lundi 5 décembre 2022

Exposition "Amazonie, forêt monde" au Musée Dauphinois de Grenoble_27 mars 2022


Coiffe du cacique Raoni Metuktire_2012

Le 27 mars 2022, après la visite de l'exposition "Écorcée" au cloître du musée Dauphinois à Grenoble,

https://ballades-page3873.blogspot.com/2022/03/ecorcee-de-simon-augade.html

Nous nous sommes rendus à l'exposition "Amazonie(s), forêt-monde" qui s'est tenue jusqu'au 02 mai 2022 dans l'ancien couvent de l'ordre de la Visitation fondé au XVIIe siècle dans le climat de la Contre-Réforme.

Ce compte-rendu suit le parcourt de l'exposition qui se décompose en trois parties.

Elle présente tout d'abord l'Amazonie.

Puis, elle présente les collections ethnographiques évoquant la richesse des cultures ancestrales des peuples autochtones.

Elle se poursuit avec une présentation de l'exploitation intensive des richesses amazoniennes pour la plupart illégales, et souligne la lutte des autochtones pour résister aux désastres écologiques et aux exactions qui menacent l'écosystème amazonien désormais en grand danger.

L’idée que l’Amazonie serait une immense forêt vierge et sauvage peu propice au développement d’une civilisation a été véhiculée par les explorateurs et conquérants Européens à partir de 1500. Idée remise en cause aujourd'hui par les découvertes archéologiques.

La richesse culturelle et linguistique de l’Amazonie est diverse, par sa géographie et sa biodiversité.

C’est un territoire qui s’étend sur 7 millions de kilomètres carrés et comprend neuf pays : la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, la Guyane française, le Pérou, Le Suriname et le Venezuela.

L’Amazonie est largement recouverte de forêt.


Elle est un réservoir de biodiversité qui attise les convoitises depuis 1500.

On y trouve 15% des espèces végétales et animales de la planète : 430 espèces de mammifères, 1300 espèces d’oiseaux, 380 espèces de reptiles, 3000 espèces de poissons, 2,5 millions d’insectes et environ 40 000 espèces végétales dont 16 000 espèces d’arbres.

Elle est le réservoir de 20% de l’eau douce de la planète. L’Amazone avec ses 6 800 km est le plus long fleuve du monde.

Les populations autochtones ont été décimées et elles luttent toujours contre la colonisation persistante, par la transmission de leurs cultures, leurs pratiques et leurs traditions.

Aujourd’hui 410 peuples autochtones dont 82 peuples isolés vivent en Amazonie.

Le long du parcours de l'exposition nous découvrons des objets archéologiques, des photos, des récits, des témoignages sonores et des vidéos qui montrent les désastres écologiques et les conséquences sur les modes de vie et les traditions des peuples amazoniens.
On découvre les liens étroits des autochtones avec leur environnement et leurs croyances.

L'exposition commence par la présentation d'une riche collection d’objets archéologiques et des photos et objets ethnographiques.

Depuis une trentaine d'années, de nouvelles découvertes archéologiques détruisent l'image d'une Amazonie vierge et sauvage. La science atteste aujourd'hui la présence depuis 13 000 ans d'Amérindiens qui ont domestiqué la forêt et pratiqué l'agriculture.

Arte a publié un extraordinaire documentaire sur le sujet :

https://www.arte.tv/fr/videos/091124-000-A/amazonie-les-civilisations-oubliees-de-la-foret/

Dès le XVIe siècle, les premiers colons décrivent des villages peuplés de milliers de personnes sur les rives des fleuves, mais les explorateurs du XVIIIe siècle ne rencontrent que très peu de populations. C'est le résultat des microbes (variole, grippe, typhus, rougeole, diphtérie) amenés par les colons dès le XVIe siècle. Ces maladies ont fait disparaître entre 80% et 95% d'une population estimée entre 7 et 10 millions d'habitants. La culture et les traditions amazoniennes étaient exclusivement orales. Cette hécatombe humaine a entraîné la perte des traditions.

Au niveau archéologique l'exposition présente :
- un plat cérémoniel en terre cuite, 400-1350 de notre ère, provenant de l'île de Marajó au Brésil. La culture Marajoara se caractérise par des céramiques richement décorées.

- un cache-sexe ou tanga en argile cuite, 400-1350 de notre ère, provenant de l'île de Marajó au Brésil. Collection Musée des Amériques à Auch. Des tangas ont été retrouvés près des urnes funéraires, ce qui laisse penser à un usage rituel lors des inhumations.

- Des fragments d'urnes funéraires en argile cuite, 400-1350 de notre ère, provenant de l'île de Marajó au Brésil. Collection Musée des Amériques à Auch. Ces fragments décorés proviennent d'urnes funéraires destinées à recevoir les ossements des défunts. Après une décomposition naturelle du corps, les ossements sont placés avec d'autres objets dans des urnes enterrées dans d'immenses tertres artificiels. Ces sites funéraires permettent à l'âme du défunt de rejoindre les animaux et les hommes déjà passés dans le monde des esprits.

Bol cylindrique à décor anthropomorphe_400-1350 de notre Ere_île de Marajó, Brésil_argile et engobe

Jarre marajoara_400-1350 de notre Ere_Île de Marajó, Brésil_argile et engobe

En Amazonie Colombienne, se trouve une paroi peinte vers 11 000 avant notre ère. Le site archéologique est composé d'une dizaine d'abri sous roche et est considéré comme le Lascaux amazonien. Les peintures qui couvrent les parois évoquent les esprits de la nature.
Photo Stephen Rostain

Cet inhalateur en pierre, retrouvé en Amazonie inférieure, était probablement utilisé au XVe siècle lors de rites d'inhalations d'hallucinogènes en poudre. La consommation de narcotiques était liée aux pratiques chamaniques afin de pouvoir communiquer avec les esprits.
Inhalateur en pierre_2019_aquarelle de Stephen Rostain.

Reconstitution du système de champs artificiels surélevés et implantés dans les marais du littoral des Guyanes, il y a environ 1000 ans.
Village de cultivateur en Guyane_2015_aquarelle de Stephen Rostain.

Reconstitution d'un village précolombien de Guyane installé sur un banc de sable côtier. Le cimetière est dans un champ adjacent.
Reconstitution d'un village précolombien de Guyane_2009_aquarelle de Stephen Rostain

Cette urne anthropomorphe a été découverte dans le bas Oyapock, en Guyane Française. Cet objet était destiné à recevoir les ossements des défunts. Elle est datée d'avant le XVIe siècle.
Col d'urne funéraire en céramique peinte_2013_aquarelle de Stephen Rostain

Ces spectaculaires promontoires rocheux émergent de la forêt amazonienne en Colombie et mesurent jusqu'à 1 000 mètres. Situés sur le territoire contrôlé par les armées révolutionnaires de Colombie (FARC), ils n'ont été découverts que dans les années 1980 et révélés au XXIe siècle. Les parois rocheuses de tepuys ont été décorés pendant plus de 12 000 ans par les populations.
Le parc national de Chiriquete est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2018.
Les tepuys de Chiribiquete_2018_photo de Stephen Rostain

En 1492, avec la découverte de Cuba et Haïti par Christophe Colomb (et non pas de l'Amérique), commence la période des grandes découvertes. C'est le début de la colonisation de l'Amérique par l'Europe qui s'érige en puissance civilisatrice et affirme sa domination. C'est la course vers l'appropriation des territoires et de l'exploitation de leurs richesses.

Considérée comme Terre sans maître, l'Amérique est partagée en 1494 entre l'Espagne et le Portugal par le traité de Tordesillas sous l'égide du pape.

Le marin portugais Cabral découvre le Brésil en 1500. Suite à cette découverte, les marins français font le commerce du "bois de braise" ou "bois rouge" utilisé comme colorant pour le textile.

En 1541, les espagnols Gonzalo Pizarro et son cousin Francisco de Orellana partent à la recherche de la cannelle, épice plus précieuse que l'or.

Ils sont accompagnés de 340 espagnols dont 200 cavaliers et 4000 esclaves autochtones. Parti en éclaireur Orellana est emporté par l'Amazone. Le groupe épuisé et décimé par les 4 800 km parcourus au cœur de la forêt tropicale arrive à l'embouchure de l'Amazone en septembre 1542. C'est Gaspar de Carvajal, chroniqueur et membre de l'expédition qui a publié le récit de cette épopée .

En 1555, une expédition française menée par le protestant Nicolas de Villegagnon s'installe dans la baie de Rio et fonde la "France Antarctique".

Secouée par les guerres de religion, la colonie tombe dans les mains des Portugais en 1560. Une deuxième tentative de colonisation française a lieu en 1612 sous les ordres de Daniel de La Touche qui fonde la France Equinoxiale au nord-est du Brésil. Il en est délogé par les portugais en 1615. Des tentatives de colonisations de la Guyane menées par les français, les anglais, les portugais et les hollandais sont nombreuses.

La France fonde finalement Cayenne en 1643 et fait de Cayenne une colonie esclavagiste.

Cette carte enluminée, révèle les ambitions de la France en Amérique. Pierre de Vaulx, "pilote géographe pour le roi, y représente la France Antarctique...implantation (courte) de la France au Brésil dans la baie de Rio.
Carte marine de l'océan atlantique (détail-fac-similé)_1613_Pierre de Vaulx_BNF

Globe terrestre dit globe vert (fac-similé)_vers 1506_attribué à Marton Waldseemüller (1470-1520)_collection BNF

Dès le XVIe siècle, des témoignages se diffusent grâce à l'imprimerie. Les illustrations vont forger pendant longtemps les représentations de l'Amazonie. Les témoins et chroniqueurs sont confrontés à un monde inconnu et fantastique. Christophe Collomb évoque sa rencontre avec trois sirènes, Le père Gaspar de Carvajal raconte sa confrontation en 1542 avec des guerrières grecques, l'anglais Walter Raleigh a croisé des hommes sans tête aux yeux fixes. Autant de récits imaginaires et fantasmés.
Ces ouvrages décrivent l'Amazonie peuplée de monstres mais aussi comme une promesse de richesse... on connaît la suite !

André Thevet, aumônier catholique, participe à la fondation de la 1ère colonie française aux Amériques et devient célèbre avec cet ouvrage. Il fait des descriptions du manioc, de l'ananas, de l'arachide, de la noix de cajou et du tabac. En contact avec les Tupinamba d'Amazonie, il décrit des scènes d'anthropophagie rituelle.
Les Singularités de la France antarctique, autrement nommée Amérique_1557 (édité en 1558)André Thevet_collection BNF

Ce livre est une réponse faite par Jean de Léry au livre d'André Thevet, 20 ans après sa parution.
Le protestant Léry qui séjourne aussi en Amazonie s'oppose au catholique Thevet en pleine guerre de religion et dénonce les erreurs véhiculés par Thevet dans son livre. Leurs visions divergent notamment sur le cannibalisme des Tupinamba que Lévy replace dans un contexte rituel de guerre. Il en profite pour dénoncer la Saint Barthélémy en France, le massacre des innocents, bien plus barbare selon lui que le rituel tupinamba.
Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, autrement dite Amérique_1578 (publié en 1580)_Jean de Léry_collection BNF

Las Casas (1474-1566), prêtre, puis moine dominicain participe à la conquête espagnole avec pour but l'évangélisation des populations locales. S'élevant contre les méthodes et les effets de la conquête, il prend la défense des amérindiens, dénonce l'esclavage et le travail forcé des autochtones. De retour en Espagne, il rédige l'histoire des Indes, dont il fait un résumé dans "La brève relation de la destruction des Indes".

Brevissima relacion de la destrycion de las Indias_1552_Bartolomé de las Casa_collection bibliothèque municipale de Lyon

Cet épisode est une célébration idéologique, à savoir de l'expansion de la foi chrétienne, plutôt que celle de la découverte d'un nouveau continent. C'est un décor idyllique pour une rencontre pacifique entre conquistadors et autochtones, bien loin de la réalité historique. Christianisme, humanisme et romantisme ont servi le mythe de Christophe Colomb à partir du XVIIe siècle.
La première messe en Amérique_1850_Pharamond Blanchard_huile sur toile

La célébration des exploits a occulté la violence de la colonisation sur les peuples indigènes, et a caché la face sombre de la "découverte" de l'Amérique par les Européens qui ont mené à une conversion forcée les Amérindiens, les ont réduit en esclavage et ont exploité massivement leurs ressources.
La colonisation a entrainé l'extermination quasi-totale des populations autochtones, décimées par les maladies importées d'Europe, par la violence et le travail forcé. 80 à 95% de ces populations disparaissent entre 1492 et 1600.
Aujourd'hui on parle de génocide pour évoquer cette page de l'histoire.
Les peuples autochtones qui vivent aujourd'hui en Amazonie ont su préserver leur culture ancestrale.

On estime qu'il y a environ 400 ethnies et 200 langues parlées en Amazonie. Au niveau croyance, ils partagent l'animisme, c'est à dire une croyance selon laquelle un esprit anime tous les êtres vivants, hommes, animaux, végétaux... et le chamanisme permet la médiation entre les êtres humains et les esprits. Cependant chaque ethnie a sa singularité, ses traditions et son organisation sociale.

La naissance d'un enfant est un grand évènement. Pendant les premières années de sa vie, l'enfant reste en contact physique avec ses parents. Au sevrage, il acquiert une totale liberté. L'éducation est fondée sur l'autonomie. L'apprentissage est fondé sur l'observation, l'écoute et la participation. Les garçons s'éduquent à la chasse et à la pêche avec leurs aînés et les filles se forment au transport de l'eau et à la culture du manioc.

Les rites d'initiation marquent le passage de l'enfance à l'âge adulte et l'entrée définitive dans la communauté.

Les initiations sont marqués par des jeûnes, piqûres d'insectes, scarifications, circoncisions, perçage du nez des lèvres et des oreilles, limage des dents. L'initié pour marquer sa bravoure ne doit pas montrer sa douleur.

La cérémonie d'imposition du nom peut durer plusieurs mois. Au fur et à mesure que se rapproche la cérémonie, les jeunes enfants reçoivent de plus en plus d'ornements.

Groupe de jeunes hommes portant des coiffes Rahetô du peuple Iny dit Karajà au Brésil en 2008.

Le diadème est porté par les hommes et les femmes Kayapo lors de la cérémonie d'imposition du nom. Il est maintenu à l'aide d'un disque fixé à l'arrière de la tête avec une lanière d'écorce entourant le front. Chez les Kayapo, les noms sont empruntés à la nature. Les chamanes entrent en contact avec les esprits de la nature et révèlent aux parents le nom de l'enfant. Les grandes cérémonies s'appellent des mereremex c'est à dire "les gens qui déploient leur beauté".

Ce diadème Krôkrôkti date de la fin du 20e siècle. Il est en plumes d'ara rouge, bleu et d'hyacinthe, de harpie féroce et de fibres végétales (musée d'histoire naturelle de Lille).

Rahetô signifie "la maison de la tête". Passé 14 ans le garçon Iny est considéré comme un adulte et a le droit de porter le diadème.
Coiffe rahetô_fin 20e siècle_peuple Iny, dit Karajà_Brésil_collection musée d'histoire naturelle de Lille

Pagne porté exclusivement par les hommes lors du rite de passage des garçons du hetohoky.
Pagne fin du 20e siècle_peuple Iny, dit Karajà_Brésil_plume d'ara et perroquet , fibre végétal, nylon, plastique_collection musée d'histoire naturelle de Lille

Couronne portée par les jeunes garçons lors des rites d'initiation.
Couronne du 20e siècle _paille, fils de coton, cire d'abeille, plumes d'ara rouge_collection musée d'histoire naturelle de Lille

Chez les Apyawä ou Tapirapé, un garçon candidat au rite de passage laisse pousser ses cheveux, ne joue plus avec les autres adolescents, respecte une abstinence sexuelle, est attentif aux conseils de son père et modifie son régime alimentaire. Cette coiffe est portée lors de la dernière phase de l'initiation et permet au jeune homme de représenter "l'homme Apyawä" parfait.
Jeune homme Tapirapé lors d'un rite de passage_2017_peuple Tapirapé_Brésil-collection musée d'histoire naturelle de Lille

Couronne constituée de coton, plumes de hocco, d'aigrette, d'ara rouge, d'ara bleu, de cacique, de l'écorce de bambou et du bois.
Couronne, manteau, brassards et collier_2017_peuple Tapirapé_Brésil

Plusieurs rites d'initiation permettent aux jeunes filles et garçons d'intégrer la communauté en prouvant leur courage. Le rite Eputop consiste à subir les morsures des fourmis placées dans une natte et à rester impassible à la douleur. Cette épreuve se répète plusieurs fois durant la vie. Les nattes à fourmis sont fabriquées avec de la cire d'abeille, de l'écorce de bambou, de plumes d'aras bleu et rouge, de plumes de poules et de perroquets, du coton et des fourmis.
Natte à fourmis kunana_fin du 20e siècle_peuple wayana_Brésil_collection musée d'histoires naturelles de Lille

Les poupées décorées de motifs corporels et d'ornements traditionnels sont des jouets pour enfants. Elles représentent des scènes de vie quotidiennes, des rituels et des personnages mythiques. Elles sont en argiles, roucou, plumes et bois.
Poupées_fin du 20e siècle_peuple Iny, dit Karajà_Brésil_collection musée d'histoires naturelles de Lille

L'habitat amérindien, s'adapte aux conditions géographiques et climatiques. Il est construit à partir des matériaux issus de la forêt : bois, palmes, lianes... Il est toujours bâti collectivement. Le village est construit autour d'une place centrale permettant de se réunir pour échanger et pour célébrer les rites et cérémonies.

Les Kayapo voient dans cette place le centre de l'univers.

La forêt alentour est perçue comme un lieu antisocial où les hommes se transforment en animaux et en esprits.

L'habitat est meublé sobrement avec des hamacs, des bancs, des nattes de paille, des paniers...


Dans cette vitrine sont réunis un certain nombres d'objets traditionnels.

Cette vannerie est utilisée dans le traitement des tubercules de manioc. Après avoir été lavée et râpée, la masse de manioc est pressée dans ce cylindre pour évacuer les sucs toxiques. Cette corvée est réservée aux femmes qui y consacrent une bonne partie de leur temps.
Hotte Wii_fin du 20e siècle_peuple Yanomami, Venezuela_bambou, colorant végétal, jonc_collection Jabiru Prod

Egouttoir en vannerie pour faire sécher au soleil les tubercules de manioc.
Egouttoir à manioc_fin du 20e siècle_peuple Awaete, Brésil_bambou, coton, palme_collection musée d'histoire naturelle de Lille

Râpe à manioc confectionnée dans le stipe (tige ligneuse) d'un palmier bâche. Elle est utilisée par les femmes pour le traitement des tubercules de manioc. Le manioc est à la base de la nourriture amérindienne. Il peut être mangé en farine ou en galettes.
Râpe à manioc_fin du 20e siècle_peuple Awaenê-nawê, Brésil_bois_collection Jabiru Prod


Ce panier sert à ranger les objets usuels. Il est fabriqué par les hommes.
Panier tsiwotsi_fin du 20e siècle_peuple Ashaninka, Brésil et Pérou_Fibre végétale, bois, coton_collection Jabiru Prod

Confectionné par les hommes, ce panier sert essentiellement à stocker les plumes qui seront utilisées pour les parures et les coiffes.
Panier rara_fin du 20e siècle_peuple Mebêngôkre, dit Kayapo, Brésil et Pérou_pétioles et feuilles de palmier babaçu_collection Jabiru Prod

L'activité principale des Amérindiens est la quête de nourriture. Ils prélèvent ce qu'ils ont besoin dans l'environnement, ils cultivent la terre, notamment le manioc. Les communautés pratiquent la cueillette, la pêche et la chasse pour se nourrir et se soigner. La pêche impose aux Amérindiens la mobilité selon les crues et les décrues. Ils utilisent nasses, filet, piège pour les petites proies, l'arc et l'hameçon pour les poisson de tailles moyennes et le harpon pour les grosses prises.

La chasse est une activité prestigieuse qui sert à se nourrir mais aussi à se fournir en matériaux comme les plumes, les peaux, les dents, les griffes et les os.

Ces activités sont réparties entre les hommes et les femmes en fonction de rites et des croyances.

Photographie d'un jeune garçon pêchant à l'arc_2007_peuple Yawalapiti_Brésil


Une large présentation est faite sur les outils et les instruments pour la pêche et la chasse, l'habillement et ses ornements.

Sarbacanes, appeaux, carquois, arcs, flèches, pointes de flèches, fléchettes, petits poignards, résine, pots à curare, pelote de fibres végétales...


Chez les peuples amazoniens, les peintures et l'ornementation corporelles sont un art raffiné et codifié. L'importance du corps, sa transformation et sa décoration sont au cœur de l'organisation sociale, des rites et des cérémonies.

Le corps est le support d'une expression artistique qui leur permet de se connecter avec le monde végétal, animal ou des esprits.

Ils maîtrisent l'art de la plume en utilisant la diversité des espèces d'oiseaux : toucan à bec rouge, ara hyacinthe, ara rouge, ara bleu, ara macao.

Les cérémonies pour les naissances ou pour les rites initiatiques sont l'occasion d'une riche ornementation du corps.

Des ceintures de guerriers, des sonnailles, des pagnes, des ornements de tête, des colliers, des ornements de cous, des bracelets, des coiffes sont présentés dans des vitrines. Des oiseaux empaillés dont les autochtones utilisent leurs plusmes










Cette coiffe est composée de cinq parties distinctes et portée par les hommes pour les cérémonies. Les femmes la portent lors d'une cérémonie exclusivement féminine. Elles retirent les plumes de l'arrière. Elles inversent les rôles et miment les hommes.
Coiffe Akangetat_fin du 20e siècle_peuple Kamaiurà_Brésil_fibre végétale, bambou, plumes de toucan, de cassique, d'ara rouge et de harpie féroce_collection musée d'histoire naturelle de Lille

Un cimier àkkàpa-ri du peuple mebêngrôkre du Brésil du XXe siècle. Le cycle agraire donne lieu à la célébration des rites, dont la fête du maïs, au cours de laquelle les hommes portent un bonnet en cire surmonté d'un cimier en plumes blasonné aux couleurs du propriétaire.


Chez les Mebêngôkre, seules les femmes peuvent peindre le corps des enfants. Elles consacrent des heures à dessiner et peindre des animaux, des plantes et des éléments naturels. Ces peintures éphémères disparaissent en une semaine. Elles sont renouvelées régulièrement car pour eux le corps doit être toujours peint.
L'art de peindre le corps_2018_peuple Mebêngokre_Brésil

Rite initiatique de sarification_2007_peuple Yawalapiti_Brésil_2018_peuple Mebêngokre_Brésil



Les peintures corporelles ont une grande place dans les société amérindiennes. Elles sont réalisées lors des naissances, des cérémonies d'initiation, des mariages et lors de tous les rituels, les motifs sont en lien avec la nature. Les tampons sont imprégnés d'une substance de roucou (graine qui produit une teinture rouge) qui s'efface au 1er bain. Ils utilisent aussi le jus noir du fruit du génipa.

Tampons pour tatouage et un scarificateur_fin du 20e siècle_peuple E'nepà dit panare, Venezuela bois et résine_collection musée d'histoire naturelle de Lille

La guerre est une pratique courante chez les peuples amazoniens. Les armes sont variées et adaptées à chaque type de combat : arc et flèches empoisonnées, lance, massue, hache, couteau... Dans les culture amazonienne, il est admis que le monde est peuplé d'ennemis physiques ou spirituels. La mort n'est jamais considérée comme un évènement naturel mais comme l'intervention d'un esprit malfaisant ou un mauvais sort jeté par un sorcier.

Lees combats permettent d'affirmer son courage et sa force devant la communauté et de régler certains conflits.

Ce masque représente l'esprit d'un ennemi au combat. Il est porté lors d'un rite mimant les combats historiques qui opposaient les Apyawä aux Karajà et aux Kayapo leurs ennemis. Les couleurs indiquent l'appartenance ethniques de la victime. La cérémonie se conclue sur la victoire des Apyawä.
Masque Ypê_20e siècle_peuple Apyawä dit tapirapé_Brésil_plumes d'ara rouge, d'ara bleu et de rapace, bambou, os, cire d'abeille, résine, coton, nacre_collection musée d'histoire naturelle de Lille


Le peuple Shuara, nommé Jivaro par les conquistadors au XVIe siècle, signifie "sauvage". Les têtes réduites avaient une fonction rituelle. Réalisées selon un processus minutieux elle permettaient de conserver la tête et les cheveux du guerrier tué au combat et d'emprisonner son âme pour la rendre inoffensive.
Tête réduite Tsantsa_peuple Shuar_Equateur, Pérou_peau et cheveux humains_collection Antoine de Galbert_Paris

Les Amérindiens divisent l'univers en plusieurs paliers peuplés d'esprits de la nature et d'esprits des ancêtres. le chamane est le médiateur entre les deux mondes.

Il a la capacité, grâce à des rites et des substances hallucinogènes, d'entrer en contact avec les esprits.

De par ces pouvoirs, il a une place éminente au sein de la communauté, et a le devoir d'assurer l'équilibre dans la communauté. il accompagne les membres de la communauté jusqu'à leur mort, que les Amérindiens ne considèrent pas comme une fin. L'esprit des défunts rejoignent l'au-delà et continuent à communiquer avec les vivants.

A gauche de la photo, un plat de la mort et son présentoir. Lorsqu'un Yanomani décède le groupe organise une grande cérémonie durant laquelle le corps du défunt, enveloppé dans un hamac, est brûlé. Pendant la crémation, les femmes pleurent et les hommes crient pour chasser les mauvais esprits. Puis les cendres sont mélangés à une purée de banane consommé par les proches afin que l'âme perdure éternellement.

La coiffe au centre est portée lors de la cérémonie funéraire. Elle est incinérée avec le mort.

Le manteau de chamane, à droite, est porté par le chamane pendant la cérémonie.

Les masques de cérémonies sont utilisés lors des cérémonies mortuaires mais aussi pour la cérémonie qui a lieu chaque année au début de la saison des pluies.

L'Amazonie est aujourd'hui menacée car la colonisation a engendré une exploitation qui nuit à son équilibre.
A la fin du XIXe siècle, elle a connu l'exploitation intense de l'hévéa suite au développement de l'industrie automobile, gourmande en caoutchouc. Au XXe siècle l'exploitation destructrice s'étend à l'agriculture, à l'élevage, à l'industrie minière... qui entraine une déforestation massive.

Le cadre légal, censé protéger les territoires des autochtones, est contourné en toute impunité.

En 2019, 90 000 départs de feux, souvent volontaires, ont été recensés. L'objectif est de défricher des terres en vue d'une activité agro-industrielle.

20% de la forêt amazonienne a été détruite. C'est le seuil critique qui met en danger sa régénération.
Cette déforestation perturbe la biodiversité de manière irréversible et menace la survie des peuples implantés sur leurs territoires ancestraux.

Victor Moriyama, photojournaliste indépendant dénonce l'impunité avec laquelle la déforestation s'organise en Amazonie Brésilienne sous la présidence de Jair Bolsonaro.

L'Amazonie sans loi_2019_Brésil_réalisation Victor Moriyama

Au Brésil, l'exploitation du bois précieux est contrôlée par des inventaires. Chaque exploitant doit déclarer le nombre d'arbres présent sur sa parcelle afin de pouvoir les abattre, mais les chiffres sont surestimés et permettent aux trafiquants de bois de compléter leur stock en coupant du bois illégalement en zone protégée. Ce bois illégal est exporté légalement, notamment en Europe, pour la fabrication de terrasses, meubles et parquets.
Vue aérienne d'une scierie illégale dans le territoire autochtone d'Alto Rio Guama_Brésil_24-03-2017_photo Lalo de Almeida-the New-York Times

Le Pérou est le sixième producteur d'or mondial avec 140 tonnes d'or produites chaque année. Une partie de cette production est illégale avec une hausse de 670% du nombre de chantiers clandestins depuis 35 ans. Les garimpeiros, les orpailleurs illégaux, emploient des techniques agressives pour extraire ce minerai, comme l'usage du mercure pour isoler les particules d'or. Le mercure pollue les eaux et les sols menaçant l'équilibre environnemental et la santé des habitants.
Photographie d'une zone déboisée prise pendant l'opération "Mercure" destinée à lutter contre l'orpaillage clandestin_Région de Madre de Dios_Pérou_20 février 2019

Les méga-barrages sont aussi une source de nombreux dommages pour le Brésil. En 2019, le président Bolsonaro a inauguré le barrage de Belo-Monte, situé sur la rivière Xingu en Amazonie Brésilienne. Il est le 4e plus grand barrage au monde et produit 11% de l'électricité du pays.

Présenté come un facteur de développement, il est en réalité source de dommages : pollution au méthane par la stagnation des eaux, inondations incontrôlées dans les villages autochtones et déplacements des populations dans les villes.
vue arienne du barrage de Belo Monte_Brésil_12 mars 2016_photographie Todd Southgate

Depuis 1990, la monoculture intensive du soja a modifié l'occupation des sols. Le Brésil est le deuxième producteur mondial de soja et le premier exportateur mondial. La culture du soja sur les terres récemment déboisées est en principe interdite depuis 2006, mais les mesures sont contournées en occupant officiellement les terres par l'élevage bovin, mais en réalité très rapidement investies par la culture du soja.
Plantation de soja à Sinop, Etat du Mato Grosso_Brésil_03 mars 2021_photo Victor Morjama

Le Brésil est le premier producteur mondial de viande bovine. Si les multinationales du pays se sont engagées à ne pas acheter du bétail issu de de zones récemment défrichées, des troupeaux sont toutefois élevés sur des terres protégées ou des terres autochtones. L'élevage illégal est la première cause de la déforestation. Cette production vise surtout à satisfaire la demande européenne. Le Brésil fournit entre 25 à 40% de viande bovine à l'union Européenne.
Bétail dans une ferme sur fond d'incendie

Depuis plus de 500 ans, les amazoniens subissent les effets d'une colonisation qui n'a pas réellement pris fin. Mais ils résistent et luttent.

Leurs droits ont été reconnus par des textes légaux comme les Constitutions des pays amazoniens en 1988, la déclaration des Nations Unies de 2007. Ces règlementations sont censés protéger leurs droits mais elles sont bafouées et détournées au profit d'intérêts économiques et financiers.

Depuis 1980, une forte mobilisation des peuples amérindiens a émergé en réaction aux violations de leurs droits. Des manifestations, des tournées diplomatiques, l'activisme... sont autant de moyens pour donner corps à leur lutte.

Des autochtones de toute l'Amazonie se rassemblent lors de grandes manifestations pour réclamer le respect de la démarcation de leur territoire envahi par des exploitants illégaux. lls ajoutent à leurs manifestations une valeur symbolique en portant leurs costumes traditionnels et en chantant leurs chants rituels. Au delà d'un territoire, ils veulent préserver leurs cultures et leurs modes de vie.

Des femmes autochtones photographiées avant le départ de la marche des femmes autochtones du 13 août 2019. En tendant une main rouge sang, les femmes dénoncent les exactions commises sur leur territoire et exigent la fin de ce qu'elles considèrent comme des politiques "génocidaires".
Les manifestations autochtones_Brésil_photographie Delphine Fabri-Lawson






Face à l'impunité du trafic de bois illégal, les Guajajara ont créé un groupe armé des Gardiens de la forêt, organisé en milices indépendantes pour remplacer la police inefficace. lls mènent des opérations pour expulser les trafiquants, brûlent leur matériel... mais la lutte est inégale et dangereuses. Plusieurs membres ont été assassinés par les trafiquants.

Ce portrait de groupe de Gardiens de la forêt a été pris lors d'une action de démantèlement d'un camp de trafiquants de bois.
Gardiens de la forêt Guajajara_2020_Brésil_photographie Delphine Fabri-Lawson

En 1989, le cacique (chef amazonien) Raoni Metuktire accompagné du chanteur Sting, lance une première tournée mondiale pour montrer la lutte pour la préservation de l'Amazonie. En 2019, une délégation de huit responsables autochtones s'est rendue en Europe dans le cadre de la campagne "Sang Autochtone : pas une goutte de plus". Les tournées diplomatiques se multiplient afin de sensibiliser l'opinion publique et à faire pression sur les Etats pour faire respecter les textes internationaux de protection de l'environnement et le droit des peuples autochtones.

"Urgence Amazonie", qui s'est tenue du 29 novembre au 16 décembre 2012, est l'une des tournées diplomatiques européennes auxquelles à participer Raoni. Elle était soutenue par de nombreux acteurs comme Planète Amazone, la Fondation Nicolas Hulot ou encore Amazon Watch.
Cacique Raoni Metuktire lors d'une tournée diplomatique européenne_2012_phtographie Patrick Hertzog

La coiffe en plumes d'ara jaunes de Raoni, comme son plateau labial sont devenus des signes distinctifs du célèbre cacique. Portée lors de ses tournées internationales, elle est le symbole de la communauté Kayapo.
Coiffe du cacique Raoni Metuktire_2012
_plumes de cacique cul_jaune, hocco et ara rouge_collection Ido Tikuna

Entre 2013 et 2015, le photographe français Miquel Dewever-Plana est parti en Guyane française à la rencontre des Amérindiens. De ces échanges privilégiés, il a pu les a photographié en tenue traditionnelle et occidentale. Il a recueillit des témoignages qui interrogent sur l'identité. Est-il possible d'être français et amérindien ? En Guyane française se trouvent environ 10 000 Amérindiens appartenant à six peuples différents. Il a rencontré un monde fragilisé et des culture en mutation.

Ses témoignages sont l'écho d'un profond malaise qui touche les populations amérindiennes : pertes des repères traditionnels, perte de la culture et des langues locales, rôle de l'école de la République qui contribue à rompre les liens et la transmission des savoirs, chômage, racisme, suicide chez les jeunes...

La question cruciale est st de savoir si les Amérindiens peuvent encore conserver leur identité, leurs traditions devant l'occidentalisation croissante ?






Très belle exposition qui a montré la richesse de la culture ancestrale des autochtones d’Amazonie, et comment ils luttent et résistent depuis 1980 pour leurs droits, leurs traditions et la préservation du milieu naturel.

Elle nous a montré aussi combien l'Amazonie est soumise à un pillage massif de la forêt qui entraine un désastre écologique et une menace pour l'écosystème.

20% de la forêt a disparu, et l’équivalent de 200 terrains de foot disparait toutes les heures.

Depuis 2021, la forêt amazonienne brésilienne émet plus de carbone qu’elle n’en absorbe.

Il faut la protéger.




Texte de Paulette Gleyze

Photos de Paulette et Gérard Gleyze










Cette exposition immersive propose des collections ethnographiques évoquant la richesse des cultures ancestrales des peuples d’Amazonie. Tout autant que leur lutte pour résister aux désastres écologiques et aux exactions qui menacent cet écosystème désormais en grand danger.


Cette exposition immersive propose des collections ethnographiques évoquant la richesse des cultures ancestrales des peuples d’Amazonie. Tout autant que leur lutte pour résister aux désastres écologiques et aux exactions qui menacent cet écosystème désormais en grand danger.






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