samedi 15 janvier 2022

La bibliothèque humaniste de Selestat


Lors de notre passage en Alsace en août 2021 nous avons visité la bibliothèque humaniste de Sélestat qui a fêté ses 500 ans cette année.

L’humanisme est un mouvement littéraire et artistique né en Italie au XVIe siècle avec le poète Pétrarque. Il se propage ensuite à l’ensemble de l’Europe, notamment grâce à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg en 1448.

Humanisme vient du latin "humanitas" qui désigne l’étude des langues anciennes que sont le latin et le grec. A l’origine, les humanistes ont travaillé à la traduction des textes antiques en permettant ainsi à leurs contemporains de découvrir la pensée de l’Antiquité.

La Librairie humaniste de Sélestat nous fait découvrir ce monde.

Pour rédiger ce texte, je me suis inspiré des riches commentaires de cette exposition.

Son fonds réunit celui de la bibliothèque paroissiale et celui de la bibliothèque personnelle de Beatus Rhenanus, auxquels se sont ajoutés des achats et des dons d’ouvrages anciens au fil des siècles.
 
 Dès le 14e siècle, un esprit nouveau souffle sur l’Europe. À mi-chemin entre les grands centres intellectuels de l’Italie et des Pays-Bas, Sélestat a joué un rôle clé avec son école latine basée sur de nouvelles méthodes pédagogiques.

Pendant près d’un siècle, de 1440 à 1526, Sélestat va être au cœur des réseaux de diffusion de la connaissance et sera très réputée dans le Saint-Empire Romain Germanique.

A travers ces livres anciens, nous allons découvrir la vie de Beatus Rhenanus, humaniste de la Renaissance, qui a légué à Sélestat, sa ville natale, sa bibliothèque aujourd'hui inscrite au registre "mémoire du monde" de l'UNESCO depuis 2011 qui a écrit : « Il n’y a aucun doute sur l’authenticité, l’intérêt exceptionnel et le caractère unique et irremplaçable de cette collection » UNESCO – Comité Mémoire du monde

L’histoire de la bibliothèque paroissiale débute en 1452 avec le don de Johannes von Westhuss, recteur de l’église paroissiale de Sélestat.

Ce don sera à l'origine d'une série de donations de livres de la part d’anciens élèves de l’école latine de Sélestat.
La bibliothèque paroissiale est ainsi constituée d'ouvrages destinés à la célébration des offices et des livres qui servent à l’enseignement de l’école latine. Les ouvrages de cette bibliothèque sont conservés dans l'église St Georges, certains ouvrages ont même une chaîne pour éviter qu'ils soient volés (déjà !)
Il n’existe aucun catalogue de la bibliothèque paroissiale mais une étude parue en 2002 recense 160 volumes répartis entre manuscrits et imprimés, reflétant ainsi la transition
entre le livre manuscrit et le livre imprimé.

La Bibliothèque paroissiale va s'enrichir aux XVᵉ et XVIᵉ siècles d'un fonds important de manuscrits médiévaux et d'imprimés, et en particulier des volumes reliés en cuir de la bibliothèque personnelle de l'humaniste alsacien Beatus Rhenanus.

La Bibliothèque humaniste va être installée en 1889 dans l'ancienne halle aux blés. Cet édifice a été construit par Gustave Klotz entre 1843 et 1845 sur l'emplacement de l'ancienne douane, au cœur du centre-ville historique, non loin de l'église gothique Saint-Georges et de l'église romane Sainte-Foy.

Les collections s’enrichissent aux 19e et 20e siècles grâce à des achats ou à des dons. Aujourd’hui la Librairie Humaniste est riche de 460 manuscrits (anciens et modernes), de 550 incunables (livres imprimés en Europe avant le 1er janvier 1501) et près de 2500 imprimés du 16e siècle.

Beatus Rhenanus (1475-1547), de son vrai nom Beatus Bild est né à Sélestat. Il perd sa mère à l'âge de 2 ans et est élevé par son père Anton Bild, négociant en boucherie qui dispose d'importantes ressources qui lui permettront de payer des études à son fils.

Portrait de Beatus Rhenanus par Nikolaus von Reusner_1590

A environ 6 ans, Beatus entre à l'école latine de Sélestat qui est réputée pour la modernité de son enseignement. Les enseignants placent l'étude des textes au cœur de l'apprentissage de la langue latine.

Il lègue à sa mort, en juillet 1547, sa bibliothèque à sa ville natale.

Elle est constituée de 423 volumes, contenant 1 287 œuvres et 41 manuscrits répartis dans divers recueils, auxquels il faut ajouter 33 manuscrits anciens et 255 lettres autographes.
On y trouve aussi des travaux personnels, comme ses cahiers d'écolier et des notes de cours.
Cette collection atteste de son activité de correcteur et d’éditeur pour les grands imprimeurs européens et de ses liens d’amitié avec les plus grands érudits de son temps, comme Érasme
de Rotterdam. Elle contient aussi des textes d'auteurs latins et grecs et aussi quelques textes en hébreu.

D’abord déposée dans les archives de la ville, la bibliothèque de Beatus Rhenanus rejoint, en septembre 1757, les ouvrages de la bibliothèque paroissiale à l’église Saint-Georges.

Cahier d'écolier de Beatus Rhenanus_1498-1499_document manuscrit sur papier en latin (Beatus avait 13ans)_Etude de textes d'auteurs latins, notamment es Bucoliques et les Géorgiques de Virgile, les Épigrammes de Martial et des Extraits des Fastes d'Ovide.

Cahier d'écolier de Beatus Rhenanus_1498-1499_Beatus est âgé de 13 ans quand il commence à écrire dans ce cahier sus la dictée du professeur Crato Hofmann. Ce dernier enseigne à l'école latine de Sélestat de 1477 à 1501. Il est le successeur de Ludwig Dringenberg, initiateur de méthodes pédagogiques innovantes, qui associe une éducation morale et religieuse à l'étude des textes latins d'auteurs antiques ou modernes.

A la Renaissance, l'éducation tient une place essentielle chez les humanistes. Parmi lesquels Érasme est l'auteur de nombreux traités pédagogiques et Jacob Wimpfeling, ancien élève de l'école latine de Sélestat, qui est qualifié de Précepteur de la Germanie. Leurs préconisations concernent entre autre, les règles de bonnes conduites, l'exercice physique et la formation des maîtres.
Les professeurs enseignent le latin, langue commune des savants, pour préparer les élèves à l'Université. Ils se servent encore à la Renaissance des livres de grammaire utilisés au Moyen-Age. Cependant il ne s'agit plus d'apprendre par cœur, mais d'en extraire l'essentiel et le l'expliquer aux élèves.
Cet enseignement est complété par l'étude de textes antiques, associé à une éducation morale et religieuse.

Jakob Wimpfeling, né à Sélestat en 1450, est un humaniste pédagogue, grande figue de l'humanisme alsacien.

Portait de Jakob Wimpfeling (1450-1528) par Johann Grüninger_1497

Jakob Wimpfeling(1450-1525)_livre imprimé sur papier, en latin

Ces deux gravures illustrent les critiques et les recommandations des humanistes en matière d'enseignement.
La première image montre l'ignorance de certains professeurs. L'un deux sous l'apparence d'un âne est installé sur l'estrade. Un fouet à la main il fait la classe à des élèves représentés par des animaux : mouton, oie, singe.
La deuxième image dépeint une vision idéale de l'apprentissage : l'élève et le professeur sont en discussion devant un bibliothèque remplie de livres. Leurs échanges servent à développer le jugement critique de l'enfant au contact des textes anciens.

En 1503, Beatus arrive à Paris au collège du cardinal Lemoine dans un quartier qui correspond aujourd'hui au quartier Latin.

Un cours dans une université_Sebastian Münsten (1489-1552)

Il y étudie la littérature. Un de ses professeurs, Jacques Lefèvre d’Étaples, aura une forte influence sur lui. J. Lefèvre d’Étaples cherche à restituer les textes d'Aristote pour les transmettre à ses étudiants.

Cahier d'étudiant de Beatus à l'université de Paris_livre manuscrit sur papier en latin_étude du philosophe grec Aristote (384-322 av JC) sous la direction de Lefèvre d’Étaples.

Parallèlement à ses études il est correcteur chez l'imprimeur parisien Henri Estienne (il sera le 1er d'une célèbre dynastie d'imprimeurs français des 16e et 17e siècles).

Un atelier d'imprimerie_Bnf_manuscrits occidentaux_1537

Paris, imprimé par Henri Estienne au moment où B. Rhenanus est correcteur dans son atelier_1507_Théologie de Jean Damascène (vers 650/vers 749 après JC) imprimé sur papier en latin.

Beatus Rhenanus enrichit sa bibliothèque commencée à l'âge de 15 ans. Pour marquer sa propriété il inscrit sur les ouvrages son nom et la date et le lieu d'acquisition. C'est à ce moment là qu'il commence à latiniser son nom Rhynow en Rhenanus;

Ex-libris de Beatus Rhenanus.

A l'âge de 22 ans (en 1497), après avoir obtenu les diplômes de bachelier et maître ès art à Paris, il retourne en Alsace où il va travailler chez l'imprimeur Matthias Schürer où il a joué un rôle essentiel dans les débuts de cet atelier.
Ils publient ensemble des textes d'humanistes italiens en latin puis une version des Adages d’Érasme.

Le 31 juillet 1511, Beatus Rhenanus arrive à Bâle avec pour objectif la poursuite de ses études de grec sous la direction de Johannes Cuno (1463-1513).
Johannes Cuno est un savant dominicain et helléniste renommé. Il a passé plusieurs années à étudier le grec en Italie et a collaboré avec l'imprimeur dominicain de Nuremberg, Alde Manuce. Quand il revient à Bâle, il travaille avec l'imprimeur Johannes Amermarch, à la publication des œuvres de St Jérôme.
Les études de grec de Beatus à Bâle sont interrompues en février 1513 à la mort de son professeur. La formation qu'il a reçu de Johannes Cuno va le marquer profondément. Il va recevoir en don une partie des livres de son professeur.

Glossaire ou lexique grec de S Cyrille évêque d'Alexandrie_13e siècle_livre manuscrit sur parchemin, en grec_collection de B Rhenanus (don de Johannes Cuno).

Grammaire grecque_copiée par Johannes Cuno_fin du XVe siècle ou début XVIe siècle_livre manuscrit sur papier, en grec, reliure originale du XVIe s (cuir et bois)_collection de B Rhenanus don de Johannes Cuno).

Lors de son séjour à Paris, Beatus achète toutes les œuvres publiées par Érasme.

Ils vont se rencontrer à Bâle en 1514 et va naître une amitié et une collaboration qui durera 22 ans. Beatus seconde Érasme dans dans l'édition de ses œuvres chez l'éditeur Froben à Bâle. Quand Érasme s'absente de Bâle il écrit à Beatus Rhenanus : "je te conjure, au nom de notre amitié, d'accomplir comme un autre moi-même la tâche que je ferais personnellement si j'en avais la possibilité"

Après la mort d’Érasme en 1536, Beatus continue de publier ses œuvres complètes et sa première biographie.

Érasme de Rotterdam (1469-1536) est un humaniste et auteur des "Adages" qui rassemblent des proverbes provenant d'auteurs antiques. Ce sera une source d'inspiration pour tous les lettrés de la Renaissance. Il a également publié le célèbre "best seller" Eloge de la folie.

Portrait d’Érasme de Rotterdam écrivant_de Hans Holbein (vers 1497-1543)_technique mixte sur papier marouflé sur bois_1523.

Les Adages d’Érasme_Paris_Jean Philippi_1500

Un de ses adages célèbre "hâte toi lentement" signifie qu'il faut agir vite mais avec réflexion.

Un dauphin qui symbolise la vitesse qui s'enroule autour d'une ancre qui symbolise l'immobilité, est la marque typographique de l'adage "hâte toi lentement" et devient l'emblème de l'imprimeur vénitien Alde Manuce (1449-1515)

Ce recueil est préfacé par une lettre d’Érasme à Beatus Rhenanus. Elle concerne la préparation de cette édition publiée en 1521. Érasme sollicite la collaboration de son ami pour le choix des lettres à imprimer par Forben.

Forben est imprimeur d'ouvrages d'humanistes et de théologiens et est installé à Bâle depuis 1491. Sa marque typographique est composée de deux mains tenant un caducée, attribut du dieu grec hermès ? Surmontée d'une colombe le bâton mythique est entouré de deux serpents couronnés. Ces éléments font référence à une citation de la Bible :"soyez prudents comme des serpents, et simples comme des colombes."

Les citations en latin et en hébreu, montre la volonté des humanistes de maîtriser les langues indispensables à la compréhension des écritures saintes.

Portrait de Johann Froben_copie du 17e siècle d'après hans Holbein (1497-1543)_huile sur bois et marque typographique de Johann Froben.

A la Renaissance les humanistes créent un vaste réseau de correspondances et d'échanges, rendu possible par le latin, langue commune. Au 15e siècle, ce réseau d'échange prend le nom de "République des lettres". Ils échangent au sujet de leurs recherches et de leurs découvertes et le livre devient le moyen de diffuser cette culture.

Lettres de Didier de Rotterdam à divers correspondants et quelques unes qui lui sont adressées_Bâle,Johann Froben_1521_livre en latin

Œuvres complètes_premières édition des œuvres complètes d’Érasme en 9 volumes, préparée 4 ans après son décès par Beatus Rhenanus_livre imprimé en latin_1540

Lettre de Damiao de Gois (1502-1574) à Beatus Rhenanus_Louvain, 1er juin 1542_lettre manuscrite en latin_collection Beatus Rhenanus.

Lettre de jean Grolier (vers 1489/1565) à Beatus Rhenanus_Milan, 6 mars 1519_lettre manuscrite en latin_collection Beatus Rhenanus

Introduction pour la jeunesse allemande_Johann Grünger_1497

A la Renaissance, St Jérôme connaît un grand succès chez les Humanistes. Il est connu pour avoir traduit en latin la bible, la Vulgate.

St Jérôme (vers 345-420) à sa table de travail_Christophe Plantin_1579

Beatus Rhenanus a consacré sa vie à l'étude des lettres. Il a été éditeur, philologue et auteur.

Dès 1514, il collabore avec les imprimeurs de Bâle; Amerbach et Froben en tant que traducteur, correcteur et éditeur. Il a préparé des éditions d'écrivains antiques et de pères de l'église, et publié des auteurs contemporains comme Érasme. Il pratique également la philologie, c'est à dire qu'à partir de manuscrits anciens il tente de reconstituer le texte original des œuvres qu'il étudie.

De Lazare de Baïf, Annotations à la seconde loi sur les captifs autorisé à revenir...Livre imprimé sur papier en latin_imprimeur Hieronymus Froben et Nikolaus I Episcopius_1537_collections Beatus Rhenanus

De P. Velleius Paterculus, Histoire romaine en deux volumes_Bâle de Johann Forben_1520_livre imprimé sur papier en latin_reliure du 16e siècle en cuir et bois.

Les auteurs de l'Histoire ecclésiastique_Bâle de Johann Forben et Nickolaus I Episcopius_1535_livre imprimé sur papier en latin, reliure originale du 16e siècle cuir et bois.

En tant qu'écrivain, l'oeuvre majeure de Beatus Rhenanus est son histoire de l'Allemagne. Il a complété l'oeuvre par des recherches historiques, archéologiques et géographiques. L’œuvre est composée de trois livres, les deux premiers traitent des tribus germaniques, leur territoire, leur mode de vie, le troisième est consacré aux villes et villages. Il évoque aussi la légende de Sélestat attribuée au géant Sletto.
Il écrit : "ce que certains ont affabulé au géant Sletto nous l'abandonnons au peuple. Quant à nous, nous nous tournons vers le passé pour étudier ces époques révolues et les examiner autant que possible. Car les chroniques médiévales, le plus souvent rédigées par des moines, ne sont pas moins insensées que le peuple lui-même..."

Histoire de la Germanie en trois livres_Beatus Rhenanus_Rerum Germanicarum Libri Tres_Bâle_atelier de Froben_mars 1531_livre imprimé sur papier, en latin.

Le livre est annoté par Beatus : " Il faut dans toutes les disciplines qu'on prenne la vérité pour maître"

Par ses travaux scientifiques sa renommée parvient jusqu'à Charles Quint. Le 18 août 1523, à l'âge de 38 ans, il est anobli par l'empereur. Sa lettre d'ennoblissement précise qu'il est récompensé pour "son dévouement et sa fidélité et pour son expérience et sa science réputée, singulière et inépuisable."

Beatus par cet ennoblissement s'engage à rester fidèle à l’Église Catholique, et Charles Quint s'assure son soutien en précisant "afin que toi et ta postérité, vous soyez plus soumis et plus disposés à nous obéir à nous-mêmes"

Lettre d'annoblissement de Beatus Rhenanus par l’empereur Chrles Quint_18 août 1523. Document manuscrit sur parchemin, en latin_collection de Beatus Rhenanus.
Le 
20 juillet 1547, Beatus Rhenanus meurt à Strasbourg à l'âge de 62 ans. Quelques jours avant son décès il confie ses dernières volontés au bourgmestre de Sélestat, Gervais Gebwiler. Il souhaite être inhumé dans l'église St Georges de Sélestat et donner sa bibliothèque à sa ville natale. Elle est constituée de 423 volumes, contenant 1 287 œuvres et 41 manuscrits répartis dans divers recueils, auxquels il faut ajouter 33 manuscrits anciens et 255 lettres autographes. On y trouve aussi des travaux, des cahiers et des notes de cours.

Elle constitue un précieux témoignage de la culture et de l'enseignement humaniste de la Renaissance et constitue une des rares bibliothèque de cette époque presque intégralement conservée.

Œuvres_Johan Froben _1524/1526_St Jérôme_collection de Beatus Rhenanus.

Outre la collection de Beatus Rhenanus, la librairie est riche du fonds de la bibliothèque paroissiale qui a débuté en 1452 avec le don de Johannes von Westhuss, recteur de l’église paroissiale de Sélestat.

Elle est constituée d'ouvrages destinés à la célébration des offices et des livres qui servent à l’enseignement de l’école latine. Elle a été conservée dans l’église Saint-Georges.

En 1840, les fonds de la bibliothèque paroissiale et ceux de la bibliothèque de Beatus Rhenanus sont installés au 2e étage de la mairie, alors transformé en bibliothèque de lecture publique.

Elle comprend des manuscrits très rares. Les manuscrits étaient exclusivement réalisés par les moines copistes jusqu'au 12e siècle. Ils recopient et illustrent à la main des textes religieux et des textes profanes de l'antiquité.

Un copiste dans son atelier_histoire des nobles princes de Hainaut_Flandre, milieu du 15e siècle_BnF département des manuscrits français.

Du 4e au 8e siècle l'écriture utilisée est l'écriture onciale qui se caractérise par des lettres majuscules sans espace entre les mots. C'est la lecture à voix haute qui permet de donner du sens au texte.Au 9e siècle nait l'écriture caroline, imposée par l’empereur Charlemagne qui veut unifier les différentes écritures utilisées dans son empire. Cette écriture est composée uniquement de lettres minuscules qui permettent un travail de copie plus rapide.
A la fin du 12e siècle, l'écriture ressemble de plus en plus au style des cathédrales, c'est l'écriture gothique.
Au 13e siècle l'écriture gothique cursive est adoptée. Elle est utilisée pour l'usage courant des documents administratifs

La forme actuelle du livre nait en occident au 4e siècle, elle remplace le rouleau mais le support reste le parchemin (peau d'origine animale).

Ce manuscrit est le plus ancien livre conservé en Alsace. Le contenu et l'écriture laisse supposer qu'il provient d'Italie du Nord. Le lectionnaire mérovingien est composé d'un livre liturgique contenant 59 extraits de la bible. La seconde partie de ce manuscrit est une chronique universelle qui s'achève par la prise de pouvoir par les Lombards. Le texte est attribué à St Jérôme (345-420)

Lectionnaire liturgique dit Lectionnaire mérovingien_7e siècle_manuscrit sur parchemin en latin_184*123mm 78 feuillets.

Épistolier mérovingien_7e siècle_livre manuscrit sur parchemin en latin_écriture onciale.

Des vertus et des vices de Alcuin (731-804)_9e/10e siècle_livre manuscrit sur parchemin, en latin_reliure du 15e siècle, cuir et bois_collection de Beatus Rhenanus.

Ce manuscrit est un livre de prières du 12e siècle, il contient des prières individuelles. On ne connaît pas sa provenance mais il y a de nombreuses références à St Benoît, fondateur de l'ordre des bénédictins et l'emploi du féminin dans les prières laissent entendre qu'il s'agit d'un livre de prières de Bénédictines. Le livre est illustré de 20 miniatures dont 17 concernent la vie du christ.

Livre de prières_12e siècle_manuscrit sur parchemin en latin_145*80mm, 133 feuillets.

Livre des miracles de sainte Foy_11e-14e siècle_livre manuscrit sur parchemin, en latin.

Au 13e siècle, le développement des universités suscite un besoin croissant des livres, ce qui entraîne la création d'ateliers de copistes laïcs. A cette époque le papier remplace peu à peu le parchemin.

L'âme aimante de Otto Von Passau_texte copié par le cordonnier Sélestadien Jacques Leistenmacher_1430_manuscrit sur papier en allemand_écriture gothique cursive.

Écrit en 1286 par le dominicain italien jean de Gênes, le Catholicon comprend une grammaire latine et un dictionnaire de la bible. Le texte manuscrit est imprimé dès 1460 par Gutenberg et connaît 8 nouveaux tirages au 15e siècle. Cet incunable est probablement l'oeuvre de l'imprimeur strasbourgeois Adolphe Rusch, gendre du 1er imprimeur alsacien Johannes Mentelin.

Jean de Gênes_Catholicon_imprimé vers 1470, sur papier en latin.

Au 15e siècle on passe de l'incunable à l'imprimerie avec Gutenberg. C'est une révolution dans l'histoire du livre. Les humanistes se saisissent de cette nouveauté pour diffuser leurs idées à un plus grand nombre de lecteurs. Le contenu au départ essentiellement religieux va s'étendre à d'autres domaines comme les sciences et la littérature.

Bréviaire du diocèse de Strasbourg_15e siècle_livre manuscrit sur parchemin en latin_collection de la bibliothèque paroissiale_écriture gothique.

Sur la doctrine chrétienne ou de l'art de prêcher de Saint Augustin (354-430)_Strasbourg, Johannes Mentelin vers 1468_livre imprimé sur papier en latin.

Au 16e siècle on passe de l'incunable à l'imprimerie. Les incunables sont les livres imprimés avant 1501, ils ressemblent beaucoup aux manuscrits du Moyen-Âge. Les caractères mobiles en plomb reprennent la forme de l'écriture gothique utilisée sur les manuscrits. La mise en page est identique, le texte est écrit en noir sur deux colonnes. Les couleurs sont rajoutées à la main.

Au 16e siècle apparaissent les pages de titre, qui donnent des informations sur l'ouvrage, comme le titre, l'auteur... Les imprimeurs font appel à des graveurs pour la réalisation de cette page.

Johannes Mentelin ou Jean Mentel, né vers 1410 à Sélestat, est considéré comme le 1er imprimeur alsacien. Le 1er ouvrage à sortir de ses presses en 1460, est une bible en latin. Cette bible sort 3 ans après celle de Gutenberg. Les historiens n'ont pas de réponse à la question de savoir comment Mentel a eu connaissance de l'invention de Gutenberg.

"C'est un trésor qui n'a rien de banal que nous te présentons dans cet ouvrage, lecteur : la paraphrase sur l'évangile de Matthieu, conçue et éditée maintenant pour la 1ière fois par D Érasme de Rotterdam_Bâle, Johann Froben, 1522_livre imprimé sur papier en latin_reliure du 16e siècle cuir et bois.

Cosmographie universelle, en 6 livres de Sebastian Münster (1489-1552). Livre imprimé sur papier en latin_1554.

Dans la Librairie nous pouvons voir deux plaques d’infamie en langue allemande et langue latine, ces plaques témoignent d'une affaire entre catholiques et protestants. Placées sur le mur de la l'hôtel de ville elles visaient à couvrir de honte Schutz von Traubach. Pour se débarrasser du prévôt de Sélestat opposé à l'implantation du luthéranisme dans la ville, ce jeune noble a créé de toutes pièces un échange de lettres entre dirigeants des villes d'Enisheim et de Sélestat. Ces fausses lettres prouvaient la trahisons du prévôt de Sélestat, prêt à ouvrir les portes de la ville aux troupes autrichiennes d'Enisheim, pour arrêter et mettre à mort les partisans de Luther. La falsification a été prouvée et Schutz von Traubach a été écartelé après avoir été décapité le 28 novembre 1524.

Plaques d'infamie_grès sculpté_16e siècle.

Dans le hall d'entrée de la bibliothèque humaniste se trouve "Le livre du temps" conçu par l'ébéniste et marqueteur Pierre Petrovic de Sélestat, qui est un panneau à la forme ovale et courbe et qui enveloppe un livre ouvert flottant dans le cosmos. Les pages du livre représentent différentes écritures, hiéroglyphe, gothique, onciale... La double page centrale représente Sélestat à la Renaissance.

Pierre Petrovic, meilleur ouvrier de France en 1986 a réalisé ce tableau en marqueterie assemblé à la manière d'un puzzle.

Le parcours richement documenté et illustré de cette librairie a permis en suivant la vie de l’humaniste Beatus Rhenanus et à travers les livres exposés de découvrir l’histoire riche de la Renaissance.


Pour le texte : Paulette Gleyze

Pour les photos : Paulette, Anne et Gérard Gleyze

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