figures tutélaires, animaux amis, symboles de protection et d’espoir.

Le parcours commence par la séquence « Il était une fois ». C'est une mise en contexte de l’enfance et de l’imaginaire de Niki, sa fascination pour les contes, légendes, animaux, monstres et créatures fantastiques.

Les œuvres exposées datent des années fin 1950-et 1960 dans lesquelles Niki de Saint Phalle évoque des lieux imaginaires, des châteaux hantés, des monstres ou dragons. Elles puisent dans l’imaginaire, les légendes, les peurs enfantines.

On découvre comment ces éléments ont nourri son travail futur, notamment les Nanas, les dragons, et autres créatures hybrides.

Les objets exposés sont des peintures et des dessins d’enfance ou de jeunesse montrant des châteaux, dragons et monstres, de petites sculptures et reliefs illustrant le bestiaire imaginaire, et des oeuvres symboliques où les animaux représentent des peurs, des transformations ou des forces protectrices.

En décidant de devenir artiste, Niki de saint Phalle a choisi un destin différent de celui de mère de famille. Elle déclare : "Est-ce que ce sont les châteaux de mon enfance qui m'ont inspiré les lieux imaginaires que je ferai plus tard, qui semblaient sortir d'un conte de fée ?"

Le titre "château du monstre et de la mariée évoque d'horribles créatures emprisonnées dans l'édifice et montre une jeune femme avec un voile de mariée tenu par une fillette, en dehors de l'enceinte, libre. la princesse a vaincu le dragon et s'en va plus loin.
Le château du monstre et de la mariée_vers 1956-1958_huile et objets divers (ficelles, voutons etc...)s sur toile_Bâle, musée Tinguely, Donation Christophe Aeppli

Landscape with children playing_1958-huile et petits objets divers (couvercles, boutons...) sur contreplaqué_Niki charitable art foundation

Pour Niki de Saint Phalle, les animaux sont le support de la pensée symbolique, comme ils étaient au Moyen Âge, et l'art un moyen de les affronter. Ici le personnage féminin est au centre de la composition et tient en respect un dragon à la langue fourchue. Par sa taille la femme domine le dragon et semble le tenir en laisse.

L'artiste évoque par cette oeuvre l'influence du tableau "St Georges et le dragon" (1507) de Vittore Carpaccio.
Pink Nude with dragon_1958_huile et objets divers (grains de café, perles, cailloux, fragments de porcelaine, couvercle) sur contreplaqué_Hanovre, Sprengel Museum Hannover

Le château ou Composition ou Leaving Home_1958_Huile et petits objets divers (couvercle, boutons, morceaux de bois...) _Niki charitable art foundation

Une Nana est, pour Niki de Saint Phalle, le symbole de l'émancipation féminine. Sa sculpture est colorée, ses Nanas sont rondes, robustes et très grandes "parce que les hommes le sont, parce qu'il faut qu'elles le soient encore davantage pour pouvoir être leurs égales" disaient l'artiste en 1955.
Ces militantes féministes sont souvent en mouvement, comme cette Nana Boa qui danse avec un serpent entouré autour d'elle.

Le reptile en or resplendit sur le corps de la Nana et semble en même temps la menacer de sa langue et de son étreinte.

l'iconographie chrétienne de la Vierge au serpent se juxtapose avec l'image de la déesse au serpent de Cnossos.
Nana Boa_1958_Sculpture en polyester stratifié peint et feuilles d'or_Collection du Palais princier de Monaco

Nous accédons à l’étage, par un magnifique escalier, orné de Nanas Ballons, un concept que Niki de Saint Phalle avait mis en place plus tard dans sa carrière, afin d’offrir la possibilité à son public, d’acquérir une œuvre, à seulement dix euros. 

Ces mobiles sont positionnés de manière à jouer avec la montée, à chaque niveau, le regard change, la lumière module les ombres, les reflets.



Au premier étage, la deuxième séquence "Bêtes maudites et symboles rédempteurs", regroupe des œuvres de la fin des années 1950 et des années 1960, dans lesquelles Niki de Saint Phalle explore monstres, dragons, thèmes religieux et moyenâgeux, ainsi que leur transformation symbolique.

Ce sont les apparences terrifiantes dans lesquelles Niki trouvait une forme de salut.

Des œuvres comme Dragon rouge (1964) ou Monstre (1963) montrent comment la peur, la douleur ou la souffrance (comme l’accouchement dans Birth) deviennent des sources de libération et de transformation.

Ces « monstres » sont aussi des métaphores de la condition féminine et de la résilience.

Au Moyen âge, terrasser le dragon signifie vaincre l'animalité sauvage par le pouvoir du rayonnement lucide et vertueux.
Cette créature diabolique est souvent opposée à celle, angélique d'une princesse ou d'une vierge qui personnifie la pureté et l'innocence.
Le dragon est aussi un animal mythologique binaire : sa dangerosité manifeste et enflammée se conjugue avec une esthétique morphologique.

Apprivoiser ses dragons intérieurs est précisément le processus que met en oeuvre Niki de saint Phalle dans son art à la recherche d'une voie pour dominer ses angoisses.
"Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme. C'était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgit dans mon travail" disait elle.
Le dragon rouge_1964_assemblage de plâtre, grillage, tissus, peinture aérosols, ficelle, cheveux et figurines en plastique_Courtesy gallerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois

Niki de Saint Phalle en 1964

Monstre crocrodile ou le Monstre_1964_Assemblage de jouets en plastique_Saint Cyprien, Collection particulière

Monstre_1963_Assemblage d'objets en plastique_Musée d'art de Toulon

Monstre (dragon)_1964_Collage, feutres et crayons de couleur sur papier_Collection particulière_Courtesy gallerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois

Tyrannosaurus Rex (study of King Kong) Tir_printemps 1963-Assemblage d'objets, de jouets en plastique et de divers éléments en bois et en papier maché collés plâtrés et peints sur panneau de bois_Genève fondation Gandur pour l'art.

La troisième séquence "Who is the Monster you or me ?" montre que la monstruosité de l'oeuvre de Niki de Saint Phalle peut prendre des formes diverses.

Elle adopte l'apparence d'un dragon, d'un homme ou d'une femme.

A partir des tableaux-tirs des années 1960, qui vont lui amener la reconnaissance internationale et lui permettre de rejoindre le groupe des Nouveaux Réalistes, l'artiste affronte ses tourments en faisant saigner les toiles, qui prennent parfois la forme de bêtes effrayantes ou d'humains, grâce à des assemblages d'objets divers recouverts de plâtre blanc.

C'est ainsi que nait la série des "Mariées" et celle des "Accouchements" dénonçant les conditions des femmes pendant des siècles.

Ayant grandi dans un milieu ou la femme est cantonnée au rôle d'épouse et de mère,
Niki démontre que la laideur et la brutalité ne sont pas uniquement issues des créatures monstrueuses mais existent aussi et surtout dans le quotidien de la société patriarcale qu'elle dénonce.

Les monstres peuvent prendre la forme de créatures inventées par l'homme comme Frankenstein, personnage de l'âge de la mécanisation et fruit d'un assemblage dû à des progrès scientifiques en conflit avec l'éthique.


Cathédrale_Tir, vers 1962_Plâtre, peintures objets divers, grillage sur bois_Niki Charitable Art Foundation

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Be My Frankenstein_1964_Objets divers, peinture, grillage sur contreplaqué_Niki Charitable Art Foundation

Nous voyons ici, un exemple rare de représentations de femmes parturientes dans l'histoire de l'art.

Elle appartient à la série des "Accouchements" des portraits de femmes grimaçantes, puissantes et terribles avec un corps démesuré, les jambes tronquées et une petite tête.

Cette oeuvre semble faire référence à Pasiphaé, la déesse grecque qui accouche d'un Minotaure, une créature à tête bovine et corps humain.

La sculpture, dont les articulations déchirées lui donnent un aspect monstrueux, est tirée à la carabine et sa surface laisse apparaître des éclats de peinture.
Femme éclatée ou l'accouchement du taureau_Tir_1963_Assemblage d'objets, plâtre, peinture, objets divers, grillage que panneau de bois_Hanovre, Sprengel Museum Honnover

Birth (study for King Kong)_1963_Assemblage d'objets, plâtre, grillage sur panneau de bois_Hanovre, Sprengel Museum Honnover

La quatrième séquence "Last night I had a dream" nous introduit dans l'inconscient de Niki.

Ce titre fait penser au célèbre discours de Martin Luther King en 1963 "I have a dream" en faveur de l'égalité des droits des blancs et des noirs. C'est une manière pour l'artiste de marquer sa solidarité à cette cause qu'elle a défende toute sa vie.

On y trouve ses Nanas, son bestiaire et des symboles de ses voyages qui relèvent de ses peurs les plus secrètes.
Lettre d'amour à mon amour_1968_sérigraphie sur papier offset_Niki Charitable Art Foundation



L'ensemble des oeuvres présentées ici appartient à la séquence "Last night I had a dream"_1968-1988_Plusieurs pièces en résine polyester peintes de dimensions diverses_Niki Charitable Art Foundation


La cinquième séquence s'intitule "Un rêve plus long que la nuit".

Sculptrice, performeuse et metteuse en scène, Niki de Saint Phalle réalise en 1976 un long métrage intitulé "Un rêve plus long que la nuit", récit fantasmagorique féministe ayant pour trame un conte de fée. 

Certains extraits de ce film ainsi que des images d’archives sont projetés dans cette salle. 
Le film explore la place de la femme et le thème du traumatisme dans un monde violent dominé par des hommes ineptes.

Cette salle présente également de nombreux supports utilisés par l’artiste pour explorer le thème du bestiaire.
Le voyage de Pénélope à travers le temps_1972-1973_Tapisserie_Collection particulière

Nana et dragon_1993_pointe sèche et lavis sur papier_Nice, collection Mamac_Donation de l'artiste

Nana et serpent_1993_pointe sèche et lavis sur papier_Nice, collection Mamac_Donation de l'artiste

Une maison sereine et harmonieuse entre animaux et femmes est illustrée par des petites sculptures que Niki réalise en 1993.
Le repas du lion

Eléphant et la dame


Arbre et dragon

Portrait de Marina
Ces 4 sculptures en résine polyester peinte, or ou argent, socle en miroir_1993_
Niki Charitable Art Foundation

La séquence six s'intitule "Les Nanas au pouvoir". Les célèbres « Nanas » sont figures de féminité, de force, de joie, souvent en lien avec le bestiaire.

C’est durant l’été 1964 que l’artiste crée ses premières Nanas. C'est sa conception de la femme comme porteuse de vie en harmonie avec la nature et le monde animal.

Ces déesses mères de la fécondité découlent des séries des « Accouchements » et des «Mariées» mais cette fois ci, la femme devient un personnage salvateur, lumineux et empli de joie. Les Nanas ont gagné leurs batailles et ont repris le pouvoir.

Niki de Saint Phalle rêve d’un monde qui ne soit pas seulement dominé par les hommes et invite à une communion entre tous les êtres vivants, sans séparation et sans hiérarchie.


Nana-Fontaine type ou dancer_1966_résine polyester peinte_Collection Banco Santander

Déjà connue dans la Grèce antique, la licorne l'est surtout au Moyen-Âge qui voit son mythe comme animal bénéfique et salvateur. Sa corne contient de précieuses propriétés thérapeutiques. 

Chez Niki, l'association de la licorne avec la figure féminine va dans le sens de la force et de la prospérité. 
The Unicorn_1994_Résine polyester peinte sur socle en métal
_Niki Charitable Art Foundation

Nana sur le dauphin_1994_Résine polyester peinte sur socle en métal_Niki Charitable Art Foundation

Tree of liberty_2000-2001_Résine polyester peinte et feuille d'or_Niki Charitable Art Foundation

Cette sirène rend hommage au ballet de Petrouchka (1910-1911) du compositeur russe et au personnage de la sirène/ballerine.

Les sirènes ont une connaissance du passé et de l'avenir, elles savent des choses qui parvenues aux oreilles d'un être humain peuvent le conduire à la folie.
Sirène_1982_Résine polyester peinte_Flassans sur Issole, commanderie de Peyrassol_Collection Philippe Austruy


Jackie_été 1965_grillage, laine, tissu, gaze, colle et peinture sur un socle en fonte_Genève, fondation Gandur pour l'art

La septième séquence "L’Arche de Noé" montre la multiplicité des créatures, la coexistence, la biodiversité imaginaire.
L’art de Niki de Saint Phalle se manifeste autant dans des objets utilitaires (chameau-vase, pouf ou miroir serpent, lampe oiseau … ), que dans de grandes sculptures.

Elle ne s’embarrasse pas de la hiérarchie entre les arts, qui place souvent la peinture et la sculpture au sommet, et réalise de nombreux objets du quotidien, notamment pour financer et réaliser ses rêves de grandeur, comme "le Jardin des Tarots" débuté en 1979 à Capalbio, dans le sud de la Toscane.

L’attention accordée au bestiaire devient de plus en plus visible dans ses sculptures monumentales que l’artiste commence dès les années 1960 et qui prennent la forme d’animaux aux corps habitables. Cette « bâtisseuse de rêves », comme elle aime s’autodéfinir, réalise de nombreux projets dans l’espace public comme un toboggan en forme de dragon à trois langues, Le Golem (1972), l’Arche de Noé (1994-2001) à Jérusalem, la sculpture The Sun God (1983) aux ailes déployées à San Diego, ou la fontaine Stravinsky à Paris (1983) peuplée d’oiseaux et d’autres créatures zoomorphes. Elle répond aussi à des commanditaires privés et réalise pour leurs enfants les aires de jeu Le Dragon (1973) en Belgique et Gila Monstre (1996-1997) à San Diego.

Les reliefs d’animaux présentés dans cette salle évoquent certaines de ces exubérantes pièces et constituent une sorte de recueil mental qui s’est constitué au fil du temps. Certains font partie de l’œuvre Remembering ? (1997-1998) dédiée à Jean Tinguely, en souvenir de leur amour.

L'oiseau est un animal fétiche pour Niki qui l'évoque à plusieurs reprises pour parler de sa propre vie et qui le considère comme un être protecteur.
"Les oiseaux sont les messagers de notre monde vers le prochain, mon ange gardien est un oiseau".
Niki de Saint Phalle s'inspire des statues du bouddhisme tantrique tibétain et népalais des XVIIe et XVIIIe siècle; Ces divinités incarnent les idées de sagesse et de connaissance supérieure.
Oiseau amoureux (la nuit)_1990_résine, polyester peinte_Niki Charitable art foundation



Les animaux de Niki prennent possession de certaines cartes des arcanes majeures des tarots, ainsi la carte du soleil devient un oiseau aux ailes déployées ou le quetzalcoati, serpent à plumes dans la culture méso-américaine. "J'ai conçu le soleil comme un oiseau proche de ceux qui se trouvent dans les légendes indiennes et mexicaines.
 L'oiseau est la créature la plus proche du soleil".

L'artiste investit intellectuellement et spirituellement cet animal. 
Pour évoquer son mal-être et son adolescence vécue en "prisonnière" dans une tour d'ivoire symbolisée par les gratte-ciel de New York, elle se comparait souvent à  un oiseau en cage impatient de connaître le monde extérieur.
Oiseau de feu_1982_résine, polyester peinte_Niki Charitable art foundation

Le serpent est le symbole du péché et de la vie nouvelle, il est aussi l'animal rédempteur et la bête maudite.

Il représente pour sur elle, la vie, une force primitive indomptable.

Dans son écrit biographique, Niki nomme "l'été des serpents" la période traumatisante où elle a subi à 11 ans le viol de la part de son père.
Le miroir (magie du miroir)_1980_résine, polyester peinte et miroir_Paris, collection galerie Jean- François Cazeau

Pouf serpent jaune_1991_résine, polyester peinte_collection particulière

Grand chameau vase_1991_
résine, polyester peinte sur deux pots en terre cuite_collection particulière

Lion-The king jaune1195_fibre de verre peinte_collection of Lech Juretko

Spider_1195_fibre de verre peinte_collection of Lech Juretko

Dans la mythologie grecque, Arachné est une araignée qui ose défier le pouvoir divin d'Athéna qui, pour ce péché est punie et métamorphosée en araignée. 
En psychologie, l'araignée est souvent associée à la figure maternelle étouffante.
Black Widow spide_tir_1963_peinture et assemblage d'objets sur panneau de bois_Collecion particulière, Courtesy Galerie Georges-Philippe et Nathalie Valois

La huitième et dernière séquence est relative aux Êtres protecteurs. Ce sont des figures tutélaires, animaux amis, symboles de protection et d’espoir.

Les années 1980 et 1990 marquent un tournant dans l’art de Niki de Saint Phalle : occupée par la création du Jardin des Tarots et éloignée des centres artistiques internationaux, elle s’accorde de grandes libertés artistiques et s’engage dans la défense de différentes causes sociales, dont celle de l’environnement. 

C’est aussi une période de souffrances physiques pour l’artiste dues à des difficultés respiratoires et à l’arthrite qui la conduisent à créer des sculptures faites d’air et de lumière, minces silhouettes, qui, imagine-t-elle, l’aideront à ouvrir ses poumons et à respirer. Il s’agit de la série des « Skinnies », figures filiformes qui sont à l’opposé des Nanas aux formes pleines. 

Ces œuvres aériennes explorent des sujets mythologiques comme la Déesse de la lumière, personnage protecteur mi-femme, mi-oiseau, ou personnifient les cartes du Tarot, comme l’Ermite, ici représenté avec le serpent tentateur.

Les êtres protecteurs dont l’artiste s’entoure, que ce soit l’oiseau, ou la femme-poisson sont des alliés puissants et bénévoles qui expriment une partie d’elle-même et son amour pour la vie : « Je suis un arbre, je suis un oiseau, Je suis une confiture d’oranges de Séville. Je suis toutes les choses que j’aime. » disait elle.
Au jardin des Tarots

L'ermite_1988_résine polyester peinte, socle en fer, éléments électriques et ampoules_Niki Charitable art foundation

Déesse de la lumière_1981_résine polyester peinte, socle en fer, éléments électriques et ampoules_Paris Musée des arts décoratifs

Acqua sporca acqua pulita_1988_céramique, verre, mosaïque sur panneau_Niki Charitable art foundation

Grâce à cette exposition d’œuvres moins connues de Niki de Saint Phalle nous découvrons les grandes étapes de sa vie et de sa carrière.

Nous traversons sa carrière depuis ses débuts provocateurs à ses œuvres monumentales et comprenons mieux d’où viennent ses Nanas.

Avant d’être ces figures joyeuses, colorées et monumentales que tout le monde connaît, elles naissent d’un long parcours marqué par la souffrance, la colère et la quête de liberté.

Les œuvres plus sombres ou introspectives que nous avons vues, les Tirs, les assemblages, les autoportraits, témoignent de cette transformation : celle d’une femme qui passe de la blessure à la célébration, de la destruction à la renaissance.

Les Nanas, c’est le triomphe après la lutte. Et c’est toute la force de Niki, à savoir avoir su transformer la douleur personnelle en une énergie créatrice universelle.

Elle a ouvert de nouvelles voies dans l’art contemporain et dans la représentation du féminin.

Si vous le souhaitez revoir l'exposition au Grand Palais de2015 consacré à Niki Saint Phalle.


Texte de Paulette Gleyze

Photos de Anne, Gérard et Paulette Gleyze

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